Présentation

(à lire impérativement!)

Ceci est la fanfiction que vous pouvez trouver sur le site SecretsHp, mais qui est ici sans musiqueni illustration. Avant que vous ne commenciez la lecture de cette histoire, j'aimerais vous apporter quelques éléments absolument essentiels afin de la comprendre entièrement. Rassurez-vous, j'essaierai d'être brève.

D'abord, je tenais à vous préciser que j'ai écrit ce roman après la sortie des quatre premiers tomes de Harry Potter. Tout ce que nous avons appris en lisant les tomes 5 et 6 ne figure donc pas dans ma fanfiction.

J'avais écrit ce «roman» pour compenser une trop grande frustration qu'avaient fait naître en moi ces quatre tomes: je trouvais que J.K. Rowling avait laissé dans l'ombre des personnages très intéressants et profonds, pour mettre au premier plan les aventures de Harry. J'ai alors voulu inverser les rôles et tenter de mettre en scène les personnages les plus énigmatiques pour apprendre à mieux les connaître. Ce premier tome est plus précisément consacré à un personnage en particulier – je dis «premier tome» parce que j'ai prévu d'en faire une trilogie – et autant vous dire dès à présent que Harry n'y apparaît que très peu, au risque de vous décevoir. Vous y trouverez néanmoins tous les élèves et les professeurs de Poudlard, ainsi que d'autres personnages de ma création, dont l'héroïne de cette histoire.

Encore une ou deux petites choses importantes à vous signaler. D'abord, que cette histoire se déroule pendant la cinquième année d'études de Harry, mais qu'elle n'est absolument pas la suite des quatre premiers tomes, et vous découvrirez d'ailleurs pourquoi dans les pages à venir. Ainsi, Harry a déjà passé quatre ans à Poudlard, mais il ne s'est jamais trouvé nez à nez avec Voldemort, il n'a jamais rencontré son parrain Sirius Black qui, au moment où se déroule l'histoire, est encore en prison, il n'a jamais eu comme professeur de Défense contre les Forces du Mal Gilderoy Lockhart, Quirrel, Remus Lupin ni Maugrey Fol'œil. La Chambre des Secrets n'a jamais été ouverte une deuxième fois, le Tournoi des Trois Sorciers n'a jamais eu lieu, Hagrid n'est pas devenu professeur de Soin aux Créatures magiques. Le monde des sorciers n'a plus jamais vu la moindre trace de Voldemort depuis qu'il a tenté de tuer Harry et que son propre sort s'est retourné contre lui, et les quatre années passées à Poudlard ont été plutôt paisibles pour Harry, mis à part quelques querelles avec Drago Malefoy, les Serpentard ou leur directeur, le professeur Rogue. En résumé, dans ma fiction, j'ai banni tout ce qui concernait les aventures de J.K. Rowling et leurs conséquences, et je n'ai gardé que les sentiments de haine ou d'amitié qu'entretenaient déjà les personnages entre eux. Vous commencez à comprendre? Sinon, ce n'est pas grave, tout s'éclaircira pour vous lorsque vous lirez l'histoire.

Puisque je viens de mentionner le professeur Rogue, le maître des Potions, je vais poursuivre et terminer cette présentation en vous signalant que j'ai choisi de rétablir son véritable nom, c'est-à-dire celui qui est utilisé dans la version anglaise, Severus Snape (prononcer «Snèïpe»). Ceci est en rapport avec le tome 2 de ma «Trilogie du Miroir», que je n'ai pas encore rédigé soit dit en passant, mais que j'ai déjà entièrement planifié dans mon crâne.

Et si vous vous demandez à quel genre appartient cette histoire, je dirais qu'elle se situe dans la catégorie «Mystère». Elle vous paraîtra simple au début, mais méfiez-vous, elle risque de se révéler bien plus complexe que vous ne l'imaginez. Soyez patients et cherchez à voir au-delà des apparences…

Il ne me reste plus qu'à vous signaler que vous avez deux options: soit vous lisez la fanfiction normalement, soit vous la lisez en écoutant les musiques qui l'accompagnent. Il vous suffira alors d'allumer le son de votre ordinateur et la musique se déclenchera toute seule (notez que ce n'est pas une musique continuelle, elle ne concerne que certains passages de l'histoire), tout comme celle de la page titre qui est en train de se jouer actuellement.

Voilà. Etes-vous prêts à embarquer pour une nouvelle année à Poudlard? Alors grimpez vite dans le wagon du premier chapitre!

-1-

Chaude purée et froide rencontre.

"Encore deux ou trois livres…"

Anhura avait bientôt fini sa valise, ou plutôt, son énorme valise, ce qui n'était pas peu dire : elle allait partir pendant quasiment toute une année.

"Ouf ! Pas trop tôt !" murmura-t-elle, tandis qu'elle bouclait enfin ses bagages.

Elle s'assit lourdement sur son lit et contempla sa chambre vide d'un air songeur. Elle pensait avec une certaine appréhension à ce qui se passerait une fois qu'elle serait là-bas. Elle n'était pas faite pour cela. Vraiment pas. Elle regrettait d'avoir accepté, mais c'était trop tard, elle ne pouvait plus reculer à présent. Elle revoyait encore le regard pétillant et heureux d'Albus Dumbledore lorsqu'elle avait dit oui, plus d'un mois auparavant. Il était de passage dans son village lorsqu'ils se rencontrèrent dans une petite rue, et qu'il l'invita à boire un jus de citrouille pour discuter un peu.

"Alors, dis-moi, qu'as-tu fait depuis la fin de tes études?" lui avait-il demandé paisiblement, ses mains posées sur la petite table, autour de son gobelet.

