Nuit noire sur Paris. Un vent lourd flottait dans les rues, charriant une odeur de décadence. Dans la moiteur ambiante, des SDF erraient, se blottissant dans des coins de rues. Des hurlements et des vomissements d'ivrognes brisaient le silence à intervalles irréguliers, accompagnés par les voix fortes de jeunes revenant de soirée ou par des cris faisant frémir les rares passants. Des voitures passaient de temps à autre, dans un vrombissement assourdissant.

Une nuit classique, me diriez-vous. Or, il manquait quelque chose à ce doux capharnaüm.

Les chats.

Par un miaulement, pas un feulement, pas un éclair d'yeux brillants. Pas le moindre frottement de pattes de velours, pas le moindre crissement de griffes sortant de leur étreinte de chair.

Où étaient-ils ? Eh bien, c'est très simple.

Dans une maison ouverte aux quatre vents, vieille et en ruines, attendant sans doute sa prochaine démolition qui la remplacera par un de ces immeubles gris et tristes, une curieuse assemblée se tenait.

Sur une table poussiéreuse, illuminé par une lumière de réverbère, un chat était debout, altier. Une prestance, un orgueil particuliers émanaient de lui, et pourtant, on ne lui donnerait que quelques petits mois. En face de lui, une masse de fourrures colorées, d'yeux brillants de cruauté.

Des bruits émanaient de ce rassemblement. On demandait des nouvelles, on ricanait, on se plaignait… Tandis que le regard souverain du chaton en hauteur planait sur eux.

On vous a dit que la loi du plus fort régnait chez les chats ? Erreur… c'est la loi du plus cruel, du plus rusé.

- Mes sœurs, mes frères, entama d'une voix pleine de noblesse la boule de poils.

Immédiatement, le silence se fit. Une nuée d'yeux jaunes, noirs, verts, bleus, blancs et même albinos se tourna vers le chef incontesté.

- Aujourd'hui est un jour bien spécial. Aujourd'hui, est le jour où nous avons découvert notre principal ennemi. L'un des chefs du Comité Contre les Chats.

Fin orateur, la bestiole laissa planer un bref silence.

- Mathieu Sommet !

Un vacarme de miaulements de rage et de colère retentit. Le besoin de sang luisit dans tous les regards, les corps se tendirent, les fourrures se hérissèrent. Une aura de puissance difficilement refoulée émanait des bêtes. Et pourtant, d'un geste de la tête, le silence se fit.

- Nous ne pouvons laissez ces humains stupides nous empêcher de conquérir la planète. Comme vous le savez tous, une petite bande d'entre eux a entrepris de résister sous ce ridicule nom de CCLC. Cependant, nous connaissons tous la bêtise humaine, qui est de se battre dans un coin pour des croquettes, au lieu de s'unir pour un poulailler.

Une vague de ricanements félins retentit.

- Mais certains sont plus malins que les autres. C'est le cas de notre Cible. C'est une personne très connue sur Internet. Il nous tourne en dérision, il se moque des vidéos dans lesquelles nous apparaissons et, pire ! Il a lancé cette stupide idée de Comité.

L'orateur reprit son souffle. L'assemblée le fixait dans un silence incroyablement profond. Pas un geste, pas un bruit.

- Parce qu'il est connu, il rassemble des gens. Des humains faibles d'esprit sont influencés par ses paroles et adhèrent sans réfléchir au CCLC, qu'il a popularisé dans une odieuse propagande.

Dans son dos, entra un groupe de chats patibulaires. Epais, costauds, couturés de cicatrices, ils encadraient une chatte au pelage noir, aux yeux verts et au rictus tout proprement diabolique.

- Nous avons donc décidé d'envoyer l'un des nôtre à son domicile, en prenant comme cible la personnalité la plus faible de son être. Ensuite, l'envoyé aura le devoir d'hypnotiser la Proie pour se faire accepter. Et à partir de là…

Le chaton éclata d'un rire démoniaque, reprit par toutes les bêtes présentes, à l'exception de la bande dans le dos de l'orateur.

- Quand son public fragile le verra avec un chat, il cessera tous lien avec le CCLC, et toute velléité de résistance face à notre invasion ! Privés de cette masse bruyante, les autres, ceux à l'esprit fort, se sépareront au fur et à mesure, convaincu qu'ils sont seuls, alors qu'ils ne savent tout simplement pas griffer !

La bande silencieuse se mêla peu à peu au public, à l'exception de la chatte noire qui prit place à ses côtés.

- Notre Cible repérée, grâce à nos alliés humains, nous avons entrepris un repérage. Sauf problème, Larsa, ici à mes côtés, a dû pouvoir repérer exactement son domicile.

- C'est exact, répondit la chatte. Il m'a fallu trois jours et nuits, le sujet préférant rester chez lui, mais l'une de ses personnalité aime beaucoup sortir, en particulier la nuit. Il m'a suffi de la suivre quand elle rentrait. J'ai aussi repéré la fréquence de sortie de sa personnalité la plus faible. Elle sortira dans cinq heures.

La bête remercia son espionne d'un mouvement de tête, puis se tourna de nouveau vers son public.

- Avec Larsa, nous avons fait le tour des chats au pouvoir hypnotique le plus puissant, et, d'un commun accord, nous avons décidé que ce serait moi qui irais.

Pas une seule protestation, mais des regards interrogateurs.

- Larsa me remplacera. Du fait de mon âge, j'infiltrerais plus facilement le domicile de la Cible. Questions ?

Silence.

- Eh bien, c'est la dernière fois que l'on se voit avant longtemps. Je ne dois donner aucun soupçon.

