Doomsday m'a tuée.
D'habitude je ne pleure JAMAIS devant la télé. Damnit.
Il a surgi de sa boite bleue, l'étrange bonhomme.
Costume et baskets, quel apparat ! Quel drôle, drôle d'homme. Avec ses yeux qui ne sourient pas.
Il regarde de ci, jette un coup d'œil par là, on le dirait perdu. Il cherche mais rien ne vient et oh, son air abattu !
Sa main est vide, pauvre diable, il la regarde comme s'il ne l'avait jamais vue. Il en manque une partie, enfin, celle qui a disparu.
Il est prêt à tomber, ma fille, vois comme il est épuisé. Le temps l'a usé, la perte exténué. C'est un homme battu qui s'arrête là.
Soldat sans patrie, mon amie, qui est venu s'échouer chez moi.
Allons, prend lui donc le bras. Voilà, comme ça. Non, ne le laisse pas partir. Il serait bien capable d'en finir.
Idiot. Cesse donc de parler. Vois le canapé ? Laisses-y toi tomber. Ne proteste pas j'ai dis ! Là. Tu prendras bien du thé ?
Non tu ne peux pas refuser. C'est par simple politesse que je t'ai demandé.
Ma fille, mon amie, venez donc m'aider. Allons, allons, bougez ! Voyez cet homme meurtri ? Veillez à ce qu'il ne sorte pas d'ici.
Tais-toi j'ai dis. Inutile de parler.
Je suis une vieille femme, gringalet, je n'ai pas le temps de discuter. Oh, range donc ton air indigné ! Mes yeux ne sont plus ce qu'ils étaient mais je le vois bien, tu es fatigué.
Tais-toi. Bois et laisse-moi m'occuper de toi.
Un coussin, ma fille. Une pâtisserie, mon amie. Vite ! Ah, ces jeunes gens. Il faut tout leur expliquer.
Cesse donc de me regarder.
N'as-tu donc jamais vu une vieille dame s'occuper d'un inconnu ? Quel genre de voyageur es-tu ? C'est dans ta boite bleue que tu pars à l'aventure ?
Ne crache pas ton thé sur ma moquette. Avale comme il faut et arrête de me regarder avec ton air bête.
Maintenant redresse-toi. Voilà. Pose ta tasse et raconte-moi.
Quoi ? Tu penses que je ne comprendrai pas ? Gamin, des comme toi j'en ai vu plus d'un. Efface-moi ce sourire sarcastique de ton visage, ça ne te va pas. Regarde-toi. Tu pourrais bien avoir mille ans que je te traiterais toujours comme un bambin. Et tu n'as certainement pas le droit de contester. Tu l'as cherché.
Je connais ces yeux éplorés. Qui est la demoiselle ?
Ah ! Te voilà coincé. Tu sembles étonné.
Des yeux comme ça, j'en ai déjà vus de pareils. Des hommes et des vieillards qui ont perdu leurs belles. Des imbéciles énamourés, perdus sans la femme adorée.
Tu trembles.
Bien.
Es-tu enfin décidé à me raconter ?
Mesdames, sortez. Ce qui se dira ici restera privé.
Je suis une vieille dame, gamin, ne me restent plus grand nombre de lendemains.
Raconte-moi donc ton histoire, je vois que tu en as besoin. Après seulement je te laisserai reprendre ton chemin.
Ta boite bleue peut attendre.
Je te vois serrer les poings. Tes yeux t'ont déjà trahi, l'ami. Tu pleures. Tes larmes coulent sans bruit. Il n'y a aucun sanglot. Oh, tu es habitué à les réprimer.
Viens-là gamin.
Parler te fera certes du bien.
Laisse-toi faire entre mes mains. Voilà. Sens comme je t'étreins ?
Tu peux bien t'obstiner à regarder ailleurs.
Mieux que personne je sais qu'en temps de malheur, parfois, on a juste besoin de quelqu'un.
