Chapitre I

Jongler avec des matérias n'était pas l'occupation favorite de Génésis quand il devait passer le temps. Il était furieux. Sa mauvaise humeur se dirigeait principalement vers Séphiroth qui lui avait confisqué son livre favori sous prétexte qu'il n'était pas en mission pour bouquiner.

Et comme il s'était blessé dans ladite mission, il n'avait pas put récupérer son bien par le moyen habituel, c'est-à-dire en par les armes. Ce n'était pas une excellente technique mais il craignait de ne jamais revoir Loveless, dans ce cas. Ce qui se révéla véridique, car Angeal et Séphiroth étaient repartis, sans lui rendre son livre. Il s'était promis d'étrangler Séphiroth de ses propres mains lorsqu'il reviendrait.

Il laissa retomber la matéria Glacier avec un geste rageur, et elle rebondit sur le sol de la salle de briefing. Le première classe se retourna sur le siège pivotant, et fit face à l'ordinateur qu'utilisait en général le directeur du Soldat. Il aurait volontiers piraté quelques données pour passer sa mauvaise humeur, si Lazard n'était pas entré dans la salle à ce moment.

Un sourire mauvais éclaira le visage de Génésis quand il trébucha sur la matéria abandonnée, mais malheureusement il ne tomba pas. Le directeur ramassa l'orbe et fusilla le fautif du regard.

- Tu n'as rien de mieux à faire ?

- Non.

Lazard avait la fâcheuse tendance de considérer ses Soldats comme des enfants, surtout les actuels premières classe sous prétexte qu'il avait été leu professeur quand ils étaient encore enfants. Il demeura pensif un instant, et déclara :

- Et ton rapport de mission ?

Le ton employé rappelait celui du très célèbre : « Tu as fait tes devoirs ? ».

- Je l'ai rendu.

- Je croyais que tu n'avais pas le droit de bouger pendant au moins une semaine.

Génésis ne répondit pas, et il n'eut même pas le cœur à déclamer quelques vers.

- Tu es malade, affirma Lazard.

- Non. J'attend Séphiroth.

- Il ne rentrera pas avant un moment.

Pour toute réponse, le première classe dégaina son portable et lui montra le sms reçut quelques heures auparavant :

« On est à Junon, on sera à Midgar dans pas longtemps »

- Vous n'êtes que des ados attardés, répliqua Lazard.

- Pardon ?

Les yeux verts mako de Génésis lui firent ravaler une de ces remarques mesquines dont il avait le secret.

Le première classe se leva et quitta la salle de briefing. Sa jambe lui faisait toujours mal, mais il ne boitait plus. Sa mauvaise humeur se trouvait accrue par l'intervention de Lazard. Pas moyen de rester seul une minute, dans cette tour !

Toujours sa matéria Brasier à la main, il traversa l'étage du Soldat et pénétra dans l'ascenseur. Depuis quelques temps, il avait surtout envie de prendre des vacances et de rentrer chez lui, à Banora. L'idée de retourner dans le minuscule appartement qu'il partageait avec Angeal et Séphiroth dans le secteur quatre ne le remplissait pas de joie. Pourtant, c'était bien là qu'il se rendait.

Les étages affichés au conteur défilaient devant ses yeux, et il se sentit déprimé, comme si la descente avait une influence sur son moral. Il regrettait l'idée saugrenue qui l'avait décidé à entrer au Soldat. Si son père ne l'avait pas poussé, peut-être qu'il se serait contenté de reprendre l'entreprise familiale, mais quand on s'appelle Rhapsodos, ce n'est pas la modestie qui vous étouffe.

Et voilà. C'était fichu. Il broyait du noir.

La porte de l'ascenseur s'ouvrit, et il se retrouva nez à nez avec une secrétaire qui, dès qu'elle le vit, se mit à fouiller dans ses papiers.

- Une lettre du directeur du Soldat, dit-elle en sortant une enveloppe.

- S'il a quelque chose à me dire, il ne peut pas le faire quand on se croise ?

