Fiction sur un couple que j'aime bien, sans l'adorer, dédiée à ma stroumpfette. J'espère que tu apprécieras^^
Les personnages ne sont pas à moi mais à Tolkien.
Chapitre deux bientôt en ligne, dans moins de deux semaine, promis.
Il existe, à l'extrême orient des Terres du milieu, une immense foret accolée à un lac. Même si le pays est souvent envahi par la brume, même si les arbres y sont moins sains et moins beaux que ceux de Lorien, même si le lac est moins miroitant et moins infini que la mer, si chère à ses yeux, ce coin du monde est sans conteste le lieu que Legolas préfère parmi tout ceux ou ses pas l'ont déjà mené.
Immobile, prostré entre deux branches d'un Charme bleu qui le protégeait du soleil déjà avare, l'Elfe aurait pu dormir. Il aurait même pu paraitre mort si le rythme calme des soulèvement de sa cage thoracique n'avait pas détrompé les éventuels passants.
Il n'y avait aucun passant. Après la fin de la guerre, la plupart des gens qui vivaient hors des villes s'étaient réunis en des petits hameaux de maisons ou de fermes. Les hameaux étaient devenus rapidement des villages, puis la circulation s'était améliorée partout dans le monde, de même que le commerce entre les gens et les états. On avait construit des routes. Des convois itinérants faisaient la liaison du Rohan jusqu'à Minas Tirith, remontaient par le Gondor et, parfois, partaient bien plus au nord en Erebor ou passaient les montagnes pour rejoindre Arnor ou la Comté. Le pays de Mordor avait été mis en quarantaine pour cinquante ans, le temps de laisser mourir les quelques créatures susceptible d'avoir échappé à hécatombe des troupes de Sauron, et, accessoirement, le temps que les superstitions disparaissent de l'imaginaire collectif. Si bien que cette extrémité du lac, qui ne se trouvait pas excessivement loin de la frontière, avait été quittée par ses anciens habitants, des humains.
Legolas était le seul être pensant à des dizaines de kilomètres à la ronde.
Alors qu'il laissait ses pensées dériver sur la rapidité avec laquelle le monde s'était reconstruit, ses yeux se baladaient sur les arbres qui l'entouraient. L'automne avait rendu le soleil avare de chaleur, mais, malgré tout, les végétaux tenaient bon et semblaient refuser de céder au froid leurs couleurs presque bleues.
Tellement bleues que le contraste avec ses vêtement, verts, aurait signalé sa présence à n'importe quel passant.
Il n'y avait aucun passant.
Legolas soupira profondément en constatant que ses pensées tournaient en rond. Il se recroquevilla un peu plus.
"pauvre toi. Regardes toi, vois à quel point tu es lamentable ainsi roulé en boule dans un arbre. Est ce que tu te rends seulement compte de la stupidité de ce qui est en train de se passer? Est ce que tu te rend compte de ce que tu es en train de faire de toi?"
Il se retourna. Et, alors que les souvenirs assaillaient sa mémoire, alors que ses yeux se remplissaient de larmes, il lui prit l'envie de tomber au sol pour rejoindre et nourrir l'humus, pour voir son corps être disséminé par d'innombrables organismes vivants, pour sentir les nutriments de son être couler dans la sève du Charme bleu.
Il était inutile de lutter contre ces fantômes du passé qui le harcelaient.
Alors...
Legolas laissa, une fois encore, les doux songes des joies passées se rappeler à sa mémoire.
Étrange de penser que maintenant, tout était fini; que maintenant, tout ne pouvait qu'être fini. Il avait rempli son rôle jusqu'au bout; désormais, les elfes n'avaient plus qu'à se retirer de la scène. C'était ainsi.
Le déclin de sa race venait de prendre un tournant décisif. A présent, ils allaient lentement mais surement disparaitre de la surface du globe, à moins qu'ils n'aient la "chance" de seulement régresser.
Legolas soupira, retira sa capuche et offrit son visage à la lune.
A l'intérieur, la fête battait son plein. Le couronnement du Roi Aragorn, sous le nom d'Elessar Telcontar marquait la renaissance de la paix. Et, fatalement, la disparition de...
On y revenait toujours.
Pourtant, Legolas n'était pas si obsédé que ça par cette pensée. Cela lui faisait juste un peu bizarre. Il se demanda si on avait remarqué son absence, là bas. La pensée qu'en restant ici, il risquait de froisser son ami l'effleura, mais il n'avait vraiment pas envie de retourner auprès de tout ce monde. Trop de bruit, trop d'émotions mêlées, trop de... Monde.
