Une baguette magique. Le sablier de la maison Serpentard brisé. Les émeraudes mêlées au sang. Mais pas de corps. Sur le lieu du crime, quatre sorcières de quatre maisons différentes. Rien ne les relie, tout les sépare. Leur unique point commun : se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.
Le chef des Aurors se trouvait dans une situation critique. Quand on l'avait appelé en urgence à l'école de sorcellerie Poudlard, il avait tout de suite imaginé le pire. Seulement une quinzaine d'années s'était écoulée depuis la mort du plus grand mage noir de tous les temps. Lorsqu'un sorcier tirait la sonnette d'alarme, la panique se répandait comme une traînée de poudre dans toute la communauté sorcière. Lorsqu'on associait un accident à Poudlard, l'endroit où les enfants étaient censés être le plus en sécurité après les événements de 1998, l'affaire tournait vite au vinaigre.
Accompagné de son meilleur élément, le non moins connu Harry Potter, et de son nouvel apprenti Ian Scott, Trevis Dwyer observait l'ampleur des dégâts sans rien y comprendre. Le sol du hall d'entrée était recouvert d'émeraudes représentant les points accordés aux Serpentard. Aux pieds du sablier détruit, les morceaux de verre et et les pierres précieuses se retrouvaient mélangés à la flaque de sang. Dwyer se pinça le menton entre son pouce et son index, en proie à d'intenses réflexions.
— Depuis quand a-t-elle disparu ?
Les yeux du chef des Aurors étaient rivés à la tâche sombre sur le sol.
— Personne ne l'a vue depuis deux jours entiers, répondit Sybille Trelawney en resserrant ses châles autour d'elle, comme pour masquer les frissons dont elle était parcourue.
Dwyer toussa, ses pensées défilant à toute vitesse dans sa tête. Au bout de quelques secondes qui semblèrent durer des heures aux personnes présentes sur les lieux, il se tourna vers ses collègues.
— Potter, prends les photos, Scott, transplane à Sainte Mangouste. Il faut qu'on analyse un échantillon au plus vite. Peut-être qu'il ne s'agit pas du sang de la petite Newton. Je m'occupe des suspectes.
L'Auror n'était pas dupe. Les chances étaient beaucoup trop élevées pour qu'il ne s'agisse pas du sang de la petite Zara Newton. La malheureuse avait disparu depuis des jours. De nombreuses hypothèses auraient pu justifier une absence en sa qualité de Serpentard : se perdre dans les cachots ou encore une potion somnifère périmée administrée par un élève de l'une des trois autres maisons. Seulement, c'était ce qu'on croyait jusqu'à aujourd'hui.
Quand le concierge, réveillé par le bruit, était descendu voir ce qui s'était passé au rez-de-chaussée, il était directement tombé sur quatre septième années se disputant autour du désastre. Elles n'avaient rien vu et visiblement, elles avaient découvert la scène de la même façon que le vieux Rusard. Pourtant, ce ne pouvait être une simple coïncidence pour l'esprit affuté de l'auror Dwyer : trouver quatre filles dans le hall d'entrée à minuit passé dans un tel carnage ne pouvait pas relever d'une simple coïncidence.
Potter acquiesça vivement avant de se mettre à fouiller dans le matériel qu'ils avaient emmené. Il fallait agir vite, aussi Dwyer s'empressa de rejoindre la Grande Salle où les attendaient les quatre jeunes filles. Dès lors qu'il eut posé un pied dans la pièce, cinq têtes se tournèrent vers lui. Il y avait les quatre étudiantes bien sûr, mais aussi leur directrice, le professeur McGonagall. Dwyer se rappelait d'elle très clairement : ils venaient de la même promotion et s'étaient visiblement tous les deux entêtés à vouloir retarder l'heure de la retraite.
— Très bien mesdemoiselles, les salua-t-il après avoir fait un bref signe de tête à son ancienne camarade. Il se fait tard, j'en suis conscient, mais je pense que vous savez parfaitement pourquoi nous ne vous avons pas renvoyées dans vos salles communes.
L'une des filles réprima un hoquet de terreur, mais l'Auror ne s'en formalisa pas. Il s'assit à leurs côtés, pour se mettre à leur niveau, et même s'il avait du mal à se l'avouer, à cause de la fatigue. Dwyer les observa alors une à une, essayant de déceler un détail chez chacune qui permettrait de lui apporter ce dont il avait besoin. Cependant, après une longue période d'observation dans un silence tendu, il joignit ses deux mains d'un air décontracté sous l'œil méfiant de McGonagall qui était restée debout.
