Voici une nouvelle fiction. Bon alors il fallait bien que ça arrive un jour. Lorsque j'écris il m'arrive d'avoir des idées pour d'autres histoires. Parfois je me contente de prendre quelques notes pour ne pas l'oublier et je l'écris plus tard ou parfois comme c'est le cas pour celle qui va suivre, Je l'ai dans la tête et je suis incapable d'écrire autre chose tant que je n'ai pas écrit le début. J'appelle ça l'effet 'cocotte minute'...il faut que ça sorte. Donc voilà c'est sorti, du moins une partie.
Au départ je pensais faire un OS mais je crois qu'il y aura au moins 3 chapitres voire 4.

Voilà, ça risque de vous surprendre un peu, peut-être même beaucoup. Je vous rassure je n'oublie pas mes deux autres fictions. Je suis en train d'en écrire les suites.

Comme toujours bonne lecture et j'attends vos réactions avec impatience.


Dans son bureau, le procureur regarde le numéro de l'appelant. Il n'est pas répertorié dans ses contacts et il lui est inconnu. Elle décroche, après un bref échange avec son interlocuteur, elle se lève et quitte précipitamment son bureau. En passant devant sa secrétaire elle lance.

- Je me rends à l'hôpital, mon mari a eu un accident de voiture. Annulez mes rendez-vous !

- Bien Madame.

Lorsque je reprends conscience, ma vision est encore trouble. Tout est bleu autour de moi. Je ne me sens pas très bien, courbaturé, comme après avoir dormi sur mon canapé. Mais je sais que ce n'est pas ça. Je cligne plusieurs fois des paupières, ma vue devient nette. Ma main droite me fait mal, je la regarde. Un cathéter est enfoncé dans une veine sur le dos de celle-ci, un tuyau souple en part. Je tourne la tête, trop vite, j'ai subitement l'impression de tanguer comme sur un bateau et la nausée arrive. Je ferme les yeux et respire à fond, ça va, ça passe.

Aucun doute, je dois être dans le service des urgences d'un hôpital, on a tiré le rideau de séparation autour de mon lit. J'essaie de me rappeler ce qu'il s'est passé mais rien, aucuns souvenirs précis. En plus de la perfusion je suis branché à un cardioscope et à un saturomètre. Machinalement j'ai joué avec ce dernier, le faisant glisser de mon doigt. Aussitôt un bip strident retentit, le rideau s'écarte et une infirmière arrive. Elle regarde l'appareil puis ma main. Elle coupe l'alarme et me remet la pince sur le doigt.

- Je suis désolé je n'ai pas fait attention.

- Ce n'est rien Mr Rodgers, ça arrive souvent. Comment vous sentez-vous ?

- Courbaturé et légèrement nauséeux…

- Vous avez eux de la chance, la voiture qui a percuté votre véhicule ne roulait pas trop vite. Nous avons contacté votre femme Mr Rodgers, elle arrive.

- Je ne…

- Je vais prévenir le docteur de votre réveille.

Je la regarde partir, refermant le rideau derrière elle. Je suis complètement largué, ma femme ? Depuis quand je suis marié ? Peut-être est-ce mon ex-femme Gina dont elle a voulu parler. Mais autre chose me perturbe, pourquoi m'a-t-elle appelé Rodgers par deux fois et pas Castle ? Tout à coup je me sens 'mal', il y a quelque chose de 'différent'. Pourtant je reprends espoir en entendant cette voix qui m'est familière.

- Je veux voir mon mari immédiatement ! Où est-il ?

- Je suis le Dr Lorens, vous êtes Katherine Beckett ?

- Oui

- Suivez-moi, votre mari va bien, juste quelques contusions. Voyez vous-même. Il tire le rideau.

- Quoi ! c'est une mauvaise plaisanterie ! Cet individu n'est pas mon mari ! Le docteur Joshua Davidson est mon époux.

- Kate ?...

- Ça suffit Richard! Tu ne fais plus partie de nos vies depuis deux ans !

- Calmez-vous Madame Davidson. Il s'agit d'une méprise, mais votre nom figure sur son dossier comme personne à joindre en cas d'accident.

