Note : Salutations ! Le BAC s'est achevé tout récemment (tout comme TCÂ) et j'ai décidé de reprendre du service en publiant une mini-fiction, qui, à la base, était censée un très long OS basé sur une image de Nijuukoo. J'espère que cela vous plaira, je ne pense pas écrire d'autres notes par rapport aux coupures, qui sont faites un peu bizarrement, selon moi. Dîtes moi ce que vous en pensez, je serais très contente de recevoir vos avis et critiques !
PS: Cette mini-fiction comporte beaucoup de clichés, nécessaires à l'ambiance de l'histoire (ainsi que certaines références au film Sin Nombre réalisé par Cary Fukunaga). Si cela vous dérange, encore pardon ! Un bisou à Kathy pour sa bêta-lecture, Wa ayant été très occupée ces temps-ci.
J'ai omis de remercier Flower-Power1511, Dracodemon, Paopu-chan et Crimson-Realm dans l'entête du chapitre 22 de TCÂ, je le fais donc à présent. Merci à vous toutes ! Je dédicace également ce chapitre à Luwynda, pour la joie que m'a apporté son retour.
Crédits : Les personnages de Kingdom Hearts appartiennent aux studios Square Enix et Disney ainsi qu'à leur créateur, Tetsuya Nomura. L'image dont est inspirée la fiction et apparaissant en miniature appartient exclusivement à Nijuukoo, sur Tumblr.
The 13th Dawn.
Ce jour-là, il tourna dans la mauvaise rue, au mauvais moment.
Longue, froide, sale. Les murs de briques salis par les pluies incessantes des derniers mois resserraient l'impasse de pierre étroite qui se détachait nettement devant ses yeux, faisant résonner son cœur plus fort encore contre ses côtes. Il respirait vite. Marchait vite. Pensait peu.
Fuir, se cacher, escalader un mur, sortir de la ville, partir très loin. Ne pas regarder derrière soi.
Juste, se tirer.
Les crampons de ses larges bottes martelaient les flaques creuses sans hésitation, éclaboussant le bas de son habit déchiré de minuscules perles humides et boueuses. Leur clapotement créait comme un brouillard sonore autour de lui, ses pas rapides amortissant les remous de l'eau grise, ses pensées s'entrechoquant sous son crâne avec la violence de l'orage. Tendu, une main dissimulée sous son épaisse veste à capuche noire, l'inconnu pinçait les lèvres furieusement, le ventre déchiré par la rage et la gorge nouée par l'angoisse.
Que ferait-il si Il le retrouvait ? Comment faire face ? Devrait-il le regarder dans les yeux sans se démonter ? Lui expliquer la raison de sa fuite ? Implorer une quelconque pitié ?
Non. Il savait tout de lui. Son mode de combat, sa façon de penser, sa manière de rire ou de pleurer. Ses cachettes, ses faiblesses, ses tentations et ses vices. Il savait même jusqu'à l'odeur de ses cheveux, le goût de ses lèvres, le parfum de sa peau. Il ne pouvait rien lui cacher.
Et mentir serait plus que vain, dans son cas.
Il l'avait piégé. Plus encore qu'il n'avait piégé les autres membres de L'Organisation. Il l'avait pris sous son aile et comme à tous, Il lui avait offert un foyer, des armes pour se défendre, des habitudes, une sécurité feinte. Créant peu à peu en eux l'illusion de vivre une vie meilleure, Il leur donnait l'assurance d'une panse bien pleine le soir venu, un job à plein temps sur lequel chacun fermait les yeux, et une ambiance de franche camaraderie en prime. Le tour était joué.
A la fin de la journée Il venait vous refiler une tape amicale sur l'épaule en souriant, un chaud remerciement au fond des yeux et une immense reconnaissance peinte sur les traits. Chaleureux et bienveillant. Ensuite on allumait un grand feu rouge sous le hangar et, après avoir fait les comptes, tout le monde recevait sa grasse part sans broncher. On ne voulait pas savoir d'où l'argent venait : il était là, c'est tout ce qui comptait. Il le leur offrait. Pour leur travail. Parce que leurs existences valaient bien la peine que lui, Seigneur de la MS-13, s'occupât d'eux comme de ses frères de sang.
Le jeune homme eut un rire sombre et fila rapidement le long de la rue crasseuse. La pluie se remettait déjà à tomber, et il rabattit sa lourde capuche devant ses yeux.