— Jouons franc jeu, si vous le voulez bien, reprit Dwyer. L'une de vos camarades a disparu, elle est très probablement mourante à l'heure actuelle. Plus vite vous me dites ce que vous savez, plus vite nous la retrouverons et nous oublierons ce qui s'est passé ce soir.
— Mais on ne sait rien... je ne sais rien, se corrigea la Serdaigle d'une toute petite voix.
— Comment tu t'appelles ?
— Pamela Warren.
— Pamela, que faisais-tu dans le hall d'entrée à cette heure-ci ? l'interrogea l'Auror en percevant une ouverture chez la jeune fille.
— Je... c'est... je ne peux pas...
Les bafouillages de la jeune fille ne s'améliorèrent pas tandis qu'elle tentait vainement de trouver une excuse. Les joues de Pam devinrent écarlates au fur et à mesure de ses hésitations. Puis, Dwyer remarqua le rapide coup d'œil que la Serdaigle avait lancé à sa voisine.
— Et toi ? demanda-t-il en s'intéressant à elle.
— Moi ? Vous osez le demander ? s'insurgea la Gryffondor. Je ne sais pas ce que je faisais ici, avec ces trois trolls...
Holly Sandford hérita des regards noirs de la Poufsouffle et de la Serpentard alors que la Serdaigle rougissait de plus belle.
— J'avais rendez-vous avec Liam, mon petit ami, si c'est ça que vous voulez savoir ! Mais n'allez surtout pas croire que j'avais prévu de passer Newton à tabac avec elles ! Nous n'avons rien à voir, elles ne sont rien, elles !
— Miss Sandford, surveillez votre attitude ! la réprimanda le professeur McGonagall, les ailes du nez frémissantes.
— Non, je ne veux pas être accusée à tord ! s'emporta Holly en se levant brusquement. Excusez-moi, il faut que j'aille aux toilettes.
La Gryffondor s'empressa de quitter la pièce telle une tornade dévastatrice. Dwyer la suivit du regard, soupçonneux. Etait-ce des larmes qu'il avait cru percevoir dans les yeux de la jeune fille ? Il garda ce détail en mémoire en se tournant vers la Poufsouffle. L'allure droite et sûre d'elle, elle le fixait sans ciller.
— Je suis Christa Knight, se présenta-t-elle. Préfète-en-chef de Poufsouffle, présidente du comité des élèves de Poudlard, Poursuiveur au sein de mon équipe de Quidditch et responsable du club de Bavboules de l'école. Madame la directrice pourra en attester, j'ai une autorisation spéciale qui me permet de veiller tard au château. Des questions ?
— Pourquoi vous trouviez vous dans le hall en présence de vos camarades ?
— Je revenais d'une salle de classe, je rentrais à ma salle commune.
Dwyer plissa les yeux. Il savait quand on lui mentait. Les réponses toutes prêtes de la jeune fille lui semblaient trop préparées pour qu'il s'agisse de l'entière vérité. Cependant, la dénommée Christa paraissait savoir ce qu'elle faisait. Elle ne détournait pas son regard du vieil Auror, l'air déterminée.
— C'est vrai, miss Knight détient cette autorisation, confirma McGonagall après quelques secondes de silence.
— Bien, fit Dwyer en se tournant vers la dernière élève.
Les bras croisés, la Serpentard fixait un point invisible au delà de la table des professeurs. Quand elle se rendit compte que l'Auror la regardait, elle se tourna lentement vers lui.
— Je m'appelle Madeleine Selwyn et je n'ai rien à vous dire, avoua-t-elle en faisant un geste désinvolte de la main. Je pourrais trouver une excuse mais je ne serais pas honnête. J'aime me balader la nuit, c'est tout.
— C'est tout ?
— Oui, affirma Maddie. Je suis insomniaque.
L'Auror plissa les yeux.
— Insomniaque ?
— Oui, j'ai troubles du sommeil, du mal à m'endormir. Pour être tout à fait honnête, avoir Mary la ronfleuse dans mon dortoir ne doit pas beaucoup m'aid…
— Merci, miss Selwyn, je sais ce que sont les insomnies.
Dwyer soupira profondément devant l'air pincé de Maddie. Le temps n'était pas en leur faveur et Zara Newton était toujours portée disparue. Aucune de ces filles ne semblait prête à coopérer pour une raison qui lui était inconnue. La seule chose dont il était assuré était le fait qu'elles ne lui donnaient pas les réelles raisons de leur présence sur le lieu du crime. Dans un geste nerveux, il se mit à tiquer ses ongles contre la table en bois massif. Minerva McGonagall le fixait avec un regard perçant, comme si elle tentait de sonder son esprit.
— Je pense que vous ne m'avez pas très bien compris, reprit l'Auror en s'adressant aux trois filles. L'une de vos camarades a disparu, elle a perdu beaucoup de sang et vous êtes les seules à pouvoir l'aider. Voulez-vous avoir sa mort sur la conscience ?
