Yuri se sentait euphorique. Son bras posé sur l'épaule de Victor qui le maintenait par la hanche et le soutenait dans le couloir menant à leur chambre d'hôtel. Félicité de tout côté, il avait trinqué avec un tas de gens si bien que sans s'en apercevoir il s'approchait dangereusement de son état du banquet de l'année précédente. Victor sourit en pensant au moment où Yuri avait affirmé qu'il n'avait pas osé lui adresser la parole et à son air gêné en découvrant les photos de ses frasques. Enfin il est vrai que niveau alcool et cuites, il n'avait guère de leçons à donner. Il crût saisir des propos incohérent sur sa médaille d'argent... que d'argent.
Quand il le déposa sur l'un des lits avant de l'y rejoindre, le japonais émis un long soupir de lassitude.
- Tu es un peu déçu quand même non ?
- Oui !
- C'est compréhensible, à 0,12 de l'or.
Il afficha un air espiègle et répondit :
- C'est pas pour ça que je suis déçu... enfin pas vraiment.
- Ah non ? Pourquoi alors ?
Les joues de Yuri rosirent légèrement et il détourna le regard.
- Ben... pas de médaille d'or, pas de mariage.
- Oh !
Il marqua une pause puis plongea son regard dans celui de Victor avant d'ajouter :
- Et pas de mariage... pas de nuit de noces !
Victor sourit, l'enlaça tandis que le plus jeune s'était allongé sur lui et posa un baiser sur son front.
- Dors, tu as un peu trop bu.
Il plongea une main dans les cheveux de Yuri, faisant doucement glisser les mèches noires entre ses longs doigts tandis que l'autre allait et venait le long de sa colonne vertébrale, de sa nuque jusqu'au creux de ses reins. Yuri soupirait d'aise, les mains du russe lui procurant de délicieux frissons.
Au matin, un rayon de soleil vint chatouiller le nez de Yuri à travers la fenêtre. Il regarda autour de lui et mis du temps à réaliser où il était. Il se remémora la veille, les souvenirs étaient flous et embrouillés. Enfin rien à voir avec le trou noir de l'année précédente. L'exhibition, le banquet, les coupes de champagne, les mains serrées, la fête qui dégénère, Victor qui le ramène dans la chambre en le portant plus qu'il ne l'enlaçait, les deux corps s'effondrant sur le lit, lui rampant le long de Victor, se frottant à lui et cherchant ses lèvres, réclamant des câlins et baisers. Puis la peau de Victor, ses mains sur lui, sa langue, son corps... aie ! J'ai couché avec Vic... ? Ou alors non ? Il se rappelait clairement de préliminaires plutôt chauds, d'avoir fait des avances, de Victor qui les refusait en évoquant l'alcool, et aussi de Victor qui les acceptait puis lui faisait subir les derniers outrages, ce qui était contradictoire. En plus, il ne savait plus dans quel ordre tout ceci avait eu lieu.
L'intéressé entra avec un sourire radieux et le petit déjeuner.
Il échangèrent quelques banalités puis Yuri, qui ne voulait pas rester dans l'ignorance, l'interrogea sur ce sujet.
- Tu ne te rappelles pas ? Fit semblant de s'étonner son coach, un peu amusé.
- Si justement j'ai des souvenirs vagues et confus...
- Qu'est-ce que tu veux savoir exactement ?
- Est-ce que tu m'as caressé cette nuit ?
Cette fois Victor répondit sérieusement en fronçant légèrement les sourcils.
- Euh... ben oui ! Mais ta question est... étrange donc je vais être plus précis : je t'ai caressé, mais pas d'une façon qui impliquerait que tu me le reproches au matin. Enfin, comme on fait d'habitude quoi.
Victor était assez tactile au quotidien et Yuri avait adopté peu à peu la même attitude. Depuis le baiser à la coupe de Chine, il leur arrivaient régulièrement de passer la nuit ensemble et de se câliner avant de dormir. Cependant, les baisers entre eux étaient rares et restaient tendres et chastes.
- Promis ?
