La pluie, toujours la pluie, Arthur n'en peut plus. Serré contre le linge rouge si précieux, il pense. Aucunes expressions ne sortent de son visage blanc, sale. Ses longs cheveux mouillés se collent à ses joues et se mêlent à sa barbe brune. L'eau passe à travers le plafond, les fuites sont de plus en plus nombreuses. Voilà 2 semaines que la pluie ne cesse pas. L'eau qui s'écoule sur le visage de l'ancien roi ressemble aux larmes interdites de cet homme faible mais toujours fier. Mais ses blessures sur ses poignées quant à elles guérissent à vue d'œil. Il est d'ailleurs impressionné par la rapidité avec laquelle la douleur a disparu. Merlin avec sa magie druidique aurait été incapable d'un tel résultat. Arthur sourit, ce bon vieux Merlin, celui qui l'a porté en haut du rocher alors qu'Arthur savait à peine marcher, celui qui l'a aidé à fédérer une Bretagne divisée et en conflit 15ans auparavant. Mais le magicien est loin et l'a abandonné, comme une majeure partie des chevaliers de Kaamelott. Arthur reprit un ton grave à cette pensée, il était seul face à ses démons et avait déjà échoué en laissant le royaume aux mains de Lancelot. En effet, il n'était plus le roi du royaume de Logres mais pauvre homme commun, suicidaire, isolé et clandestin à Rome. Il se leva de son triclinium (canapé romain), toujours serrant fort la robe rouge de son ancienne femme et marcha avec labeur vers la porte. Il passa la tête pour observer dehors, la pluie avait cessée. Comme il faisait chaud a présent, se dit-il. Les terres froides et neigeuses de Bretagne étaient décidément bien loin...

Un mois. Arthur était à Rome depuis 31 jours et n'avait pas encore osé sortir, mais aujourd'hui c'était différent. Il réalisa que le temps s'écoulait et son moral s'améliorait lentement. Chaque jour, il essayait de ne pas se laisser dépasser par sa faiblesse autant mentale que physique, il prenait un baton et répété quelques mouvements de combat. Quelque fois, il lui arrivait même de s'insulter lorsqu'il tombait "son arme", en souvenir de son maître d'arme. S'il l'avait vu comme ça, il aurait certainement dit que même une pauvre souillon ne restait pas dans cet état ! Il décida alors de tenter d'améliorer son apparence épouvantable et et de respirer un air autre que cette odeur humide de la villa abandonnée en allant au marché de Rome. Aconia, sa femme, l'ancienne logeuse de cette maison, avait l'habitude d'avoir des lames un peu partout dans les pièces. Son mari partit en Bretagne essayer de faire régner les lois romaines au mur d'Adrien, elle avait besoin de se protéger. Donc au bout d'une petit recherche, il trouva une dague romaine, ornée de gravures à l'effigie de César dans un trou du mur de la chambre. Il observa cette pointe d'argent durant quelques minutes. Ses souvenirs revenaient comme des flèches en plein coeur, Aconia la femme de sa vie, Imperator, Manilius, tous des gens de son passé, tous perdus! Mais la nostalgie et la culpabilité n'allaient pas l'aider à se sentir mieux, il fallait avancer, il fallait survivre. Son physique de clochard n'allait pas l'aider, il prit la dague, empoigna une mèche de cheveux et coupa, coupa, coupa encore, sans trop savoir quelle tête allait ressortir . Les cheveux raccourcis, il avança la lame vers sa joue pour enlever cette barbe volumineuse quand il se dit: « Breton ou Romain ? » Cette question paressait insousciente dans un moment pareil mais finalement était le centre de sa réflexion depuis plusieurs semaines, même s'il ne pensait pas jouer son avenir sur une coupe de barbe, il devait admettre que tout se jouait là! Une brève barbe et son physique breton apparaissait, son identité passée, sa gloire perdue, Arthur. Alors qu'un visage rasé complètement concorderait avec un physique romain, une identité anonyme et peut être un nouveau départ en tant qu'Arturus. Que voulait il ? Un manque profond était là, la Bretagne fait partie de lui, il avait était choisit par les Dieux pour régner sur cette île. Mais ses souvenirs qui surgissent jour après jour, la douleur vive dans son coeur lorsqu'il regarde le linceul rouge de son amour véritable, cette villa qui fut le lieu de rencontre entre lui et Aconia lui donne le doute; la vie est elle en Bretagne ou à Rome ? Il décida finalement de tout couper, se persuadant que c'est pour faciliter son passage à Rome incognito et évitant comme cela la question. Il s'enroula un drap blanc autour de lui après un passage au bain et sortit de la villa.