Il avait eu du mal à trouver un coin tranquille. Et puis, cette ville manquait cruellement d'arbres. Accoudé à la rambarde d'un belvédère au dessus de la plaine, il scruta la nuit claire de ses yeux perçants. Et se demanda ce qu'il allait faire maintenant. Ils s'étaient promis mutuellement, Gimli et lui, de voyager ensemble pour que chacun découvre une fraction du monde de l'autre, mais il savait que le nain n'avait pas envie de partir avant plusieurs années, peut être même décennies, et lui aussi était un petit peu plus que quasiment immortel.
Legolas ferma les yeux un instant.
L'aube approchait; déjà, le ciel se teintait de couleurs pastels, sans pour autant devenir plus lumineux. Au contraire. Les étoiles disparaissaient lentement les unes après les autres et la Lune perdait de son éclat.
"Au revoir, Lune d'argent..."
L'elfe se retourna. Aragorn, malgré une nuit sans doute passée à fêter la victoire comme les autres, n'était pas moins resplendissant qu'à l'accoutumée dans son costume de Roi froissé.
Il sourit.
-Il y a longtemps que je te cherche, tu sais.
-Il est étrange de constater que tu affiches la même prestance dans tes habits sales et usés de rôdeur et dans ces vêtements royaux.
Un peu fatigué quand même, Aragorn eut besoin de quelques secondes pour décrypter cette phrase. Cela ne manqua pas de faire sourire son ami.
-Alors, que fais tu loin de la fête, loin de tes sujets, de tes soldats, loin de tes amis, et de ta femme, ton Arwen si chère à ton cœur?
-Je te cherchais.
-Tu m'en vois flatté... Y a t il une raison particulière à cela?
-Je t'ai vu partir il y a trois ou quatre heure, et je me demandais ce que tu avais, alors...
Il appuya ses mains sur la balustrade et, d'un coup de rein, l'enjamba pour s'y asseoir.
-Et puis, tu sembles mélancolique.
-Oui. C'était le dernier combat des elfes. Maintenant, notre race va...
La main d'Aragorn, soudain plaquée sur son visage, l'empêcha de terminer.
-Mmhpfne mhmpfe?
-Tais toi...
-M...
-Je pense qu'une dizaine de personnes m'ont déjà tenu ce discours. Je commence un peu à m'en lasser. Et puis...
-Mpfhne?
-... Et puis, je n'aime pas l'idée que tu sois voué à disparaitre.
Legolas lui jeta un regard un peu étonné.
-Les elfes sont ainsi. C'est stupide. si vous vous battiez, si vous essayiez, si vous le vouliez vraiment, l'histoire pourrait continuer à vous inclure.
Legolas retira la main qui le baillonait.
-Tu sais, la vie des elfes est longue... A peine assez pour devenir Sage, mais trop pour s'adapter au rythme de vie court et frénétique des humains. Il ne reste pas beaucoup d'entre nous ici. Les humains sont déjà plus puissants que ceux qui demeurent ici. Ne nies pas, tu sais très bien que c'est vrai. Et puis, sois donc heureux pour ta race, l'essor des humains ne peut se faire qu'au détriment du nôtre. Peut être vous aussi finirez par disparaitre au profit d'autres. A quand l'Age d'or des hobbits?
-Je...
-Pourquoi es tu si ému? Cette partie de la pièce ne se joueras que bien après ta mort, même si tu vivras longtemps. Est ce pour moi que ton cœur est soucieux?
Aragorn haussa les épaules.
-Que vas tu faire?
-La Mer me manque.
-C'est la raison du départ de tout les tiens. L'as tu seulement déjà vue?
-Est ce une raison pour qu'elle ne me manque pas?
Aragorn sourit à son tour. Toutes les étoiles avaient disparu. Les heures avant l'apparition du Soleil étaient les plus sombres.
-Si tu savais...
***
Le lendemain, sans l'avoir prévu, Legolas quitta la ville. Il n'avait prévenu personne et pensait que de toute façon, on ne s'inquiéterait pas trop pour lui.
Il était un peu agoraphobe.
Il chevaucha pendant plusieurs heures à travers montagnes puis plaines, puis, lorsque sa monture commença à montrer les premiers signes de fatigue, il s'arrêta au bord d'une rivière pour observer le paysage.