- Dis donc, tu étais ivre, tu me prends pour qui ? Grinça Victor légèrement vexé.
- Bon ben j'ai dû faire un rêve érotique alors, conclut Yuri pour lui même.
Puis il vira aussitôt à l'écarlate.
- Je l'ai dit tout haut c'est ça ?
- J'en ai peur... on verra ça plus tard. Allez habille toi et prépare-toi psychologiquement, je te rappelle qu'on a une interview cet après-midi, un plateau télé en début de soirée et doit retrouver les autres ce soir. Et Yakov veut nous briefer avant.
Les japonais étaient des gens respectueux des règles, des ainés et de l'intimité des autres. Leur mode d'expression était indirect. Dire "non" ou exprimer son mécontentement était impoli et tabou, il fallait le faire comprendre. On restait à sa place et on recherchait le compromis, jamais la confrontation. Ils étaient tout à fait du genre, à une coupe du monde de football qui se déroulerait en Russie par exemple, à laisser une tribune propre, à nettoyer le vestiaire avant de partir et à adresser un mot de remerciement en russe (1)
Mais il y avait des limites à l'intériorisation des émotions ! Le choc culturel était parfois rude, même pour quelqu'un habitué à voyager et ayant vécu des années à l'étranger. Il ne s'offusquait plus depuis longtemps qu'on l'appelle par son prénom, il avait même tendance à faire de même en dehors du Japon. Mais là c'était trop.
Il ne se rappelait plus pour quelle obscure raison Victor et lui avaient accepté d'aller sur un de ces plateaux télé ou un présentateur fait défiler une dizaine de personnes sur les thématiques d'actualité : écrivains, sportifs, acteurs, musiciens, politiciens etc. Et où deux enquiquineurs professionnels, se donnant l'air de tout savoir sur tout et faisant semblant d'être en désaccord systématique l'un avec l'autre, se permettaient de critiquer... pardon de démonter un par un chacun des invités reçus, en avançant des arguments bancales et démagogiques, faisant mouche uniquement auprès des esprits étroits. Yuri bouillonnait intérieurement tandis qu'il observait silencieusement ses homologues tenter de défendre leur honneur, leur oeuvre ou leur opinion face à ces fouilles-merde (2)
Ainsi, Madame X. polémiste-pro dont il avait oublié le nom semblait vouloir parler de tout sauf de patinage et s'intéressait beaucoup à leur relation. Victor répondait et Yuri essayait de garder son calme, ne prononçant que quelques mots. Après quelques questions de convenance dont les réponses ne l'intéressaient clairement pas, elle évoqua le baiser à la coupe de Chine ainsi que l'exhibition en couple masculin qui avait fait jaser.
- Vous venez tous deux de pays assez frileux en ce qui concerne les relations entre personnes de même sexe, alors relation amoureuse, pure provocation ou militantisme politique ?
Ils avaient précédemment répondu sourire aux lèvres un "no comment" simultané à la question de leur relation, qu'elle avait déjà posée sous une autre forme, mais elle revenait à la charge. Victor choisit de verbaliser sa stratégie.
- Vous pouvez nous poser la question dix fois en changeant la forme, la réponse restera identique, lança-t-il d'un ton aimable. Concernant l'exhibition, le fait que je rejoigne Yuri sur la glace sur mon programme libre de l'année dernière c'est avant tout pour symboliser mon retour à la compétition. Je reprends le patin mais je continue à m'occuper de Yuri, confirma Victor officiellement. Nous nous entrainerons ensemble.
- Dans quel pays ?
- Nous n'avons pas encore décidé.
