Bonjour !
Je suis totalement consciente d'avoir déjà deux autres fics sur le feu à finir, mais je voulais tout de même poster ça XD Je sais, je suis une mauvaise personne.
En fait, il s'agit d'un modeste hommage à ma plus proche amie, celle qui m'a fait découvrir Yuri on Ice, donc voilà… Nastia, si tu passes par là, tu me mank' tro (rt si t trist). C'est rare que je sorte de mon fandom de prédilection mais là, je ne peux pas résister. Je suis une fan assez tardive de YoI donc j'ai un peu l'impression de me pointer après la bataille (ce qui constitue un parfait résumé de ma vie, soi-disant passant).
Actuellement, cette fic est au stade de « One-Shot » mais vu que ma pote apprécie ce que j'en ai fait (oui, je me suis sentie obligée de lui faire lire en premium vu que c'est un cadeau que je lui fais, m'en voulez pas), on est pas à l'abri d'une suite. Tout dépendra de ma motivation.
En fait, depuis mes exams, j'ai l'impression d'avoir été vidée de mon énergie (lol, j'suis comme Victor, j'ai perdu ma motivation…)
De fait, pour les personnes qui lisent ceci et qui me connaissent déjà, je vous présente mes excuses pour mes retards sur le reste de mes travaux et, quant aux nouveaux que je ne connais pas, je vous salue et vous claque une bise sur les deux fesses ! (Entrée en matière délicate et raffinée, oui).
Donc, en ce qui concerne cette fic/OS/jesaispasputain, c'est un peu de l'ordre du « l'animé mais intégralement tournée sur Victor » parce que, à part dans l'épisode où il a trouvé pertinent de briser le cœur de Yuuri et dans l'épisode 11, on a pas accès à ses pensées ! Or, moi, je VEUX comprendre ce mec ! Donc, j'invente. Voilà.
J'espère que ce projet sera en accord avec l'animé et un tant soit peu plaisant à lire !
Je vous souhaite une bonne lecture, mes zoziots !
« Victor Nikiforov a dominé le programme libre ! Il remporte son cinquième Grand Prix et fait honneur à son statut de légende vivante en Russie. Le bruit courait qu'à vingt-sept ans, il prendrait sa retraite, mais sa brillante performance balaie ces rumeurs infondées ».
Victor cessa d'écouter le présentateur et se contenta d'afficher son habituel sourire parfait, arborant sa médaille comme le vainqueur qu'il était. Elle était en or, lui avait-on certifié – mais qu'en savait-il, après tout ? La médaille était aussi terne que les précédentes, éclaboussée par les lumières épileptiques de la salle. Victor n'y voyait strictement rien mais jouait le jeu en déposant ses lèvres sur son dû.
Différentes nuances de gris défilaient à toute allure devant ses yeux. Le but de la manœuvre était de donner l'impression de fête, d'éclater dans la rétine de chaque spectateur pour stimuler ses neurones et le rendre hystérique. Tout ceci était technique, bien sûr. Il devait y avoir de toutes les couleurs, sans doute. Quel dommage que Victor ne les vit pas.
Tant pis, je m'y suis fait.
Le présentateur s'était leurré sur toute la ligne. Y a-t-il besoin de perdre pour mettre fin à sa carrière ? Ne pouvait-il pas partir en beauté, sur une ultime victoire ? Cette réputation de légende le bouffait plus que de raison. Il se sentait comme prisonnier de son succès, obligé à patiner encore et encore, sans but, alors que sa motivation était déjà morte depuis trop longtemps.
Vingt-sept ans ?
Etait-ce lié à une peur irrationnelle de la vieillesse ou juste à cause de sa tendance à papillonner à droite à gauche, il ne le sut pas, mais une chose était claire pour lui : sa vie avait perdu tout son sens à mesure que les années avaient défilées. Et avec, elle avait emporté la beauté, les couleurs, tout ce qu'il aimait.
Les couleurs…
Il jeta un regard en biais au bouquet de roses artificielles qu'il tenait en main. Bleues, n'est-ce pas ? Ses fleurs préférées… Même elles s'étaient éteintes malgré toute la force de leur splendeur.
Difficile de lutter contre ce sentiment d'échec. Victor aurait aimé autant que ses fans qu'une flèche d'inspiration ne le transperce de part en part, de quoi le faire tenir un an de plus sur la glace, mais cela faisait déjà des mois qu'il se forçait et c'en était trop. En homme d'honneur, il souhaitait arrêter également par respect pour le travail de ses concurrents et pour l'admiration de ses supporters. Même si la raison principale à ce choix était surtout égoïste, il ne pouvait pas le nier.
Vingt-sept ans. C'était ça, son égoïste raison pour arrêter.
Qu'est-ce que j'ai foutu en vingt-sept ans d'existence ? Sur qui puis-je me reposer ? Qui ai-je à aimer ? Sur quel pilier m'appuyer ?
Victor apparaissait comme celui qui avait tout, mais il n'avait rien. Parce que la carrière d'un patineur était courte, parce que son succès le rendait méfiant vis-à-vis des gens qu'il côtoyait, parce qu'il était sans cesse enfermé dans une bulle formée par sa propre solitude. Ce serait plus intelligent et plus sain pour lui que d'arrêter maintenant. Il voulait se consacrer aux deux autres choses qu'il aimait : Live and Love.
Oublier de vivre et oublier d'aimer. C'était tout de même assez pathétique d'en arriver là.
Victor allait raccrocher. Son temps avait assez duré, il était arrivé au bout de ce qu'il pouvait faire sans motivation. Désormais, il devait réfléchir aux mots à employer pour expliquer cela à Yakov, son cher entraineur qui ne le laisserait certainement pas partir comme ça. En tout cas, pas un mot aux journalistes avant d'avoir convaincu son coach de sa décision, sinon quoi, les choses s'envenimeraient rapidement.
Peut-être devait-il inviter Yakov à diner pour le mettre dans de bonnes dispositions ? Ou lui faire un câlin juste avant – Yakov était faible face au câlin, c'était une bonne stratégie.
Après une bonne heure à sourire et à remercier tout le monde, les patineurs furent enfin remerciés et purent vaquer à leurs occupations. Pas que le sourire de Victor Nikiforov était fondamentalement faux, mais il devait bien reconnaitre qu'il se forçait un peu pour faire bonne figure, ce qui lui avait valu une désagréable crampe à la joue gauche. En attendant que Yakov ne lui fasse grâce de sa présence, il s'assit à part du mouvement avec une bouteille d'eau et massa sa joue endolorie en se traitant d'idiot.
Ce fut sans compter la voix cristalline, suave et mielleuse de Yuri Plisetsky qui explosa dans le couloir.
« Il est où, le vieux, bordel ?! »
Et un coup gratuit, un ! Il allait bien falloir dresser ce chat sauvage, un de ces jours. Quoique Victor disait ça alors même qu'il était en train de réfléchir à une stratégie pour convaincre Yakov de le laisser partir au gré du vent. Il n'avait jamais été particulièrement bien placé pour faire la leçon au patineur Junior, et de toute façon, il laissait cette tâche à Yakov bien volontiers. Ce donneur de leçon ne se privait jamais d'une petite remontrance bien placée.