" Oh, eh bien, à ma sortie de Poudlard, j'ai commencé à travailler dans la librairie de mon père. Au début, c'était simplement en attendant de devenir une Auror. Mais avec ce qui s'est passé…" Elle leva les yeux pour la première fois depuis le début de sa réponse. "Enfin, vous savez…"

"Oui, je sais," acquiesça gravement Dumbledore.

"Je me suis ravisée, et j'ai préféré continuer ce métier," finit-elle en tournant machinalement la paille qui trempait dans son jus.

"C'est compréhensible," assura-t-il d'une voix douce.

Anhura sourit faiblement, et, souhaitant éviter son regard, dévia le sien sur un chien qui passait près de la terrasse où ils se trouvaient, à la recherche d'un nouveau sujet de conversation.

"Poudlard me manque beaucoup. Y a-t-il eu de grands changements depuis mon départ ?"

Il resta silencieux, la regardant intensément à travers ses lunettes en demi-lunes, pris dans une soudaine méditation. Puis, il esquissa un petit sourire, avant de répliquer :

"Je ne te le dirai pas."

Surprise, Anhura lâcha sa paille.

"Pourquoi ?"

"Parce que," répondit lentement Dumbledore, une lueur rieuse et malicieuse dans ses yeux, "tu n'as qu'à venir voir par toi-même."

Elle essaya de comprendre ce qui trottait dans la tête de son ancien directeur, mais ne trouva aucune explication cohérente.

"Comment ça?" finit-elle par demander avec méfiance.

Il sembla réfléchir un court instant à la meilleure façon de lui répondre, puis répliqua, "Vois-tu, un poste vient de se libérer."

Un début de réponse commençait à se former dans l'esprit d'Anhura.

"Un poste de… de professeur ?"

"Oui," répondit-il fermement, avant de sourire à nouveau. "De professeur de Défense contre les Forces du Mal."

Un grand silence suivit cette déclaration, pendant lequel Anhura le regarda fixement, cherchant dans ses yeux la confirmation de ce qu'elle crut comprendre ; et Dumbledore lui donna effectivement la réponse qu'elle craignait, par un simple regard en retour.

"Non," dit-elle très calmement, malgré le choc qu'elle venait d'avoir. "Non, je ne peux pas."

"Vraiment ?" Sa voix était tranquille et plutôt indifférente, comme s'il ne croyait pas réellement à ce qu'elle venait de dire.

"Vous savez pertinemment que je ne suis pas faite pour ce métier," insista-t-elle toujours posément.

"Tu viens de dire que Poudlard te manquait, alors je te propose d'y revenir. C'est aussi simple que cela."

Incrédule, elle ne savait pas quoi répondre. Il avait suffi de deux ou trois mots pour qu'il lui offre le poste, sans même avoir pris le temps d'y réfléchir.

"Je suis déjà peu loquace avec une personne, alors imaginez devant toute une classe."

"Cela s'apprend."

"Mais non."

"Mais si."

"Et puis, je ne suis pas assez autoritaire," poursuivit-elle en paniquant légèrement, tout en commençant à se douter que tenter de le raisonner était vain, car il aurait sans doute le dernier mot, comme toujours.

"Cela s'apprend aussi. Le métier d'enseignant est le métier le plus enrichissant qui soit, tu sais, Anhura. J'étais un peu comme toi lorsque j'ai débuté ma carrière de professeur il y a très, très longtemps. Mais j'ai appris à me faire respecter."

Anhura réfléchit. Quinze ans après avoir quitté Poudlard, elle était toujours aussi timide et réservée. A la librairie, elle ne s'occupait que de ranger les livres sur les étagères ou de lire les nouveaux ouvrages que proposaient les auteurs avant de décider de les commander, tandis que son père était à la caisse ; cela lui évitait ainsi tout contact avec les clients. Etre professeur l'aiderait peut-être à devenir un peu plus ouverte aux autres, quoique ce ne fût pas sa préoccupation première. Non, ce qui l'intéressait le plus dans cette proposition était de pouvoir reprendre une certaine activité dans la Défense contre les Forces du Mal, une discipline qui lui tenait vraiment à cœur. Et également de revoir Poudlard, qui était pour elle l'endroit le plus merveilleux qui puisse exister.

Elle tripota nerveusement sa paille, indécise. Son côté Serdaigle, qui dominait sa vie depuis de nombreuses années, lui conseillait de rester sagement auprès de son père : il était imprudent de changer de métier sans y avoir mûrement réfléchi au préalable. Mais elle sentait également son côté Gryffondor, qui s'était un peu assoupi jusqu'à présent, la titiller, et il était difficile d'ignorer sa soudaine envie de briser la quiétude et la sécurité de son quotidien.

"Vous croyez vraiment que j'en serais capable ?"

Les yeux de Dumbledore se mirent à pétiller : il savait que sa victoire était proche.

"J'en suis convaincu."

Anhura émit un petit rire. Habituellement, son caractère entêté l'aurait amenée à énumérer une fois de plus les raisons pour lesquelles il n'était pas conseillé d'engager quelqu'un comme elle dans cette profession; mais Dumbledore avait réellement touché son point sensible.

"Bon, eh bien je crois que je vais revoir quelques notions dans mes livres," déclara-t-elle finalement d'un ton prétendument indifférent.

Le visage du vieux sorcier devint immédiatement rayonnant.

"Je savais que tu ne me décevrais pas," dit-il en souriant. "Crois-moi, tu ne le regretteras pas."

"Je l'espère, professeur," répondit Anhura, à la fois fière d'avoir accepté de relever ce défi et inquiète pour la suite des événements.

