" I became insane with long intervals of horrible sanity."

- Edgar Allan Poe


Elle le foudroya du regard, grinçant des dents.

« Je ne vois même pas pourquoi j'aide un connard comme toi.

— Tu le fais parce que je te paye pour, rien de plus. »

Lausanne le toisa longuement, hochant lentement la tête. Bien sûr qu'elle le ferait, elle avait signé un contrat contre ses cent nonante francs, mais ce qu'il allait faire de lui évoqué rien de bon. Bien au contraire. Elle se radoucit, caressant comme en le frôlant son bras.

« Qu'est-ce que ton psychologue pense de ça ? Tu lui en a parlé de ce que tu faisais ? »

Il fit un pas en arrière, coupant tout contact physique, une colère perceptible sur le visage. Ses bras retombèrent le long de son corps, lourdement.

« Ça fait un siècle que je n'ai plus de psy et je ne me suis jamais aussi bien sentie qu'en faisant ça. » Aboya-t-il d'un ton dur.

Il tourna les talons, l'abandonnant sur le trottoir pour s'engager dans la maison, claquant la porte derrière lui. Une fois dedans, sa colère s'envola. Ses mouvements se firent plus lents, infiniment plus calme. C'est donc avec délicatesse qu'il ferma la porte, à clef, un doux sourire sur les lèvres.

Il s'avança dans le couloir, observant les murs, les meubles. Il n'était encore jamais venu ici. Et il avait du patienter longuement avant de pouvoir contempler les lieux. Suite aux événements récents, Turin avait déménagé. Pour échapper à la persécution. Il était terrifié, terrorisé. Surtout que depuis quelque temps son agresseur avait commencé à vouloir lui faire du mal physique, il lui avait cassé le bras. Le nez. Des côtes. Son agresseur était totalement taré.

Et son agresseur c'était lui, Genève.

Au début c'était partit juste de l'idée de lui faire peur, de menacer un looser comme lui qui c'était fait larguer par cette salope de Lyon. Et puis rapidement, il avait commencé à le harceler au téléphone, à entrer chez lui, à le suivre. Turin avait décidé de déménager et de le faire secrètement, sans rien emmener, pour lui échapper. C'était sans compté les quelques caméras qu'il avait installé chez lui. La veille au soir, il était rentré chez lui avec son double des clefs et il l'avait trouvé endormi dans son lit, le sommeil visiblement peu tranquille. Des somnifères traînaient sur sa table de nuit, parce que sans il n'arrivait plus à dormir. Et c'est là que quelque chose avait commencé à se barrer en couille en lui. Il le désirait. C'était horrible. Mais il voulait lui faire l'amour.

Il ne lui avait rien fait. L'amour c'était pas son truc. Briser des os et arnaquer des gens, d'accord, mais violer, non. Il ne pouvait pas, ça restait trop… Horrible.

Le plan c'était déroulé comme prévu, il avait fait faire une copie des clefs de son nouveau logement et les avait remises en place.

Il avait décidé de se calmer, il ne le harcelait plus, ne lui faisait plus de mal, rien. Mais il n'avait pas put s'empêcher de continuer de pénétrer dans sa maison sans son autorisation et de le filmer, beaucoup plus qu'avant. Il n'y avait pas de caméra à l'intérieur, mais aux fenêtres, si. Il les installera dedans plus tard. Turin était devenu moins paranoïaque, moins stressé, moins apeuré depuis qu'il avait arrêté à ses yeux de le surveiller. Il sortait même de chez lui, c'est dire.

Ses pas le conduisirent au premier étage. La maison comportait deux étages et une cave mais n'était pas très large, ça compensait. À ce palier une salle de bain et un bureau, toutes les portes étaient grande ouverte. Il entra dans le bureau, il y avait des livres un peu partout, la grande bibliothèque murale n'avait pas suffit. Turin était très intelligent, plus que la moyenne, il était également la personne la plus cultivé qu'il connaisse. Il aimait l'art, avait une opinion politique des plus intéressante, était un grand egyptophile, était un bon pâtissier. Surtout avec du chocolat entre les mains. Il avait eu l'honneur d'être la capitale du puissant duché de Savoie, du royaume de Sicile, de Sardaigne puis finalement de l'Italie. Dommage que ce soit à lui que tout le monde s'en soit prit.

Il ramassa un livre relié, en latin. C'était un très bel ouvrage même si il n'en comprenait pas un traître mot. Lui comme beaucoup d'autres avait oublié la langue des romains même si il avait su bien des siècles avant la parler couramment et la lire après dans la Bible. Ce que leurs humains oubliaient, ils avaient souvent du mal à s'en souvenir. Et plus personne de nos jours ne parlait le latin comme on le faisait dans l'Antiquité.