C'était vide. Et désolé. Il n'y avait pas le moindre arbre à des kilomètres à la ronde. Les vestiges d'une ancienne route, sans doute abandonnée depuis longtemps, traçaient une courbe harmonieuse dans la terre brune, passaient à proximité d'une ruine de bâtiment, sans doute une vieille ferme fortifiée, puis suivaient la même rivière pour aller se perdre entre deux montagnes. Le ciel, gris et nuageux, d'où commençait d'ailleurs à tomber quelques gouttes, s'accordait bien en couleurs et en forme avec le paysage.
Il n'avait pas de destinations particulières. Il n'était jamais venu ici. Il décida de remonter la rivière, pour essayer d'en trouver la source. En attendant, il dormirait dans l'ancienne ferme. La nuit serait froide et, même si il avait sa cape elfique pour le protéger, quatre murs et un toit contre l'orage qui approchait ne seraient pas de trop.
Legolas voyagea plusieurs jours, suivant le cours d'eau, à cheval la plupart du temps, parfois à pied, lorsque sa monture, rebaptisée Hiswë (Brouillard), semblait être fatiguée. Cela se fit un peu plus fréquent lorsqu'ils pénétrèrent dans les montagnes, puis, il finit par le laisser pour terminer sa course entièrement seul. Il avait confiance en la capacité de survie de Hiswë, et était à peu près persuadé qu'il retournerait à la ville sans encombre. Ou qu'il n'y retournerait pas, mais qu'il le ferait vivant.
Plusieurs fois, la rivière s'était divisé; il avait alors choisi au hasard l'affluent qu'il suivait. Les arbres étaient de plus en plus fréquents, même si le tout restait globalement fade et désert. mais ça n'avait pas d'importance, il pressentait la présence d'une foret après le second col.
Environ six jours après son départ de Minas Tirith, Legolas finit par arriver à la source de la rivière.
La source...
Il s'agissait d'un lac immense, d'une couleur intensément turquoise comme ceux des sommets, tout entouré de montagnes d'où s'écoulaient des cascades qui ruisselaient en jeux d'eaux étranges et baroques le long de falaises presque blanches. La rive ou il était se composait d'une simple plage de galet mais, de l'autre côté, un bois verdoyant succédait aux courbes brisées du relief. Les racines des arbres semblaient être directement issues de l'eau, les feuilles filtraient délicatement la lumière tamisée, loin, si loin, à des kilomètres de là. Un léger vent soufflait, ourlant la surface de l'eau de douces ridules miroitant de milliers de petits soleils presque blancs.
Personne ne devait avoir vu, ni même, sans doute, imaginé ce lieu, depuis sa création par les Valars.
Legolas sourit en s'asseyant sur l'herbe rase, pénétré par la pureté qui se dégageait de chaque élément naturel. Une impression de déjà vu s'insinua en lui. Comment exprimer l'idée d'une mémoire datant d'avant sa vie, une mémoire peut être directement héritée de ses Créateurs? Comment expliquer cette impression de sérénité comme s'il était déjà mort, ou pas encore tout à fait né...? Comment dire à quel point toute sa vie venait de trouver ses réponse, venait d'être justifiée par cette découverte?
Legolas resta face au Lac pendant plusieurs heures, admirant de tout son soûl l'eau turquoise et la foret émeraude. Il avait apprécié le voyage, bien qu'il l'eut trouvé long sans compagnon, mais n'avait pas vraiment prit le temps de répondre aux interrogations nées dans son cœur.
Lorsque le soir arriva, Legolas décida de gagner la foret. Il était consumé par l'envie mais aussi la peur de découvrir ses mystères. mais le vent s'était renforcé, et maintenant, il faisait plus froid, et il pleuvait de nouveau. Le lieu avait perdu de sa magie.
Il ne passerait rien qu'une nuit là bas et repartirait le lendemain.
Un humain aurait eu beaucoup de mal à se souvenir du parcours exact qu'il avait fait pour venir. Sur quels rochets on pouvait sauter, sur lesquels on ne pouvait pas; ou mette es pieds, où on glissait, où on tombait.
Legolas retraversa la montagne plus rapidement qu'à l'aller, et il ne lui fallut que trois jours pour gagner la plaine d'où il était partit. Contre toute attente, Hiswë était resté par ici, et, quelques jours plus tard, il était de retour à Minas Tirith.
Au moins était il apaisé.
