Ailleurs et pourtant ici

Chapitre 1 : Tromper à s'y méprendre

Saint-Paul, Minnesota

« Dean, tu ne vas pas recommencer avec ça !

-Et pourquoi pas ? Sam, j'en ai marre de ces chambres d'hôtels absolument immondes qu'on fréquente depuis des années…J'en ai assez et je voudrais tellement un confort minimum qu'il m'arrive de ne plus pouvoir dormir sur ces matelas plein de cafards ambulants…

-Quoi ? Tu as peur des cafards alors que tu tues des démons chaque jour ?

-Mais non, je n'ai pas peur des cafards ! Je ne voudrais pas, chaque nuit pendant encore des dizaines d'années, me réveiller en sursaut en ayant l'impression qu'une saleté de bête rampante veuille me tenir chaud !

-Oui, tu préférerais une fille, c'est certain…

-Moque-toi, c'est ça…Mais je suis sûr que ça ne t'aurait pas déplu l'autre soir que la fille de la victime t'accompagne dans ce trou puant…

-Oh, arrête, ok ? Je ne lui ai pas fait de l'œil, c'est elle qui semblait…

-Je n'ai rien dit, bouche cousue… Hum…il n'empêche que tu l'as regardée dix bonnes minutes sans rien dire, happant l'air comme un poisson…

-Dean !! »

Dean dut alors se protéger avec un oreiller pour ne pas recevoir le contenu d'une bière en pleine tête. Il sourit en voyant le désappointement de Sam face à l'oreiller s'imprégnant du liquide :

« Raté !!

-Revenons à notre affaire, si tu veux bien, maugréa Sam.

-Qu'as-tu trouvé de ton côté ?demanda Dean en s'asseyant, ses côtes lui faisant mal à force de se retenir d'éclater de rire devant la tête de son frère.

-Bon, je suis donc allé voir du côté de la police en tant qu'enquêteur du comté et ils m'ont dévoilé que sur l'un des quatre lieux des crimes, ils avaient découvert, dissimulée sous un tapis, une trace faite de sable et d'herbe.

-La police a trouvé ce genre de choses ? Elle remonte un peu dans mon estime…

-Mais attends, tu ne sais pas tout. Le seul endroit dans la région à posséder ces deux éléments à la fois est un entrepôt de ciment. Puisqu'il y a un pré à côté et du sable à foison, ils ont tout de suite pensé que le meurtrier y travaillait.

-Mais les éléments auraient pu venir de deux endroits différents !s'étonna Dean.

-Oui, je sais, Dean mais la police n'a pas cherché plus loin. Ils n'ont trouvé aucun employé louche ou sans alibi. Malheureusement, ils ont trouvé un vieux mendiant qui, comme par hasard, avait du sable et de l'herbe collés sous ses pieds.

-Et alors ?

-Et alors, ils ont tôt fait de l'inculper pour fournir aux familles des victimes assez de fer à battre, si tu vois ce que je veux dire.

-Même si c'est un vagabond, il a le droit à la vie et en plus, il est innocent…s'insurgea Dean.

-Je suis d'accord, mais ce n'est pas moi qu'il faut convaincre mais les juges qui veulent s'empresser de le condamner.

-Et pourtant ils n'ont pas retrouvé les victimes ou plutôt les disparus ?

-Non, toujours pas mais ils continuent de chercher, dans le pré, dans l'entrepôt mais ils l'ont fouillé de fond en comble et rien… Bien sûr, c'est normal de chercher par là-bas puisque l'entrepôt se trouve à égale distance des maisons des victimes. Voilà en résumé. Et toi ?

-Je me suis renseigné sur les quatre disparus et franchement ça n'a rien de réjouissant. Trois n'avaient plus aucune famille à laquelle ils pouvaient se rattacher et le quatrième, dont on a été voir la famille hier avec sa charmante fille, n'est en fait qu'un tissu d'hypocrisie. Ils sont là pour faire bonne figure alors qu'en réalité, ils détestaient le pauvre homme qui pourtant ne semblait n'avoir rien fait pour ça. Apparemment il y avait un problème d'héritage là-dessous…En somme, les quatre victimes, les deux hommes comme les deux femmes, n'avaient rien à envier. Ils étaient tous les jours, seuls chez eux, avec pour seule compagnie, un poste de télé et un jeu de cartes.

