Adam Backstory
"Frostbite"

Chapitre 1

Blanc. Technologie. Immaculé.
Ces adjectifs désignaient le mieux la grande cité flottante qu'était Atlas. L'idée d'une pureté sans pareille faisait rêver le peu de voyageurs qui avaient les moyens de s'y rendre. Sa richesse, son histoire et ses avancées technologiques en faisaient de loin la première puissance mondiale du monde de Remnant. Une apparence parfaite qui en faisait divaguer plus d'un. Malheureusement, la réalité était bien différente.

Sous cette cité utopique, où l'argent et le vin coulaient à flot, régnait une toute autre civilisation, bien différente, et pourtant, seulement une centaine de mètres séparaient le paradis de ce chaos.
Une odeur de chair brûlée, de métal et de soufre prenait la gorge dès que l'on y posait le pied. Les esclaves Faunus travaillaient jour et nuit pour que la belle et étincelante cité flottante ne manque de rien et garde cette image si propre aux yeux du reste du monde. L'armée atlésienne y veillait de près, n'hésitant pas à recourir à la violence lorsqu'ils estimaient cela nécessaire, histoire de rappeler leur place aux ouvriers. Bien sûr, les Faunus n'étaient pas les seuls à miner et raffiner les cristaux de Dust : les criminels et autres nobles déchus ne pouvant se faire une place en haut se retrouvaient enchaînés à ce lieu des plus dangereux. Les conditions de vies y étaient insupportables tant bien par le climat glacial que par le traitement subi.

Et c'est en cette merveilleuse matinée d'hiver que le chef de la famille Schnee décida de rendre une petite visite à ces petites gens insignifiantes. Jacques Schnee, illustre héritier de la Schnee Dust Company, était certainement l'homme le plus riche et le plus admiré de Remnant. Et pour cause, il était le propriétaire de la totalité des mines de Dust d'Atlas, un statut qui lui conférait bien plus d'avantages qu'il n'en avait besoin. L'homme à la chevelure blanche et soignée était indirectement le bourreau de centaines d'esclaves. Le business, disait-il. Après tout, ils n'étaient que des outils qui lui permettraient de mener à bien l'expansion de sa firme.
Ce matin là, Jacques Schnee avait pris la première navette vers l'En-Bas, pressé de connaître les nouveaux chiffres de production. Le profit, un mot qui chantait comme une douce mélodie dans l'esprit de l'homme avide de richesse et de pouvoir.
Il glissait les doigts le long de sa moustache, perdu dans ses pensées et dans le paysage qui s'offrait à lui, quand une petite voix guillerette le ramena à la réalité.

- Père, où allons-nous ?

La petite fille s'était approchée de la baie vitrée avec entrain, curieuse de savoir la destination du vaisseau atlésien. Ses yeux bleu ciel pétillaient à l'idée de vivre de nouvelles aventures. Le père, quant à lui, laissait échapper un long soupir las.

- Ne soyez pas si enthousiaste, jeune fille. nous allons rendre visite aux bas-fonds de notre société.

Ses yeux s'étaient posés sur l'enfant, il arqua un sourcil avant de reprendre.

- Et je vous demanderai d'arranger vos cheveux et de vous tenir tranquille. Vous ne voudriez pas faire honte à votre père, n'est-ce pas ?

- Excusez-moi, Père, répondit-elle avec une petite moue.

Elle sautilla jusqu'à son fauteuil, faisant tournoyer ses cheveux d'une blancheur éclatante attachés en queue de cheval. La petite demoiselle ne devait pas être âgée de plus de cinq ans, elle avait de l'énergie à revendre, une chose que son père semblait avoir du mal à supporter plus de dix minutes. Elle fit glisser quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles et arrangea sa frange.

Weiss Schnee, c'était son nom.

Quelques minutes s'écoulèrent jusqu'à l'atterrissage de la navette. Le paysage avait drastiquement changé, il était impossible de distinguer un carré de ciel bleu tant la fumée des raffineries était brune et opaque. Weiss regarda avec curiosité l'extérieur, s'émerveillant devant le spectacle qui se jouait sous ses yeux d'enfant. Des dizaines d'hommes et de femmes de toutes natures allaient et venaient, transportant pour la plupart des sacs ou poussant des wagons de cailloux.
Jacques Schnee les observait avec dédain. Il décida finalement de se lever de son siège pour atteindre la sortie, tout en arrangeant son costard blanc, suivi de près par sa fille. Les gardes atlésiens ouvrirent la porte sur son ordre. Une bouffée de chaleur et de puanteur s'engouffra brutalement dans le vaisseau. La petite fille se protégea les yeux en toussant à plusieurs reprises. Son père lui attrapa la main et la tira avec lui, il prit le soin d'éviter le plus possible les ouvriers, ne voulant mêler population majoritairement hybride à leur sang "pur".

