Drabbles des Oubliés (1)

Bonjour à tous et à toutes ! Ici débute un recueil tout neuf sur nos oubliés, les petiots de la SPPS. Aucune garantie sur les délais de post.

(selon la règle du drabble de mille mots, pas de cent -caprice de Lou-)

Mais j'ai enfin tenu ma promesse. Si quelqu'un s'en souvient… En revanche, Passe d'arme est en phase de raturage et de re-raturage, donc la suite… peut-être pour la semaine prochaine. Ah, et puis je pense aussi ouvrir un recueil de Gerza sur un thème un peu triste. Un jour.

Bonne lecture.

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ALZACK et BISCA

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Fraise

Bisca, c'était des quantités de choses.

C'était une chevelure longue et verte, lisse, qui tombait en une petite frange sur un front pâlichon. C'étaient de beaux yeux noirs et une bouche cerise parfaitement dessinée, abrités sous l'ombre d'un chapeau de cowboy à larges bords. C'était un tumulte intérieur qui en faisait reculer plus d'un et aimantait les autres. C'était une déesse de la gâchette qui ne ratait sa cible qu'une fois sur cent. C'était la partenaire idéale, celle qui touchait tous ceux que vous manquiez et se révélait complémentaire de votre propre être.

Du moins, de celui d'Alzack.

Il avait entendu dire sur eux deux des phrases qui, dès qu'il y songeait, le laissaient rouge comme une pivoine. Rouge, c'était joli. C'était la couleur des lèvres de Bisca, après tout. Mais était-ce pour autant bien pour lui… Sa seule et misérable arme, dans ce genre de cas, ce n'était non pas sa gâchette mais une vulgaire parade de lâche, tourner la tête avec l'espoir qu'elle ne le verrait pas, ce sang brûlant qui lui montait aux joues.

Parfois, elle aussi était prise de ce genre de crise d'incarnat, et, s'il n'en comprenait pas toujours la raison, il n'en détournait pas moins lui aussi la tête tandis que son imagination ronronnait à vive allure, lui montrant des scènes qu'il aurait préféré ranger dans un petit coin de son esprit, hors de portée.

Il n'arrivait pas à se souvenir du jour où cela avait commencé. Depuis toujours, sans doute. Ils avaient été des partenaires inséparables et d'une efficacité qui aurait presque rivalisé avec celle d'Erza. Et puis, allez savoir comment, le cœur d'Alzack avait pris une balle perdue. L'une de ces balles uniques sur cent qui échappaient au génie des tirs de Bisca, à ses doigts blancs, longs et fins, qui dansaient sur le métal comme des petites nymphes.

Et quand, blessée à cause d'un faux pas, il l'avait rapportée dans ses bras jusqu'à la guilde, quelque chose en eux avait changé. Le cœur touché. Ou bien le souvenir qui persistait. Un simple instant qui lui avait permis de comprendre qu'il n'était plus indifférent.

Car il se l'était cru. Il était timide, silencieux, bafouillant parfois, et caché derrière son poncho et sa masse de cheveux noirs qui ne laissaient apercevoir qu'un œil. Au contraire de Bisca, joyeuse, énergique, avec sa voix grave et envoûtante, et à la fois joueuse et sage. Il n'y avait que dos à dos, dans la bataille, lorsqu'il puisait en elle son énergie, son courage et sa volonté, qu'il oubliait ses troubles.

Du passé, tout ça.

Aujourd'hui était un jour différent. Aujourd'hui était le jour où il avait appris de sa bouche la raison pour laquelle elle aussi s'empourprait. Aujourd'hui… aujourd'hui, c'était l'aube. Dans quelques instants, le zénith.

Il y avait une senteur sucrée de fraise des bois qui flottait tout autour d'elle tandis qu'elle prononçait ces mots. Alzack ne savait pas trop s'il s'agissait de parfum. Bisca avait toujours senti un petit peu la fraise, et le simple fait de la regarder engloutir le petit fruit sauvage entre ses lèvres exquises le catapultait au paradis. Elles remuaient, ses lèvres, elles dansaient, et leur odeur fruitée lui montait langoureusement à la tête. Cela, ajouté à sa voix légèrement grave et soyeuse, l'enivrait. Il avait conscience que ses joues devaient être aussi rouges que les baies à portée de main, mais pourtant, il ne détourna pas les yeux.

Ce fut Bisca qui le fit, les pommettes brûlantes comme un brasero, et les mots, timidement murmurés, moururent avec son souffle. Celui d'Alzack était tout aussi court, et son cœur dans sa poitrine battait avec une vigueur et un rythme assourdissants, tant et si bien qu'il voulut le faire taire pour savourer la phrase. Il ne lui en offrit pas le loisir.

Le profil de Bisca était fin. Elle observait le sol, gênée, hésitante, comme si elle avait envie qu'il ne la regarde plus. Et il ne la regardait pas. Il la dévorait. Elle, une pluie de cheveux vert feuille, un visage aux contours parfaits, deux yeux sombres et brillants abrités sous une forêt de cils, et enfin, une jolie petite bouche rubiconde et parfumée comme une fraise des bois. Il avait une envie folle de la goûter, celle-là plus que les autres, attirante, qui faisait tournoyer ses sens.

Alors, maladroitement, retenant les tremblements qui agitaient ses doigts, terrifié et émerveillé par son propre geste, il saisit délicatement le menton de la belle entre ses mains. La peau était douce et chaude, comme dans ses rêves. Leurs yeux à tous deux commençaient à se clore. Il tourna son visage, y posa ses prunelles, se pencha au-dessus.

Et cueillit la petite fraise entre ses lèvres.