Chapitre 1 : Première journée à Pemberley

Mister Darcy et Elizabeth Bennet étaient mariés depuis maintenant plus de six mois. Bien qu'il n'aimât pas spécialement sa jeune belle sœur, Kitty, Mr Darcy avait accordé à sa bien-aimée femme qu'elle l'accueillit. Mais si il avait escompté que son train de vie serait fortement ébranlé par la farouche jeune fille et qu'il faudrait donc en préserver Georgiana, Fitzwilliam fut bien vite détrompé.

Sous ce soleil printanier qui illuminait Pemberley, il avait accompagné sa chère Elizabeth sur le perron et bientôt, la voiture noire des Bennet fit son entrée dans la grande cour du domaine. A voir le sourire sur les lèvres de sa tendre épouse, Darcy savait qu'il avait fait le bon choix, cependant, comme on s'en doute, le bonheur des uns ne faisant pas toujours le bonheur des autres, le jeune mari ne pouvait s'empêcher de penser qu'il allait devoir s'accoutumer à la frivolité de Kitty. Quelques jours passés aux côtés de Lydia lors de son mariage avec cet « infortuné Wickham » avaient déjà mis ses nerfs à très rudes épreuves, or, le comportement de Kitty lui montrait qu'elle ne ressemblait que trop à sa jeune sœur et hélas pas assez à ses aînées, risquant ainsi de le rendre fou avant la fin. Bien sur, Darcy n'était pas un ermite, mais ces frivolités l'agaçaient au plus haut point, et, n'ayant connu cela avec sa sœur, il lui semblait qu'il ne s'y ferait jamais. Aussi, quelle ne fut pas la surprise du gentilhomme lorsqu'il vit une jeune fille habillée fort sagement sortir avec la plus grande réserve de cette voiture noire. Elle s'avança avec silence et respect devant eux, fit une légère révérence avant d'adresser un petit sourire où perçait une pointe de tristesse. Elizabeth prit la main de sa jeune sœur en souriant toujours, ravie de retrouver celle qui, elle le savait, n'était encore qu'une tendre enfant.

Ma très chère sœur, nous vous souhaitons la bienvenue ici. Je suis sure que vous aimerez tellement Pemberley que vous ne voudrez plus jamais en partir ! Miss Georgiana est en haut, vous vous souvenez d'elle n'est-ce pas ?

Oui… Oui, je… L'avais entrevue à votre mariage.

Voudriez vous faire plus ample connaissance avec elle ?

Oh oui ! »

Ainsi fut fait. Sentant sa sœur très mal à l'aise, Elizabeth lui prit le bras et la mena à l'étage tandis que son époux les regardait passer, surpris par un tel changement. Lorsqu'elles arrivèrent dans le petit salon, les deux jeunes femmes trouvèrent Georgiana au piano et décidèrent de ne pas la perturber. Sitôt que Miss Darcy eût fini, Kitty applaudit et retrouva son sourire candide qu'Elizabeth fut soulagée de voir réapparaître. Georgiana se leva, vint à leur rencontre et fit une légère révérence à Kitty. Elizabeth, voyant que ni l'une ni l'autre n'osaient parler, se décida donc à faire les présentations.

« Georgiana, je vous présente ma jeune sœur, Kitty

Enchantée miss Kitty.

Kitty, je vous présente Miss Georgiana.

Je suis également enchantée Miss Georgiana.

Aimez vous la musique Miss Kitty ?

A vrai dire… Je n'en joue pas, jusqu'à lors je ne m'y étais jamais intéressée et c'est seulement aujourd'hui que je comprends mon erreur.

Il n'est pas trop tard savez vous ? fit remarquer Georgiana avec bonté.

