Us : Human Kind

Chapitre 1


Ce n'était que le premier jour, et pourtant il avait déjà senti un déluge de pensées, toutes plus différentes les unes que les autres, le heurter de plein fouet. La confiance qu'il arborait en temps normal lui avait soudainement fait défaut sous les aboiements du supérieur qui les avait passés en revue chacun leur tour et son crâne s'en souvenait encore avec la petite bosse qui pointait douloureusement. Déstabilisé pendant un moment, il commençait tout juste à remettre de l'ordre dans ses idées. Là, devant tout le monde, il avait fait partie de ceux dont les idées étaient plutôt mal vues, ne serait-ce que pour les raisons de leurs aspirations à telle ou telle position. Il n'était pas le seul dans ce cas-là, à viser une vie simple et tranquille. Avec un soupir, il jeta un petit coup d'œil vers la table de l'autre côté de la salle, là où le brun de plus tôt était attablé au milieu d'autres camarades encore inconnus. Entrer au service du roi ? Avec sa tête de saint, c'était à peine croyable qu'il ait de telles idées ! C'était à se demander ce que ce type avait dans la tête, assurément. Il n'avait pas vraiment l'allure de quelqu'un capable de se battre, et il était presque sûr qu'une mouche ferait plus de dégâts que lui dans une bataille.

« Jean, c'est ça ?

Il sursauta presque quand un des garçons de sa table s'adressa à lui, le faisant revenir à la réalité et il hocha la tête.

-Ah, oui.

Son camarade en face de lui frotta son propre crâne rasé, avec un sourire amusé, et regarda dans la même direction que lui l'instant d'avant.

-C'est donc ça, les filles se sont rassemblées de ce côté ! constata-t-il, avec l'air de comprendre son intérêt pour l'autre bout de la salle. Au fait, je suis Connie !

Jean opina du chef, même s'il se souvenait de lui. Ils étaient plusieurs, probablement, à avoir marqué les esprits pour ce premier jour. L'air de ne pas y toucher, il tourna à nouveau les yeux vers la table qui l'avait intéressé et revint tout aussi vite à son assiette. Il avait du mal à la vider, peu habitué à cette piètre qualité de nourriture. Les débuts ici ne seraient certainement pas agréables, et pas seulement d'un point de vue alimentaire, soupira-t-il en son for intérieur tout en s'agitant un peu sur le banc de bois.

-Je me demande à quoi ressemblent les dortoirs ! embraya Connie joyeusement. Eh, tu crois que ce sera mixte ?

Jean ricana au clin d'œil du garçon et ne se gêna pas pour lui faire remarquer sa bêtise, constatant par la même occasion qu'il avait retrouvé sa verve habituelle. A côté d'eux, d'autres riaient simplement en les écoutant, avant d'expliquer gentiment au plus petit d'entre eux ce qu'il en était et les raisons.

Lorsqu'ils quittèrent la grande salle, ce fut pour récupérer leurs affaires dans le débarras mis à disposition. Retrouver ce qui appartenait à chacun prit un petit moment, sauf pour les plus débrouillards Jean aperçut le garçon du bout de la pièce apparaître et disparaître un très bref instant en silence, ses sacs déjà en main tandis que lui-même peinait à retrouver ses affaires dans le tas qui s'imposait aux regards. Connie sortit un grand sac avec une expression victorieuse avant de déchanter aussitôt et le lâcher aussitôt.

-Eh, c'est à moi, ça ! marmonna Jean en se penchant pour le récupérer.

Presque aussitôt, le garçon se jeta dessus à nouveau.

-Ah oui ? Viens le chercher alors !

Malgré sa petite taille, Connie courait vite et Jean dut donner de sa personne pour le suivre jusqu'aux dortoirs où il l'entraînait. Là, quelques-uns de leurs camarades étaient déjà présents et s'installaient, les regardant du coin de l'œil lorsqu'ils se présentèrent dans un grand vacarme. Le sac vola soudain avant qu'il puisse s'en emparer, Connie le lançant sans ménagement sur un des matelas avec un cri de victoire. Jean avait tout juste entamé un mouvement pour attraper le garçon au col, avant d'abandonner en voyant que ses affaires étaient presque tombés sur quelqu'un qui s'affairait sur le matelas collé à celui que Connie lui avait désigné. Après avoir donné une grande claque derrière le crâne de ce dernier, il s'avança et tira le sac.