- Et bien je vous conseil de l'effacer.

- Kate, pourquoi ? Je…

- Tu as recommencé n'est-ce pas?

- ….

- Ne prends pas cet air surpris, tu sais très bien de quoi je parle. Tu t'es remis à boire ? Pour l'accident tu devais être ivre de nouveau !

- Non, Mr Rodgers était sobre. Coupe le médecin. Les analyses ne montrent aucune accoutumance à l'alcool.

- Je vous laisse, j'ai assez perdu de temps avec cette histoire. Le ton est sec, limite hautain. Estimez-vous heureux que je ne porte pas plainte Dr Lorens. Lance-t-elle en partant sans un regard pour Rick.

Je ne réagis pas, incapable de parler ou d'avoir une pensée cohérente. Je fixe la femme que j'aime et je ne la reconnais pas. C'est vrai qu'elle est différente, elle porte un tailleur hors de prix, tout comme ses chaussures. Elle est coiffée d'un chignon et son maquillage est impeccable. Rien à voir avec la Kate Beckett que je connais ou que je crois connaitre. Je ne suis plus sûr de rien, tout se bouscule dans mon esprit.

Je me répète en boucle certains de ses propos « cet individu », « Mme Davidson », « perte de temps », « remis à boire », « ne fais plus parti de nos vies ». Les appareils se mettent en alertes alors que mon rythme cardiaque s'accélère, que ma respiration se fait plus forte et haletante. Je m'étouffe, je sens les larmes affluer et ne peux les empêcher de couler. Puis, je me sens partir, je sombre dans l'inconscience.

Quand je ma réveille, je constate que je suis toujours au même endroit. Est-ce que j'ai rêvé tout ce qu'il s'est passé ? Je remarque que sur la petite table près du lit se trouvent un portefeuille, une montre, un téléphone et un trousseau de clefs. Ces objets sont certainement à moi mais je ne reconnais aucune d'eux. La montre n'est pas une Rolex, le téléphone n'est pas un I. Phone, le portefeuille n'est pas en cuir quant au trousseau de clefs ce n'est pas le même.

Petit à petit un malaise s'insinue en moi. J'ai beau faire des efforts pour me rappeler pourquoi je suis sorti de la vie de Kate il y a deux ans. Rien, toujours aucuns souvenirs, depuis quand a-t-elle épousé Josh ? Pourquoi a-t-elle cru que j'étais ivre ? Pourquoi m'appelle-t-on Rodgers et pas Castle ? Ais-je perdu une partie de ma mémoire ? De ma vie ? Je regarde avec une certaine crainte ce portefeuille, son contenu m'effraie. Pourtant je dois savoir, je tends ma main pour m'en saisir, elle tremble et je ne peux la contrôler.

Je le prends, l'ouvre et commence à examiner les papiers qui s'y trouvent. Aucun doute possible, il s'agit bien de moi sur les photos. C'est bien la bonne date de naissance, le bon numéro de sécurité sociale. Tous ces papiers sont au nom de Richard Alexander Rodgers…pas Castle. Je poursuis ma fouille, je trouve une carte de presse toujours au même nom, ce qui veut dire que je suis….journaliste. Voilà que je ressens les mêmes symptômes que lors de la visite de Kate. J'essaie de me calmer cette fois. Je ferme les yeux et tente de respirer profondément et le plus calmement possible mais je n'y arrive pas. Je n'y arrive pas car je n'arrive pas à croire ce que j'ai vu !

Une nouvelle fois les machines s'affolent, une infirmière et le Dr Lorens se précipitent vers moi. Je sens une piqûre dans le bras, mais je ne perds pas connaissance. Je me calme enfin, l'infirmière me laisse avec le médecin.

- Qu'est-ce qu'il m'arrive ?

- Vous faites des crises d'angoisses. Et je pense que c'est de ma faute. Je suis désolé pour la scène avec votre ex-femme. Avec le choc traumatique de l'accident, cette dispute vous a perturbé, c'est normal.