Quant à Monsieur Y. polémiste-pro, aucun sourire forcé ou ton badin prémédité de sa part, il fut littéralement infect et ne prit pas de gants, ni sur le fond ni sur la forme. Ses propos étaient toujours volontairement choquants afin qu'on parle de lui le lendemain... et ça marchait ! Quand le présentateur l'interpela pour signaler son absence d'intervention, il répondit :
- Ben déjà moi le patinage j'aime pas ça. Normal pour un mec. C'est pas un vrai sport. C'est comme la danse, c'est pour les filles et les homosexuels. En plus c'est truqué, pas besoin d'avoir du talent, les fédérations qui ont du fric et les bonnes infos pour acheter ou faire chanter les juges, sont celles qui gagnent les médailles. Alors bon le patinage féminin ou couple encore ça se laisse regarder ! Au moins on peut voir de jolies gambettes et des fesses bien fermes, mais le patinage masculin aucun intérêt. Une bande de pleurnichards efféminés, qu'on devine à la sexualité débridée, collectionneurs de peluches et qui se déhanchent sur la glace pour amuser la galerie. Très peu pour moi !
Le présentateur intervint, un peu inquiet. Bien que ce soit son rôle, il trouvait que son collègue allait trop loin cette fois-ci.
- Victor Nikiforov, Yuri Katsuki vous souhaitez lui répondre ?
Victor, piqué au vif, ouvrit la bouche pour répondre mais fut interrompu par Yuri :
- Je ne vois pas l'intérêt de répondre à un primate sexiste farci de préjugés stupides qui réduit les athlètes féminines à leur seul physique, ne respecte pas le travail des équipes et fédérations et met sans preuve en doute leur intégrité ! Que les gens viennent voir un spectacle ou une compétition et se fassent leur propre opinion. Et si ma sexualité est trop débridée pour votre polémiste, je lui suggère de partir à la recherche d'un autre puceau de 24 ans, mais amputé des deux mains ! Maintenant vous m'excuserez mais j'ai mieux à faire qu'écouter vos provocateurs professionnels débiter des âneries, vous avez eu votre buzz, vous n'avez plus besoin de notre présence.
La moitié des invités éclata de rire, l'autre moitié, avait pris un air faussement outré, bouche ouverte tandis que le public acclamait Yuri. Et il quitta le plateau là dessus, suivi de Victor qui se tenait les côtes.
La réponse salée de Yuri ne manqua pas d'enflammer les réseaux sociaux dans l'heure qui suivit. Même des internautes n'ayant aucun intérêt pour le patinage ou le sport en général partagèrent la vidéo, ravis que le polémiste détesté se fasse démonter en direct et par un invité inattendu sur ce terrain. Et en prime la chaine l'employant avec lui ! Les équipes, fédérations, commentateurs et fans du monde entier publièrent, selon leur position, des communiqués officiels indignés, des phrases choc ou se déclarèrent solidaires des propos de Yuri.
Et comme une bonne partie des patineurs avaient prévu de se retrouver pour la soirée, ils s'étaient bien entrainés les uns les autres et avaient perdu toute mesure. Des publications diverses suivirent. Christopher fit part de son étonnement : finir cinquième seulement alors qu'il avait réussi à dénicher des photos d'un juge couchant avec la femme du président de la fédération pour remporter cette saison ! Il ajouta qu'il avait du lourd pour les Quatre continents. Yurio lança une mode en ajoutant des "#patineurautosexuel #virginskatingclub" à ses publications et tous leurs camarades ainsi que des patineurs et ex-patineurs suivirent le mouvement et y allèrent de leurs #patineurlargué, #dépressif, #coureurdejupon, #patineusemolledelafesse, #patineurmonogame", il y eu même un #jugecorrompu de la part d'un compte "anonyme" qui se ferait très certainement rappeler à l'ordre sous peu.
Des propositions diverses et variées furent également adressées à notre japonais préféré, pour le cas où il en aurait marre de ses mains, une cinquantaine de personnes au moins étaient disponibles, juste pour info.
Autant dire que quand le héros du jour franchit la porte du bar accompagné de son entraineur, ce fut un déchainement de cris, applaudissements, serviettes qui tournent et autre tapage pour acclamer son arrivée. Dès que le boucan diminua, il fut remplacé par une pluie de blagues douteuses pour les chambrer.
- Il manque Otabek, hasarda Yuri pour meubler.
- Il nous rejoint, s'exclama Yurio.
- Victor tu pourrais t'occuper un peu de Yuri, lança Jean-Jacques, vous êtes fiancés !
