Le soleil se couchait, laissant de longues traînées de feu sur la mer. A l'instant précis où il s'abîmait derrière la ligne mouvante de l'horizon, un rayon vert jaillit et explosa dans le ciel assombri.

Will Turner poussa un profond soupir.

Il avait senti le navire vibrer sous ses pieds, il savait qu'il venait de quitter le monde des vivants dans lequel il laissait sa jeune épouse, celle qui avait uni sa vie à la sienne quelques heures à peine auparavant.

Vite, penser à autre chose ! Will laissa son regard errer autour de lui. Le Hollandais Volant continuait à glisser doucement sur les flots, rien ne semblait différent. Ce monde finalement ressemblait beaucoup à l'autre.

Allons, se secouer. Le jeune homme tourna les yeux vers le pont, une lueur déterminée dans le regard. Se lamenter sur l'injustice du sort et le coup cruel qui le séparait d'Elisabeth au moment même où tous leurs rêves devenaient réalité ne le mènerait nulle part. Il avait une tâche à assumer et il le ferait.

Pour elle.

Pour ce jour hélas lointain où il la retrouverait.

Et aussi parce que cette tâche lui ayant été confiée, il avait désormais le devoir de l'accomplir.

Oui… mais par où commencer ? Il croisa le regard de son père qui se tenait non loin de lui et lui dit simplement :

- Rassemble l'équipage. Je veux lui parler.

Bill ne répondit pas mais eut une brève, très brève inclinaison de tête, assortie d'une expression approbatrice.

Will inspira longuement. Il n'avait pas seulement une tâche à accomplir, mais aussi un équipage à diriger. Comment ? Il n'en savait encore rien. Il faudrait voir au jour le jour et y aller à tâtons, bien obligé. Et pour l'instant, il avait quelque chose d'important à dire à ses hommes, alors autant commencer par là.

Debout sur la dunette arrière, il les regarda s'assembler lentement au bas de l'échelle de coupé. Il croisa des regards méfiants, curieux, farouches… ces hommes, qui n'appartenaient plus au monde des vivants et pas encore à celui des morts, ces hommes que Davy Jones avaient réduits en esclavage après les avoir dupés et qui avaient vécu durant des décennies entières, pour certains d'entre eux, sous sa férule tyrannique, ne seraient pas faciles à apprivoiser, Will en était bien conscient. Ils étaient durs, sauvages même, endurcis à la peine.

- Et comme tu es parti pour naviguer longtemps avec eux et que tu veux que tout se passe au mieux, souffla une petite voix intérieure à l'esprit du jeune capitaine, que cela te plaise ou non tu vas devoir faire en sorte qu'ils t'acceptent et t'obéissent.

Puis, une constatation subite lui vint à l'esprit :

- Ils ne sont pas si différents des pirates que j'ai déjà rencontrés.

Cette pensée le réconforta, il dut même retenir un léger sourire car il venait de se remémorer une phrase d'Elisabeth : « Je crois avoir suffisamment d'expérience avec les pirates ».

Autre chose lui vint alors en tête en regardant les hommes rassemblés à quelques mètres en contrebas de lui :

- Ils ne sont pas si différents de moi ! Piégés par le destin… mais pas seulement ça : j'ai un espoir, celui de cette journée à terre dans dix ans et eux… eux aussi auront désormais un espoir !

Et ce fut exactement ce qu'il leur dit.

Le Hollandais Volant allait retourner vers le monde des morts mais, cette fois, ceux d'entre eux qui le désireraient pourraient achever le voyage et trouver enfin le repos. Et si ce n'était cette fois, ce serait lors d'une prochaine traversée, quand ils le souhaiteraient.

Will leur offrit leur liberté, sans avoir à chercher ses mots, avec toute la générosité et l'honnêteté qui avaient toujours été siennes, avec pourtant dans la voix, dans le regard, une nuance d'autorité quant à elle toute nouvelle.