-Désolé, dit-il, je crois qu'il ne sait pas se tenir !

-Ce n'est rien, répondit aussitôt son nouvel interlocuteur avec un petit sourire amusé. Ton ami a l'air plein de vie.

Jean haussa les sourcils, surpris de revoir déjà le garçon qu'il observait plus tôt. Il se laissa tomber à genoux sur le matelas et commença à sortir quelques vêtements à ranger, regardant tout autour d'eux jusqu'à trouver les étagères qui se remplissaient lentement des affaires de chacun.

-Un peu trop plein de vie, répliqua-t-il avec un regard noir pour Connie qui avait déjà disparu pour trouver ses propres sacs.

Plus tard, il se trouva finalement bienheureux d'avoir déjà une place. Les autres prirent d'assaut les matelas, certains se disputant pour ne pas être dans telle ou telle mezzanine, les structures de bois étant clouées au sol, les matelas triples se trouvant donc non séparables. Jean soupira de nouveau, jetant un coup d'œil à son camarade de lit. Il avait l'air calme, ce n'était pas plus mal. Au moins pourrait-il dormir tranquillement, avec de la chance. Avec beaucoup de chance, même, vu le troisième qui les avait rejoint pour occuper la place sur son autre côté, et il constata qu'il était bien entouré le brun à sa droite, et l'autre, blond et immense, à sa gauche. C'était quoi son nom déjà… ? Re…Ri… ? Un 'n' se baladait quelque part…

-Reiner ! s'exclama-t-il soudain en donnant du poing dans sa paume.

L'adolescent le regarda de travers, surpris.

-Un problème ?

-Ah, non ! Aucun ! rougit Jean, lui-même étonné.

Plus loin, un autre garçon le traita d'idiot sans aucune retenue, le lançant pour le reste de la soirée dans un état d'esprit un peu trop combatif. Lorsque le couvre-feu fut sonné, il avait déjà décrété depuis longtemps qu'il détestait Eren Jaegger, sous les regards amusés de ses deux nouveaux voisins.

-Allez l'idiot, tu vas dormir et demain tu seras aussi calmé que lui, ricana Reiner en se glissant sous sa couverture.

Maugréant, Jean jeta un œil de l'autre côté de son matelas tout en ôtant une partie de ses vêtements, découvrant avec surprise que le troisième occupant de la place se changeait en se cachant sous sa propre couverture.

-…Tu nous fais quoi, là ? pouffa-t-il en tirant le tissu épais.

Un petit cri lui répondit et une chemise vint l'aveugler sans sommation. Il s'en débarrassa en riant, pour découvrir le garçon replié sur lui-même et qui se tortillait pour se changer hors de la vue des autres.

-Eh bien, tu te caches? rit-il gentiment.

L'autre rougit violemment et acheva d'enfiler ses sous-vêtements. Sur ses épaules nues et le haut de son dos, une multitude de petites tâches de rousseur s'étalaient, marquant la peau d'une manière très particulière, ce qui arracha à Jean un petit sifflement malgré lui et lui attira un regard qui se voulait réprobateur. Jean lâcha tout, une seconde avant de recevoir une claque retentissante sur la fesse. Surpris, il se retourna pour rencontrer l'expression agacée de Reiner qui rangea sa main et son grand bras sous sa couverture.

-Reiner, enfoiré !

-Laisse-le, marmonna le blond, il est timide alors n'aggrave pas les choses. Et dormez, vous deux ! Sinon vous allez le regretter très vite les prochains jours.

Reiner disparut complètement sous la converture, les laissant tous les deux. A voix basse, Jean s'excusa auprès de l'autre garçon qui haussa les épaules en les recouvrant d'un tee-shirt rapidement, puis ils se glissèrent dans leurs draps à leur tour.

-Au fait, je m'appelle Jean, souffla-t-il en redressant la tête un instant.

Le brun le regarda un moment avant de laisser un petit sourire illuminer son visage pendant une fraction de seconde.

-Marco, répondit-il sur le même ton, tout bas.

-Désolé pour tout à l'heure, reprit Jean avec un clin d'œil, mais c'était trop tentant… !

Marco rougissait, gêné.

-Ah, hum…Ce n'est pas si grave…

-Vos gueules, les gonzesses ! coupa Reiner avec délicatesse.