Alors qu'il regagnait, en évitant le plus possible les gens, l'appartement qui lui était alloué, il se sentit tiré en arrière. Il n'avait pas entendu son agresseur arriver et son étonnement fut tel qu'il se laissa plaquer conte le mur sans vraiment réagir. Il savait que, de toute façon, il était assez fort pour se tirer d'une situation délicate. Par contre, qui pouvait lui en vouloir comme ça?
Deux yeux couleur d'orage lui faisaient face.
-Qu'ai je donc bien pu faire qui ai pu provoquer ton ire, grand Roi? fit il en souriant, quoique plutôt agacé qu'il l'ait attaqué comme ça.
-Ou étais tu?
La question avait été posée dans un murmure. Legolas fronça les sourcils, étonné... Aragorn, malgré son calme apparent, ne parvenait pas à lui cacher son soulagement
-Pourquoi?
-Pardon?
-Pourquoi cette question?
-Pourquoi pas?
-Ts.
-On s'inquiétait.
-Il me semble que je suis capable de me défendre tout seul en cas de problème, Aragorn.
-N'importe. Ou étais tu?
-Autre part.
Aragorn lâcha son col en soupirant. Il réfléchit quelques secondes sous le regard réprobateur et interrogateur de son ami.
-Je... Je suis désolé. C'est juste que... La Terre du milieu est loin d'être encore purgée de toute les créatures qui la souillent. Et j'avais peur que... Je ne voulais pas que... Que tu repartes si vite... Alors qu'on a pas eu le temps de se retrouver tous ensemble pour profiter de notre victoire. Alors que je ne t'ai même pas encore exprimé ma gratitude de...
Legolas décida de prendre sa gène pour du regret et lui sourit (ce qui n'arrangea rien, pauvre Aragorn!)
-Je compte rester là encore quelques temps. Jusqu'à ce que je décide que je m'ennuie. Ou que je veuille aller voir la mer. Je ne sais pas. Au pire, je te préviendrais avant de partir. Bien, maintenant que te voila rassuré, que dirais tu de me laisser rejoindre ma chambre? Je rêve d'un bain et, pour être franc je pense que des vêtements de rechange ne seraient pas de trop.
Aragorn s'effaça devant lui, un peu honteux de s'être montré si malgracieux et Legolas s'en alla avec un dernier sourire.
"Tiens, c'est amusant, je n'avais pas pensé qu'il s'inquiéterait pour moi."
Après long un passage, tiède et délicieux, dans l'une des sources chaudes qui approvisionnaient les Bains du palais, Legolas, changé et reposé, se joignit à ses compagnons de route pour le repas du soir. Aragorn avait profité que tout les membres de la communauté soient présents (sauf Boromir, comme on peut s'y attendre, et Gandalf qui avait mystérieusement disparu) pour qu'ils partagent un repas tout les sept.
La conversation autour des plats fut vive et joyeuse; après le repas, Merry et Pippin se lancèrent dans une de leurs danse, puis décidèrent de rejoindre les soldats et les habitants de Minas Thirith avec lesquels ils s'étaient liés d'amitié, espérant trouver auprès d'eux une ambiance plus festive. Sam, un peu soul, les suivit, ainsi que Frodon, plongé dans son habituel état de mélancolie perpétuelle. Aragorn, Legolas et Gimli restèrent à parler ensemble. Puis, le nain finit par partir lui aussi, sans raison particulière si ce n'est l'envie de rejoindre les jeunes hobbits pour les voir mener la danse. Aragorn et Legolas, resté seuls, sortirent prendre sur un balcon.
-Je suis désolé de m'être comporté comme ça tout à l'heure. Je suis fatigué en ce moment et je dois avouer que la charge d'un royaume à moitié dévasté est plutôt lourde...
Legolas lui sourit encore.
-Je sais.
-Peut être ne suis je finalement pas fait pour régner...
Son ami le regarda, surprit.
-Pardon? Est ce que tu t'es bien regardé? Tu as l'étoffe d'un roi, c'est l'évidence même. Tu es né pour monter sur ce trône. C'est juste une période! Je suppose que ce doit être un peu étrange de se retrouver dans cette situation quand on a passé sa vie à explorer le monde, mais...
Il se tut et observa Aragorn. Toute la fatigue du monde pesait sur ses traits. A son habituelle odeur de feu et de foret s'était ajouté une nouvelle fragrance, un peu musqué et épicée, du parfum qu'il portait, ses cernes s'étaient creusés et il avait imperceptiblement maigri.