- Mais c'est la lettre mensuelle, monsieur.

- Autrement dit, ma paye.

La secrétaire sourit, et Génésis eut brusquement une pulsion meurtrière à son égard. Néanmoins, il se retint, lui arracha presque sa fiche de paye des mains.

- Et voici celle de vos collègues, intervint la jeune femme en lui donnant deux autres enveloppes identiques.

- Je ne suis pas facteur, que je sache !

Il venait de parler à la porte refermée de l'ascenseur. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond, en ce moment ? Non seulement sa paye était minable, mais en plus son livre favori lui avait été confisqué, et en plus les seules personnes avec qui il lui semblait pouvoir communiquer étaient parties. Et, pour couronner le tout, il pleuvait des cordes lorsqu'il sortit de la tour Shinra.

Et si je désertai ? Cette pensée désespérée lui trotta dans l'esprit jusqu'à ce qu'il fut de nouveau au sec sur le pas de sa porte. Coup de chance, il avait ses clefs dans sa poche. Toutefois, elles ne lui furent guère utiles, car la porte s'ouvrit avant même qu'il mette la main dans sa poche, et Séphiroth le tira à l'intérieur avant de refermer brutalement la porte derrière lui.

Génésis fut tellement surpris qu'il ne parvint même pas à lâcher un cri de protestation. En revanche, il darda sur Séphiroth un regard qui en disait long.

- Désolé, grommela ce dernier.

- Je vais t'avouer quelque chose. Je ne suis pas mécontent de te voir… mais je devais faire quelque chose en te voyant.

Il marqua une pause.

- Ah, oui… t'étrangler.

- Je suis désolé de t'avoir laissé tout seul ici.

- Mais ce n'est pas le fait de me faire lâcher aussi lamentablement qui me gêne !

Séphiroth ouvrit de grands yeux, puis parut comprendre. Il tira le livre à couverture blanche de son manteau.

- Désolé, dit-il encore. J'aurai dû le laisser ici, mais j'ai oublié… tu as dû t'ennuyer.

- Ferme.

Il remarqua ensuite que Séphiroth était aussi trempé que lui.

- Vous êtes rentrés depuis longtemps ?

- Non, à peine dix minutes.

- Et Angeal ?

Séphiroth hésita. Il donna un tour de clef d'un coup sec, puis :

- Tu sais qu'on est partis avec tout un peloton…

- Et alors ? Ils y sont tous passés ?

Le première classe hocha gravement la tête.

- C'était si dangereux que ça, ce que vous deviez aller chercher ?

- Non, le cadre était dangereux… impossible de me rappeler comment nous en sommes sortis.

Il écarta d'un geste sa pensée.

- Mais finalement, Angeal et moi avons décidé de ne pas remettre à Hojo ce qu'il nous avait demandé.

Génésis demeura interdit un instant, puis Angeal apparut dans le couloir :

- Bleu !

- J'ai gagné, déclara Séphiroth.

Génésis regarda avec stupéfaction Angeal donner quelques gils à son camarade, malgré quelques tentatives de négociation.

- Qu'est-ce que vous avez parié ? demanda-t-il avec scepticisme.

- Ta jambe va mieux ? demanda Angeal.

- Oui.

- On a parié sur la couleur des yeux.

Génésis ne répondit pas, se demandant si la mission n'avait pas atteint ses colocataires plus profondément qu'il ne l'avait cru.

Séphiroth se senti obligé de lui raconter de quelle nature était « ce qu'ils devaient ramener à Hojo ».

- Une gamine ?

- Enfin, j'ai parié que c'était une fille, dit Séphiroth.

- Et moi, intervint Angeal, je suis persuadé que c'est un garçon.

- Allons bon…

- Viens voir. Mais tu ne diras rien, ni à Lazard, ni…

- Est-ce que j'ai déjà était parler spontanément à Lazard ?

Angeal sourit. Il savait Génésis digne de confiance. Depuis le temps…