Inadmissible. Le seul mot qui lui vient à l'esprit tandis qu'elle sent la colère – non, la rage – l'engourdir. La rage ? Elle n'en est plus si sure. « Ne serait-ce pas plutôt du… désir ? » chuchote perfidement l'ignoble invention du Dieu tout puissant, nommée plus communément « conscience ». Elle l'observe. Il joue avec ses cheveux d'un blond presque blanc, il les ramène vers l'avant, vers l'arrière, dans un vas et viens incessant tandis qu'il sourit nonchalamment à son ami. Thomas. Lui non plus, c'est définitif, elle ne peut pas le supporter. Mais le pire, le Pire, c'est Lui. Elle l'observe. Non, il ne faut pas. Il ne faut pas, ne lui donne pas ce plaisir… Plaisir. Il lui jette un coup d'œil. Inadmissible. Comment peut-on oser, peut-il oser, exhiber ainsi cette peau plus pâle que la neige, ces yeux plus sombres que les ténèbres, ce sourire plus malsain que la tentation ? Ses lèvres charnues s'étirent en un ce célèbre rictus. Le rictus Malefoy. Il joue avec un stylo. Le lance, le rattrape, sans le regarder. Puis, enfin, elle croise son regard. Aimanté. Elle se bat, se combat, cherche à ne pas se perdre dans la nuit de ses yeux. C'est trop tard, elle le sait. Et elle tremble de lire dans ses prunelles de ténèbres qu'il sait aussi. Mais il ignore, et c'est cela qui fait sa force, sa force à elle. Non, elle n'est pas faible. Et si le jeu est dangereux, elle en connait tout autant les règles que lui. Ce regard… Il la déshabille, le voyeur. Inadmissible, toujours. Et pourtant admis. Car elle l'aime autant qu'elle le déteste, ce regard. Il la fait passer de l'autre côté, du côté démoniaque, vers les flammes de l'enfer. Tentation, attirance. Deux mots trop fascinants pour ne pas y céder. Ses yeux se détachent du vert pétillant des siens à elle, descendant plus bas qu'il ne le faut, et il lui semble soudain que le monstre voit sous sa jupe, sous son chemisier ; qu'il admire avec indolence son soutient gorge aussi flamboyant, aussi sensuel, que sa propre chevelure. L'insolent ! Mais elle aussi, elle profite. Elle caresse du regard ce corps masculin par trop désiré. Elle imagine son torse par delà sa chemise d'un blanc immaculé, hypocrite. Elle voit, elle aussi. Elle tente et ne se méfie plus. Ou plutôt, si, elle reste méfiante. Et elle sait qu'il n'avancera pas, et ne viendra pas frôler avec luxure sa joue, sa peau de pèche si enfantine encore, en tentant de la faire s'empourprer de cette merveilleuse et inimitable rougeur signée Weasley. Chevelure rousse, et couleur de feu, la marque de fabrique. Presque aussi reconnaissable que le blond légendaire de l'Apollon qui l'observe. Leurs yeux se croisent de nouveau. Et, à contrecœur, violente tant contre elle que contre lui, elle détourne le regard. Elle sait qu'elle aura mal s'il se détache le premier. Comme elle sent qu'il a mal, là, maintenant, blessé qu'il doit être dans son orgueil immesuré de n'avoir été celui qui sépare, mais celui qu'on rejette. Oh quelle fierté, un amour propre qui vaut bien celui de la belle rousse. Une suffisance qui les pousse vers ce désir charnel, qui les force à dépasser les limites de la convenance par ces regards sensuels, destinés à tenter l'autre. Et qui le tente, oui, qui la tente ! Tous les deux. Et trop fiers pour se l'avouer, ils s'enferment dans leur orgueil de verre qui se fissure, peu à peu, se fissure face à l'arrogance de l'autre, face à l'attirance qui se renforce, qui les contraint à se faire violence ; toujours plus loin dans le jeu de la sensualité, toujours plus loin dans l'affront de leurs faiblesse, dans la tentation de l'autre, dans le risque de se perdre.