Il sut immédiatement qu'il avait touché droit dans le mille. Tous n'étaient pas convaincus, l'incrédulité était palpable, mais l'atmosphère changea cependant de manière tangible. Même s'il n'y avait pas été sensible, le jeune homme aurait vu le regard pétillant que son père lui adressait, ainsi que son sourire complice. Il réalisa soudain qu'il venait d'achever ce qu'il avait commencé bien malgré lui en devenant le nouveau capitaine du navire des morts : après avoir libéré leurs corps de la hideuse mutation que la trahison de Jones avait provoquée, il ne lui restait plus qu'à libérer leurs âmes, ce qui était d'une simplicité enfantine !

Will sentit, au plus profond de lui-même, qu'il venait de faire bien plus qu'agir en conformité avec sa conscience : il avait remis les choses à leur place et accompli sa première tâche en tant que commandant de ce navire.

Comme il terminait de parler, un mouvement dans le gréement du navire attira son attention : levant la tête, le jeune homme fut très surpris d'apercevoir un cormoran s'envoler d'une vergue à l'autre.

Comment cet animal avait-il pu franchir la frontière du monde des morts ? se demanda Will. Puis il se rappela que ses amis et lui-même, sous la conduite de Barbossa, avaient également été jusque dans l'au-delà pour en ramener Jack Sparrow, et cependant, ils étaient tous bien vivants à ce moment là !

Sauf qu'aujourd'hui, il devait mener son navire bien plus loin qu'ils n'avaient été alors.

Un fol espoir naquit dans l'esprit du jeune homme : si l'oiseau restait à proximité du navire, il verrait bien s'il pouvait effectuer le voyage jusqu'au bout et en revenir. Et s'il le pouvait, alors Elisabeth le pourrait aussi. Will n'osait pas vraiment y croire, mais il ne pouvait s'empêcher de l'espérer.

Une voix toute proche le tira de ses réflexions :

- Là ! A trois encablures, capitaine !

Il fallut trois secondes à Will pour se rappeler que c'était à lui qu'on s'adressait. Heureusement, la voix de son père retentit, paisible, à ses côtés :

- Après la bataille, ce n'est pas étonnant. Nous allons avoir un plein chargement à effectuer, pour sûr.

Sans paraître s'adresser à quiconque, parlant à mi-voix pour n'être entendu que de son fils, le vieux marin poursuivit, comme s'il se parlait à lui-même :

- Voilà bien longtemps que le Hollandais Volant n'a plus conduit aucune âme jusque « de l'autre côté ». Je n'ai jamais connu ce temps là. Mais je sais qu'une partie de l'entrepont est inoccupée et qu'elle servait à l'origine aux « passagers ».

Will lui jeta un coup d'œil reconnaissant.

Il donna une légère poussée au gouvernail pour faire obliquer le navire sur tribord.

- A vos postes ! lança-t-il d'une voix ferme. Nous devons les faire monter à bord. Descendez les échelles et lancez-leur des cordages.

Contrairement à ce qui s'était passé avec le gouverneur Swann –Will chassa très vite cette pensée- qui n'avait même pas paru voir le Black Pearl lors de son voyage quasi solitaire vers l'au-delà, les âmes des défunts virent parfaitement le Hollandais Volant. Certaines d'entre elles tentèrent de fuir, terrifiées par la sinistre réputation du navire maudit, mais le nouveau capitaine sut les persuader qu'elles ne risquaient rien et, pour finir, elles acceptèrent de monter à bord.

Il y avait là tout l'équipage de l'Endeavour, ainsi que des soldats qui s'étaient déjà trouvés sur le Hollandais avec Mercer et qui regardaient autour d'eux, ahuris de constater les changements opérés en si peu de temps. Il y avait aussi, hélas, des pirates du Black Pearl.

Will comprit à cet instant l'un des aspects les plus pénibles de sa tâches : escorter, lorsque le jour viendrait, ceux qu'il avait connus et aimés pour peu que ceux-ci meurent en mer. Il n'y avait personne du Hollandais Volant. Ceux-là par contre semblaient avoir disparu dans le néant.

En revanche, au nombre des âmes errantes qui montèrent à bord, il y avait Cutler Beckett et Mercer. Des grondements de menace montèrent du groupe des matelots lorsqu'ils les aperçurent : pour eux, ces deux hommes avaient été des ennemis qui avaient tenté de les plier à leur volonté, des envahisseurs qui avaient investi le navire pour s'y comporter en maîtres. Le nouveau capitaine s'efforça de ramener le calme et enjoignit fermement aux deux âmes de descendre dans l'entrepont. Et surtout d'y rester !