Je… Je ne sais pas vraiment. »

Elizabeth les regarda un instant parler et s'installer près du piano, se demandant ce qui avait pu changer à ce point sa jeune sœur. Elle qui était si clairvoyante habituellement, ne comprît pas comment la Kitty de Longbourne, si dévergondée, si provocante même, pouvait devenir plus timide encore que Miss Georgiana. Pourtant, Elizabeth eut la réponse le soir même dans une lettre de Jane qu'elle n'avait pas encore lue et qu'elle se décida enfin à ouvrir. Depuis leurs mariages respectifs, les sœurs s'écrivaient fréquemment, s'échangeant des nouvelles en tout genre. Jane, qui avait quitté définitivement Netherfield depuis seulement un mois écrivit ceci à sa sœur.

« Ma très chère Lizzy,

J'espère que ma présente lettre vous trouvera, vous, votre mari et votre belle sœur, en bonne santé. Charles et moi nous portons quant à nous aussi bien que se peut porter deux êtres qui s'aiment comme nous le faisons.

Je souhaite, par le biais de cette lettre, vous transmettre mon inquiétude à propos de Lydia. Je n'ignore pas que sa conduite fut des plus outrageantes et pourtant, j'ai pitié de notre pauvre sœur. Sachant que vous recevez très prochainement Kitty, je dois vous prévenir que vous la trouverez sûrement fort changée. En effet, les nouvelles données par Lydia ont inquiété notre pauvre sœur au plus haut point et, si Kitty n'a point voulu alarmer notre mère, elle n'a pu se contenir et, la voyant fondre en larmes, je ne puis que la presser de me dire ce qui la rendait si triste.

Lydia a écrit à notre douce Kitty afin de lui donner des nouvelles qui sont, je crois, pour le moins alarmantes. Lydia attend un enfant qui devrait naître d'ici deux mois, son époux et elle vivent dans des conditions déplorables et, d'après ce que la chère Mrs Wickham laissa entendre à sa sœur, il semblerait que sa santé soit fort dégradée. De plus, toujours d'après les dires de cette chère Lydia, notre beau-frère, dont vous connaissez le caractère mieux que quiconque, l'aurait délaissée pour d'autres femmes, ils ne se parlent plus et il semble que l'état de Lydia soit des plus funestes. Connaissant les relations de votre époux avec Mr Wickham et sachant ce qu'il a déjà fait pour notre famille –ou pour vous puisqu'il lui plaît de tourner la chose ainsi- je ne puis me résoudre à attendre de vous que vous lui demandiez une aide quelconque aussi me suis-je empressée auprès de Charles pour qu'il accepte d'accueillir Lydia lorsque nous serons à Londres, ce qu'il a bien entendu accepté, nous irons donc chercher notre sœur très bientôt et nous nous assurerons de sa santé et de celle de son enfant. Bien entendu, maman n'a été informée de rien de cela et je n'en ai rien dit à Kitty de peur que, dans sa joie, elle n'ébruite l'affaire.

De plus, cette chère Kitty n'a hélas guère pu connaître le repos de l'âme puisque notre mère s'est mis en tête de lui trouver un mari. Vous connaissez ma mère, qui n'aura de paix que lorsque nous nous serons mariées, et bien elle a décidé qu'elle parcourait le pays s'il le fallait, mais qu'elle trouverait un époux pour Kitty et peut-être pour Mary. Fuyant les insistances de notre mère, Kitty vint souvent chez nous et elle me confia bien souvent qu'elle s'ennuyait fort depuis notre départ et que les insistances de maman lui pesaient sur la conscience. Vous n'auriez sûrement pas pu agir mieux en l'invitant, ce changement d'air lui sera profitable.

Vous trouverez les manières de notre sœur changées, j'ignore ce que c'est mais du jour de notre mariage, Kitty a décidé de changer radicalement, elle s'est mise à beaucoup lire, à marcher et à profiter des joies de la vie. J'ai même entendu Mary dire qu'elle s'essayait au piano, sans grand succès hélas.

Enfin voici pour nos nouvelles, j'espère que de votre côté, toutes les nouvelles sont bien bonnes.