Les souvenirs de la jeune sorcière s'effacèrent et laissèrent place au décor de la chambre. Elle plaqua ses mains contre son visage.

"Pauvre idiote," marmonna-t-elle.

Elle se leva et regarda sa pendule, où les nombreuses aiguilles désignaient des planètes miniatures qui se déplaçaient lentement au bord du cadran, indiquant dix heures moins le quart. Elle se dit que rester chez elle à s'insulter toute seule n'allait pas vraiment l'aider, et décida qu'il était grand temps d'aller dire au revoir à son père. Elle accrocha autour de son cou le seul bijou qu'elle possédait, une larme de phénix cristallisée pendant au bout d'une fine chaîne en or, qui avait appartenu à sa mère ; puis elle saisit sa baguette magique, la pointa sur sa valise et prononça :

"Reducto !"

La valise rétrécit aussitôt et ressemblait à présent à une mallette.

"Au revoir," dit-elle sombrement à sa maison en atteignant la porte d'entrée.

S'apercevant qu'elle venait de parler à un bâtiment fait de bois et de pierre, elle espéra fortement que son soudain talent pour dire des choses inutiles n'était du qu'à son anxiété. Après avoir fermé sa porte, qu'elle protégea de toute intrusion malhonnête par quelques formules magiques supplémentaires, elle emprunta la grande allée faite de pavés qui menait à la librairie.

Cette partie du village n'avait pas connu l'habitant moldu depuis plusieurs siècles, ce qui l'avait effectivement épargnée du goudron et de la pollution. L'autre moitié du bourg, entièrement peuplée, elle, de Moldus, se situait au-delà d'une vaste forêt qu'aucun non-magicien n'avait osé traverser depuis des lustres, compte tenu des légendes qui s'étaient transmises, à son propos, de génération en génération. Le peu de braves qui s'y étaient aventurés n'avaient obtenu que la confirmation de ce qui se racontait : ils avaient rencontré les centaures, les loups-garous ou les licornes dont tout le monde faisait bruit, et en avaient littéralement perdu la raison, en état de choc, ou parfois même la vie. Ces événements ayant alimenté la peur des Moldus, ces derniers finirent par interdire définitivement l'accès à la forêt, au grand bonheur des sorciers qui vivaient de l'autre côté et qui n'avaient plus à cacher leurs bizarreries.

Anhura poussa la porte de La Plume Précieuse, faisant tintinnabuler les joyeuses clochettes à l'entrée de la boutique. A son grand soulagement, aucun client ne se trouvait à l'intérieur ; ce serait plus simple pour elle de faire ses adieux.

"Bonjour papa," dit-elle, essayant de paraître de bonne humeur.

Celui-ci, qui était en train de ranger des livres sur une étagère, regarda alternativement sa fille et la petite valise qu'elle tenait dans ses mains, par-dessus les lunettes posées sur son nez.

"Alors ça y est," constata-t-il d'un ton qui se voulait neutre.

"Oui, ça y est."

Elle ressentit en cet instant une terrible culpabilité. Son père allait se retrouver seul pour la toute première fois, et elle savait que, quoiqu'il en dise, il aurait beaucoup de peine après son départ. Elle non plus ne se sentait pas très bien à l'idée de le quitter, mais elle ne le montrait pas. C'était en effet une famille où l'on ne pleurait jamais. Non pas qu'ils n'en avaient pas l'envie, mais leur trop grande pudeur leur interdisait farouchement toute manifestation extérieure de tristesse.

"La rentrée n'a lieu que demain soir," poursuivit-il en reprenant son travail.

"Oui, mais je préfère avoir un peu de temps pour prendre mes marques," répondit-elle doucement.

"Très bien," dit-il sur le même ton en posant son dernier livre. "Comme tu voudras."

Il se tourna vers elle et la regarda avec inquiétude.

"Si tu as un problème, envoie-moi un hibou, d'accord ? Tu sais que je suis toujours là pour toi."

"Oui, papa, ne t'inquiète pas."

L'indifférence qu'il avait essayé d'afficher au début s'était complètement évanouie ; Anhura pouvait sentir une grande anxiété dans la voix faible de son père, qui la regardait avec une triste résignation, comme si c'était la dernière fois de sa vie qu'il la verrait et qu'il ne pouvait rien y faire.

"Promets-moi de bien faire attention à toi," dit-il.

Anhura eut un rire nerveux.

"Papa, je ne pars pas à l'aventure, je vais simplement dicter des leçons et corriger des copies," répondit-elle tout en pensant qu'elle aurait préféré tout compte fait affronter des dragons plutôt que des élèves. "Et puis, je ne suis plus une petite fille depuis longtemps."

Elle avait trente-trois ans, ce qui était jeune, surtout dans le monde des sorciers où l'on estimait raisonnable de prendre sa retraite à cent-dix ans, pour vivre les trois ou quatre dernières décennies de sa vie en toute quiétude.

"Bon," fit-il d'un ton défaitiste. "A bientôt, alors."

"Oui, à bientôt," répéta-t-elle en soupirant, comme pour évacuer le chagrin qu'elle ressentait.

Il la serra dans ses bras, puis lui prit les mains et la regarda encore un moment en silence. Si un étranger était entré en cet instant dans la boutique, il n'aurait jamais pu croire qu'un soleil de plomb s'était abattu sur le village de Plumtree Borough deux mois durant, tant leur peau était pâle. C'était d'ailleurs le seul trait physique qu'ils avaient en commun, excepté le fait qu'ils étaient tous les deux d'une assez petite taille, le père d'Anhura la dépassant seulement de deux ou trois centimètres. Anhura avait les yeux d'un vert très sombre, comme si, eux aussi, faisaient tout leur possible pour masquer les quelques sentiments qu'elle y laissait parfois transparaître. Ses cheveux bouclés, châtain foncé, brunâtres, qui n'obéissaient qu'à moitié aux coups de peigne qu'elle leur donnait, tombaient jusqu'au milieu de son dos avec une légère indiscipline. Son père avait les yeux marron clair, de la même couleur que les quelques cheveux qui couronnaient son crâne de plus en plus dégarni.