Il quitta le bureau et entra dans la salle de bain. Il y avait du sang par terre. Beaucoup de sang. Un ange passa avant que Genève ne se rende compte de ce qui arrivait. Il se précipita en manquant de tomber sur le lino au dernier étage, grimpant les marches deux par deux. Effectivement, les traces de sang reprenaient sur ce palier, menant jusqu'à une pièce. La porte était entrouverte. Il entra en courant dans ce qui était visiblement une chambre. Turin était assis au pied de son lit, la tête et une main enfouie dans le drap. Le suisse se rapprocha lentement, lui faisant tourner doucement la tête. Il était inconscient. Puis ses mains tremblantes glissèrent sur la main encore crispé sur le drap taché de sang. Tout son avant-bras était couvert de profondes entailles dégoulinantes.


Il le fixa, dans sa grande chambre d'hôpital d'un blanc étouffant. Puis ses yeux descendirent sur Chambéry, à genoux, le front posé sur le lit alors qu'elle priait en pleurant. Nice lui caressait l'épaule, comme pour lui faire comprendre que si elle avait besoin de soutien, il était là. Puis il leva les yeux vers vous, des yeux sombres pleins de haine. Lui savait, que c'était de sa faute, qu'il l'avait poussé, qu'il était un monstre. Il savait et il ferait en sorte que toute l'Italie sache où été Turin par sa faute.

La savoyarde se releva et le prit dans ses bras.

« Merci, merci, merci d'avoir appelé les urgences. Merci. Infiniment merci.

— Allez, viens Chambèri. »

Il passa la main dans son dos et l'entraîna en la serrant contre lui hors de la chambre, les laissant seul tous les deux. Genève ne voulait pas être là quand les italiens viendraient, ce serait trop désagréable à voir. Ils en faisaient trop et les voir défiler dans des tenus funèbres avec leurs bouteilles d'alcool et pleurant avec exagération était trop pour Genève. La plupart du temps, lui préférait faire dans la sobriété.

Les heures passèrent et finalement il fut prier de sortir.

Le lendemain, il revint.

Quand il entra dans la chambre il fut heureusement surpris de découvrir que les italiens étaient déjà passé. Non sans laisser quelques cadeaux. Une bonne trentaine de bouteilles d'alcool, un grand plat de tiramisu, des centaines de confiseries en tous genre, une statuette de la vierge Marie, une Bible en latin, une bonne vingtaine de grands livres de la littérature italienne, toutes les oeuvres de Pasolini en DVD, toutes la discographies de Vivaldi et de Salieri, un violon. C'était étouffant.

Turin était réveillé et le fixait, respirant lentement. L'expression sur son visage était indéfinissable, mais ce n'était sûrement pas de la joie. Genève s'approcha, s'asseyant sur la chaise à côté du lit, l'italien fixant son regard sur le mur blanc en face de son lit.

« Désolé, tout est de ma faute. Balbutia-t-il en fixant ses pieds.

— Non. »

Quoi ? Comment ça non ?

« Ça fait un moment que ma vie est devenue un enfer. Et même quand les choses semblent s'améliorer, tout se casse la gueule et c'est encore pire qu'avant. Vous avez tous un peu plus détruit ma vie et les gens que j'aimais ne sont jamais venu à l'aide. J'ai toujours été seul contre l'acharnement du monde. »

Il tourna la tête, plongeant ses yeux gris vert dans les siens, le faisant se sentir infiniment mal.

« Je ne t'en veux pas particulièrement. Je crois qu'au fond, tu es celui que je hais le moins, que j'ai le moins envie de voir immolé vivant. Il marqua une pause, reposant son regard sur le mur. Qu'est-ce que tu faisais ?

— Chez toi ?

— Oui.

— Je ne sais pas. »

Il n'arrivait pas à le regarder, il s'en voulait tellement, même si Turin lui avait dit ne pas lui en vouloir. Impossible de croire une affirmation du genre quand votre interlocuteur avait un air aussi grave.

« Une vraie bande de faux culs.

— De qui tu parles ?

— Quand les choses vont mal, il y a ceux que tu ne veux pas voir, parce qu'ils ne t'aiment pas, parce que tu ne vaux rien à leurs yeux, mais ils viennent se donner bonne conscience et jouer les grands saints. Il y a ceux qui ne comprennent que quand il est trop tard, qu'il n'y a plus rien à faire. Il y a ceux qui ne viendront jamais aider, parce que tu n'as plus aucune valeur quand tu es dans la merde jusqu'au cou. Et il y a ceux qui t'ont oublié, que tu rêves de voir entrer dans la pièce, mais qui ne se souviennent même plus de ton nom. »

Les italiens. C'était les italiens la bande de faux culs. Il n'avait aucune importance à leurs yeux mais ils étaient tous de bons samaritains pleins de pitié et de compassion. Ce sont le genre de personnes à chanter tes louanges au-dessus de ton cercueil alors qu'ils étaient les premiers à te cracher au visage de ton vivant.