Je vous quitte donc, nous partons pour Londres dans deux jours et nos malles ne sont pas toutes prètes.

Avec toute mon affection.

Votre dévouée Jane. »

A la lecture de ces lignes écrites par la main de sa sœur, Elizabeth ressentit une grande compassion pour ses sœurs. Bien sur Lydia aurait du être plus réfléchie, cela lui aurait évité de telles conséquences, bien sur Lydia était d'un orgueil et d'une folie indescriptible mais il n'en était pas moins qu'elle était sa sœur, celle avec qui elle avait partagé son enfance et qu'elle ne pouvait rester de marbre lorsqu'elle apprenait les conditions de vie de Mrs Wickham. Quant à Kitty, la pauvre enfant, Elizabeth comprenait maintenant ce changement, d'ailleurs, connaissant le caractère de leur mère, elle croyait volontiers Jane lorsque celle-ci lui affirmait que ce changement d'air lui serait plus que profitable.

Au moment où elle repliait cette lettre, le visage bouleversé, Fitzwilliam entra dans leur chambre et s'inquiéta immédiatement des traits perturbés de son épouse.

« Elizabeth, qu'avez-vous donc ? Vous voila au bord des larmes.

Ne vous inquiétez pas Fitzwilliam, la surprise provoquée par la lettre de Jane m'a quelque peu alarmée mais je m'en remettrai bientôt j'en suis sûre.

Voulez vous m'en parler ?

C'est à propos de ma sœur, Lydia.

Quelque chose de grave ?

Non… Enfin je l'ignore. Lydia va bientôt être mère, elle vit dans la misère et son mari la délaisse… C'est du moins ce que m'en a dit Jane.

Je peux intervenir si vous le souhaitez

Non ! s'exclama précipitamment Lizzie. Non, Jane et son mari vont accueillir Lydia, elle y sera bien. Et puis… Je préfère tenir Kitty hors de l'influence néfaste de notre sœur. Cette affaire l'a déjà bien attristée autant la préserver.

Vous avez sûrement raison. Votre sœur me semble bien changée d'ailleurs, on pourrait presque croire qu'une bonne fée est venue l'envoûter et en faire une enfant sage.

Espérons alors que cette bonne fée y parvienne ! Souffla Elizabeth dans un sourire.

Avec votre secours je n'en doute pas. Mon Dieu, une tempête se serait-elle abattue sur Pemberley ? soupira Darcy tandis qu'un bruit sourd retentissait à l'étage.

Je crains que cette tempête ne porte le nom de deux jeunes filles ! » Plaisanta Elizabeth en se levant et en prenant la main de son époux. »

En effet, à l'étage, la pièce où, quelques instants plus tôt, Elizabeth avait laissé deux jeunes filles intimidées s'était transformée en terrain de jeu pour Kitty et Georgiana. Darcy prit une mine sévère en voyant les demoiselles se courir après dans toute la pièce mais il abandonna ce masque en voyant son angélique épouse se joindre à leur jeu et bientôt dans toute la demeure de Pemberley résonnaient les rires de Georgiana, Elizabeth et Darcy qui cherchaient en vain à attraper Kitty bien que celle-ci courut deux fois plus vite qu'eux. Jamais depuis l'enfance de son jeune propriétaire Pemberley n'avait été si joyeuse et les serviteurs voyaient resurgir cette joie avec un œil amusé.

Le soir même, après le dîner, Elizabeth rejoignit sa jeune sœur dans sa chambre et, s'asseyant sur le bord du grand lit, prit les mains de sa cadette entre les siennes.

« Si l'on m'avait dit que je vous trouverais aussi changée ma chère Kitty je ne l'aurais jamais cru !

Auriez vous perdu votre langue ?

Non.

Ah vraiment ? Plaisanta Lizzie.

Oui.

Bon… Et comment vont nos parents ?