A défaut de répondre au jeune Russe qui le cherchait, Victor se mit à fantasmer sur ce que serait sa vie s'il était entraineur comme Yakov.
Donner des leçons, montrer l'exemple, reprendre, recommencer, motiver, féliciter. Un travail épuisant et certainement pas pour lui !
Il s'imagina en costume-cravate en train de donner un ultime conseil à Yuri avec une compétition. Irréaliste, comme rêve ! Déjà, il n'avait rien à faire en tant que coach – car on avait jamais entendu parler d'un coach qui lui-même n'avait pas de motivation –, puis Yuri ne l'écouterait de toute façon pas, ce qui risquait de lui faire perdre patience très rapidement. Victor n'était plus habitué à ce qu'on lui résiste.
Mais la tête fantasmée d'un Yuri sur les rotules en train de se faire remonter les bretelles par un Victor imaginaire particulièrement fringuant dans sa veste de professionnel acheva le Russe de lâcher un petit rire discret.
« C'était là que tu cachais, enfoiré ! T'aurais pu répondre, merde ! »
Instant de repos fini. Yuri était entré dans la place, emportant avec lui son lot de nuisance sonore (c'est-à-dire sa voix).
« Je réfléchissais ! Aie un peu de compassion pour moi, je suis fatigué comme jamais !
_ J'en ai strictement rien à foutre ! Le vieux Yakov te cherche partout alors bouge ton fessier, et plus vite que ça !
_ J'ai mal aux jambes ! Porte-moi ! gazouilla le champion en tendant les bras vers son compatriote.
_ T'as fumé, vieux croulant ? Tu te démerdes ! Achète-toi un treuil ou un fauteuil d'handicapé, mais viens pas m'emmerder avec tes idées bizarres ! »
Quel charmant garçon !
Lassé de son propre jeu, Victor se redressa sur ses deux jambes, s'attirant un « tss » de la part du plus jeune qui voyait bien que cette histoire de douleur était une invention insensée. Ils restèrent debout un instant, à se contempler dans le blanc des yeux – l'un possédant une soif de victoire insatiable et l'autre un éclat de candeur et d'abandon. Encore une fois, le jeunot tiqua de la langue et sembla se désintéresser du champion.
« Bouge, on doit y aller.
_ Ta chaussure droite est un peu enfoncée sur le devant, Yuri. Qu'est-ce que tu as fait, encore ? C'était un cadeau de Georgi, pourtant ! Tu devrais en prendre un peu plus soin !
_ Ta gueule. J'ai juste tapé dans une porte ».
Victor fronça les sourcils, intrigué.
« Pourquoi as-tu fait ça ?
_ Un mec me saoulait, je lui ai montré qui était le patron, c'est tout. Pas la peine d'en faire des caisses, je lui ai juste fait un peu peur.
_ C'est vraiment indigne de toi, Yuri, je suis très déçu ! Tu devrais être plus aimable avec les gens et te calmer, parce que… »
Dire que le plus jeune n'était pas intéressé par les remontrances de son aîné aurait été un euphémisme. D'ailleurs, il remit ses écouteurs pour masquer la voix insupportable qui trainait en vain derrière lui.
Ce putain de Japonais avait donné tout son cœur dans sa danse à la con et, pourtant, il s'était misérablement retrouvé à chialer seul dans les toilettes comme une mauvaise héroïne de shoujo manga. Ça le rendait malade de voir des gens nier ainsi leurs capacités pour ne se tourner que vers leurs erreurs. Yuri espérait ne plus jamais avoir le déplaisir de croiser le chemin de ce lâche incapable de tenir sur ses deux jambes.
Sa musique arriva à son terme.
« … un peu plus d'attention au reste du monde ! Je t'assure que tu vivras plus épanoui que… »
Un nerf craqua dans la tête de Yuri en se rendant compte que cet imbécile avait continué de parler pendant près de trois minutes dans le vide. Tu parles d'un quintuple champion du monde ! Une mère de famille, à la limite, aurait été un titre plus crédible pour cette diva prêchant la bonne conduite. Du coup, Yuri mis une autre chanson en ignorant superbement les paroles dégoulinantes de bons sentiments de son aîné.
« Ah bon sang ! Vous voilà, tous les deux ! s'agaça Yakov en marchant dans leur direction d'un pas énervé. Je commence à en avoir marre de vous voir disparaitre toutes les deux secondes ! Ça vous tuerait de vous tenir en place cinq minutes au lieu de papillonner comme des foutues abeilles ?! »
Encore des remontrances. Cette fois-ci, Yuri allait frapper autre chose qu'une simple cabine de chiotte.
« Vous avez de la chance que je m'occupe bien de vous ! Soyez-en un peu reconnaissant, nom de… ! »
Yakov ne finit pas sa phrase que, déjà, il reçut un énorme câlin de la part de son champion, sous le regard effaré et franchement dégoûté du jeune patineur russe – et accessoirement des quelques personnes trainant dans le coin. Quant au coach, comme prévu, il se tut et reçu en silence cette marque d'affection, touché au cœur, même s'il n'allait pas l'avouer à voix haute.
« Vous craignez grave, critiqua Yuri en tirant la langue.
_ Yakov…, murmura presque candidement le champion. On pourra parler ce soir ?
_ Pourquoi ? Tu as un truc important à me dire ? Si c'est le cas, fais-le maintenant, qu'on gagne du temps. Je te rappelle que, ce soir, on a le banquet de fin de saison à honorer. Vu l'heure à laquelle ça va terminer, je ne suis pas sûr d'être opérationnel pour t'écouter ».
Déçu, Victor gonfla les joues.
« C'est trop important pour qu'on en parle ici et maintenant. J'attendrai demain.
_ Bon… Comme tu veux, Vitya ».
Charmé de ce petit surnom affectueux, le patineur replongea dans les bras de son coach, sans recevoir aucune remarque de Yuri, pour une fois. En effet, ce dernier était un peu trop concentré à comprendre ce qui pouvait être si important aux yeux du grand Victor Nikiforov. A part le patin, ce vieux croulant n'avait pas grand-chose dans la vie à partager avec qui que ce soit. Qu'est-ce qui pouvait bien justifier une telle urgence ?
« Bien, on fera comme ça, dans ce cas, trancha l'entraineur. J'ai récupéré vos costumes, il faut qu'on les ramène à l'hôtel avant d'aller au banquet. De toute façon, vous allez bien devoir vous changer. Hors de question de vous afficher dans vos gilets de sport !
_ Je veux pas y aller, s'exprima le plus jeune avec mépris. Y aura que des gens coincés du cul, là-bas, je veux pas les voir. On va se faire chier comme jamais ».
Le coup qu'il se prit sur la tête fut mémorable.