Elle libéra ses mains, reprit la mallette qu'elle avait posée à ses pieds, et jeta un dernier coup d'œil à la librairie, qui allait énormément lui manquer elle aussi. Si sa mère lui avait donné le goût pour la défense contre les Forces du Mal, son père lui avait transmis sa passion pour la lecture. Ou plutôt, pour les livres. Anhura se surprenait parfois à ouvrir un livre simplement pour le plaisir de toucher les pages, ou de caresser la couverture en cuir, sans même avoir envie d'en connaître le contenu. C'était un objet pour lequel elle avait une véritable fascination.

Elle n'avait plus rien à ajouter : son père et elle avaient déjà beaucoup discuté de son futur départ au cours des repas qu'ils prenaient ensemble. Inutile de relancer le sujet; à ce stade, ni l'un, ni l'autre ne s'en sentirait plus rassuré. Elle lui fit donc un petit signe de la main en guise d'au revoir, auquel il répondit, puis elle pensa très fort : gare de Pré-au-Lard. Après une seconde de noir total, elle se trouva sur le quai où débarquaient habituellement les élèves au bout d'un long voyage à bord du Poudlard Express – il n'y avait pas moyen de transplaner plus près du château, tout le domaine de Poudlard étant habilement protégé par de nombreux sortilèges. Elle quitta la gare complètement vide de tout être vivant, et emprunta le chemin de terre qui menait au collège, avec la très étrange sensation que l'on pouvait parfois éprouver lorsque l'on retrouvait des lieux chers à son enfance de nombreuses années plus tard, et sur laquelle on ne parvenait jamais à mettre des mots.

Elle sentait son cœur plus léger, maintenant que le plus dur était passé, et préféra se concentrer sur ce qui l'attendait dans un futur proche plutôt que de repenser au visage inquiet de son père. Elle se demanda quels professeurs elle allait revoir. Mrs McGonagall, le professeur de métamorphose, était sûrement encore là. Peut-être le professeur Flitwick, qui enseignait les Sortilèges, avait-il pris sa retraite. Il était déjà assez âgé quand Anhura était à Poudlard. Et le professeur Foltour, maître des Potions… Elle esquissa un sourire en pensant à lui. C'était une très vieille personne, qui n'y voyait jamais rien malgré ses lunettes à triple épaisseur, et dont les mains tremblaient d'une façon impressionnante, ce qui rendait les cours de Potions assez grotesques.

Elle franchit l'immense portail de fer forgé, où auraient dû être garées les calèches qui menaient d'habitude les élèves jusqu'au château, mais celles-ci n'étaient pas là. Elle devait se résigner à faire tout le chemin à pieds, ce qui ne la dérangeait toutefois pas outre mesure, non seulement parce qu'elle appréciait la brise légère qui lui caressait le visage, mais surtout parce qu'elle se sentit subitement extrêmement angoissée à l'idée de ce qui se passerait dans deux jours, quand elle commencerait à enseigner, et qu'elle n'avait finalement pas si hâte d'arriver à Poudlard. Pourtant, elle s'y connaissait assez bien en matière de Défense contre les Forces du Mal. Sa mère était une Auror, et elle l'avait baignée dès son plus jeune âge dans le monde passionnant des formules et sorts en tous genres pour lutter contre un ennemi, sorcier ou animal. C'était aussi sa matière favorite au collège, et à la fin de ses études, elle était fermement décidée à devenir une Auror elle aussi. Elle avait commencé à travailler dans la librairie de son père, tout en suivant en parallèle une formation pour le métier d'Auror auprès de sa mère, pour un apprentissage plus poussé et pratique de la discipline, formation nécessaire qui devait s'étendre sur trois ans auprès d'un Auror professionnel, afin d'être préparé pour les tests d'admission et d'en devenir un soi-même. Mais sa mère mourut un an après sa sortie de Poudlard, et pendant des années, elle ne toucha plus un seul livre concernant la Défense, ayant eu beaucoup plus de mal à faire son deuil que ce qu'elle prétendait, et préféra continuer de travailler aux côtés de son père.

Ce n'était donc pas un quelconque manque de connaissances qui lui faisait redouter le métier de professeur. C'était le jugement qu'auraient les élèves à son sujet. Elle n'était pas douée pour parler, et ils le remarqueraient certainement dès le premier cours. Elle se demanda franchement ce qui l'avait poussée à accepter la proposition de Dumbledore. Il avait sûrement discrètement suggéré au barman d'ajouter quelques gouttes d'alcool dans son verre de jus de citrouille, pensa Anhura avec un petit sourire. Oui, elle devait être saoule.

Au bout de dix minutes de marche, elle arriva enfin devant l'immense porte du château, qu'elle poussa malgré tout avec une certaine excitation. Une fois dans le hall d'entrée, elle resta de longues minutes sans bouger, contemplant ce décor qui lui avait tant manqué. Elle avait l'impression de n'être partie de cette école que quelques mois tout au plus, tout était exactement comme dans ses souvenirs : l'aspect ancien du décor inspirant le plus grand respect, le plafond si haut qu'on en voyait à peine la fin, les doubles portes donnant sur la Grande Salle, dont le bois usé dégageait bizarrement une sorte d'aura chaleureuse et réconfortante, et qui rendaient la perspective d'un repas encore plus agréable dès qu'on les passait. Elle adorait tout bonnement cet endroit, où chaque pierre qui composait les murs semblait imprégnée de milliers de souvenirs. C'était comme s'il suffisait de tendre un peu l'oreille pour entendre le brouhaha des innombrables apprentis sorciers qui avaient un jour fait leurs études ici. C'était magique, tout simplement.

