Un dortoir à partager
Je fermais brièvement les yeux afin de me calmer. Sans succès. L'image de deux grands yeux bruns brûlants de fureur s'imposèrent à moi. Encore. Et je savais parfaitement pourquoi. Plus tôt dans la journée, j'avais eu une altercation avec la miss je-sais-tout de Poudlard : Hermione Granger. Ce n'était pas la première fois qu'une dispute éclatait entre nous deux, et certainement pas la dernière. Mais cette fois-ci, la Gryffondore avait riposté plus férocement que d'habitude. Elle qui se contentait habituellement de se défendre avait décidé de contre-attaquer. Et la jeune fille étant qui elle était, elle avait évidemment touché une corde sensible. Elle avait réussi, même si je préférerais mourir que de l'avouer, à faire en sorte que moi : le grand Drago Malefoy, je me sente vulnérable. Bien entendu, personne ne s'était rendu compte qu'elle m'avait déstabilisé.
Le masque de froideur et d'arrogance des Malefoy, plaqué sur mon visage en permanence, avait évité à ma réputation d'en être ébranlée. Et pourtant, les paroles de la Gryffondore s'étaient insinuées sous mon masque, dans lequel je plaçais sans relâche tant d'efforts. C'était épuisant de toujours paraître, sans jamais vraiment être. Mais c'était le prix à payer quand on portait mon nom de famille. Je l'avais appris à mes dépends il y a déjà bien longtemps.
Les yeux remplis de colère de ma Némésis ne cessaient de s'infiltrer sous mes paupières. Sans ma permission. A peine cette pensée effleura-t-elle mon esprit, que je sentis une vague de colère froide me submerger. J'étais un Malefoy et en tant que tel, il était inacceptable que les souvenirs d'une simple dispute entre adolescents me tourmentent ainsi. Ce n'était pas digne de moi. Je me devais de tenir mon rang. Encore et toujours. Envers et contre tout. Envers et contre tous. Envers et contre moi-même. La colère qui brûlait en moi se transforma alors en pure détermination. Rien ne viendrait hanter ma conscience sans mon accord. Certainement pas cette satanée Gryffondore, déjà si présente dans ma tête. Et surtout pas maintenant. Je fis donc ce que je faisais de mieux : je refoulais mes pensées – et les sentiments qui les accompagnaient – dans une partie reculée de mon esprit. Lorsque je rouvris les yeux, toute trace d'humanité avait déserté mes prunelles acier. J'étais un parfait Malefoy. Le parfait petit soldat prêt à obéir aux ordres. Après tout, avais-je un jour eu le choix ? Bien sûr que non. J'ajoutais donc le dernier ingrédient à la potion que je préparais sans relâche depuis plusieurs heures, comme on me l'avait ordonné. Une fumée d'un bleu électrique s'échappa de mon chaudron et se répandit dans la salle de classe vide où je me trouvais.
Je compris immédiatement que quelque chose n'allait pas. J'avais du commettre une erreur dans l'élaboration de ma potion puisqu'en aucun cas cette fumée n'aurait du être bleue. J'avais pourtant été choisi pour mon excellent niveau en potions. Ce qui ne m'avait apparemment pas empêché d'échouer lamentablement. Je sortis de mes pensées et reculai d'un pas en entendant un crépitement inquiétant. La fumée, à présent parcourue d'éclairs, semblait tellement vivante que je fus un instant tenté de la toucher. Je me surpris à sourire en pensant à toutes les personnes que mon échec allait sauver. Et à grimacer en pensant à toutes celles qu'il allait décevoir. Puis le chaudron explosa. « C'est encore moi qui vais payer le prix fort. » fut ma dernière pensée cohérente, avant de sombrer dans l'inconscience.