La dispute tassée, ils se décidèrent à marcher jusqu'à l'entrée du bâtiment. En cette soirée d'hiver, le soleil avait eu vite fait de se coucher malgré qu'il ne fût pas plus de 19h à l'horloge. Un début de nuit inondait Sotchi au-dehors et, en voyant les gens enfiler doudounes et gros manteaux, Victor fut assez soulagé d'être encore à l'intérieur, malgré la pâle lumière des néons qui le forçait à garder les yeux baissés. Il jeta un coup d'œil à la pancarte promotionnelle de cet événement qui venait de se terminer, avisant les différents sponsors qui éclataient de partout avec leurs logos multicolores. Enfin… que Victor devinait multicolores puisqu'il n'y voyait rien. Même les motifs supposément rouges de son gilet lui parurent lointains, intouchable, inconsistants. Et ne parlons pas de Yuri dont les cheveux blonds délavés n'étaient rien d'autre que gris dans ses yeux.
Et parlant de Yuri, il pourrait servir d'argument au champion face à Yakov.
Les méninges se mirent à carburer.
Quelle idée de génie !
Il se voyait bien dire à son entraineur que, vu son âge, il lui fallait mieux entrainer un nouveau surdoué plutôt que de s'occuper de deux champions en même temps. Sans oublier le reste de l'équipe russe qui planait dans leur ombre. Pauvre Yakov, il fallait penser à sa santé ! D'où la retraite anticipée de Victor Nikiforov ! Merveilleux ! Enfin un argument digne de ce nom pour faire plier le vieux bonhomme ! De fait, il fallait motiver Yuri à poursuivre son ascension. Son entrée en Sénior allait faire du bruit, sans aucun doute.
« Yuri ! appela le champion en se mettant à ses côtés pour lui parler tout en marchant. Revois ta suite de pas dans ton programme libre ».
Il ne pouvait pas en rester là. Le jeune patineur avait encore des progrès à faire et Victor savait bien quels défauts pointer du doigt pour l'aider à s'améliorer. Mais, bien entendu, comme à chaque fois qu'il s'adressait au gamin, il n'eut droit à aucune considération.
« C'est bon, j'ai gagné. Tu me fatigues ».
Voilà. Typiquement LE défaut qui saoulait Victor. Yuri se reposait beaucoup trop sur ses acquis. En Junior, il avait pu se le permettre car ayant eu d'ores-et-déjà un niveau de Senior, mais maintenant qu'il rentrait dans la cour des grands, cela ne lui suffirait plus. Yakov allait avoir du boulot à faire avec cet imbécile.
« Hé, Yuri ! La politesse, tu connais ?! »
Encore plus agacé qu'avant – ce qui tenait officiellement de l'exploit –, l'entraineur interrompit leur marche pour reprendre son sermon, au plus grand désespoir du jeune patineur. Victor avisa sa mine énervée avec son petit sourire entendu habituel.
Yuri avait besoin d'être encadré, ça coulait de source. Cependant, ni Yakov ni lui n'avaient trouvé le bon moyen pour y arriver. Ce jeune délinquant fuyait toute forme d'autorité et détruisait le respect à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Que fallait-il pour le faire mûrir une bonne fois pour toute ? Victor songeait que sa première année en Sénior pourrait constituer l'élément moteur à son épanouissement. S'il gardait ce comportement puéril, il y avait fort à parier que Yuri se prendrait une branlée magistrale au Grand Prix. Pile la claque qu'il lui fallait pour apprendre de ses erreurs.
Victor fut coupé de ses pensées lorsqu'il sentit un regard s'enrouler autour de lui.
Sa popularité lui avait offert ce réflexe, mais l'habitude y était sans doute pour beaucoup. Être fixé de façon trop insistante se sent, c'est un peu comme si l'on essayait de vous mettre à nu, de vous cerner à partir de ce que vous laissez transparaitre. Quelqu'un était en train de l'analyser.
Un petit tour sur lui-même l'amena à remarquer ce charmant jeune homme aux traits asiatiques, qui posait immobile et silencieux à quelques mètres à peine de lui. Comme tout le monde ici, il était gris, les yeux gris, les habits gris, les cheveux noir et la peau blanche, mais le fixait avec une telle intensité que Victor comprit de suite qu'il devait s'agir d'un grand fan. Pas une petite minette qui dandinait de la fesse en le regardant parce qu'il était beau et qu'il bougeait bien, non, un fan profondément respectueux et sincère, quelqu'un qui avait dû être charmé par ses danses au point de ne rien oser dire en le voyant.
Il est mignon comme tout.
Victor avait déjà rencontré des gens comme ça. Doublé à la timidité, ils étaient capables de ne même pas oser l'approcher, ce qui rendait le patineur russe un peu triste. Il ne se sentait au-dessus de personne et faisait de son mieux pour rester aimable et accessible, alors pourquoi hésiter ?
L'inconnu hoqueta en remarquant que son idole l'avait remarqué, confirmant les doutes de Victor : il était timide.
Encourageant, le Russe lui offrit un de ses sourires charmant, comme il savait si bien les faire, en lui déclamant d'une voix chantante :
« Tu veux une photo ? »
L'inconnu bloqua sur cette question comme si mille idées lui passaient par la tête, forçant Victor à insister pour ne pas le laisser repartir frustré.
« C'est d'accord ».
Et Victor ne comprit pas pourquoi, à cet instant, il perdit cette belle intensité qui avait fait le charme du regard de l'inconnu, une intensité grise mais belle malgré tout. C'était incompréhensible. Et surtout, ça n'avait aucun sens. Quand votre idole vous fait un sourire rien qu'à vous en vous proposant une photo en toute intimité, n'êtes-vous pas heureux au point de laisser échapper votre sourire et votre soulagement ? Ne vous précipitez-vous pas vers votre idole, téléphone en main, pour accéder à cet instant sublime ? N'êtes-vous pas comblé par la satisfaction d'un désir ?
Il se posa la question très sincèrement. Sincèrement parce que ce ne fut pas du tout le cas avec cet inconnu asiatique.
Le choc de tout à l'heure se mua en horreur – du moins, c'est à ça que son visage ressembla l'espace d'un instant – et le jeune homme se détourna immédiatement pour glisser vers la porte d'entrée, valise derrière lui.
Victor était déçu et intrigué. Avait-il fait une bêtise ? Laquelle ?
On lui avait toujours dit d'être aimable, de sourire et d'être aux petits soins avec ses fans. Chose avec laquelle il était complètement à l'aise et d'accord. Sa philosophie de vie consistait aussi à faire plaisir aux autres. N'avait-il pas fait plaisir à cet inconnu en lui proposant une photo ? En lui accordant une attention exclusive ? Pourquoi ce rejet ? Ce n'était même pas de la haine, qu'il avait reçu – il aurait alors pu croire s'être trompé sur les intentions de cet inconnu –, mais juste de la déception.
Pourquoi ? Une photo n'était pas assez ? Qu'attendait-il ? Qu'est-ce que Victor aurait pu lui donner de plus ?
« Katsuki ! Victor te propose une photo ! s'alarma le présentateur Morooka en le voyant partir.
_ Yuuri ! essaya à son tour un autre homme près d'eux ».