Des huées d'approbation à l'adresse de Victor suivirent, tandis que Yuri cachait mal son embarras.
- Oui c'est clair, ajouta Christopher, vos lits sont collés, vous avez des bagues de fiançailles et c'est toujours pas fait ! Ca avance pas vite cette histoire, si il vous faut un coach n'hésitez pas !
- Mais non t'as rien compris, la bague c'est un sex toy en fait !
Eclat de rire général.
- Mêlez vous de vos miches, répondit le russe mi-figue mi-raisin. Je suis votre ainé, vous me devez le respect. En plus, qui vous a dit qu'on était ensemble ?
- Ben toi ! T'as dit que vous étiez fiancés ! Et on a vu l'exhibition.
- Tssss... Tu veux qu'on discute de ton Otabek chéri ?
- C'est un ami !
- Moui... perso je n'arrache pas les vêtements de mes amis avec les dents.
- C'était un gant ! Et c'était l'exhibition, ça veut rien dire !
- Il détourne la conversation, s'écria Christopher, pour pas avoir à s'occuper de la virginité de son homme.
- Bien vu, répondit l'intéressé, je m'en occuperai le moment venu. Et non t'auras pas de bristol.
- Trop tard lança Yurio, tu ne peux plus toucher à la virginité de Yuri, maintenant elle est classée au patrimoine, c'est un trésor international, Yuri est notre modèle à tous !
- Toi t'as picolé...
- Juste un verre ! Ou deux... J'ai gagné j'y ai droit. Et je fais ce que je veux d'abord !
- A 16 ans... on reconnait le sang russe, ironisa Katsuki avec un regard en coin à Victor.
- Oh le cliché, s'exclama Phichit !
- Si tu pars dans les clichés attention Yuri, rit Christopher, tu sais ce qu'on dit au sujet des japonais ?
- Laisse tomber, intervint Yurio d'un air blasé, au Japon tout le monde se baigne ensemble !
- Et donc ?
- Bah rien... mais à ta place j'irais pas sur ce terrain avec le porcelet.
- Complètement beurré, se désespéra son compatriote.
Yuri était pivoine et ne savait plus où se mettre. Mais qu'est-ce qui lui avait pris au juste ? Il décida de prendre son mal en patience. Yurio reprit :
- Au fait j'ai la médaille d'or donc comme convenu : le gage !
- Quel gage ?
- Je me souviens parfaitement qu'on a parié un gage pour le moins bien classé des deux Yuri !
Tout le monde assura que oui mais que Yuri avait oublié à cause de l'alcool.
- Donc voilà ton gage : tu vas répondre à un quiz sexooooooo ! Et si t'as moins de 50 % de bonnes réponses tu devras prendre le micro et dire la phrase suivante : "message personnel : la mienne est plus grosse que la vôtre, je répète, la mienne est plus grosse que la vôtre !"
- Euh... je peux aller me pendre avant ? [...] Bon de toutes façons je vais me faire chambrer, j'y couperai pas, alors ça ou autre chose, vas-y pour ton quiz.
Yurio ouvrit son magazine, apporté pour l'occasion.
- Première question : le célèbre french kiss sollicite combien de muscles faciaux ? A-14, B-34, C-54 ?
- Mais personne ne sait ça... pfff 34 ?
- Yes ! Seconde question : Etre adepte du "slow sex" signifie que : A-vous aimez prendre le temps d'explorer le corps de l'autre, B- vous dansez avant l'acte, C- vous ne couchez pas avant le 22ème rendez-vous?
- Je pense que c'est A mais j'adore la C !
- Les "love hotels" se développent au Japon. Ca c'est de la question sur mesure ! Concept : A-permettre au couples vivant chez leurs parents de louer une chambre à l'heure, B-proposer des promos pour les couples venant de se marier, C-se retrouver au lit avec inconnu pour la nuit.
- Facile : A.
- Bravo il est fort pour un puceau !
- Yurio...
- Oui bon ben moi j'ai 16 ans ça n'a rien à voir !
- Ca t'empêche pas de picoler.