Pamela Warren réprima un gémissement face aux dures paroles de l'Auror. Mais il n'était pas d'humeur à les ménager : elles avaient l'air d'en savoir bien plus qu'elles ne le prétendaient. McGonagall le toisait avec sévérité, pas certaine que les brusquer soir la bonne solution pour leur arracher des réponses.
Puis soudain, la porte de la grande salle s'ouvrit à nouveau sur la Gryffondor qui revenait des toilettes. Elle marchait la tête haute, la mâchoire serrée, puis s'arrêta à leur niveau.
— On vous demande dans le Hall d'entrée, monsieur, ajouta-t-elle sans laisser transparaitre aucune émotion.
Dwyer observa un instant la jeune fille se rasseoir et lui-même se leva.
— Minerva, vous devriez m'accompagner, lui suggéra-t-il en désignant la sortie. Mesdemoiselles, nous n'en avons pas terminé. Je reviens dans un instant.
Suspicieuse, la professeur à la robe de sorcier écossaise suivit l'Auror sans un mot. Cette disparition la mettait très mal à l'aise. Il y quinze ans, ils avaient cru en avoir fini une bonne fois pour toutes avec les drames à Poudlard. Pourtant, l'accident qui venait de se produire lui faisait l'effet d'une claque dans la figure.
Minerva McGonagall était bien trop sceptique : pour quelles raisons aurait-on fracassé le crâne de Zara Newton dans le sablier de sa maison ? Il ne pouvait pas s'agir d'une quelconque vengeance, la jeune fille était plutôt joviale, entourée d'amis et n'avait jamais fait l'objet d'un quelconque conflit. La directrice se demandait également comment les quatre étudiantes s'étaient retrouvées dans le hall à ce moment précis étant donné le fait qu'elles n'aient aucun lien avec la victime potentielle.
En croisant le regard de Trevis Dwyer à la sortie de la grande salle, ses interrogations se confirmèrent. Son ancien camarade n'avait pour le moment aucune piste pour retrouver la jeune fille disparue, le seul lien qui pouvait leur donner le moindre indice concernait justement Pamela Warren, Holly Sandford, Christa Knight et Maddie Selwyn.
— La baguette appartient très probablement à Zara Newton, leur dit Harry Potter en s'avançant vers eux. Les derniers sorts lancés ne concernent que des sortilèges mineurs. Il faudra passer chez Mr Ollivander pour le vérifier.
— Des sortilèges défensifs ? lui demanda McGonagall, inquiète.
— Trois Protego, en effet, acquiesça Potter avec une légère grimace. Et Scott a effectué un prélèvement, il vient de partir pour faire analyser l'échantillon de sang à Londres. On devrait avoir une réponse d'ici une heure.
Dwyer n'ajouta rien, sachant pertinemment que la baguette magique était une preuve suffisante de l'identité de la victime.
— Le château a été fouillé, n'est-ce-pas ?
— Deux fois avant que vous n'arriviez, répondit McGonagall.
— Je vais de ce pas passer un coup de cheminette au Bureau, on a besoin de renforts, les informa le chef des Aurors.
— Je vous accompagne dans mon bureau, acquiesça la directrice.
— Attendez ! s'exclama Potter, l'appareil photo dans les mains. Les parents de Zara sont arrivés, ils vous y attendent déjà.
Minerva McGonagall prit la nouvelle avec calme et lui lança un triste sourire qui accentuait les rides de son visage avant de suivre les pas de Trevis Dwyer. Elle aurait aimé revoir son ancien élève dans des circonstances plus réjouissantes. Et surtout, assister à un nouveau malheur dans l'école qu'ils chérissaient tous était une chose qu'ils auraient préféré éviter plus que tout au monde.
Le silence semblait troublant et s'était imposé depuis de nombreuses minutes – de trop nombreuses minutes. Les quatre septième années ne s'étaient pas adressées la parole depuis que leur directrice et le chef des Aurors avaient refermé la grande porte derrière eux. Dans cette pièce, tout paraissait être différent à l'heure actuelle : Christa avait oublié à quel point elle chérissait son meilleur ami, Pam ne pensait plus à sa solitude oppressante qui la forçait à envier les autres, Maddie avait mis de côté ses problèmes familiaux compliqués et Holly avait même cessé de s'inquiéter pour son image de « it girl ».
Car ce soir marquait un tournant indéniable de leur vie.
Ce soir, ces quatre filles pourtant si opposées, s'étaient rejointes sur un même pied d'égalité : elles avaient menti à propos de leur raison pour leur présence dans ce maudit Hall d'entrée. Pour la sauvegarde de leurs secrets, au dépens de la vie d'une de leurs camarades.