Yuuri ? Lui aussi se nommait Yuri ? Etonnante coïncidence.
Quelque chose échappait à Victor. Il n'aimait pas ça. Pourtant, il voulait comprendre ce qui avait cloché dans cette rencontre, ce qu'il avait fait de mal, lui qui prenait pourtant toujours grand soin de ses fans.
Il n'eut pas à chercher longtemps car l'un des deux hommes se dirigea vers lui avec un sourire gêné. Il avait le teint un peu mat, des cheveux longs et un menton très carré. Son visage trahissait sa douceur et son inquiétude, le catapultant d'emblée dans la catégorie 'personne sympathique' du répertoire interne de Victor.
« Ciao-Ciao, Victor. Félicitation pour votre victoire et… désolé pour Yuuri. Ne lui en voulez pas, s'il-vous-plait, beaucoup de choses le dépriment en ce moment. Oh ! Je ne me suis pas présenté, mes excuses ! Je suis Celestino Cialdini, le coach de Yuuri Katsuki ».
A ces paroles, le Russe eut un léger mouvement de recul en comprenant enfin de quoi il en retournait.
Oh non… Oh non… Qu'est-ce que je n'ai pas fait, là… ?
Yuuri Katsuki… C'était donc lui, le fameux patineur japonais étant arrivé dernier ? Victor avait vaguement entendu le présentateur annoncer quelque chose de ce genre-là, mais, sur le coup, il avait été occupé par sa propre victoire, de quoi lui faire oublier tout le reste.
Victor venait de traiter un de ses concurrents comme un simple fan. Il ne l'avait pas reconnu comme son égal, il ne l'avait pas reconnu tout court. Ce jeune homme avait fait des pieds et des mains pour participer au Grand Prix, s'était élevé au rang des six meilleurs du monde et… même avec ça, son idole ne l'avait pas reconnu.
Le Russe se dégoûtait.
Avec ce genre de comportement égocentrique, comment pouvait-il encore penser à remonter sur le devant de la scène ? Son succès lui était sans doute monté à la tête, preuve qu'il fallait y mettre un terme.
Il s'en voulait. Il s'en voulait jusqu'à la mort. Briser le cœur d'une personne qui, vraisemblablement, lui vouait un respect absolu, c'était juste la pire chose qu'il ait jamais faite de sa vie. En fait, il aurait tout aussi bien pu ouvrir le thorax de Yuuri, lui prendre son cœur et le piétiner dans la boue que cela aurait été pareil.
« Tss… Encore ce merdeux…, cracha Yuri dans sa langue maternelle pour que Celestino ne comprenne pas – et de toute façon, il était occupé à échanger des politesses et des respects avec Yakov ».
Victor fronça les sourcils devant cette exclamation et tourna son visage sévère vers l'enfant.
« Tu le connais ?
_ Non, mais je l'aime pas. Il est tout ce que je déteste ».
C'est-à-dire naturellement anxieux et humble, traduisit le plus âgé. Une personne normale et respectable en soi. Les personnes que Yuri détestaient devaient sans doute toutes être des gens bien.
« M'énerve, ce mec. La prochaine fois que je le croise, c'est dans la gueule que je vais lui foutre mon pied. Il va voler, j't'le dis ».
Le pied dans la… ?
Victor comprit trop tard que l'individu que son compatriote avait bousculé avec coup de pied aux toilettes était ce jeune Yuuri, déjà brisé par sa défaite et maintenant doublement détruit à cause du manque de considération de son idole. Dans la catégorie 'pire journée', il devait certainement avoir battu son recors personnel.
Ce jeune Japonais avait l'air terriblement fragile pour son âge. Lui aussi devait avoir un cœur en verre, facile à briser. Chaque mauvais coup de cette journée devait l'avoir fissuré un peu plus. Peut-être même que ce Yuuri aussi avait perdu les couleurs de sa vie, sa motivation, son inspiration.
Ils étaient peut-être semblables dans leur misère.
Yuri continua de cracher sa haine au monde sans se soucier de si on l'écoutait, jusqu'à ce que, soudainement, Victor ne lui assène un coup de pied dans la tête. Vraiment. Devant tout le monde. Il avait levé sa jambe bien haut, comme il savait si bien le faire en tant que danseur, puis l'avait rebaissé brutalement en prenant la tête du jeunot comme cible d'arrivée. Bien entendu, Yuri tomba au sol, presque assommé, alors que Yakov perdait sa mâchoire inférieure. Des regards circonspects convergeaient vers eux, accompagnés d'un silence particulièrement pesant.
Même à distance, la rage de Yuri était palpable, mais Victor n'en avait pas peur. A vrai dire, le visage rouge de l'adolescent était plus comique qu'effrayant pour lui qui le côtoyait régulièrement dans cet état.
« Mais t'as fumé, vieux con ?! Pourquoi t'as fait ça, bordel !
_ Punition pour ton irrespect, Yurochka~ ! Que cela te serve de leçon à l'avenir !
_ M'appelle pas comme ça ! Y a que mon grand-père qui a le droit ! »
Mais Victor l'ignora superbement pour se diriger vers la sortie, pressé de rentrer à l'hôtel. La seule bonne nouvelle de la soirée allait être ce petit moment de détente au banquet. Pour en avoir fait déjà plein, Victor savait que tout allait être calme et relaxant, pile ce qui lui fallait pour redescendre de cet état d'énervement qu'il camouflait derrière son sourire.
Et vu l'état dans lequel était son concurrent japonais, il y avait peu de chance qu'il vienne se joindre à la fête, hélas. Au moins, cela permettrait à Victor de reposer son cœur.
Trop d'émotions pour aujourd'hui !
0*O*o*O*0
A peine entré dans l'immense salle grise, Victor était déjà la cible de nombreuses poignées de main et de félicitations. Il rendit chaque hommage avec humilité et joie, tout en prenant garde aux différentes questions qu'on lui posait. Evidemment, pleins de subtilité, les gens lui souhaitaient bon courage pour le Grand Prix de l'année suivante, sans savoir qu'il n'y aurait sans doute plus jamais de Victor Nikiforov aux Grands Prix. Dans ces cas-là, le Russe faisait de son mieux pour ne pas perdre son sourire, malgré son embarras, et faisait la promotion du petit Yuri, nouveau venu parmi les Seniors. Manœuvre habile qui lui permettait de ne pas se prononcer sur son avenir tout en tournant l'attention vers le petit génie qui s'emmerdait royalement à l'autre bout de la salle, un cocktail entre les doigts et le téléphone dans l'autre main. Si Yakov le chopait, ça allait encore hurler à la mort… Surtout qu'en tant que grand gagnant des Juniors, Yuri avait déjà son petit prestige confortable sur lequel s'installer. Il ne pouvait pas se permettre de faire trop n'importe quoi. Quoique ses fans apprécieraient certainement beaucoup de le voir se lâcher un peu, pour une fois, lui qui était toujours si sérieux et sévère.