- Tssss. Question suivante : la cryophilie est l'excitation sexuelle provoquée par : A-le bruit et le plaisir de crier, B-l'utilisation de crayons dans un rapport sexuel, C-le froid ou les objets froids ?
- Des crayons sérieusement ? Jamais je ferai l'amour de toute ma vie !
- Raté c'est C !
- Mais c'était pas ma réponse ! C'est le froid bien sûr !
- Trop tard, perdu. Mais je vois que monsieur est connaisseur. Et vu ton Eros sur glace tu dois avoir des tendances cryo-machin !
- Mais euh !
- On parle de micropénis quand la taille du sexe en érection est inférieure à : A-9 cm, B-12 cm, C-15 cm ?
- Chépa. 15 cm ?
*silence général*
- Ben quoi ?
- C'est 9.
- Ah bon.
- Ouch !
- Victor pour ton grand retour, la danse des canards en court ?
- La ferme JJ !
- Qu'est-ce que je disais... Bref, passons. Pour chaque demi-heure de corps à corps, vous brûlez : A- 20 à 55 calories, B-75 à 100 calories, C-125 à 180 calories ?
- Pffff... C ?
- Nan c'est 75 à 100. N'espère pas te goinffrer de katsudon et régler ton problème de surpoids au lit ! Dernière question, sans proposition mais elle compte double : comment s'appelle l'orientation sexuelle qui se définit par l'absence d'attirance pour qui que ce soit ?
- L'asexualité.
- Bon ben t'as gagné. Maintenant à boire !
Les jours qui suivirent, comme ils l'avaient tous prévu, on leur intima l'ordre de se calmer, certains messages furent effacés et on bottait en touche aux questions des journalistes.
- Tout ceci a pris des proportions extravagantes, expliqua Yakov à la presse sportive, si bien qu'on ne parle plus de la compétition. La première réponse de Katsuki était la bonne : cette personne ne mérite pas l'intérêt qu'on lui accorde. Pour moi cette histoire là est terminée et j'aimerais échanger sur d'autres sujets avec des journalistes sérieux et professionnels.
Et il avait raison, l'affaire avait pris de l'ampleur bien au delà du milieu du patinage et de son public. La polémique avait entrainé la diffusion de vidéo-montages de tous les câlins que Yuri et Victor avaient pu se faire en public (3). Et si les messages de soutien étaient nombreux, les messages de haine l'étaient aussi. Le Grand Prix n'était pas si largement diffusé que les mondiaux ou les JO en dehors du pays accueillant et ceux qui regardaient étaient en majorité bienveillants. Jusqu'à présent, le gros de la population n'était pas au courant d'une éventuelle liaison entre les deux patineurs. Quant à ceux qui le savaient, ils s'en fichaient pas mal. A présent il en allait autrement.
Or, dans un pays comme la Russie où moins de 10 % de la population ne trouve rien à redire à l'homosexualité, où le gouvernement fait de la propagande et réprime si peu les violences que ceux qui les commettent se paient le luxe de se filmer, où on peut même trouver des magasins interdits aux homosexuels... cela devenait dangereux. La célébrité pouvaient certes les protéger de la masse anonyme dont les préjugés, quels qu'ils soient, disparaissent bien vite face à un nom connu ou de l'argent plein les poches. Et ces gens là aboient plus qu'ils ne mordent. Mais pour les plus violents, ceux qui en viennent aux actes, celle célébrité pouvait avoir l'effet inverse. Ils risquaient même d'être pris pour cible, symboliquement.
C'est pour cela que Yakov eut peur.
Une peur incontrôlable, un noeud au ventre, cette sensation quand on sait qu'une mauvaise chose va arriver.
Victor jouait un rôle face caméra. Il gardait le sourire, se sortait des mauvais pas en changeant de sujet ou en jouant au séducteur, il étalait toujours une grande confiance dans les capacités de Yuri, et mentait parfois sans vergogne en prétendant que certaines figures étaient prévues à l'avance. Yuri s'en sortait bien aussi dans un genre différent, sa sincérité et son air innocent passait bien à l'image, face à des journalistes sérieux et bienveillants aucune inquiétude. En revanche, face aux questions dont on ne veut pas, Victor répondait souvent à sa place. Raison pour laquelle sur le plateau de télévision, on avait entendu pratiquement que Victor.