Anhura tira de la poche de sa cape une lettre que lui avait envoyée Dumbledore deux semaines auparavant, afin de vérifier qu'elle l'avait bien lue la première fois.

'Chère Anhura,

Merci encore d'avoir accepté ce poste. Viens à Poudlard quand tu le souhaites, les portes du château sont de toute façon toujours ouvertes. Ta chambre se situe au troisième étage. Sur un mur après les salles de classe sont accrochées deux torches légèrement plus grosses que les autres. Traverse le mur entre les deux torches, tu aboutiras dans un petit couloir où tu verras un tableau représentant un chat. Caresse-le, et le mur coulissera pour te donner l'accès à tes appartements. Ton bureau se trouve également au troisième étage.

A très bientôt,

Albus Dumbledore.'

Elle se remit en route et commença à grimper les grands escaliers de marbre, chaque pas qu'elle faisait résonnant dans tout le château, qui semblait extrêmement vide sans les élèves. Le silence qui y régnait la mettait un peu mal à l'aise, car si Poudlard était chaleureux en temps normal, il avait quelque chose d'impressionnant et d'intimidant lorsqu'on s'y trouvait seul. Arrivée au premier étage, elle espéra rencontrer quelqu'un dans les couloirs, pour la soulager de cette ambiance de plus en plus pesante ; elle n'y vit cependant personne. Elle continua donc de monter les escaliers, et se réconforta en se disant qu'elle aurait sûrement plus de chance avec le deuxième étage. Elle constata qu'elle avait malheureusement tort, car il paraissait aussi désert que le premier. Parvenue au troisième étage, elle était désespérée de voir que personne ne s'y trouvait non plus. Pas un professeur, ni un Hagrid, ni même un Rusard, qu'elle aurait été, pour la première fois de sa vie, heureuse de rencontrer.

Avant de chercher sa chambre, elle pensa qu'il valait mieux avertir Dumbledore de son arrivée, et elle commença à se diriger vers l'escalier lorsqu'elle s'aperçut subitement qu'il avait oublié de lui donner le mot de passe pour accéder à son bureau. Frustrée, elle se résigna à marcher dans le long et large couloir où se trouvaient les salles de classe, à la recherche des torches que Dumbledore avait mentionnées. Après avoir dépassé la dernière salle, elle examina attentivement chaque torche fixée au mur; deux d'entre elles lui paraissaient à peine plus grandes que les autres. Lorsqu'elle toucha le mur, celui-ci lui sembla solide; mais s'il était ensorcelé de la même manière que la barrière de la gare de King Cross, il fallait marcher droit vers lui pour pouvoir le traverser. Elle était finalement heureuse que personne ne soit là : elle n'aurait pas l'humiliation de se prendre en public le mur en pleine figure s'il s'avérait ne pas être le bon. Elle prit une grande inspiration; elle s'avança droit vers le mur… et elle se retrouva instantanément dans un petit couloir. Elle n'eut aucun mal à repérer le cadre accroché sur le mur de gauche, et lorsqu'elle lui fit face, elle put y voir un adorable chaton tigré, qui était en train de dormir profondément sur un coussin de soie rouge. Elle le caressa, et une partie du mur s'avança brusquement dans un grondement sourd, puis se décala lentement vers la gauche, lui donnant ainsi l'accès à ses appartements.

Anhura entra, et entendit le mur se refermer derrière elle. Elle était stupéfaite. La pièce dans laquelle elle se trouvait était un vaste salon, chaleureusement décoré de magnifiques meubles en chêne, de fauteuils en cuir, d'épais rideaux rouges et d'un grand tapis. C'était largement plus luxueux que chez elle, à Plumtree Borough. Ne pas oublier de remercier Dumbledore d'avoir alcoolisé mon jus de citrouille, pensa-t-elle avec amusement, quoique encore en état de choc. Elle traversa la salle et ouvrit une petite porte. Derrière se trouvait sa chambre, meublée d'un splendide lit à baldaquin, d'une table de nuit, d'une superbe coiffeuse, d'un bureau et d'une grande penderie. Bouche bée, elle avança lentement dans la pièce, et s'aperçut qu'il y avait encore une porte. Quand elle l'ouvrit, elle découvrit une très belle salle de bains, où se trouvaient une baignoire et un lavabo en marbre, et des étagères remplies de produits de soins. Anhura était persuadée qu'en cet instant elle avait des étoiles plein les yeux, tant elle était émerveillée.

Elle referma la porte et alla s'asseoir sur son lit, qu'elle jugea fort moelleux. D'une formule magique, elle rendit à sa valise sa taille normale, et commença à en sortir quelques affaires. Quelques minutes plus tard, tandis qu'elle rangeait ses capes et ses robes de sorcières aux couleurs sombres dans la penderie, elle se demandait s'il était normal que le château soit si désert la veille de la rentrée. Elle avait toujours cru que la plupart des professeurs arrivaient bien avant les élèves.

Soudain, une dose d'angoisse s'infiltra dans ses veines. Non, ce n'était pas normal. Quelque chose était arrivé. Quoi, elle ne le savait pas. Quelqu'un avait dû s'en prendre aux professeurs, à l'intérieur du château. Mais pourquoi? Et si ce quelqu'un était encore à Poudlard? Il pourrait très bien s'en prendre à elle également.

