Yo ! Ceci est un OS écrit en décalé pour la Nuit du FoF sur le thème Foule. C'est aussi le premier d'un recueil d'OS sur les cuisines que j'ai dans la tête depuis un certain temps déjà. J'ai trois autres OS écrits, et ils sont tous plutôt courts … En vrai j'ai du mal à me motiver à écrire des trucs longs ces derniers temps. J'espère me soigner. Enfin.

Du coup voilà, j'espère que ça vous plaira !

Bonne lecture !

La cuisine, chez Larxène

L'appartement de Larxène, il est bien, parce qu'on y est en dix minutes depuis n'importe quel coin cool de la ville, ou depuis le lycée. L'appartement de Larxène, elle le tient de ses grand-parents qui depuis ont déménagé à la campagne, ou dans le sud, ou en Espagne, ou peut-être dans la campagne du sud de l'Espagne – un de ces endroits où vont les vieux pour passer leurs beaux jours et attendre la mort en regardant autre chose par la fenêtre qu'un type qui jure parce que le SDF qu'a essayé de lui demander l'heure lui a fait rater son bus.

En attendant Larxène elle le prend bien, elle le prend pour elle, et c'est peut-être bien parce qu'elle a cet appartement qu'on lui pardonne son tempérament de cliché de star hollywoodienne, ses crises de nerfs et ses remarques sarcastiques qui s'enchaînent comme si elle faisait en permanence un concours de punch-lines avec elle-même. Son appartement, ou alors son sourire à se damner. Larxène elle le sait, et Larxène elle en profite.

L'appartement de Larxène il est jamais vide. Y a dedans une foule qui défile en permanence, c'est jamais dépeuplé, parfois même quand elle est pas là y a du monde. Depuis qu'elle l'a récupéré quand elle avait quinze ans et que ça semblait être le bon compromis entre son incapacité à vivre avec ses parents et son âge, elle a réaménagé les espaces, et plus ou moins refait la déco. Y a des posters sur les murs de la chambre, des fauteuils éventrés trouvés dans la rue au salon, des guirlandes et des stickers de Pikatchu dans la salle de bains. Mais elle a pas touché à la cuisine. C'est un peu une pièce à part, dans l'appartement adolescent, c'est juste différent de tout le reste. C'est jamais vraiment en bordel mais jamais vraiment rangé non plus, c'est vieillot mais assez classique pour que ça se remarque pas, y a de la soupe dans des pots en verre au-dessus des placards et des bouteilles de bière au frigo, mais la vraie vraie différence c'est qu'il y a jamais personne.

Pourtant, dans les soirées les gens ont faim, ils devraient y aller, reprendre une bière fraîche, se servir un verre d'eau pour se donner bonne conscience à trois heures du matin, mais non. Larxène le dit pas aux gens, de pas y aller, mais ça doit se sentir. Que de tout ce qu'elle offre à la populace, tout ce qu'elle veut bien voir dégueulassé par les pompes pleines de la terre qui borde le fleuve cette pièce est exclue. Chez Larxène pas de contre-soirée cuisine, si tu veux chiller en fumant un joint c'est le balcon ou la baignoire, la cuisine c'est le havre désert.

Larxène l'a remarqué, mais elle ne se l'explique pas. Peut-être que si elle y réfléchissait elle se dirait que c'est le bout de son enfance qu'elle veut encore préserver au milieu de l'alcool et des pièces enfumées. Axel dit que c'est parce qu'elle garde son matériel de sorcellerie dans les placards et les cadavres des anciens propriétaires au congélateur. Saïx s'en fiche royalement. Demyx n'a même pas remarqué. Roxas croit aux explications d'Axel, et depuis, il évite le sujet quand elle est à côté. Mais un jour il y a cette nouvelle en ville, cette petite qui vient de rentrer en seconde comme elle vient de s'inscrire en formation post-bac et que c'est peut-être la dernière soirée qu'elle fait en habitant ici parce qu'avec toute la galère que c'est, elle va peut-être se retrouver dans une fac à l'autre bout du pays et elle le sait même pas encore.

Cette nouvelle elle sait rien de rien, elle est toute seule et toute petite et elle a pas un mot plus haut que l'autre, en fait elle a presque pas un mot tout court, on dirait qu'elle se retient de parler, se retient d'exister comme si sa présence pouvait gêner, qu'elle avait peur. Axel trouve ça adorable. Saïx s'en fiche royalement. Demyx n'a pas remarqué. Roxas a envie de l'aider – et Larxène trouve ça insupportable. Mais bon, son appartement, à force d'abriter toutes les soirées, c'est même plus tant son appartement, c'est même plus tant à elle, c'est un peu chez tout le monde et au final elle s'en fout que la greluche planquée sous sa capuche tape l'incruste tant qu'elle a pas besoin de s'en occuper. Parmi la foule, elle la distingue même pas vraiment, c'est une ombre parmi les ombres et rien de plus.

Une ombre parmi les ombres, une ombre qui se permet de laisser la lumière du réfrigérateur jeter des ombres sur son visage encapuchonné.

Tu fous quoi/

Je cherche une bière/

Et elle a même l'indécence de sembler vraiment désolée, alors qu'elle enfreint pas vraiment de loi formelle, tout ça est tacite, forcément elle pouvait pas savoir, à d'autres Larxène en aurait même pas voulu mais là c'est hors de question et si elle était pas ramollie à cause du joint elle l'engueulerait bien dans les règles.

Elle est jolie ta cuisine/ Elle te ressemble/

Et elle sait pas de quoi elle parle, cette gamine, alors elle va dégager fissa et sans faire d'histoires sinon c'est Larxène qui va la foutre dehors, hors de sa cuisine, hors de son appart et hors de sa ville et hors de sa vie. La petite elle se relève avec une bière dans la main et elle regarde autour d'elle et elle voit la fenêtre et les placards avec la soupe au-dessus, et elle étudie les plaques de cuisson qu'on pas été lavées depuis l'an quarante et la liste de courses dans l'écriture brouillonne que seule Larxène arrive à relire et elle a pas le droit.

Dégage/

Elle sursaute la petite et puis elle se tourne vers Larxène et elle a l'air d'être effrayée, et Larxène est effrayante alors c'est pas si choquant et quand même elle retire sa capuche, et il semble à Larxène que c'est la première fois qu'elle voit son visage, et peut-être bien qu'Axel l'a vue rire, cette fille, peut-être bien que Roxas l'a entendue parler de choses un peu trop personnelles pour rentrer dans une conversation anodine, mais elle croit pas qu'aucun des deux aie déjà vu son visage en entier, d'un coup, avec ses cheveux mal coupés d'un noir à faire pleurer les ténèbres, ses yeux clairs et nets comme de la glace condensée, son nez tranchant, sa peau pâle tâchée de rouge par l'acné qui trace le chemin vers la fin de l'adolescence, et soudain juste ça, ça devient trop intime, trop privé. Devrait pas y avoir le droit. Elle doit pas avoir le droit de faire ça. Tous les autres, ils sont dans ton appartement, ouais, mais elle, avec ses trois fois où tu l'as croisée au compteur et sa dégaine d'ado mal dans sa peau qui relit le Petit Chaperon Rouge en se demandant qui est le loup, elle elle vient de se déshabiller d'un coup. Et elle est chez toi.

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Voilà-voilà, c'est tout pour ce premier OS. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ou aussi les cuisines de quel personnage vous voudriez voir abordées ici, ou à me dire ce que ça représente ou peut représenter pour vous, cette pièce en particulier dans une maison, tout ça tout ça.

À bientôt !