A bonne distance, Victor observait la salle quand il n'était pas happé par quelqu'un, cherchant des visages connus pour se sauver des questions trop pressantes. Celestino lui fit un grand sourire de loin avant de reprendre sa discussion. Evidemment, si Yuuri ne venait pas, son entraineur devait au moins faire bonne figure pour l'excuser. Quel homme sympathique, décidément, que ce Celestino !
« Victor ! »
Sauvé !
L'interpellé se tourna, tout sourire, vers son camarade suisse : le beau Christophe Giacometti. Emmitouflé dans son costume gris-souris, le blond était beau comme un cœur, en plus d'être ouvertement heureux de le voir. Lui aussi avait l'air de chercher de la compagnie pour fuir les innombrables questions d'avenir. Pour le Russe, il s'agissait de l'individu s'approchant le plus du titre « d'ami » parmi les patineurs. Ils avaient fait tellement de finales ensembles que la présence de l'autre était devenue normale. Passer du temps ensemble ne les dérangeait absolument pas.
Maintenant que Victor songeait à raccrocher pour s'occuper de ses deux L – Live and Love, bien entendu –, il se demandait quelle place pouvait encore occuper Chris dans sa vie. En toute honnêteté, il ne se voyait pas couper les ponts avec un homme qui avait partagé son podium autant de fois. Le problème, c'était que Chris aussi s'attendait à le voir l'année suivante, donc impossible de lui parler de ses projets – encore inexistants, d'ailleurs –, au risque de perdre de son estime.
Il allait vite falloir que Victor se trouve quelque chose à faire, une excuse, quelque chose pour justifier son départ de la glace. Le souci, c'était que Yakov le connaissait trop bien pour qu'il ne puisse mentir sur sa santé ou sa famille. Et malheureusement, dire qu'il voulait passer plus de temps avec Makkachin ne satisferait jamais le vieil entraineur russe, quand bien même c'était totalement vrai.
« Tu sais que tu es encore plus intouchable qu'un nuage après chaque Grand Prix ? minauda le Suisse. Impossible de te mettre la main dessus, et ce n'est pas faute d'avoir essayé !
_ Ohh ! Désolé, Chris ! Yakov me tient en laisse pour me faire saluer la terre entière, tu sais à quel point il est pointilleux sur ces choses-là !
_ Un point pour toi, mais je reste jaloux ».
Victor lâcha un rire franc devant la mine faussement déconfite de son camarade.
« Dis-moi, Victor… Tu peux m'expliquer pourquoi ta patineuse russe…
_ Mila ?
_ Oui, c'est ça. Mila Babicheva, si je me souviens bien. Pourquoi ta camarade a fait installer des enceintes dans toute la salle ? »
Le Russe eut un sourire entendu et sirota son verre de Champagne du bout des lèvres.
« Elle s'est liée d'amitié avec une demoiselle du personnel et a promis de l'aider à installer du matériel pour la soirée.
_ Ne me dis pas qu'on va danser ? Normalement, les banquets ne se passent pas comme ça !
_ C'est une nouveauté de cette année. Les organisateurs se sont dit qu'installer un petit temps de danse pouvait être sympathique. Mila m'a surtout parlé de valses et de musiques douces.
_ Est-ce que cela signifie qu'on va être obligé de se trouver une partenaire pour faire bonne figure ? »
Victor n'avait pas pensé à ça.
« Personnellement, j'ai assez dansé pour aujourd'hui, je vais rester à regarder les robes tourner. Il n'a jamais été dit que tout le monde devait se prendre au jeu. Dis-toi que c'est pour donner une ambiance un peu plus 'précieuse' au banquet.
_ Parce qu'elle ne l'est pas assez, évidemment, ironisa le Suisse ».
Ils s'échangèrent un sourire malicieux avant de reprendre une gorgée de leur boisson.
« Je t'inviterai, au pire, reprit Victor en riant joyeusement. Pourquoi devoir forcément inviter une demoiselle ? Je pense qu'on devrait bousculer les convenances de nos vieilles sociétés traditionnelles !
_ Serais-tu ivre, par hasard ?
_ Oh non ! Ce n'est que mon deuxième verre !
_ Ah oui… Sûr que par rapport à Yuuri…, marmonna le Suisse en jetant un regard inquiet à la salle.
_ Pardon ?
_ Non, rien. Oublie. Je me fais un peu de souci pour un de mes amis, mais je suis sûr que tout va bien se passer pour lui ! Et puis, on est venu là pour prendre du bon temps alors cessons de penser à ce qui ne va pas ! Je pense qu'on aurait dû s'organiser une anti-fête avec juste les patineurs et nos potes, dans une de nos chambres d'hôtel. On aurait pu boire sans se soucier d'être vu et ça aurait été bien plus drôle.
_ Le prochaine fois ? proposa Victor avec un faux sourire.
_ La prochaine fois, accepta Chris en lui serrant la main ».
Evidemment, le Russe n'avait pas précisé s'il ferait partie du groupe des patineurs ou de celui des potes pour la fameuse prochaine fois. Il allait garder encore un peu le secret, ne serait-ce que pour conserver la bonne humeur de son ami, qui avait l'air un peu frustré par ce banquet. Comme tous les ans, à vrai dire. Chris était quelqu'un de libre et de peu pudique, il avait besoin de se lâcher après des gros moments de pression. Alors devoir tenir une flute de Champagne dans une salle où les gens ne faisaient que bavarder en se tenant le dos droit, c'était plutôt 'chiant', comme le disait Yuri.
Pour une fois, Victor voulait bien lui donner raison. Il avait toujours du mal à se remettre de ses émotions et les choses étaient beaucoup trop plates dans cette salle grise.
Il manquait de la vie. Il manquait de la couleur. Il manquait de tout.
Même lorsque la musique démarra, vers 21h30, Victor n'en fut pas satisfait. Même s'il s'agissait de la sublime et indémodable valse numéro deux de Dmitri Shostakovich, génie de la musique, maestro des notes et de la splendeur, même si l'air était entrainant et reposant, Victor demeura frustré.
Plus la soirée avançait, plus la fatigue le gagnait et plus il se sentait mal.
Il voulait raccrocher le patin, sa vie n'avait plus de couleur, il avait blessé quelqu'un avec son comportement, il allait décevoir le monde entier, Makkachin lui manquait et il s'ennuyait ferme. Tout ceci créa en lui un malaise grandissant qui finit presque par venir à bout de son sourire. Voyant des femmes le regarder avec hésitation, il comprit qu'on ne tarderait plus à le réclamer sur la piste de danse pour une petite valse. Il simula donc un coup de fatigue pour pouvoir, d'une pierre deux coups, s'asseoir loin de la piste et perdre son sourire sans que cela soit suspect. Chris l'accompagna bien sûr, trop heureux d'y échapper aussi.
Quitte à danser, ils auraient tous deux aimés le faire avec quelqu'un qu'ils aimaient. Mais leur cœur… leur cœur était vide.