Il se souvenait bien du jour de son arrivée. Frêle, brumeux, loin du monde, sa carcasse maigre se pliait sur le trottoir dans un angle osseux assez malveillant, fruit d'années éreintantes où il se cassait le cul sur le béton. L'échine appuyée au mur, l'esprit ailleurs et le cœur sans but, il regardait le vide avec intérêt en attendant l'heure de son prochain fix, les sourcils froncés d'égarement. Il se souvenait avoir décidé d'arrêter, pourtant…
C'est alors qu'à travers les limbes de la nuit était apparue une main. Une main dotée de cinq doigts longs, immense, déformée. Hideuse. Il se souvient avoir couiné de terreur en la voyant, se recroquevillant dans une position naturelle de défense. Malgré tout une gifle cinglante avait retenti, et il avait eu l'impression qu'on venait de lui arracher la joue : tant et si bien qu'il avait mis quelques minutes à ravaler ses larmes sous la brûlure cuisante du sang qui lui refluait au visage.
Les pupilles vitreuses, il avait levé le menton. Un homme mince, à la carrure puissante et longiligne, se secouait le poignet en grimaçant douloureusement. Son contour était flou, mais le drogué devinait la courbe amandine que dessinaient ses yeux plissés, ainsi que leur éclat envoûtant. Il voyait sa bouche s'ouvrir et se fermer au ralentit, sa tignasse informe se mouvoir au rythme de ses épaules nerveuses.
Tout en souplesse, le nouveau venu se releva avant de prononcer une phrase incompréhensible à un homme de main derrière lui. Puis il s'accroupit à nouveau, un sourire suave flottant sur les lèvres, avant de lui administrer une seconde gifle.
– Salut, Cendrillon. Bien dormi ? Je t'emmène vers un nouveau monde. T'aura un nouveau nom, une nouvelle vie. Les emmerdes, les puces et l'ennui, c'est fini.
Tout en disant cela, l'homme se mit en tête de le maintenir sous les bras, n'ayant que faire de ses pathétiques tentatives de résistance. Fermement, il lui plaqua la tête en arrière, agrippa ses cheveux poisseux, et tira. L'effet fut immédiat : le jeune homme hurla et tituba, dépliant ses jambes maigres avant de tomber dans les bras de son nouveau protecteur, comme assommé. Le retour à la réalité était trop brusque pour lui laisser même une chance de se débattre.
– Il est bien foutu. On pourrait le vendre. S'enquit une voix dénuée de vie, à proximité.
Ecartant quelques mèches sales du front de son protégé tremblant, l'homme balaya négligemment la suggestion de la main. Il resserra ensuite sa prise sur les épaules osseuses plaquées contre lui et lâcha les cheveux qu'il tenait jusqu'alors, massant avec une certaine application le crâne douloureux du pauvre gosse.
Lorsqu'il reprit la parole, son ton ne souffrait aucun écart.
– Découpes une pute et revends-la en pièces détachées, si ça te chante. Celui-là, je le garde.
– Comme tu veux.
Ces mots furent la dernière chose que le jeune homme entendit avant de plonger dans le noir absolu.
Lorsqu'il se réveilla, onze paires d'yeux étaient fixées sur lui, acérées. Sous ce regard unanime, pesant de silence, il se rendit d'abord compte qu'il avait froid, et qu'il n'était plus au même endroit. Puis il réalisa qu'il était au sol, proie parfaite et vulnérable, comme prisonnier des petits cailloux qui lui rentraient sournoisement dans le dos. Enfin la pleine lumière se fit dans son esprit, et il prit conscience d'une dernière chose, qui le terrifia.
Il était parfaitement et complément nu.
Et tous le contemplaient platement, hommes et femmes, le regard vissé solennellement sur sa chair jeune et fraîche d'adolescent déboussolé.
Au bout de quelques longues secondes un homme quitta les rangs, les poings sur les hanches, avant de se planter devant lui.
– A partir de maintenant, tu seras Roxas. Ceci est ton nouveau nom. Ne l'oublie pas, ok ?
La voix résonna un moment. L'homme sembla se délecter de ses propres paroles.