- Non, je n'ai pas réagis lorsque vous avez parlé de ma femme. Ça va recommencer…les crises ?

- Non, vous pouvez même partir. Je vais tout de même vous prescrire un léger somnifère. Je vais dire à une infirmière de vous apporter vos affaires.

Une demi-heure plus tard je monte dans un taxi et je lui donne l'adresse qui est sur mon permis de conduire, sur Astoria boulevard dans le Queens. Lorsqu'il s'arrête je paye la course et me retrouve devant un immeuble de briques rouges. Je gravis les marches du perron comme un automate. Je regarde les noms sur les sonnettes R. Rodgers, j'habite bien là. La porte d'entrée est fermée, j'essaie l'une des clefs du trousseau, ça fonctionne. Je suis dans un état second, j'ai l'impression de vivre un cauchemar éveillé. Je me dirige vers les boîtes aux lettres. Pas de surprise, il y en a une à mon nom. Je l'ouvre et prends le courrier machinalement. Je lis le numéro de mon appartement, le 17 au premier étage.

Cela fait maintenant cinq bonnes minutes que je suis debout devant la porte. J'ai les mains moites, le rythme cardiaque rapide. La clef est dans la serrure mais je n'ose pas la tourner. Qu'est-ce qui m'attend de l'autre côté de cette porte ? Pourtant je ne devrai pas être surpris plus que je ne le suis déjà. Après tout, quoi de plus normal que de passer de Richard Castle écrivain de bestseller, vivant dans un luxueux appartement en plein centre de Manhattan à Richard Rodgers journaliste dans un journal de seconde zone, habitant un appartement dans le Queens et ex-mari du procureur Katherine Beckett Davidson !

Je sens la colère due à mon impuissance devant cette situation monter en moi. Alors que je pénètre chez moi j'appelle deux personnes. Sachant par avance, comme un mauvais pressentiment que je n'obtiendrais pas de réponses.

- Alexis ? Mère ? Vous êtes là ?

Une fois encore j'ai raison, ma tornade rousse ne vient pas se jeter dans mes bras, ma mère ne fait pas l'une de ses entrées théâtrales dont elle a le secret. Je me rends compte que je pleure et qu'une tristesse immense m'envahie. Comme si des souvenirs douloureux essayaient de refaire surface. Je suis là, planté au milieu de mon salon, les larmes ruisselant sur mes joues lorsque mon téléphone émet une sonnerie. Avec appréhension je regarde le visage qui apparait sur l'écran. C'est vrai qu'avec tout ce qu'il m'arrive j'ai volontairement omis de vérifier la liste de mes contacts. Dans un effort désespéré de repousser d'autres mauvaises surprises. Mais là, je souris, c'est le visage d'Esposito et c'est bien son nom qui s'affiche. Un peu moins anxieux je prends l'appel.

- Cas…Rodgers

- Putain Ricky ! Où étais-tu passé ! Tu ne t'es pas pointé au journal et tu n'as prévenu personne !

- Salut Espo, j'ai eu un accident.

- Oh ! Et ça va ?

- Oui…enfin je…oui ça va.

- Ok ! Tu reviens quand ?

- Je…je cherche la feuille que le médecin m'a donnée. Dans trois jours.

- Bon, j'envoie Larry récupérer ton papier.

- Mon…papier ?

- C'est pas vrai Ricky ! Ne me dis pas que tu n'as pas écrit ton article sur la vieille folle qui nourrit les pigeons de Central Parc ?

- ….

- Écoutes Ricky je suis ton ami mais aussi ton boss. Je ne peux pas te laisser faire ce que tu veux. Comme travailler que lorsque tu en as envie. Le Big boss en a marre, je ne vais plus pouvoir te couvrir.

- Javier je t'en prie laisse-moi une chance…j'ai besoin de temps !

- Rick ça va ? Le ton de sa voix est plus sérieux mais aussi plus soucieux. Tu ne m'appelles par mon prénom que lorsque tu as de gros problèmes.

- Je ne sais pas. Je … je crois que l'accident m'a secoué plus que je ne le pensais.