Victor était bien heureux d'avoir sa mèche pour cacher au moins la moitié de sa sale tête, tandis qu'il tapotait ses doigts contre ses genoux croisés. Il appuyait son bras à la table pour reposer son visage de l'autre main, fixant les danseurs avec un air mort. Si seulement il n'était pas aveugle… si seulement il pouvait retrouver une joie dans sa vie… si seulement il pouvait aimer… il pourrait alors enfin être en mesure de voir les jupons multicolores voler à chaque pas, les lèvres colorées sourire de bien-être, les iris pétiller d'amusement.
Mais non. Gris, gris, gris. Couleurs ternes et mortes. Le vide. La mort.
Et pile quand il se dit ça, tout changea.
Ce fut un peu rapide pour son cerveau qui tournait au ralenti, mais il capta bien l'éclat qui apparut dans les magnifiques yeux verts de Chris. On entendait toujours le gracieux Shostakovich à travers le brouhaha mais quelque chose d'inconvenant était malgré tout en train de se passer, de quoi créer une vague de murmures et stopper toute danse.
Toute danse sauf une.
Celle du responsable de ce changement d'ambiance.
« Yuuri~ ! gazouilla Chris pour lui-même alors que ses joues rosirent d'amusement ».
Le nommé remasterisait l'art de la valse à sa manière, mouvant ses superbes hanches comme si c'était elles qui créaient les sons de violon, ses jambes s'occupant d'imiter les percussions. Et, fait étonnant, les cuivres furent joués par sa tête et ses épaules, qu'il balançait dans tous les sens au rythme de la musique.
Son corps jouait la musique.
Victor regretta immédiatement de ne pas s'être renseigné sur le programme de son camarade. Sur la glace, ce devait être quelque chose de le voir danser, même avec des sauts ratés.
Les gens étaient outrés qu'on leur retire leur moment d'amusement à cause de cet ivrogne – car la bouteille de Veuve Clicquot à 160€ dans ses mains ne laissait planer aucun doute sur la raison de son emballement sur cette musique. En parlant de bouteille, Yuuri venait de décider que les verres, c'était pour les faibles, et se hâta donc de s'enfiler le Champagne directement dans le gosier, sous un sursaut d'horreur collectif.
Les gens attendaient sûrement que les vigiles ne se débarrassent de ce fou, mais c'était sans compter Mila qui, toujours près des platines, venait de s'accaparer la machinerie pour modifier la musique à son gré.
Considérons qu'à partir de là, tout était foutu.
L'étiquette, les bonne mœurs, tout ça, tout ça… Fini.
Avec une musique plus entrainante, plus rock, Yuuri était définitivement parti sur sa lancée, et malgré le rythme plus rapide de la musique, il parvenait encore à jouer de son corps pour l'accompagner. Dans son costume noir gênant, cravate en poche, il dansait avec sa bouteille de Champagne brut jusqu'à la vider. Chris perdit aussi le contrôle et se mit à bouger, un peu comme Mila à l'autre bout de la salle.
Détestant les imprévus, Yuri se dirigea vers son homologue japonais pour lui sortir ses quatre vérités, desserrant sa cravate en sentant qu'il allait gueuler fort.
« Eh, putain ! Tu vas arrêter de te donner en spectacle, branleur ?! Tu ressembles à rien, comme ça !
_ Plisetskyyyyy…, marmonna l'homme ivre. Le chaton russe est jalouuux ? »
Victor se couvrit la bouche, choqué. La mort subite arrivait.
« … Répète ce que tu viens de dire… ?
_ T'as qu'à faire mieux que moaaaa… si t'es si douéé… »
Autre chose à savoir sur Yuri : il était faible face à la provocation.
« T'as cru que j'avais peur de ton petit cul de trainée ?! explosa-t-il. Je suis le mec le plus souple de la Russie, enfoiré ! »
Et pour confirmer ses dires, il tomba au sol en grand écart puis s'aida immédiatement de ses mains pour créer une impulsion sur le sol afin de remonter aussitôt. Pas mal, durent s'avouer certaines personnes avant de se rendre compte que cela continuait de dégénérer sous leurs yeux.
Pas du tout impressionné – ou trop bourré pour comprendre –, le Japonais ne se laissa pas démonter et entreprit une suite de pas avant de se dire que tournoyer sur sa tête était une bonne idée. Il mit donc ses jambes en grand-écart aussi et tourna au sol avant de finir sur une pose compliquée, jambes en l'air, le poids reposant sur une seule épaule.
Hors de lui, Yuri chorégraphia sans lâcher son rival des yeux, sautant dans des angles improbables pendant que la musique hurlait.
Victor avait sorti son téléphone pour immortaliser cette splendeur. Quant à Chris, il continuait de se déhancher en riant à gorge déployée, trop heureux d'avoir enfin de l'ambiance pour laisser filer cette occasion. De toute façon, sa réputation lui permettait quelques folies, qui collaient à merveille à son caractère. C'était acté pour tous qu'il croquait la vie à pleines dents.
Yuuri se débarrassa de sa veste et noua sa cravate autour de sa tête en riant comme un poivrot, continuant de bouger tel un démon. Il ne fatiguait pas, ce qui était assez incroyable, surtout qu'à côté, même cette boule de nerfs de Yuri Plisetsky fut forcée de faire une pause pour reprendre son souffle. Il resta bloqué au sol à regarder le Japonais se dandiner en rythme, la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau. Puis, remis de son choc, il l'imita en jetant sa veste au nez de Yakov qui avait vainement tenté d'arrêter ce massacre. En chemise bleue, le Russe sauta de nouveau dans tous les sens, exécutant des pas précis et souples.
Victor saisit la nuance entre ces deux jeunes hommes.
Yuri incarnait la précision à merveille. Il réfléchissait à chaque pas, à l'effet qu'il pouvait produire sur le public. On voyait dans son regard verdoyant qu'il calculait tout, qu'il anticipait, qu'il analysait même le jeu de son adversaire. Comme le ferait un génie. Cet adolescent tirait sa force de sa capacité à répondre aux attentes du public, à lui donner du spectacle quand il en réclamait, à ralentir le mouvement pour mieux l'éblouir ensuite. Son corps androgyne glissait dans les airs avec subtilité, émerveillait les yeux pourtant gênés de l'assemblée. Une fée.
Et Yuuri était l'exact opposé. Il ne pensait à rien, il ne calculait rien, il ne réfléchissait pas. Il lançait son corps dans l'inconnu, ne se concentrant que sur la musique pour garder un repère avec la réalité. C'était comme si, au fond de lui, il espérait se perdre dans la musique, fusionner aux notes pour échapper à ses tourments. Yuuri voulait devenir la musique, il voulait s'oublier à travers elle. Et c'était ça qui créait cette passion déchainée dans ses gestes, ce charisme délectable qui faisait qu'on ne pouvait pas le quitter des yeux. Il rendait visible l'invisible, il s'offrait comme réceptacle à la musique, comme si son modeste corps de mortel était à même de l'incarner. Yuuri s'offrait.
Ces deux danseurs avaient tous deux une force bien à eux et Victor comprit immédiatement à quel point chacun d'entre eux pouvait aller très loin, si tant est qu'ils apprenaient à tirer parti de leur force.