« Je ne sais pas dans quelle catégorie tu es, toi. Peut-être la première. »

Il l'observa longuement.

« Non. Tu fais ça pour te donner bonne conscience, mais je ne vaux pas rien à tes yeux. N'est-ce pas ? »

Genève sursauta, fixant Turin avec des grands yeux ronds. Un pâle sourire apparut sur les lèvres du blessé, faisant apparaître de la lumière dans ses yeux.

« Je sais que tu continuais de me filmer tout ce temps. Mais tu avais arrêté de te montrer menaçant ou violent, tu voulais juste continuer de me voir. De pouvoir rentrer chez moi pour sentir mon odeur, me voir dormir, savoir que j'étais ton prisonnier et que tu avais tous droits sur moi.

— Non ! Ce… Ce n'est pas vrai.

— Tu étais plus fort que moi, tu avais les clefs de ma maison, tu connaissais mon emploi du temps par coeur, tu savais que je ne voyais personne et que de toutes façons, je n'aurais jamais rien dit. Tu aurais put me violer, me séquestrer, me forcer à t'épouser, me tuer dans mon sommeil, mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi ? »

Le suisse resta figé, réfléchissant longuement. Il n'avait pas pensé à tout ça, il avait juste agi comme il pensait qu'il devait agir, instinctivement. Et son instinct lui avait dit de ne plus être néfaste.

« Parce que si tu avais été à ma place, je n'aurais eu aucune hésitation. » Murmura-t-il en le transperçant du regard.

Genève hésita une seconde avant de coller ses lèvres contre les siennes. Turin les mordit violemment, mais laissa sa langue glisser entre ses dents, venant chercher la sienne. Ses mains agrippèrent le col de sa veste, le tirant contre lui. Le suisse n'attendit mas une seconde de plus avant de grimper par dessus lui, sur le lit, sans quitter ses lèvres. Il commençait à manquer d'air mais il n'éloigna pas sa bouche, dévorant la sienne. Les mains du brun quittèrent son col, glissant sur son dos, pour atterrir sur ses fesses, sous le pantalon.

La porte s'ouvrit, laissant apparaître deux jeunes hommes à la peau halé. L'un tenait une bouteille d'eau-de-vie de myrthe.

« Heeeu…

— Bon, bah, on va pas tarder nous, hein Lanusèi ? On reviendra plus tard, on part !

— Ah bon, on fait ça nous ?

— Bah oui.

— Nan mais, ce que je pensais, on pourrait se lancer dans le porno, rendre la Sardaigne très réputé pour un truc, pour une fois ! »

L'autre parut très vexé par ses dires.

« Mais la Sardaigne est réputé pour beaucoup de choses !

— Nan. Pas des masses. On est totalement effacé par les autres méditerranéens. Alors, tu vois, je pensais que le porno, ça rapporte et puis-

— C'est qui les deux prix Nobel ? » Demanda Genève en descendant du lit, se refagotant.

Turin soupira, rangeant ses cheveux de devant son visage. Et dire que parfois il avait l'audace de penser nostalgiquement a l'époque où il faisait partit du royaume de Sardaigne. Des génies comme ça, on en faisait plus.

« Lanusèi et Nùgoro, mes deux sardes détestés.

— Tu nous présentes ton mec ?

— Genève, le mec qui a prit une phrase dans lequel je lui disait explicitement que si j'en avais eu la chance j'en aurais fait ma salope pour une déclaration d'amour.»

Les sardes restèrent une demi-heure, prenant des nouvelles et souhaitant une bonne réhabilitation à leur ami italien. Peu après, il fut annoncé la fin des visites. Genève était venu tard aujourd'hui et le temps avait défilé à une vitesse folle, le forcant à rentrer chez lui.

« Genève.

— Hmm ?

— C'est Lyon que j'aime. Je continuerai de faire mon connard avec lui jusqu'au bout, mais je veux bien qu'entre toi et moi il y ai quelque chose.

— Ça me va. »

Il prit sa veste et se dirigea vers la porte, doucement. Son cerveau était brouillon mais il savait juste qu'il allait pouvoir avoir le sujet de son obsession pour lui. Et ça, ça le rendait heureux. Comme il l'était rarement.

« Et peut-être même que je pourrais finir par ressentir la même chose à ton égard. »


Oui. Je devrais faire le chapitre suivant de Meetings , mais c'était trop tentant. Pardon.

Et comme d'habitude, je n'avais aucune idée des genres à mettre.