- Où sommes-nous, Père ? demanda la blanche.

- Ceci, ma fille, est ton héritage et notre bien le plus précieux. Tu dois apprendre à le diriger comme une vraie Schnee, le plus tôt sera le mieux.

- Et Winter ? hasarda la petite fille.

- Ta soeur a pris le mauvais chemin, tu n'as plus à t'en soucier, tu es l'héritière de la Schnee Dust Company maintenant.

Jacques avait coupé court à cette conversation en prenant soin d'éviter les questions à propos de la dénommée Winter. Sa première-née, le fruit de ses entrailles, avait subitement eu pour projet de travailler pour l'armée atlésienne en oubliant ses réelles responsabilités. En premier lieu, il avait cru à un caprice passager ou encore une crise d'adolescence mais il n'en était rien. La jeune fille avait délibérément désobéi en rejoignant une école qui la formerait pour entrer dans l'Atlas Academy, lieu d'entraînement des futurs Huntsmen. Cette déception restait gravée dans la mémoire de l'homme à qui l'on ne pouvait rien refuser. Il mettait donc tous ses espoirs dans son deuxième enfant, qui elle, ne le décevrait pas.

La petite Weiss observait attentivement les actions des ouvriers. Ils suivaient un rythme prédéterminé et répétitif. Les robots aussi faisaient ce genre de mouvement au manoir, en boucle, sans jamais s'arrêter. Elle s'interrogeait. Pourquoi ne faisaient-ils pas pareil que ces gens, son père et elle ? Pourquoi ne devait-elle pas faire comme les enfants de son âge ? À trier les roches qui arrivaient en wagons depuis les mines. L'enfant remarqua que la plupart des personnes qui travaillaient avaient des ailes, des cornes ou une queue d'animal.

- Père, pourquoi cet homme a des oreilles de chat ? demanda Weiss en désignant l'individu. Le seul endroit où j'en ai vu de telles était dans l'une des encyclopédies de la bibliothèque.

- Ces attributs marquent notre différence, Weiss. Leur race a toujours été inférieure à la nôtre, nous les appelons Faunus : des monstres mi-hommes mi-animaux. Mais tu n'as pas à t'inquiéter, ils n'ont pas le droit de t'approcher.

En réalité, la petite héritière n'était pas vraiment inquiète pour cette raison. Sa main se crispa dans celle de son père lorsqu'elle entendit le claquement d'un fouet dans le dos d'un homme à la queue de guépard suivi d'un jet de sang qui tâcha sa robe blanche. Elle observa la marque qui s'était étendue sur le tissu autrefois immaculé.

Son père s'arrêta devant un bâtiment à l'écart qui semblait épargné par la crasse et la présence des ouvriers. Il se tourna vers sa fille, continuant de la toiser de toute sa hauteur.

- Jeune fille, un jour tout ceci t'appartiendra, commença-t-il. Le travail de la Schnee Dust Company est de forer pour trouver le minerai de Dust, il est ensuite acheminé, raffiné et finalement vendu à travers le monde.

- À quoi sert cette Dust ? demanda Weiss.

- Elle est la ressource la plus indispensable de notre monde, aussi bien d'un point de vue militaire que ménager. On en a besoin en tout et pour tout, c'est pour cela que nous existons : satisfaire la demande de chacun. Comprends-tu ?

- Oui Père ! Notre monde a besoin de notre aide !

- C'est exact, il a besoin de nous.

- Mais pourquoi les gardes frappent ces gens ? C'est mieux si tout le monde s'entend, non ?

- Tu as encore beaucoup à apprendre, ma fille, soupira Jacques. La discipline est la clef d'une production efficace. Ce ne sont que des dissidents qui n'ont d'autres loisirs que de se plaindre. N'y prête pas attention.

Il marqua une pause.

- Je vais devoir discuter avec les responsables de rendement. Je te prierai de bien vouloir m'attendre ici, tu es encore trop jeune pour assister à ce genre de réunion. Je ne tarderai pas alors reste tranquille. Profites-en pour t'habituer aux êtres inférieurs, tu auras l'occasion de les voir plus souvent que tu ne le penses.