Legolas tenta d'ironiser.
-Après des semaines et des semaines de route à travers le monde, après des dizaines de combats, des centaines de situations impossibles, de pression, après des heures passées à douter ou à tergiverser, te voilà Roi, toi qui es sans aucun doute la personne qui le mérite le plus au monde. Mais je ne pensais pas que la vie au château aurait cet effet là sur toi! Fatigué des diners et des réceptions?
Aragorn soupira.
-Tu ne comprends pas... Avant, même si certaines décisions étaient difficiles à prendre, on savait que ce qu'on faisait était juste, et on savait aussi globalement ce qu'on devait faire. Maintenant, la reconstruction du monde repose sur mes épaules. A chaque décision que je prends, j'ai l'impression d'avoir à trouver l'unique voie parmi des milliers d'impasses. Je... Il n'y a plus personne pour m'y aider.
-Je suis là, moi.
-C'est différent. Tu repartiras dès que tu le pourras. Et de même pour Frodon, Sam, Merry et Pippin qui repartiront quand leur nostalgie de chez eux sera plus forte que l'attrait des fêtes de minas Tirith. Gimli est déjà agacé par sa vie ici, il reste pour ne pas me vexer. Et même Arwen, elle est de plus en plus mélancolique, elle brule d'envie de retourner voire les sien à Fondcombe. Elle pense y séjourner pendant un mois ou deux avant de revenir.
-Alors, je ne m'en irais pas.
-Est ce que tu crois vraiment à ce que tu dis?
-Mais...
-Je ne pense pas. Tu passerais ta vie auprès de moi jusqu'à ce que ma peau se tende sur mes os, jusqu'à je ne sois plus qu'un vieillard sénile radotant et manipulé par des conseillers avides de pouvoir qui, déjà, cherchent à en obtenir quelques miettes par la flatterie et la servilité?
-Mais...
-Ton sang bout dans tes veines. Tu désire plus que tout t'envoler, rejoindre la mer, continuer à découvrir ce monde. Je ne retiendrais pas l'oiseau en cage.
-Estel...
-Et je refuse que tu vois cette déchéance. L'humanité me répugne à accepter cette agonie lente du cœur et de l'esprit. Je ne veux pas que tu voies ce que je vais devenir.
Legolas sourit.
-Tout meurt, se transforme, devient autre chose. Les humains meurent et se renouvellent. Les elfes partent et disparaissent. Les peuples se succèdent à la surface de la Terre.
Aragorn se tourna vers lui.
-Toi aussi, tu sera seul, un jour.
-Je sais.
-Toi aussi tu regretteras de n'avoir pas fait certaines chose qui auraient du être faites.
-Je sais.
-Toi aussi tu penseras à ton passé et tu t'y plongeras avec délectation lorsqu'il sera ton seul repère.
-Je sais.
-Alors, si j'ai envie de faire quelque chose que je dois surtout pas faire, mais que si je ne le fais pas, je le regretterais et mon passé me sembleras vide, dois je le faire?
-... Tu as bu?
-Je suis parfaitement sobre.
-ça dépend. ça dépend quelle est la nature de ce désir.
-... D'accord. Il commence à faire froid. Pourquoi ne pas rentrer?
Legolas, vaguement étonné de ce changement de sujet, hocha la tête.
Il tourna le dos au magnifique paysage de la plaine dans la nuit qui s'étendait sous leurs yeux et se dirigea vers la porte. Il sentit alors un souffle chaud dans son cou.
-... Euh?
Une main brulante se glissa sur sa taille tandis qu'un corps se collait à lui.
-A-A-Aragorn? Tu es sûr que tu n'as pas bu?
Sa respiration ne sentait pas l'alcool. Alors, il analysa rapidement toutes les hypothèses qui s'offraient à lui pour expliquer ce comportement pour le moins... Euh... Spécial.
Son esprit s'arrêta brièvement sur une solution si improbable qu'il la rejeta immédiatement.
Reconnexion à la réalité. Il fut tiré brusquement en arrière et plaqué contre un mur glacé (décidément, c'était une habitude). Aragorn lui fit face, un sourire indéfinissable flottant sur son visage.
-Une chose de moins que je ne regretterais pas...
Et il l'embrassa.
Voilààààà. Je me rends compte qu'il y a beaucoup de trucs inutiles. Je vais arranger tout ça.