Roxas ne comprenait pas. Que disait donc ce type ? N'étais-ce pas celui qui l'avait enlevé ? Et pourquoi tous ces inconnus le toisaient-ils ainsi ? L'humidité ambiante lui mordait la peau et la sensation de malaise qu'il éprouvait depuis quelques minutes ne cessait de lui serrer l'estomac, grandissante. Roxas. Comment s'appelait-il, avant ?
Une grande ombre passa sur ses yeux.
Il ne s'en souvenait pas.
Torse nu, l'échine recouverte de longs cheveux rouges, l'autre lui tourna soudain le dos afin de s'adresser à la masse, ouvrant les bras largement, emplissant à lui seul tout l'espace disponible. Ensuite, il déclama.
– Numéro 13, Roxas. Les amis, accueillez le noblement ! Pour la MS-13.
Un murmure dense s'éleva dans l'assemblée, marquant l'approbation générale. Tous avancèrent d'un pas. Sans doute attendaient-ils quelque chose. Un signal. L'homme au-devant s'écarta alors, dévoilant son corps musclé à la lumière du jour.
Roxas écarquilla les yeux à la vue des nombreux tatouages qui lui lustraient le dos, allant du bas des reins jusqu'à mi-coudes. Tribaux, noirs, rouges, verts, jaunes. Fasciné, il en resta béat.
Quelques secondes plus tard, il se trouva stupide. Et le regretta.
– Treize secondes pour Roxas. Fissa.
A peine ces mots furent-ils prononcés que le cercle autour de Roxas se détacha, dispersé de part et d'autre de l'homme qui le regardait toujours, la bouche ouverte en un rictus brillant. Il le salua de la main puis sortit de son champ de vision, remplacé par d'autres personnes, regroupées là pour lui.
Il sourit. Juste pour lui. Se reprenant, il tenta d'articuler une phrase de remerciement…
… Avant de se raviser, lorsqu'un puissant coup de pied se ficha dans ses côtes.
Le compte à rebours commença.
Un, deux, trois...
ooo
Oui, il se souvenait avec exactitude de son entrée dans la MS-13. La première semaine, il ne pouvait même pas formuler une phrase correctement. Un véritable zombie.
Six côtes cassées, le nez en sang et le visage gonflé, il avait obtenu son ticket d'entrée pour l'Organisation. Oh, son honneur était brisé. Son illusion de dignité envolée. Mais il avait trouvé une famille qui l'aimerait et le chérirait, lui, rebut de l'Humanité. C'est ce qu'Il lui avait dit en embrassant son front alors qu'il était à moitié conscient, étalé dans son propre sang.
Ses mains étaient chaudes, son regard enflammé.
Il se laissa emporter par Ses paroles et accepta sa nouvelle famille, plein de ressentiment.
Roxas carra la mâchoire. Repenser à ça lui soulevait durement l'estomac. L'échine moite de sueur, il s'arrêta un instant contre un des murs et entreprit de respirer profondément, chassant de devant ses yeux les flashs parfaits que lui envoyait sa mémoire. Malgré ses efforts, le flot d'images l'envahit pourtant sans qu'il ne puisse le contrôler, les souvenirs courant tour à tour dans son esprit, zigzaguant narquoisement sur sa peau. Il se souvenait. Des visions, nettes et précises, accompagnées de sensations, de cris, d'odeurs. Et plus que tout, de peur.
Une peur qui recouvrit son corps entier de frissons glacés, remplissant sa gorge de bile, serrant son âme du plus profond dégoût. Il cracha avec hargne dans le caniveau. Se remit en marche.
Puis la terre se mit à tanguer sous ses pieds, et il glissa à nouveau. Ses ongles griffèrent la pierre tandis qu'il s'écroulait sur le goudron, pantelant.
Plaquant une main sur sa bouche, il attendit. Respira. Déglutit. Se releva. Continua sa route. Il fallait oublier ça, à présent. Il était loin. Trois-cents-cinquante-huit jours que sa fuite avait débutée, maintenant. Longue, pénible, éprouvante. Libératrice.
Roxas s'efforçait de ne pas employer le mot traque qui, à son goût, sonnait franchement comme un avant-goût de la fin. Depuis la nuit de sa décision, il redoutait le jour où il serait fait comme un vieux rat, plaqué contre le mur de sa trahison, pieds et poings liés.
Un sombre jour, qu'il sentait irrémédiablement approcher. Prochain. Inévitable.