Beckett n'avait pas vu Will à la barre du Hollandais lorsque son navire avait été détruit : il était à ce moment là en état de choc et incapable d'appréhender autre chose que le sentiment d'une défaite inéluctable.

- M'expliquerez-vous ? demanda t-il avec hauteur. Que faites-vous ici, Turner ? Et comment…

- Capitaine Turner, s'il vous plaît, lord Beckett ! répliqua sèchement Will. J'ai pris la succession de Davy Jones et vous vous trouvez actuellement sur mon bâtiment. Ce navire va vous conduire, avec les autres, jusqu'aux frontières de l'au-delà, où vous nous quitterez. Voilà tout ce que vous avez besoin de savoir.

Après tout, il n'avait plus désormais à faire semblant ni à déguiser l'hostilité qu'il éprouvait envers cet homme, mort ou vivant. Beckett de son côté le considéra un instant en silence, comme s'il le jaugeait du regard, et ses yeux se posèrent un instant sur la cicatrice, encore fraîche, qui apparaissait sur le torse du jeune homme entre les pans de sa chemise entrouverte. Une étincelle électrique fusa dans ses prunelles claires, mais elle disparut presque aussitôt.

- Venez, Mercer, dit-il. Nous devons nous conformer aux ordres du capitaine Turner, je suppose. Même s'il me semble que nous allons devoir voyager comme du bétail.

Il accompagna ces mots d'un regard dégoûté sur le navire et se fit mentalement la remarque que, à l'instar de l'équipage, le Hollandais Volant paraissait différent. Moins vermoulu, moins semblable à une vieille épaves ayant longuement séjourné au fond des océans… mais il se faisait peut-être des idées et puis, de toute manière, il se moquait pas mal de l'état du navire !

Lorsque son bâtiment eut recueilli tous les morts qui se trouvaient dans les parages, Will donna l'ordre de hisser les voiles et il reprit la barre. C'était assez déroutant, songea-t-il, de voir tous ces gens, exactement semblables à ce qu'ils étaient de leur vivant. Aucun d'eux ne portait ni cicatrice ni aucune trace de la mort qui les avait fauchés et leurs corps restaient perceptible au toucher. A vrai dire, l'illusion était parfaite, on aurait vraiment pu croire qu'ils étaient toujours en vie.

- Et moi, songea soudain le jeune homme, suis-je mort ou vivant ? Théoriquement, mort… et pourtant…

Pourtant il ne se sentait pas mort du tout ! Il lui restait à apprendre que son équipage et lui-même se mouvaient dans un espace-temps très particulier, dans lequel ils conservaient effectivement toutes les perceptions de la vie. Il en était de même avec ceux qu'il avait désormais pour tâche de conduire jusqu'à la « porte lointaine », ainsi que l'avait appelée Sao Feng. Ce n'était qu'après avoir franchi cette ultime étape que l'on devenait pur esprit. Mais tout cela n'entrait pas vraiment en ligne de compte pour le moment.

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- M. Mercer, pensez-vous à la même chose que moi ?

- Je crois que oui, Monsieur.

- Le Hollandais Volant est invincible, n'est-ce pas ?

- En effet.

- Et la mort… est un état étonnamment différent de ce que j'avais jamais imaginé.

Lord Beckett et son âme damnée se tenaient tout à la proue du Hollandais Volant. La nuit était tombée depuis longtemps, le pont du navire était désert : l'homme de quart se tenait à la barre, à l'opposé des deux hommes.

- Je crains que ce ne soit que passager, Monsieur. Le Hollandais Volant et tous ceux qui se trouvent à bord évoluent en fait, si j'ai bien compris, entre le monde des vivants et celui des morts. Une fois que nous arriverons au terme du voyage, nous… perdrons, je crois, cette… apparence de vie… il me semble que c'est cela.

- Oh ! Eh bien dans ce cas, peut-être devrions-nous faire en sorte de ne jamais arriver au terme de notre voyage.

Mercer ne répondit pas immédiatement. Il paraissait ne pas avoir entendu. En réalité, il réfléchissait à ce que venait de dire et de sous-entendre son maître.