Bien je le crois. Enfin… Maman se trouve toujours victime d'une dizaine de crise de nerfs par jour quant à papa, depuis votre départ, le seul endroit où on puisse le trouver est sa bibliothèque. Vous lui manquez. Et à moi aussi à vrai dire. Soupira Kitty.

Allons ma chère petite sœur, réjouissez vous, je serai toute à vous pour deux longues semaines !

Oui mais ensuite je devrai retourner à Longbourne.

Ne voulez-vous pas retrouver notre mère ?

Non !

Pourquoi Kitty ? Je vous croyais intimement liées ! s'enquit Mrs Darcy.

Oh, j'aime maman mais… Elle s'est décidée à me chercher un époux et je n'y puis consentir. J'aimerais tant pouvoir trouver un bon époux comme vous ou comme Jane. Quelqu'un qui m'aime, même si je n'ignore pas que ce sort risque de m'échapper car je n'ai ni votre instruction ni votre sagesse.

Allons Kitty, que de propos pessimistes dans une si jeune bouche ! Je vous croyais joyeuse de nature. Je suis sûre que quelque part il y a un homme que vous aimerez et qui vous aimera d'un amour si pur… Un homme comme Fitzwilliam ou comme Charles. J'en suis sûre. Vous êtes jeune et belle, si vous travaillez vous deviendrez bien vite instruite et sage et alors tous les hommes seront à vos pieds.

Puissiez vous dire vrai… Sanglota la jeune femme. Mais j'en doute, j'en doute terriblement.

Allons ma chère sœur, que vous est-il arrivé pour que vous changiez ainsi ?

Rien. Ou plutôt tout. Non vraiment je ne veux en parler. C'est trop horrible.

Est-ce à propos de Lydia ?

Lydia ? Non ! S'exclama la jeune fille interloquée. Lydia n'a reçu que ce qu'elle méritait. Oh bien sur j'ai de la compassion pour elle mais si elle avait obéi rien de cela ne serait arrivé. Je lui avais écrit de rester tranquille et elle ne m'a pas écoutée, alors elle ne peut s'en prendre qu'à elle, du moins le crois-je.

Qu'est-ce donc alors…

Rien, ce n'est absolument rien. Je me sens épuisée, bonne nui Lizzie.

Bonne nuit Kitty. Soupira Elizabeth en proie au découragement, dormez bien. »

Elizabeth sortit de la chambre de sa sœur en y laissant une jeune demoiselle au visage innondé de larmes. La jeune Mrs Darcy s'inquiétait pour cette petite sœur qu'elle aimait malgré tout ce qui avait pu les séparer auparavant. Quelque chose avait bouleversé a cadette, mais quoi ? Il fallait qu'elle le sache. Lorsqu'elle entra dans leur chambre, Fitzwilliam l'attendait déjà.

« Vous êtes préoccupée mon amour.

Oui, en effet je le suis.

A propos de Lydia ?

Non, de Kitty.

Décidément, que de tracas nous causeront vos jeunes sœurs, plaisanta le jeune homme, Mary va bien au moins ?

Il semble qu'elle soit la seule pour qui rien n'ait changé. Sincèrement, Kitty m'inquiète, elle est si…

Oui ?

Si différente, si perturbée.

Vous l'avez remarqué également, n'est-ce pas ?

Cela aurait été difficile. Lorsque j'étais dans sa chambre avec elle, elle a fondu en larmes. J'ai d'abord cru qu'il s'agissait de son inquiétude pour notre sœur mais ce n'était pas cela et lorsque je l'ai questionnée elle ne m'a pas répondu.

Vous avez un pressentiment ?

Hélas non, d'habitude je sais reconnaître le caractère de Kitty mais là je n'y comprends goutte.

Ne vous tracassez pas mon amour, je suis sûr que lorsque viendra le bon moment votre sœur saura vous parler.

J'espère. Bonne nuit mon amour. »

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