- Ecoute, il me reste un vieil article sous le coude, je vais le faire passer pour cette semaine. Ça te laisse une semaine pour terminer celui que tu devais me rendre.

- Merci. Je te revaudrai ça. On se voit dans trois jours.

- Ok, Ricky, je ne plaisante pas, fais pas le con où je serai obligé de te virer.

- Tu auras ton article dans les temps. Promis.

- Tu as plutôt intérêt. Salut

- Salut boss.

Encore une anomalie, Esposito est mon patron au journal, il n'est pas flic. Curieusement cela me semble normal. Je sais même que je n'ai pas fini l'article. Que Javier est un ami d'enfance, des images me viennent en vrac. Une vieille balançoire, fait d'un pneu, une palissade taguée et aux planches cassées. Des souvenirs que je sais être ceux de Richard Rodgers se mêlent à ceux de Richard Castle. Je vois ma fille jouant dans un parc avec sa mère et moi, puis d'un seul coup la vision de deux cercueils blancs. Un grand et un plus petit recouvert d'œillets blancs.

Mes jambes ne me portent plus, je m'effondre sur mon canapé. Je ne sais pas comment j'y suis arrivé mais peu importe. Hébété, les yeux embués de larmes, je regarde autour de moi. Je cherche une chose bien précise du regard. Je la vois enfin, elle est là dans la bibliothèque qui recouvre tout un mur. Je dois faire un terrible effort pour me relever et me rendre jusque là. Je prends un vieil album photo, la couverture de cuir est usée d'avoir trop été manipulée. Je n'ai pas le courage de retourner sur le canapé, je me laisse glisser au sol, dos appuyé contre la bibliothèque.

Je replie les jambes et pose l'album sur mes genoux. J'ai peur de ce que je vais voir, tout comme pour le portefeuille mais là, c'est différent, je sais ce qu'il y a dedans. D'une main tremblante je tourne la couverture et je commence à feuilleter l'album. A chacune des photos mon cœur saigne, j'ai un 'poids' sur la poitrine mais je ne pleure plus. Ma peine va bien au-delà des larmes. Certaines photos me font revenir des souvenirs précis en mémoires d'autres ne me disent rien du tout. C'est toujours un mélange de souvenirs entre mes deux «moi». Au trois quart de l'album plus de photos, les dernières datent du Noël après les 8 ans d'Alexis. Ensuite les pages sont vides tout comme mon cœur.

Tout est clair dans mon esprit, je me rappelle de ce jour de janvier, il avait neigé toute la journée. A l'époque je travaillais comme journaliste au New York Times. Meredith travaillait dans une société d'investissements à Wall Street. C'est elle qui devait récupérer Alexis à l'école ce jour-là. Elle m'avait prévenu qu'elle aurait une course à faire avant de rentrer. Je ne m'étais pas inquiété, occupé dans la rédaction d'un nouvel article je n'avais pas vu le temps passer. Lorsque la sonnette avait retenti ma première pensée avait été qu'elle avait les bras chargés de paquets et qu'elle ne pouvait pas ouvrir.

A ma grande surprise en ouvrant la porte je m'étais retrouvé face à deux officiers de police. Le plus jeune un noire Montgomery avait l'air gêné et triste. Son coéquipier, plus âgé, l'officier Raglan avait une mine grave. A cet instant là j'ai su que quelque chose de grave était arrivé. Ce que le plus âgé me confirma. Ma femme et ma fille venaient de succomber à leurs blessures après avoir été renversé par un bus dont le conducteur avait perdu le contrôle.

Le bruit de l'album tombant au sol me fait sursauter. J'ai envie de hurler mon désespoir. Je n'ai que des souvenirs partiels. Si je suis bien Richard Rodgers, ce qui de toutes évidences semble le plus probable. Pourquoi les souvenirs de Richard Castle sont pour moi tout aussi réels que les autres ? Qui suis-je vraiment ? Que m'arrive-t-il ? Je me décide enfin à vérifier mes contacts et je cherche mon téléphone dans ma poche. Mais ce n'est pas lui que je sors de celle-ci mais le flacon de somnifères que le docteur Lorens m'a prescrit.