- Mais comment ? demanda-t-il enfin. Je crains que les choses ne soient… différentes, désormais.

- Allons, allons… le sermonna Beckett d'un ton léger. Pas vous, Mercer ! Réfléchissez : nous sommes morts. Donc, nous ne craignons absolument plus rien. Mais nous avons encore cette… apparence de vie, pour reprendre vos propres termes. Et nous nous trouvons sur ce navire, capable des choses les plus étonnantes et réellement, absolument, invincible. Ne voyez-vous pas… le potentiel énorme… les immenses possibilités que cela implique ?

Mais contrairement à son habitue, l'assassin grimaça d'un air peu convaincu.

- Je vois surtout ce qu'il y a entre vous et la concrétisation de votre projet, dit-il. Et je ne vous cache pas que ce que vous me dites m'étonne beaucoup. J'ai toujours pensé que vous aviez en horreur toutes ces choses… non naturelles. C'est bien pour cela que vous avez ordonné à Jones d'abattre le kraken, n'est-ce pas ? Jones lui-même devait mourir après que nous n'aurions plus eu besoin de lui, ainsi que son équipage, et le Hollandais devait aller par le fond. Et à présent, vous… ?!

Le visage de Beckett s'altéra et ses lèvres formèrent une moue écoeurée. C'était vrai : dans sa soif de puissance et de pouvoir, il avait toujours détesté tout ce qu'il ne pouvait pas entièrement contrôler. Ou comprendre. Il se souvenait du sentiment d'horreur et d'effroi qui l'avait envahi le jour, déjà lointain, où il avait compris que certains mythes, certaines légendes possédaient une réalité… consternante. Mais il avait surmonté ce choc et son esprit froid, calculateur, avait fini par admettre que « l'immatériel » ainsi qu'il le nommait pouvait, lui aussi, être retourné à son profit, même s'il devait absolument être éradiqué ensuite. Au contraire de Jack Sparrow qui trouvait le monde un peu moins attrayant chaque fois qu'on lui retirait une part de son mystère, Beckett, lui, se sentait chaque fois plus sûr de lui et de son pouvoir. Cutler Beckett n'avait jamais laissé ses sentiments personnels prendre le pas sur son ambition dévorante et sa froide, sa glaciale logique. Une fois encore, il réagit comme il l'avait toujours fait. Son sourire mince était peut-être un peu crispé, mais c'était toutefois un sourire :

- La donne a complètement changé, Monsieur Mercer, répondit-il. J'ai travaillé durant des années à obtenir un pouvoir suffisant au sein de la Compagnie des Indes, et à l'instant même où je croyais triompher, où je pensais pouvoir asseoir mon emprise sur les océans de manière définitive…la vie est ainsi, je m'en rends compte à présent. Rien n'est jamais certain. J'ai l'espoir que l'au-delà s'avère différent. Réfléchissez un peu : grâce à ce navire, libérés de la mort elle-même (il ignorait alors qu'il reprenait des paroles prononcées par Jack Sparrow), nous pourrions réellement contrôler l'ensemble des océans.

- Oui, admit Mercer. J'avais bien compris. Mais je ne vois toujours pas comment.

- Vous me décevez, Monsieur Mercer. Comment avons-nous forcé Jones à nous offrir ses services ?

L'espion regarda son maître d'un air stupéfait ; il était excessivement rare qu'il soit décontenancé, mais il l'était en cet instant.

- Quoi ? fit-il.

- N'avez-vous pas regardé ce petit Turner qui se prend maintenant pour un capitaine ? Il porte sur la poitrine une cicatrice très particulière et toute récente.

Un sourire sinistre étira les lèvres minces de Mercer :

- Vous voulez dire que lui aussi… ?

- Mais oui. Or, il s'est passé si peu de temps qu'il n'a pas eu le temps matériel de cacher son… le… disons « l'objet » sur une île perdue. Il suffit de le trouver. Je suis certain que fouiller sa cabine ne vous donnera aucun mal.

- Non, admit l'espion en ricanant. Mais pensez-vous que l'équipage nous suivra ?