Elégance et subtilité d'un côté. Passion et oubli de l'autre.
Qu'est-ce que Victor ne donnerait pas pour les voir s'affronter sur la glace… ?
Même cette tête brûlée de Yuri lui sembla aimable, pour une fois. Ses mèches blondes virevoltaient autour de lui tel un halo divin, tandis que Yuuri laissait son regard noisette se perdre dans les lumières des lustres. Sa cravate bleue pendait près de son visage rougit par l'effort et même ses lèvres prirent une teinte appréciable, un léger rose humide, comme une fleur saupoudrée par la rosée matinale.
Désirable.
Victor chassa cette pensée de sa tête tout en la trouvant amusante. Il avait beau être admirable, il n'empêche qu'il s'agissait d'un ivrogne. C'était assez ridicule de trouver appétissant ce type d'individus, surtout pour lui qui avait pu s'offrir le corps de personnes plus… comment dire…
Il aurait aimé dire 'digne' mais le terme lui sembla insultant pour ce pauvre Japonais qui devait sans doute avoir bu pour oublier sa peine. Et pour l'avoir quitté la dernière fois la tête haute, il devait avoir énormément de dignité.
Non, rien à faire, il n'y avait aucun mot pour décrire Katsuki. C'était la première fois que Victor était incapable de brosser le portrait de quelqu'un.
Il aurait bien volontiers continué cette réflexion mais, sans crier gare, Yuuri fit un petit signe du doigt très – trop – sensuel à Chris pour l'inviter à le rejoindre, invitation que celui-ci accepta sans réfléchir, laissant son Victor debout comme un idiot avec son téléphone. Le degré de dégénérescence de la soirée grimpa d'encore un niveau à partir de ce moment-là, puisque Yuuri trouva le moyen de retirer son pantalon et celui de Chris pour les jeter dans l'assistance. Un peu ridicule dans cette tenue, le Suisse ôta également sa chemise mais oublia sa cravate, ce qui motiva Yuuri à remettre la sienne en place, autour de son cou – ce qui n'était pas moins ridicule que de l'avoir autour de la tête –, puis il se permit de remettre sa chemise sur ses épaules – sans la fermer parce que faut pas déconner – car il devait avoir un peu froid.
Puis vint le tournoi international officieux de Pole-danse, composé de Yuuri et Chris, presque nus, qui grimpaient à tour de rôle sur la barre avec un regard trop sérieux pour être crédible. Victor nageait dans le bonheur, mitraillant la scène en riant de bon cœur tandis que Yuri peinait difficilement à se remettre de son effort.
« Mais il est… pas crevé… ce con… ? haleta-t-il, vaincu au sol ».
Il a une excellente stamina, félicita intérieurement Victor. Meilleure que la mienne !
Comment avait-il pu finir dernier avec tous ces atouts ? Quelle était la raison de sa défaite ? Quel avait été le frein à son ascension ? Victor ne comprenait pas. Manquait-il de confiance en lui lorsqu'il était sobre ? Avec le peu qu'il en avait vu, cette solution était possible, mais à vérifier. Dommage qu'il soit bloqué par des complexes. Ce jeune Japonais avait pourtant tout pour réussir, de la technique à la passion en passant par le charisme.
Le champion russe fixa le duo durant leur performance sur la barre. Yuuri en caleçon, Chris en slip, qui tournaient en coop' avec une maitrise totale. Que le Suisse sache faire de la Pole-danse n'étonnait pas beaucoup Victor, mais que Yuuri Katsuki en fasse de même était diablement plus incroyable. Où donc avait-il appris ça ?
Il y avait un peu trop de Champagne qui coulait. Yuuri et Chris s'échangeaient une bouteille et profitait de la belle couleur dorée de la boisson pour se créer un petit effet pendant qu'ils dansaient. C'était beau mais… quel gâchis !
Jugeant son corps suffisamment réchauffé par l'effort, Yuuri se débarrassa à nouveau de sa chemise avant de reprendre sa danse autour de la barre, soutenant le corps de Chris qui posait telle une diva, sûr de sa performance et de son charme. Victor se prit la chemise sur la tête alors qu'il photographiait la scène, ce qui était assez cocasse. Le vêtement présentait un mélange de sueur et de parfum masculin.
Il n'eut pas le temps de s'attarder plus sur ce que ce concentré d'hormones produisait chez lui que, déjà, le spectacle de Pole-danse se finissait, laissant un Chris complètement refait et épanouit, qui continuait de bouger son joli fessier pour le plus grand plaisir de ces dames, alors que Yuuri marcha comme un déséquilibré vers sa précieuse chemise, que Victor tenait toujours dans ses mains.
Il vient vers moi. Il me regarde. Oh mon dieu ! Je fais quoi ?
Yuuri choisit à sa place en remettant à la hâte sa chemise sur ses épaules, poitrine toujours visible malgré la cravate qui se baladait comme un électron libre sur sa peau, et en le tirant à son tour sur la piste.
Le Russe entendit vaguement un « oh non ! Pas Victor ! » mais préféra ignorer ce qu'on pouvait dire sur lui. Son état d'excitation grandissait et se savoir au centre de l'attention du Japonais le faisait se sentir bien. Il avait toujours des excuses à faire à ce jeune homme, de toute façon, alors qu'est-ce que ça lui coûtait de partager sa joie ?
De fait, sous le regard consterné de l'assistance, le grand quintuple champion Victor Nikiforov rejoint la piste de danse pour accompagner le Japonais. Yuuri voulait s'attaquer à la crème de la crème ? Fort bien ! Victor le prenait comme un défi personnel ! Tant pis pour Yakov qui mimait l'étranglement avec ses bras, tant pis pour Yuri qui le regardait avec des yeux de merlan frit, tant pis pour tous ceux qui ne toléraient pas la direction que prenait cette soirée et qui comptaient au moins sur Victor pour relever le niveau, tant pis pour tout ça, il le voulait.
D'abord à une distance raisonnable, les deux danseurs s'affrontèrent comme il en avait été plus tôt avec Yuri Plisetsky, montrant à chacun l'étendue de leur souplesse et de leurs talents. Même bourré et incapable de marcher droit, Yuuri avait réussi à tenir l'intégralité de son poids sur une main avant de repartir sauter dans toute la pièce avec, visiblement, vingt secondes de décalage entre ce que son corps faisait et ce que son cerveau comprenait. C'était particulièrement drôle à regarder.
Victor n'était pas en reste avec ses sauts de gazelle, il donnait l'impression de voler comme une putain de colombe, ce qui agaçait deux fois plus Yuri Plisetsky.
Puis, sans crier gare, le danseur japonais attrapa la hanche de son idole pour le tirer contre lui dans un geste dominateur. Ladite idole vécut cette scène comme au ralenti. Déjà, il s'amusait beaucoup trop compte tenu de la situation et ne faisait aucun effort pour se calmer. Ensuite, se prendre au jeu avec un parfait inconnu ne lui était pas familier, lui qui mettait toujours une certaine distance avec les gens malgré l'affection qu'il vouait pour autrui. Puis, il fallait lui expliquer ce qu'il pouvait bien trouver d'excitant dans le fait d'être touché de cette manière par ce Katsuki qu'il ne connaissait pas.