-Tu n'exagères pas un peu pour celui dont on a été voir la famille hier ?

-Bon, un peu…Mais même s'il avait une splendide piscine et une salle home cinéma, tout dans sa vie montrait qu'il était malheureux… C'est le seul point qui relie les quatre victimes : aucun n'était heureux et n'avait de famille à choyer. Pire même pour la deuxième victime, la femme : on lui avait diagnostiquée un cancer des poumons il y a deux ans alors qu'elle n'avait jamais fumé…

-Je vois…réfléchit Sam. Tous les quatre étaient donc des individus à la fois malheureux, abandonnés et même sursitaires. Venons-en au démon…

-On n'a pour l'instant que la trace de souffre trouvée sur le bord de fenêtre des maisons de chacune des victimes. Pas de sang, pas de combat, sauf pour l'avant-dernier avec la trace de sable.

-J'ai cherché ce que ça pouvait être comme démon car enlever ses victimes sans les tuer directement, ce n'est pas si commun, surtout qu'on ne retrouve aucune victime depuis quatre semaines, à raison d'un par semaine. J'ai trouvé alors un démon dans un livre que m'avait offert Bobby, qui correspondrait parfaitement au profil. C'est le démon Resomnio. Il s'attaque à des gens seuls, sans liens et totalement malheureux, presque suicidaires. Il les kidnappe pour les entreposer quelque part…

-Il ne les tue pas ?

-Apparemment pas de suite mais le bouquin n'est pas très clair là-dessus et c'est davantage ambigu et métaphorique qu'autre chose. Donc, tu as compris…

-On va ce soir à l'entrepôt, dirent-ils tous deux de concert. »

Quelques heures après, alors que la nuit venait de tomber, les deux frères arrivèrent à l'entrepôt de ciment. Ils avaient craint un verrouillage compliqué et une alarme mais il n'y avait rien de tout ça. Apparemment, personne ne craignait un vol de sacs de ciment, ce qui, en fin de compte, ne les étonna guère.

Prenant une partie du contenu de leurs sacs, Sam aperçut ce qu'avait apporté son frère :

« Mais, Dean, pourquoi as-tu amené tout ça ?

-Ben, quoi ? On ne sait pas comment le tuer ni comment l'affaiblir, à part avec notre eau bénite, il fallait quand même prévoir tous types d'armes et de défenses, non ?

-Oui mais… Tu crois vraiment qu'on aura à l'électrifier ?dit-il en regardant avec doute le chargeur.

-On peut toujours essayer en désespoir de cause !

-Dean, sans te rappeler de mauvais souvenirs, je préfère et tu le sais, que tu ne te balades pas avec cette chose avec toi… Tu sais très bien ce que ça t'avait fait il y a quatre ans…

-Non, en effet, ne me le rappelle pas, je m'en souviens très bien !s'énerva Dean. Mais ne t'en fais pas, cette fois-ci aucun prêcheur ou sa femme ne me remplacera le cœur, une fois, ça suffit ! Et puis, mine de rien, je fais plus attention que tu ne le croies. Tant qu'il n'y a pas de petite flaque d'eau ou n'importe quoi de ce genre, ça ira ou alors j'éviterai soigneusement de mettre les pieds dedans, tu verras. »

Sam ne put s'empêcher de s'inquiéter quand même mais il ne put s'empêcher d'éclater de rire, quand quelques mètres plus loin, dans une galerie sombre et terreuse attenante à l'entrepôt, Dean mit les pieds en plein dans une grand flaque d'eau. Regardant son frère qui se tenait les côtes de rire, Dean fit une de ses moues caractéristiques :

« C'est ça, fais le malin mais tu m'as déconcentré et puis, je suis sûr que c'est toi qui a mis cette p de flaque ici même pour que je m'y trempe les godasses.

-Attends, Dean, ce n'est pas bête dis donc…

-Quoi ?

-Pousse-toi un peu que j'examine cet endroit trempé… »

Sam s'agenouilla alors malgré la saleté et mit la main dans l'eau boueuse, au grand dégoût de Dean. Sam trouva alors une sorte de petit levier métallique tout au fond, dans la boue et la souleva. Sursautant tous deux, ils entendirent un bruit sourd juste derrière eux et un pan du mur, qui pourtant n'offrait une minute avant, aucune fissure d'aucune sorte, s'ouvrit devant eux pour laisser la place à une personne moyenne de s'y faufiler. D'abord hésitants, ils s'y engagèrent quand même, armes aux poings, prêts à tirer sur tout démon s'offrant à leur vue.