Elle posa la robe qu'elle tenait et s'assit sur le lit en riant faiblement. Insensé. Ce qu'elle venait de penser était insensé. Il n'y avait aucune bonne raison pour s'attaquer aux professeurs de Poudlard, à moins d'être un élève très, très rancunier, mais Dumbledore l'en aurait de toute façon empêché. L'anxiété de se trouver loin de chez elle lui jouait des tours. Si elle n'avait croisé personne en montant les étages, c'était parce que Poudlard était immense, et que les professeurs avaient sans doute mieux à faire que de passer leurs journées dans les couloirs où aboutissaient les escaliers. Elle poussa un énorme soupir de soulagement, souriant encore de sa stupidité.

Après avoir rangé ses affaires dans la penderie et quelques livres dans la bibliothèque du salon, elle décida d'aller visiter son bureau, et emporta avec elle trois ou quatre ouvrages de Défense contre les Forces du Mal et une dizaine de rouleaux de parchemin. Lorsqu'elle se trouva devant le mur au dos duquel était accroché le tableau, celui-ci s'ouvrit instantanément pour lui céder le passage. Elle sortit, le mur se referma, et elle commença à longer le couloir.

Spitch.

Elle s'arrêta brusquement, en état d'alerte. Un bruit étrange avait retenti au loin. Toujours immobile, elle essaya de tendre l'oreille, mais plus aucun son ne lui parvint. Elle reprit lentement son chemin, encore sur le qui-vive. Avec appréhension, elle traversa le mur aux deux torches.

Spitch.

C'était à gauche. Là où elle devait justement se rendre pour chercher son bureau. Lentement, prudemment, elle passait devant les salles de classe, ses sens en éveil. Elle arriva jusqu'à la dernière salle de cours sans plus entendre le moindre bruit.

SPITCH.

Elle ne fit plus aucun geste. C'était bien plus fort que les autres fois. Elle jeta quelques coups d'oeil furtifs autour d'elle mais ne vit rien de particulier. Elle coinça ses affaires entre son bras gauche et son menton, et chercha de sa main droite sa baguette magique au fond de sa poche. En vain. Elle l'avait oubliée dans sa chambre. Son coeur s'accélérant considérablement, elle se dit qu'il valait mieux se rendre à son bureau plutôt que de retourner dans ses appartements : le mur mettrait trop de temps à s'ouvrir et causerait bien trop de bruit, et d'après ses souvenirs du temps où elle était élève, le bureau n'était plus qu'à quelques mètres. Elle marcha plus vite et mit effectivement peu de temps à apercevoir la porte qu'elle cherchait.

FLOC.

C'était tout près. Elle ne s'arrêta pas, son seul but était d'atteindre la porte au plus vite.

SPLASH!

Une grosse masse jaune chuta devant elle. Elle sursauta et lâcha ses affaires, qui s'étalèrent par terre. Son coeur battant lourdement dans sa poitrine, la respiration saccadée, elle regarda ce qui était tombé. Cela ressemblait à… de la purée?

Un petit rire malin éclata au-dessus de sa tête. Elle leva les yeux et vit un affreux petit bonhomme joufflu qui flottait dans les airs, un gros plat de purée dans les bras.

"PEEVES!" hurla-t-elle, hors d'elle. "MAIS CA VA PAS, NON? Tu n'as rien d'autre à faire que de jeter de la purée dans toute l'école? Va-t-en d'ici tout de suite ou j'appelle le Baron Sanglant!"

Il plongea sa main dans le plat et jeta une grosse boule de purée en direction d'Anhura, qui s'écarta de justesse pour laisser la purée s'éclater contre le mur; puis il lui tira la langue avant de s'en aller à toute vitesse au fond du couloir en ricanant.

Anhura le regarda s'éloigner, et respira profondément pour se calmer. Ce n'était pas dans ses habitudes de crier sur quelqu'un, aussi insupportable soit-il, mais sa peur avait été si intense qu'elle n'avait pu se contenir. Quand elle baissa les yeux sur ses affaires éparpillées au sol, elle constata avec soulagement qu'aucune d'entre elles n'avait été touchée par l'offensive aérienne à l'odeur de patates. D'un geste de la main, elle fit disparaître instantanément la purée encore fumante du sol et du mur, et se dit qu'il fallait voir le bon côté des choses : si Peeves avait pu voler de la purée, cela signifiait qu'il y avait au moins une personne dans le château pour la manger.

Elle s'agenouilla pour ramasser ses livres et ses parchemins étalés un peu partout. Elle avait presque tout récupéré lorsqu'elle s'aperçut qu'il lui manquait un livre. Toujours à genoux, elle le chercha des yeux, se retourna et vit à sa grande surprise qu'une robe de sorcier noire était là.

Elle leva la tête, puis se mit debout. Le sorcier était grand, avait la peau blanchâtre, le teint cireux, des cheveux noirs et gras lui arrivant aux épaules, des yeux noirs et perçants et un nez crochu. Malgré sa minceur, il y avait quelque chose de très imposant en lui, une sorte de charisme intense qui inspirait la crainte. Il la fixait d'un regard si glacial qu'Anhura en fut choquée.

"Oh, euh… Bonjour… Excusez-moi, je… Je ne vous avais pas entendu arriver," bredouilla-t-elle, n'étant pas vraiment sûre de ce qu'il fallait dire face à un accueil si chaleureux.

Le sorcier ne répondit rien et lui tendit le livre qu'il avait dû récupérer par terre.

"Ah, merci," dit-elle avec un soupçon d'inquiétude dans la voix, ne sachant plus comment se comporter dans cet inconfortable silence.