Il sentait son parfum, ses mains bouillantes, son souffle contre sa nuque, son cœur contre son dos. C'était tellement tentant, tellement novateur pour lui qui avait eu la sensation d'étouffer ces derniers mois. Il pouvait enfin se laisser aller et comprenait très bien dans quel état d'esprit Chris avait été quelques minutes auparavant. Le champion russe prit la décision de maintenir cette proximité en tournoyant entre les bras de ce jeune homme pour venir lui-même l'attraper, de face. Yuuri chancela un peu, car c'était la première fois ce soir que quelqu'un prenait les devants à sa place. Il avait provoqué Yuri, avait invité Chris, et se retrouvait maintenant à danser bassin contre bassin avec Victor. Celui-ci attrapa sa cuisse pour la mettre autour de sa hanche et se pencha en avant, pour que la tête de Yuuri ne soit qu'à deux centimètres du sol. Puis, sans le laisser tomber, il le remonta presque aussitôt pour le faire sauter en l'air, le rattrapant au vol.
Jolie performance. Cela faisait longtemps qu'il voulait essayer de danser en couple, tant pis si sa première fois était avec un homme. De toute façon, Yuuri était aussi charmant que léger.
Reprenant contenance, le Japonais lâcha un rire franc en attrapant les épaules de Victor pour se laisser porter dans les airs, puis reprit le rôle masculin le temps de quelques pas avant de le lui rendre, et vice-versa. Leur duo était fantastique – surtout aux yeux de Chris – car ils se fichaient éperdument des codes de danse qu'on connaissait. Une danse de couple se fait normalement entre un homme et une femme, et cette dernière est celle exécutant les pirouettes aériennes. Là, les rôles s'inversaient selon leurs envies, dans une symbiose parfaite.
Il y avait quelques regards dégoûtés et gênés dans la salle mais beaucoup se retenaient de rire devant cette scène hautement comique. Puis les deux hommes avaient l'air tellement heureux de danser ensemble qu'on ne pouvait pas leur retirer leur plaisir. Par contre, Yakov s'arrachait les cheveux.
Y avait des baffes qui se perdaient.
Beaucoup d'invités finirent par quitter la salle en voyant que la soirée était fichue, mais d'autres prenaient des photos pour pouvoir les montrer ultérieurement à leurs amis. Faut dire que le spectacle valait le coup d'œil.
Mais même endurant comme personne, vint un moment où Yuuri Katsuki fut forcé de s'arrêter, prenant appui sur ses genoux pour ne pas tomber. Victor en profita pour se reprendre également, un peu crevé de toute cette danse, notant intérieurement que le Japonais avait – à lui tout seul – épuisé Yuri Plisetsky, Christophe Giacometti et Victor Nikiforov qui s'était pourtant relayés pour danser avec l'ivrogne. On ne parlait plus de stamina là, c'était de la sorcellerie !
Alors qu'il croyait en avoir fini avec cette superbe soirée, Victor eut l'immense surprise de retrouver le corps chaud de son partenaire de danse – auquel il manquait le pantalon – qui se mit à l'enlacer avec une affection non-feinte. A nouveau, cela fit son petit effet dans le cœur du Russe, qui adorait les embrassades euphoriques sans avoir toutefois quelqu'un d'autre que Makkachin pour ce faire. Yuri, débraillé, regardait cet honteux spectacle avec ce même regard mort qu'il avait eu pendant tout le reste de la soirée, choqué, affligé, humilié, tandis que Chris couvait Yuuri d'un regard tendre et amusé.
Je fais quoi, moi ?
Allait-il devoir faire des pieds et des mains pour décoller le Japonais de son torse ? Ce serait dommage et assez malhonnête de sa part, il aimait bien cette sensation d'être le pilier de secours pour Yuuri. Celui-ci était tellement chou avec son sourire comblé et son air endormi – même s'il puait un peu trop l'alcool. Au moins, ses belles iris noisette brillaient comme jamais on en avait vu.
« Victor ! Viens donc voir nos bains chauds après ta saison ! »
Là, il écarta son visage de la poitrine battante du Russe pour lui lancer le regard le plus énamouré qui soit, et vint à bout de ses dernières barrières avec ceci :
« Si je gagne cette battle de danse… tu deviendras mon entraineur ? »
Quoi ?
« Be my coach ! Victor ! »
A cette seconde précise, le Russe prit conscience que, depuis l'instant même où Yuuri l'avait tiré vers lui pour une danse endiablée rien qu'à deux, depuis cet instant où il s'était senti au cœur de son attention tout comme il se savait au centre de l'attention du jeune Japonais, depuis tout ce temps qui avait semblé une seconde tout comme une éternité, jamais les couleurs n'avaient autant enflammé les yeux de Victor.
La noisette des iris, le rouge des joues, le bleu de la cravate, l'or du Champagne.
Et ce regard plein d'espoir… cette lumière intense qui baignait les yeux de ce jeune inconnu acheva le cœur de Victor qui fondit enfin. Ce cœur de glace, vaincu par la lassitude, par la démotivation, par l'abandon, quitta instantanément sa prison gelée pour battre à tout rompre. Un rouge tendre balaya les joues du Russe alors qu'il sentait ses propres iris briller en réponse à leurs consœurs.
Il y avait quelqu'un dans ce monde qui le voulait plus que tout, qui chérissait son image, qui même inconscient se battait toujours pour attirer son attention, qui était capable le temps d'une danse de lui rendre les couleurs qu'il n'avait plus vu depuis trop longtemps.
C'était ce qu'on pouvait appeler, un coup de foudre.
Voilàààà !
Ma première fic YoI ! /rougit comme une demeurée/
Vu que l'animé marche beaucoup sur les non-dits, je me suis dit que c'était un déroulement crédible de l'histoire ! Qu'est-ce qui aurait pu motiver autant Victor à ramener son joli fessier au Japon pour entrainer un illustre inconnu, après tout ? :P L'amûûûûr, c'est bôôôô !
Bon, je me suis aussi beaucoup appuyée sur les couleurs parce que j'ai trouvé une vidéo sur Youtube qui montrait l'évolution de l'opening de YoI. Et bizarrement, tout était une affaire de couleurs ! En parcourant les forums et commentaires de vidéos, j'ai trouvé que beaucoup de gens pensaient également que cela avait un rapport avec la perte de motivation de Victor. Et, comme vous l'avez vu, j'ai bourré ce fait dans mon OS XD Parce que fuck la subtilité.
Bon, je ne vais passer plus de temps à vous expliquer le pourquoi u comment, ça va vite vous saouler ! XD
Je vous remercie donc de m'avoir lu !
J'espère faire une suite le jour où ma propre motivation sera revenue ! Peut-être devrais-je aller me balader à un banquet et faire boire le premier asiat' qui me tombera dessus…
Oh allez, je me tais !
Biz' !