Mais si il était vrai qu'avant la réponse au vitriol de Yuri, il avait enchainé les pirouettes verbales, la langue de bois et autres phrases toutes faites afin de réussir à garder pour eux ce qui ne concernait qu'eux, il y avait un point sur lequel il avait répondu la stricte vérité malgré l'air dubitatif de la polémiste. Ils n'avaient effectivement rien décidé au sujet de l'organisation des détails anodins de l'année à suivre, choix tels que le pays de résidence par exemple.
Il faut dire qu'en deux jours de temps, ils étaient passés par "je veux qu'on en finisse après le Grand Prix", "C'est à Yuri de décider si il continue, moi je reprends le patinage", "reste avec moi encore un an", "je ne pourrais pas retrouver mon niveau si je t'entraine alors fais un grand chelem pour compenser".
Victor avait supposé naturellement qu'ils s'installeraient en Russie, Yakov étant le coach de Victor et ayant toute une patinoire d'autres athlètes à entrainer. On ne pouvait décemment pas lui demander d'abandonner tout le monde pour venir au Japon. Aussi, il fut surpris lorsque Yakov lui proposa de rester à Hasetsu et de faire un coaching à distance. Yuri était d'ailleurs parti à Hasetsu pour quelques jours et il devait le rejoindre en Russie après avoir pris ses dispositions.
- Tu as toujours fait comme tu voulais, en plus tu n'as aucun besoin d'avoir quelqu'un derrière toi en permanence pour te pousser tu es sérieux dans ton entrainement. Yuri est pareil. Et en cas de démotivation passagère vous vous encouragerez l'un l'autre. Quelques conseils suffiront. Et je serai là sur les compets. En plus avec la vidéo instanée, plus besoin d'être au même endroit. De nombreux sportifs sont coachés à distance, je te préparerai un programme.
Un tel flot d'arguments cachait clairement autre chose et Victor finit par lui faire cracher le morceau. Ce qui ne changeait rien.
De retour à Hasetsu, Yuri espérait profiter d'un peu de calme. Peine perdue... Sa mère, qui devait s'interroger, avait tenté d'aborder le sujet de sa vie amoureuse tandis qu'elle cuisinait et qu'ils étaient seuls et ils avaient fini par se disputer. Chose rarissime chez les Katsuki.
Après quoi Minako, qui venait lui rendre visite juste à ce moment là, ayant assisté à la fin de la dispute, avait exigé qu'il s'excuse et l'avait emmené dehors, le bousculant un peu pour qu'il se confie.
- Je suis désolé, j'ai pas à lui parler comme ça mais je n'aime pas qu'on essaie de lire en moi et tout le monde se mêle de ma vie... veut me mettre une étiquette.
- Ta mère voulait seulement que tu saches qu'elle est ouverte d'esprit et que tu n'avais pas d'obligation de te cacher, qu'elle t'aime tel que tu es. Vu ta relation avec Victor c'est un peu normal.
- Mais quelle relation ? Je sais qu'il m'a embrassé en public et joue les séducteurs. Il est affectueux c'est vrai mais il n'a jamais rien tenté de plus à mon endroit lorsque nous sommes seuls. Franchement je suis pas sûr qu'il veuille de ça entre nous.
- Tu lui a posé la question ?
- Non.
- Pourquoi ?
- C'est à lui de faire le premier pas non ?
- Ah bon et pourquoi ça ? Qui a décrété que tu devais attendre passivement Victor ? Il a eu un comportement objectivement plus qu'ambigu. Donc soit il est intéressé, soit il ne peut pas s'empêcher de séduire, mais il doit te donner une réponse claire, tu es en droit de l'exiger.
(1) Véridique
(2) Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé est fortuite comme il se doit.
(3) Vous pouvez les trouver sur Youtube XD