Rome, ville de sa jeunesse. Le latin qu'il entendait autour de lui le chamboulait un peu, il avait perdu de son bilinguisme et mettait plusieurs secondes à déchiffrer de simple phrases. Son pas était lent, encore faible mais son moral reprenait le dessus petit à petit. La foule semblait de plus en plus dense, Arthur suivait les femmes avec des paniers ou les vieux hommes aux pas rapides, ils se dirigeaient tous au marché: soit pour des achats, soit pour retrouver des amis et partager un ver de vin tout en reluquant les esclaves en exposition. Au coin d'un bâtiment, il l'aperçut. Arthur savait que la place de Rome n'était pas loin car face à elle trônait: l'amphithéâtre Flavien (Colisée). L'immensité de ce monument le bouleversait toujours lorsqu'il le voyait. Mais sa destination n'était pas celle là, elle était un peu plus loin, au coeur du marché. Le fils Pendragon s'arrêta tout de même un moment pour admirer cette architecture qui manquait cruellement à la Bretagne, pensait – il, puis, il se remit en route. Il essayait de se frayer un chemin entre tous ces romains, marchands ou passants qui se bousculaient pour une orange ou un bout de tissu. C'est alors qu'il était là, toujours à sa place, « le café latin », point de rendez vous de ses rencontres passées à Rome. Un endroit connu, un faible réconfort certes, mais les petits bonheurs simples, Arthur s'en contentait. Il commanda un lait de chèvre et se mit à observer autour de lui. Les hommes sont si superficiels! Tous marchants le dos droit et le pas lent mais déterminé. Le visage haut, fermé, le regard porté loin. Les toges si longues et propres, il était clair que ces romains n'avaient pas connus la guerre. Cette ville n'était pas la sienne, il le savait, il le sentait. Mais comment partir sans argent, avec un santé fragile et retourner sur une terre où on souhaite sa mort plus que tout ? Arthur plongea son regard dans son lait de chèvre et et vida son esprit, comme pour échapper à ces interrogations qui tournaient dans sa tête! C'est alors qu'il entendit une voix familière, un rire, puis des mots latin , de plus en plus distincts. Il leva son regard, scruta la foule, impossible de localiser la personne. Pourtant, cette voix était bien là, elle devenait de plus en claire, douce: c'était une femme. Et d'un coup il aperçut le dos d'une grande femme en tunique bleue. Une ceinture tressée marquait sa taille mince et ses son pas étaient rapides comme un enfant sautillant de joie. Ses cheveux étaient longs et bruns, typés très latins ce qui étonna Arthur. Comment pouvait il connaître une jeune romaine? Il se dit alors que son esprit malade lui jouait des tours, quand la jeune femme se retourna: Aconia! Il se leva et courut vers elle, oubliant les douleurs de ses membres, sa faiblesse. Il eut l'impression de retrouver le corps d'Arturus et prit des forces qu'il ne suspectait même pas ! Mais ses ardeurs furent coupés par sa tunique: il se prit le pied dans le drap et tomba sur un soldat romain qui passait devant lui. Le militaire se mit à gémir, Arthur lui avait retourné le doigt en chutant. Un peu déboussolé, Arthur sentit quelque chose le lever par le col, il ouvrit les yeux et aperçut une vieille dame essayant de le soulever:

« Aidez moi un peu! Il ne faut pas rester là, vous avez blessé un soldat de la milice! Vous allez être arrêté! Mais levez vous espèce d'idiot! »

Arthur se leva et se mit à suivre la vieille femme qui courait plutôt vite pour son âge. Ses jambes tremblaient. A chaque pas il sentait qu'elles s'apprêtaient à céder mais à chaque pas, elle tenaient. Décidément, son corps lui réservait des surprises. Les mains de la vieille et d'Arthur étaient collées, et à ce moment précis, il ne l'aurait lâché pour rien au monde. Certes elle lui était inconnue mais depuis un mois, elle était la seule à l'avoir délibérément aidé! Tout d'un coup elle l'entraîna par une porte dérobée au coin d'un marchand de chaussure et tous deux poursuivirent leur route dans un endroit sombre, très petit, comme un tunnel dans la ville de Rome. Puis la femme ralentit, elle lui lâcha la main, se retourna et lui dit entre deux essoufflement:

« C'est par là, continuez sur 10m et passez la porte. Ne vous inquiétez pas, vous êtes en sécurité Sire. »

Arthur écarquilla ses yeux sous ce dernier mot: « Sire ». Comment savait-elle ? Il n'eut pas le temps de lui poser la question, elle était déjà partit au pas de course dans le sens inverse de leur arrivée. Il marcha sur 10 mètres avec ce mot raisonnant comme un tambour dans sa tête: « Sire ».. Il fronçait les yeux pour essayer de s'habituer à l'extrême obscurité et apercevait petit à petit le fond du tunnel. Une petite porte de bois sans poignée. Curieusement, il n'hésita pas, aucune craintes ne le parcouraient. Il poussa la porte et entra dans une pièce aussi sombre que froide. Arthur paressait décontenancé, où était -il ? Pourquoi l'emmener dans un lieu vide, sombre, sans intérêt particulier ? C'est alors qu'un bruit, dans le coin noir face à lui, se fit entendre . Un roulement d'une voix féminine, étrangement familière pour l'homme. Il fronça les sourcils quand il comprit. Le souffle d'Arthur se coupa et il sentit un goût salé sur la pointe de sa langue, une larme s'était glissée sur le bout de sa lèvre: «*Quid tibi est ?»

*Est ce toi ?