— Alors quoi, nous allons attendre qu'ils reviennent pour nous envoyer à Azkaban ? cracha Holly, les yeux rouges, en brisant ce calme empli de tension.
— S'il-te-plaît, ferme-la, soupira Maddie, la tête entre les mains. J'ai un mal de crâne terrible.
— Les filles, dit Christa d'un ton autoritaire tout en ignorant le regard meurtrier de la Gryffondor rivé vers elle. Nous avons un sérieux problème, je crois que nous sommes toutes conscientes que quelqu'un nous a manipulées pour nous envoyer dans le hall.
Aussitôt, Maddie la Serpentard releva la tête avec des yeux ronds presque exorbités. Pamela la regardait craintivement et Holly fronçait les sourcils, bras croisés. Christa souffla un bon coup : si les autres avaient caché la véritable raison de leur venue au rez-de-chaussée à une heure aussi tardive, c'était que ces trois filles lui ressemblaient bien plus qu'elle n'aurait jamais aimé l'avouer. Cependant, il fallait que quelqu'un brise la glace et se décide à parler de cette mise en scène.
— Ecoutez, je vais être franche, j'ai menti à cet inspecteur. Je ne travaillais pas dans un coin du château. Quelqu'un m'a fait venir ici. Quelqu'un qui me connaît bien, un peu trop bien.
— Même chose, approuva piteusement Maddie.
La Poufsouffle et la Serpentard se tournèrent vers les deux autres, attendant une réaction de leur part.
— Oui, moi aussi, dit Pam d'une toute petite voix. Celui... ou celle qui m'a attirée ici n'aurait jamais... jamais du savoir.
Fidèle à elle-même, Pam rougit violemment en détournant le regard, gênée. De son côté, Holly restait en retrait, toisant avec rage quiconque s'intéressait de trop près à elle.
— Je vous l'ai dit, je devais rejoindre Liam, se défendit-elle hargneusement.
Maddie haussa les sourcils, comme si la réponse de la Gryffondor était une évidence. Elle échangea un regard entendu avec Christa, puis le silence retomba, bientôt brisé à nouveau par la timide Pamela :
— Vous croyez que Zara nous a toutes envoyées ici ?
Christa haussa négligemment les épaules, même si cette question l'épouvantait. Zara Newton y était forcément pour quelque chose. La Poufsouffle était consciente qu'elle était plus ou moins reliée à Zara, mais qu'en était-il des autres ? Quels secrets défendaient ses trois camarades au point de cacher la vérité elles aussi ? Et puis, cette histoire ne rimait à rien pour Christa : pourquoi Zara les aurait-elle envoyées dans le hall d'entrée, lieu de son agression ?
Chacune dans ses pensées, les filles ne remarquèrent pas tout de suite la chouette qui était entrée par les hautes fenêtres de la Grande Salle pour venir se poser entre elles. Un morceau de parchemin était accroché à sa patte, mais personne ne se précipita pour le lire. Quatre paires d'yeux étaient fixées sur l'oiseau sans même penser au pourquoi de sa venue.
— C'est... c'est pour nous ? balbutia Pam.
Maddie leva les yeux au ciel mais évita de lui répondre de façon trop glaciale. Elle savait que la pauvre fille était bien trop réservée et manquait cruellement de confiance en elle. Ce n'était pas le meilleur moment pour la brusquer.
— On devrait la lire, proposa alors Christa qui avait perdu de son assurance.
— Evidemment ! s'interposa Holly en se jetant presque sur la chouette.
La Gryffondor arracha la missive des pattes de la chouette qui s'envola d'un coup d'aile courroucé, puis déplia le court message qui y était inscrit. Maddie, Christa et Pam étaient pendues aux expressions figées de Holly. Quand cette dernière reposa enfin le morceau de parchemin, toute trace de colère avait disparu de son visage. Holly était blême. Dans un même mouvement, les trois autres filles s'empressèrent de lire le message à leur tour, Maddie allant jusqu'à se contorsionner au dessus de la table pour en prendre connaissance au plus vite.
Je sais qui vous êtes. Je connais vos petits secrets. Êtes-vous prêtes à jouer avec moi ?
- Z
Disclaimer : je suis la série Pretty Little Liars depuis quelques années, j'ai trouvé intéressant d'utiliser le concept de la série et de l'adapter à l'univers HP, et plus particulièrement à Poudlard. Les personnages ne sont pas les mêmes que dans PLL mais j'aime glisser quelques clins d'oeil au cours de l'écriture. En espérant que ça vous plaise !
Crédits image de couverture: pink-heart sur DA