Jacques s'éclipsa presque aussitôt de la vue de la jeune enfant, ne lui laissant pas le temps d'acquiescer bien gentiment. Personne ne semblait disposé à la surveiller. Elle était libre comme l'air.

Weiss marchait tranquillement dans les allées de la raffinerie. De temps à autre, des wagons remplis de gisements remontaient à la surface tirés et poussés par les hommes les plus vigoureux. La plupart des femmes s'occupait de trier les bons et les mauvais minerais, les séparant dans divers caissons en fonction des couleurs. La jeune héritière rejoignit bien vite l'atelier réservé aux enfants. Leur travail était de briser la roche superflue pour ainsi récupérer cette Dust si précieuse. Les enfants avaient les mains écorchées et parsemées de cloques, leur visage était tiraillé de douleur à chaque impact de percuteur sur ladite roche.

La blanche s'approcha des enfants et prit une roche qui défilait sur le tapis déroulant devant eux. Elle se mit à imiter la petite assise à quelques centimètres, probablement plus jeune qu'elle, bien qu'elle ne fut pas aussi habile que cette dernière.

Une main s'empara du bras de Weiss qui se retourna vivement vers son interlocuteur. Il s'agissait d'une femme, ses cheveux étaient bruns, elle avait le visage recouvert de suie mais le plus surprenant était sa peau recouverte d'écailles rouges. Son regard était apeuré, cette Faunus semblait dévisager la petite fille à la chevelure blanche.

- Que fais-tu ici ? demanda-t-elle d'une voix rauque. Tu ne devrais pas être ici, ce n'est pas ta place !

Elle serrait ses doigts autour du bras menu de la petite Schnee qui grimaçait en hésitant à répondre.

- Je voulais juste vous aider, dit-elle tout simplement.

- Tu ne nous aides pas en restant parmi nous, tu mets en danger nos enfants !

Les yeux de Weiss s'étaient déjà posés sur un garde atlésien qui arrivait à grandes enjambées vers elles. La petite voulut la prévenir mais il était déjà trop tard. L'homme avait déjà attrapé la femme Faunus par le bras et l'avait coincé dans son dos.

- Comment osez-vous poser vos mains terreuses sur Miss Schnee ? s'indigna le garde. La sanction sera amère cette fois, très amère.

- Lâchez ma mère !

Un jeune garçon un peu plus âgé que Weiss s'était levé, les mains crispées sur des morceaux de gisement qu'il menaçait de lancer. Ses yeux d'un bleu surnaturel étaient rivés sur le visage de l'assaillant. Weiss ne savait plus où se mettre, tout était de sa faute.

- C'est de ma faute, Monsieur, tenta la petite fille blanche. Ne faites pas de mal à cette dame, elle n'a rien fait !

- Sauf votre respect, Miss Schnee, aucune de ces créatures n'a le droit de poser la main sur vous ou un membre de votre famille. Cette femme aura la sentence qu'elle mérite.

- Mais

Le garde poussa un cri de douleur. Le morceau de Dust lui était arrivé en pleine tête, le petit garçon n'avait pas hésité un seul instant à se mettre en danger pour sa mère, une action qui allait très vite se retourner contre lui.

- Petit merdeux, je vais t'apprendre la discipline ! hurla le garde. Unité 22-7 ! Emmenez cette femme, infraction de rang S. Je m'occupe du gamin.

Il n'avait même pas eu le temps de donner ses derniers ordres que le jeune garçon avait attrapé la main de Weiss et s'était enfui en direction de l'une des mines. La petite blanche n'avait pas pour habitude de courir de la sorte, mais elle n'avait pas bronché quand le petit l'avait emmené de force dans l'un des endroits le plus dangereux de l'En-Bas. Il semblait connaître les galeries comme sa poche, si bien qu'ils évitèrent les garnisons de gardes qui effectuaient des rondes autour des rails des wagons.

Essoufflés, les deux enfants reprirent leur respiration dans un endroit où personne ne pourrait les trouver. Weiss avait relevé la tête pour regarder le garçon qui venait de s'essuyer le nez d'un revers de manche. Lui aussi en était un, de Faunus. Elle observa ses cornes brunes avant de croiser ses iris cyans.

- Comment tu t'appelles ? demanda la petite héritière.

- Adam Taurus.