"Qui êtes-vous?" demanda-t-il enfin avec froideur.

Anhura se sentit rougir. Ce sorcier la mettait mal à l'aise.

"Je m'appelle Anhura Snowerskin. Je suis le nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal, je suis arrivée tout à l'heure."

Elle avait essayé malgré tout de garder son calme. Il resta quelques secondes sans rien dire, comme s'il analysait profondément chaque mot qu'elle venait de prononcer.

"Severus Snape, maître des Potions," finit-il par déclarer sombrement, tout en ayant l'air agacé par ces présentations.

"Enchantée," dit-elle, un peu rassurée de voir enfin une réaction à moitié normale, en lui tendant la main.

"Le directeur sait-il que vous êtes ici?" demanda-t-il en ignorant délibérément sa main.

Elle baissa lentement son bras, désemparée par sa réaction.

"Non, je voulais le prévenir mais je ne connais pas le mot de passe pour se rendre à son bureau."

"Je vais l'avertir."

"D'accord, euh… Merci."

Snape partit sans un sourire, sa longue cape noire tourbillonnant derrière lui. Anhura pensa que s'il allait avertir Dumbledore, c'était surtout pour s'assurer qu'elle disait la vérité, et non pour lui rendre service. Il avait l'air très méfiant.

Eh bien, ça change de Foltour, se dit-elle alors qu'elle ouvrait la porte de son bureau. Elle entra dans la pièce, qui était plutôt grande, et qui n'avait guère changé depuis l'époque où elle était élève. Il y avait toujours le même placard, le même grand bureau, les mêmes étagères et les mêmes fauteuils en velours rouge. Elle s'installa à son bureau, contempla quelques instants la salle, puis rangea ses rouleaux de parchemin dans les tiroirs. Elle allait ensuite installer ses livres sur les étagères lorsqu'on frappa à la porte.

"Entrez!"

La porte s'ouvrit et Dumbledore apparut, les yeux pétillant de bonne humeur.

"Bonjour, bonjour!" dit-il joyeusement.

"Bonjour professeur," répondit-elle avec un grand sourire.

"Severus m'a prévenu de ton arrivée. Tu as pu trouver facilement ta chambre?"

"Oui, sans aucun problème," assura-t-elle, toujours en souriant.

"Bien. Tes appartements te plaisent?"

"Oh que oui!" s'exclama Anhura, se souvenant subitement de la beauté de son salon et de sa chambre.

Dumbledore eut un petit rire.

"Alors c'est parfait," répliqua-t-il. "J'ai quelques petites informations à te donner, maintenant que tu es professeur," poursuivit-il en caressant sa longue barbe argentée.

"Je vous écoute."

"D'abord, si tu as un petit creux dans la journée, n'hésite pas à te rendre aux cuisines. Elles se trouvent aux sous-sols, à l'endroit où est accroché un tableau représentant des fruits. Tu dois chatouiller la poire pour pouvoir y accéder. Des elfes de maison t'accueilleront avec joie, et ils te serviront tout ce que tu voudras… Ils font notamment d'excellentes tartelettes au citron," dit-il en levant les yeux au ciel, d'un air rêveur.

Anhura se retint de rire. Dumbledore avait toujours eu une fervente passion pour tout ce qui était au citron, à la grande colère du professeur McGonagall qui lui répétait sans cesse qu'il n'était pas prudent, à son âge, de se goinfrer de toutes ces cochonneries.

"Il y a aussi une salle de bains réservée aux professeurs, si tu le souhaites, au septième étage. Il faut serrer la main de l'armure en or qui se trouve en face du portrait de Rowena Serdaigle."

"D'accord," dit-elle en essayant de tout retenir au fur et à mesure.

"Et dernière chose, le mot de passe pour accéder à mon bureau est Chupa Chups."

"Chupa Chups?" répéta Anhura sans comprendre.

"Oui," dit Dumbledore, un petit sourire aux lèvres, les yeux brillants. "C'est une sucrerie moldue que j'ai découverte cet été."

Cette fois, Anhura ne put s'empêcher de rire. La petite lueur dans les yeux du vieux sorcier lui indiqua que, quelle que soit cette sucrerie, il en existait certainement au goût citron.

"J'oubliais," ajouta soudainement Dumbledore. "Demain soir, une réunion des enseignants aura lieu à dix-huit heures dans la salle des professeurs, avant la Cérémonie de la répartition."

"Entendu, j'y serai."

"Très bien. On se revoit dans un quart d'heure, pour le déjeuner. A tout de suite."

"A tout de suite, professeur."

Une fois Dumbledore parti, Anhura finit de ranger ses livres dans son bureau, puis, n'ayant plus rien à y faire, en sortit. Elle décida de se rendre dans la Grande Salle même s'il était encore un peu trop tôt, descendit les longs escaliers de marbre en croisant au passage quelqu'un qui devait être Rusard – il avait le visage couvert de purée –, et arriva enfin dans le hall d'entrée. Les gigantesques portes de la Grande Salle franchies, elle aperçut des professeurs assis à une table au milieu de l'immense pièce, qui semblait extrêmement vide arrangée de cette manière. Anhura pensa qu'il était évidemment inutile d'installer toutes les tables alors que le millier d'élèves qui devait les occuper n'était pas encore là. Lorsqu'elle s'en approcha, elle reconnut immédiatement toutes les personnes qui s'y trouvaient : le professeur Flitwick, le professeur McGonagall, le professeur Binns, qui enseignait l'Histoire de la Magie et qui, bien qu'il soit un fantôme, aimait participer aux repas, le professeur Chourave et, à sa grande joie, Hagrid. Tout le monde se leva pour l'accueillir quand elle arriva.