L'entrée se referma sans bruit derrière eux mais quand elle fut refermée, un léger déclic se fit entendre, ne rassurant pas les deux frères sur la manière de sortir.

Malgré tout, ils continuèrent leur chemin. Ils se trouvaient dans une pièce très large qui avait du servir de salle principale d'entrepôt il y a pas mal d'années car la pièce semblait très ancienne et les instruments étaient extrêmement rouillés et remplis de toiles d'araignées. Ils continuèrent plus avant mais au bout de la salle se trouvaient un escalier à gauche et un couloir très sombre à droite.

« Alors, on tire au sort ?proposa Dean. Ou on fait pierre, papier, ciseaux ?

-Franchement, je n'ai envie d'aller ni à droite ni à gauche, jaugea Sam avec crainte pour une fois.

-Tu crois que moi, j'ai envie ?grommela Dean.

-Allez, disons que je prends l'escalier, soupira Sam.

-Ce n'est pas moi le nigaud dans l'affaire, je te signale… Moi aussi je veux l'escalier, alors… »

Se comprenant aussitôt, mais en gardant leurs armes prêtes, ils se mirent face à face et jouèrent à pierre, papier, ciseaux. Ils avaient conclu pas mal de temps avant qu'une seule partie serait nécessaire et non deux, comme lorsque Sam avait protégé Madison.

Sam tira pour une fois le papier alors que Dean avait tiré les ciseaux.

« Mais euh…se plaignit Sam. Pourquoi t'as changé ?

-Parce que j'évolue, p'tit frère !rigola Dean. »

Dean s'engagea aussitôt dans l'escalier alors que Sam, soupirant et ayant un regard d'envie pour l'étage, prit la direction du couloir en tenant prête sa lampe torche.

Sam ne regretta pas d'être tombé sur cette voie car apparemment, rien ni personne ne lui sauta dessus dans l'obscurité et au contraire même, il aboutit quelques minutes plus tard, dans une pièce faiblement éclairée en bleu où étaient rangés des dizaines de containers différents avec des vitres. Mais les vitres étant opaques, Sam ne pouvait pas regarder à l'intérieur et le puissant verrou qui fermait chacun ne sembla pas vouloir céder. Il chercha donc une clé ou quoique ce soit permettant d'ouvrir ces containers, craignant qu'ils ne renferment les corps des quatre disparus.

Quant à Dean, ce fut lui qui regretta amèrement son choix car alors qu'il pensait monter quelques marches pour aboutir à une pièce bien éclairée, il fut déçu et amer de monter des marches sans arrêt, qui ne semblaient pas avoir de fin. Il dut s'arrêter à plusieurs reprises pour reprendre son souffle. Il pensa qu'il avait du monter au moins trois cent marches et qu'il était vraiment bizarre et démoniaque d'en monter autant, alors que l'entrepôt n'était lui-même pas très haut. Mais il put quand même au bout de presqu'une heure, arriver à un palier et découvrir une pièce devant lui, exactement semblable à celle où était arrivé Sam trois quarts d'heure avant lui. Bien sûr, il ne le savait pas et fit comme son frère : essayer d'ouvrir ces étranges boîtes.

Au bout de vingt minutes de vains efforts, il composa le numéro de son frère pour savoir où il en était et lui demander de venir l'aider en riant intérieurement de devoir faire monter à Sam autant de marches. Mais Sam ne répondit pas et Dean n'eut que sa messagerie. Agacé et un peu inquiet, il s'apprêtait à redescendre l'escalier en espérant ne pas tomber en descendant quand un bruit dans son dos le fit frémir. C'était comme un gémissement mêlé de douleur et de crainte. Se retournant vivement, Dean aperçut une porte qu'il n'avait pas aperçue tout d'abord et derrière laquelle provenait ce son. Hésitant, il avança vers la porte mais se mit littéralement à courir vers elle pour l'ouvrir quand le cri de Sam se fit entendre derrière elle. Braquant son arme en ouvrant la porte à la volée, il entra aussitôt mais ce ne fut que pour s'évanouir l'instant d'après, les yeux éblouis de lumière…