Cher Harry,
J'aimerais tellement être heureuse, et vivre la liesse que je vois autour de moi. Mais au fond de moi, je sens une lutte me déchirer. Alors je t'écris ces mots, même si je sais qu'ils ne te parviendront jamais, afin d'exorciser ce que je ressens.
Je te hais Harry. Tu n'avais pas le droit de
faire, tu n'avais pas le droit de me tromper, pas ainsi. Cela
aurait été si difficile de dire la vérité
? Je suis persuadée que tu savais ce qui allait se passer,
depuis longtemps. Mais tu me l'as cachée. Tu ne m'as pas
fait confiance.
Toute cette année, nous nous étions
si bien entendu, tant rapproché. Il était impossible de
dire où s'arrêtait l'amitié et où
commençait le flirt. Nous jouions tous les deux, nous tournant
autour. Je me sentais désirée, par quelqu'un que
j'avais toujours estimé. Ç'aurait pu être
malsain à la longue, mais je pensais que le dénouement
approchait. Amis ou amants ? Je tairais ma préférence,
parce que désormais je suis sûre que tu savais que ça
n'irait jamais plus loin. C'est dur de penser cela. J'ai
l'impression d'avoir été un jouet entre tes mains.
Peut-être n'étais-tu pas finalement différent
des autres garçons ? Et pourtant…
Je pense à
toutes ces nuits que tu as passées dans ma chambre, parce que
tu faisais des cauchemars. Tu ne voulais pas dormir, alors nous
parlions. Nous avons eu tellement de temps pour discourir sur
nous-même, pour les confidences. Toi, moi, eux, nous… Grâce
à cela, j'en ai appris plus sur moi-même durant cette
année que pendant les dix-sept précédentes. Nous
avons eu aussi de grands fous rires. Tu te souviendrais peut-être
de cette nuit où nous avons imaginé nos vies à
venir, si nous écoutions la Raison. Des heures passées
à rire de ce qu'aurait pu donner un mariage entre toi et
Ginny ou entre Ron et moi. J'avoue ce n'était pas très
sympathique pour eux deux. Mais au moins nous avions compris que ce
n'était pas ce que nous voulions. Il y a eu tellement
d'autres discussions. Nous nous disions tout, du moins le
croyais-je. Tu m'as caché le plus important. Tu as trahi cet
engagement tacite que nous avions pris l'un envers l'autre.
Est-ce
que tu savais seulement tout ce que tu représentais pour moi ?
Depuis notre première année ensemble, notre première
rencontre, tu as cherché à me comprendre. Tu n'as pas
été le seul, mais tu as été e premier à
le tenter et ce en toute sincérité, parce que tu avais
un cœur empli de bonté et d'amour. Tu voulais que j'aille
bien, tu n'as jamais cherché à me blesser. J'ai
toujours cette image dans ma tête, cette vision d'horreur de
ce Troll dans les toilettes. Puis je te vois toi. Tu avais l'air
déterminé, tu voulais me sauver à tout prix, et
tu étais prêt même à te sacrifier. Tu étais
le héros de tout un peuple, mais tu étais surtout le
mien. Tu étais ce modèle de courage et d'honneur que
l'on retrouve dans les contes de chevalerie. Tu étais pour
moi un soutien inamovible, alors que c'était toi qui avait
le plus besoin d'aide. Maintenant, je me dis que tu étais
très égoïste. Comment peut-on te rendre désormais
tout cet amour que tu nous as donné ? Tu nous laisses avec
cette dette envers toi, et je sens déjà en moi ce
sentiment de devoir envers les autres, poussé par le besoin de
poursuivre ce que tu voulais.
Je te hais. Ce jour-là,
tu m'avais promis de passer la nuit avec moi, parce que j'étais
angoissée à l'idée de bientôt quitter
Poudlard. Et tu n'es pas venu. Tu avais déjà prévu
ce qui allait se passer, tu avais planifié ta défection.
Depuis quelques temps, tu t'enfermais souvent dans la Réserve
ou dans le bureau de Dumbledore. J me demandais ce que tu pouvais y
chercher. Tu refusais toujours mon aide et inventais des histoires à
propos de ta préparation au métier d'Auror. Pourquoi
t'ai-je cru ? Avant tu ne parlais jamais de ton avenir, comme si tu
n'envisageais pas d'en avoir. Mais je m'étais rassurée,
tu étais devenu bien plus prolixe, et tu l'évoquais
sans cesse. J'ai été leurrée. Ce soir-là,
tu m'as laissé une lettre. Tu t'en allais rejoindre
Voldemort.
Tu ne m'avais rien dit. J'aurais pu t'aider,
j'aurais pu trouver une autre solution. Je n'aurais jamais du te
faire lire ce livre. Tu as suivi la voie du héros, la voie de
Frodon. Je suis sûre que ton plan avait germé depuis que
tu l'avais lu. Tu as combattu toute la nuit. Tu savais que tu ne
parviendrais pas à vaincre Voldemort en duel. Nous avions
détruit tous les Horcruxes, mais il était trop fort. Tu
avais décidé de le vaincre grâce à l'Amour
que tu portais au monde. Tu t'es sacrifié pour ce monde,
recevant le coup mortel sans chercher à l'éviter. Et
parce que le même sang coulait dans vos veines, parce que tu as
fait le don ultime de l4amour, vous êtes morts tous les deux.
Tu as sauvé le monde, mais comme Frodon, tu ne l'as pas
sauvé pour toi.
Je te hais. Je te hais pour cette douleur, pour ce manque, pour ces espoirs flétris que tu me laisses. J'aurais tellement voulu que tu vives. As-tu pensé à moi avant de mourir, comme tu me l'avais promis dans ta lettre ?
Je pense à toi tout le temps, mon ami, mon amour, mon frère…
Je te hais…me
Hermione