- Mais oui. Il n'est le capitaine de ce navire que depuis quelques heures, l'équipage ne le connaît pas mais moi, je connais les marins : je suis certain que son sort leur est totalement indifférent. Une fois que nous nous serons débarrassés de Turner, je m'occuperai de l'équipage.

- Mais, Monsieur… et la mission du Hollandais Volant ? Si vous en prenez le contrôle et si vous n'accomplissez pas la mission que cette… Calypso lui a confié…

Un horrible rictus déforma le visage de Beckett :

- Dans le monde des vivants, l'apparence physique a de l'importance, dit-il. Mais ici ! Je me moque qu'il me pousse des tentacules ou des écailles, du moment que je suis enfin le maître absolu des océans !

Il ajouta après une seconde de réflexion :

- Au contraire, même. Jones faisait peur. A tous les esprits faibles, en tous cas. La peur est une arme puissante, quand on sait l'utiliser à son profit.

Soudain, l'assassin, jusqu'alors accoudé au bastingage, se redressa brusquement. Par habitude, sa main glissa vers le poignard caché sous ses vêtements.

- Qu'y a-t-il ? demanda Beckett.

- Il me semble que l'on nous observe…. J'en suis même sûr ! Je sens ce genre de chose.

Les deux hommes balayèrent du regard le pont autour d'eux, sans rien voir.

- Vous devez vous tromper, commença Beckett, sans être réellement convaincu.

Mû par son instinct, Mercer leva soudain les yeux : sur le mât de misaine, une petite forme noire dardait sur eux des yeux étrangement brillants.

- Là ! fit l'espion, soulagé, en la désignant du doigt. Un oiseau !

Beckett haussa les épaules.

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Will s'était retiré dans sa cabine pour y prendre un peu de repos mais, en fait, il y tournait en rond, pareil à un loup en cage. Les lieux étaient encore profondément imprégnés de la présence du précédent occupant et William songea qu'il faudrait beaucoup de temps pour qu'il se sente chez lui en ce lieu.

Il arrêta un instant son va et vient devant l'orgue de Davy Jones, se remémorant la nuit où il s'était glissé ici en cachette, le cœur battant à tout rompre, pour voler au précédent capitaine la clef qu'il conservait toujours sur lui. Presque sans y penser, Will porta la main à sa chemise pour palper le métal de ladite clef à travers l'étoffe.

Jones n'avait confiance en personne, il avait préféré confier au sable d'un îlot perdu des mers Caraïbes le précieux réceptacle renfermant son cœur, son seul et unique point faible.

Will avait plus d'un point faible, mais il avait laissé son cœur à la personne qui lui était plus chère que tout, plus chère que la vie elle-même.

Machinalement, le jeune homme effleura l'une des touches de l'orgue, qui rendit un son à vrai dire assez discordant. Will haussa les épaules : il ne savait pas jouer et n'avait pas l'intention de torturer les oreilles de son équipage et les siennes !

Avec un profond soupir, il s'allongea sur le lit, sans pouvoir réfréner un sentiment de répulsion en songeant que Davy Jones avait étalé ses tentacules visqueux et ses vêtements incrustés de coquillages sur cette même couche. Un instant, le jeune homme joua avec l'idée de rejoindre son père et de s'étendre dans un hamac à côté du sien. Il serait plus à l'aise, assurément. Et puis… la gorge serrée, Will admit que la solitude lui pesait terriblement, ce soir surtout. Une dernière fois, il repoussa l'image qui s'imposait sans cesse à son esprit, celle d'Elisabeth. Sa femme. A peine épousée, à peine abandonnée. Et cette cabine sinistre…

Will se redressait déjà pour mettre son projet à exécution quand il se souvint qu'il était désormais le capitaine de ce navire. Ses hommes ne comprendraient pas qu'il vienne se réfugier parmi eux. S'il voulait avoir un minimum d'ascendant sur eux, il devait se comporter en chef.

Avec un profond soupir, le jeune homme se laissa retomber sur son lit. Et cette fois, il se laissa submerger par l'image de son épouse. Son sourire, son odeur… images enivrantes qui l'emportèrent bien loin de cette cabine sinistre dans laquelle il se morfondait déjà.

Au chapitre suivant, James Norrington pointe le bout de son nez. Qu'il a mignon, au dire de ses nombreuses admiratrices.