Une vague de miaulements révérencieux salut sa sortie, ainsi que celle de Larsa. Une fois dehors, les deux chats firent face. Ils échangèrent quelques commentaires, la chatte lui donna l'adresse exacte et quelques informations, puis s'en retourna à l'intérieur veiller sur son clan. Le chaton, lui, commença sa longue marche.

C'est quatre heures plus tard qu'il arriva en bas de l'immeuble convoité. Il se terra dans un coin pour ne pas se faire voir des éventuels passants. Puis, il attendit.

Longtemps.

Enfin, la porte de l'immeuble pivota sur ses gonds. Un humain à la tête de victime en sortit, un porte-monnaie dans la main, sans doute envoyé pour faire quelques menus achats. Il était vêtu d'un tee-shirt Captain America, d'une casquette grise à l'envers et d'un jean. Traînant des pieds, il traversa la rue pour se rendre à la boulangerie.

C'était le moment. Le chaton jaillit de sa cachette et se coucha près de la porte. Bien vite, la victime ressortit, portant un sachet de papier volumineux à bout de bras. Une odeur de viennoiserie, alléchante, parvint au museau de la bête.

Il prit le temps d'admirer sa Cible. Le Geek, selon ses informateurs. Le plus facile à corrompre. Faible d'esprit, adorateur de « kawaii », fan de jeux vidéo et tête de Turc. L'allié idéal. Avec ces gens sans grande estime d'eux-mêmes, il suffit d'être un peu sympathique pour qu'ils fondent de bonheur et d'aveuglement.

L'envoyé démoniaque se redressa, levant un regard bleu sur sa Proie. Le Geek, l'apercevant, glapit de bonheur et trottina vers lui.

- Salut, petit chat, s'extasia l'humain.

Il se pencha pour gratouiller les oreilles de la boule de poils, qui se soumit à la torture sans broncher. Il s'accorda même un ronronnement.

- Oooh, s'émerveilla le faible. T'es trop mignon !

Il regarda à gauche, puis à droite.

- Tu as un maître, dis ? Je pourrais peut-être te prendre avec moi…

Sans grand enthousiasme, il vérifia que le chaton n'avait pas de collier, puis décida de ne pas regarder plus loin. Sans plus de cérémonie, il prit la boule de poils dans ses bras, au grand dam de cette dernière.

- Allez, tu viens avec moi, ronronna l'humain, déconcertant l'animal.

Ouvrant la porte de l'immeuble, il grimpa quatre à quatre les marches de l'escalier, causant un bon mal de mer à la bestiole, qui ne pipa mot. Bien vite, il poussa la porte de l'appartement tant convoité.

- Eh, regardez ce que j'ai trouvé !

Un sourire diabolique aux babines, le chaton contempla l'appartement de Mathieu Sommet.

Il était dans la place. Maintenant, il devait se faire accepter.

Très vite, les diverses personnalités et leur créateur se réunirent, le chaton en leur centre. Le chef du CCLC tirait une sale tête, tandis que l'envoyé était admiré de tous.

- On peut le garder ? supplia le Geek d'une voix tremblante, déjà entièrement sous le contrôle du chat.

- Non ! répliqua fermement Sommet.

- Oh, s'te-plaît, gros, il est trop mignon ! tenta le Hippy.

Il avait vite succombé, son esprit affaiblit par les vapeurs délétères de ses drogues. La bête ne se méfiait pas trop de lui. A part l'odeur déplaisante qu'il trimbalait, il semblait inoffensif.

- Non ! riposta Mathieu.

Pourtant, il n'allait pas pouvoir résister bien longtemps, l'envoyé diabolique le savait.

- J'avoue, ce petit enfoiré me collerait presque une mi-molle, résonna une voix rauque.

Le chat s'efforça de ne pas frémir. Le Patron avait été légèrement plus difficile à envoûter, mais comme il se foutait totalement de son existence… Cela n'avait pas été la fin du monde.

Cependant, le chaton savait qu'il était dangereux. Sa tendance à la zoophilie était parvenue aux oreilles félines, et la bestiole l'avait en horreur.

- Non ! C'est dégeu, mec… s'horrifia la Cible.

L'envoyé était d'accord. Sans déconner.

- Regarde le dans les yeux et ose lui dire non, essaya de nouveau le Geek, implorant.

Les yeux du chat brillèrent, illuminés d'un éclat démoniaque. Oui... Regarde-moi dans les yeux...

- Je te dis que… commença Mathieu.

Néanmoins, sans doute instinctivement, il tourna la tête vers le chat. Pourtant, en sa qualité de chef du CCLC, il devait bien savoir que c'était la dernière des choses à faire… Ne jamais, jamais regarder un chat dans les yeux !

Deux regards bleus se croisèrent. La bête maléfique utilisa toute sa puissance hypnotique. Il allait être complètement crevé après, mais le jeu en valait la chandelle. Une bataille insoupçonnable s'engagea.

Avec une satisfaction jouissive, il sentit son esprit prendre peu à peu le dessus sur celui du présentateur. Un bref instant, l'effroi traversa le regard de ce dernier. Mais pas longtemps, non… Pas longtemps. Très vite, toute raison disparut des yeux de la Proie, laissant place à une adoration sans borne, dans un pénible :

- Je… ne peux… pas… résister !

Un rictus étira les babines de l'envoyé de Nyan-Cat.

Il avait gagné.


Je l'avoue, je ne fais pas partie du Comité Contre les Chats. Moi aussi, j'ai été vaincue... Hélas... Mais l'un de mes maîtres m'a proposé de poster cette FanFiction, Larsa étant une de ses cousines.

Il me traite bien, hein.

...

Rewiew, mes chatons ?