"Je suis si heureuse de vous revoir, Miss Snowerskin," dit chaleureusement Mrs McGonagall, un mince sourire aux lèvres.

"Moi aussi, professeur," répondit-elle doucement, sincèrement touchée par le sourire de son ancien professeur, qu'elle voyait pour la toute première fois depuis qu'elle la connaissait.

"Comme tu as changé!" s'exclama le professeur Chourave en lui faisant la bise.

"Comment tu vas, petite?" demanda très joyeusement Hagrid, en lui lançant une tape amicale dans le dos qui faillit l'envoyer de l'autre côté de la pièce.

"Merveilleusement bien, Hagrid," répondit-elle dans un demi-rire malgré une forte douleur à la colonne vertébrale.

Après cinq minutes de mots de bienvenue, tout le monde se rassit devant les assiettes encore vides. Anhura prit place à côté du professeur McGonagall. Tout de suite après arriva Dumbledore en compagnie de Snape, qui s'assirent en face d'elles.

"Je suis sincèrement désolé de vous annoncer qu'aujourd'hui, nous aurons un repas allégé," déclara Dumbledore qui n'avait absolument pas l'air désolé, mais plutôt extrêmement amusé. "Un petit incident a eu lieu en cuisines, et nous n'aurons droit qu'à des légumes."

Certains enseignants protestèrent; Hagrid eut l'air déconfit. Les plats se remplirent de crudités et ils commencèrent malgré tout à manger. Anhura se sentait mal à l'aise; aussi préférait-elle écouter les conversations plutôt que de s'y mêler. Cela l'intimidait de déjeuner avec des personnes qui, pour la plupart, avaient été ses enseignants. C'était un peu comme si elle s'immisçait dans leur vie privée. Elle entendait le professeur Flitwick raconter une histoire drôle qu'il avait découverte pendant ses vacances au nord de l'Angleterre, Mr Binns détailler comment il s'était rendu compte que l'invasion des trolls en Irlande avait eu lieu en 1545 au lieu de 1543 comme il était écrit dans les manuels, et le professeur McGonagall parler d'un match de Quidditch auquel elle avait assisté cet été.

"A propos,", dit Dumbledore, "Joanne m'a écrit. Elle m'a annoncé qu'elle allait très prochainement publier un nouveau livre."

Tout le monde se tut soudainement.

"Vraiment?" interrogea le professeur Flitwick d'une petite voix inquiète.

"Par Merlin," lança Mr Binns de sa voix morne, "vous ne croyez pas qu'ils vont commencer à se douter de quelque chose?"

"S'ils ne se sont doutés de rien les fois précédentes, je ne vois pas pourquoi cela changerait cette fois-ci," répliqua Dumbledore d'un ton paisible.

"Tout de même," dit Mrs McGonagall d'un air contrarié.

Plus personne ne parla. Anhura ne comprenait rien à se qui se passait. Elle regardait alternativement le visage de chaque professeur; ils semblaient tous plongés dans une profonde réflexion. Elle n'osa pas leur demander pourquoi ils étaient si inquiets à propos d'un livre; elle continua donc de manger silencieusement sa salade. Au bout de quelques minutes, le professeur Chourave brisa le silence qui devenait de plus en plus pesant.

"Tu as l'air toujours aussi calme et sérieuse, Anhura. Tu vas les effrayer, tes élèves."

"Sûrement. Je serai redoutable," répondit-elle d'un ton totalement neutre malgré l'ironie de sa phrase.

"J'en suis certain," commenta Dumbledore en lui lançant un regard complice à travers ses lunettes en demi-lunes.

Anhura esquissa un très léger sourire en retour, comme pour lui signaler : "message reçu cinq sur cinq". Dumbledore venait évidemment de l'encourager en lui assurant indirectement qu'il lui faisait confiance. Elle se promit intérieurement d'essayer de ne pas le décevoir, dans la limite du possible. Un poisson ne serait jamais doué pour faire une course à pieds, tout comme une Anhura ne serait jamais faite pour parler en public.

Les conversations reprirent peu à peu. Seul Snape n'avait presque rien dit depuis le début, toujours aussi froid et distant. Bien qu'en face d'Anhura, il ne lui avait accordé aucun regard, la méprisant et l'ignorant complètement. Anhura se dit qu'il était sans doute peu aimable avec tout le monde, étant donné que personne ne semblait avoir vraiment envie de lui adresser la parole. Et ce n'était certainement pas de la timidité. D'un côté, elle préférait l'ignorance à l'hypocrisie. Cela avait au moins le mérite d'être clair.

Elle avait cependant eu l'occasion d'étudier brièvement les traits de son visage. Elle était sûre de l'avoir déjà vu avant, mais ne parvenait pas à retrouver un souvenir précis. Sans doute l'avait-elle croisé dans les couloirs de Poudlard quand elle était élève. Lorsqu'elle l'avait rencontré trois quarts d'heure plus tôt, elle aurait estimé son âge à quarante-deux, quarante-trois ans. Mais elle s'aperçut que c'était son regard sévère qui lui donnait cet âge. En ne considérant que son visage, elle pouvait deviner qu'il n'était guère plus âgé qu'elle, il était donc fort probable qu'ils aient quelques années d'études en commun.

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Si vous souhaitez écrire à Anhura, lui parler de quelque chose ou lui poser des questions,laissez-lui un message dans les reviews (en précisant votre e-mail). Je lui transmettrai votre message par l'intermédiaire de mon hibou – elle ne connaît pas Internet ni même l'informatique – et je vous retournerai sa réponse. Elle sera sûrement très surprise, elle ne sait pas que sa propre histoire est racontée dans le monde des Moldus…