1.
Le ciel est noir. Noir comme de l'ancre. J'avance, je ne sais pas où je vais. J'ai l'impression d'être observée, d'être épiée. Je tourne ma tête, à droite et à gauche. Il n'y a rien. Que du noir. Des arbres. Il y a un craquement. Paniquée, je me mets à courir. Subitement, une lumière m'aveugle. Mais elle n'est pas naturelle. Je m'arrête, je dérape. Je ferme les yeux, les frotte. Je les rouvre. Il fait jour. Il y a la mer. Et une jungle. Puis des pas. Je me lève. Mon arc est à terre. Je tends ma main pour l'attraper, mais il m'échappe des mains, et atterrit dix mètre plus loin. Je retente de l'attraper. C'est comme si une force invisible ne voulait pas que je m'en serve. Quelqu'un tousse. Je me retourne. Il y a une ombre noir. Petit à petit, je le découvre. Du sang coule de sa bouche. Il me sourit. Il est de retour. Son sourire se retire, et une trentaine de personne arrive derrière lui. Il y a Cato. Glimmer. La droguée. Rue. Ils sont là, et ils m'en veulent. Je tente de m'enfuir, mais mes muscles ne répondent pas. Alors, je fais la seule chose que je puisse faire. Je hurle jusqu'à en perdre la voix.
Je me réveille en sursaut. Je tremble. Des larmes froides et salées coulent le long de mes joues. J'ai peur. Cela fait deux semaines que je n'ai pas fait de cauchemars. Et voilà qu'ils reviennent.
Des bras musclés me serrent. Je me sens en sécurité entourée par leur étreinte.
Chut. C'est tout, c'est fini, chuchote Peeta, à mes côtés.
Ils étaient là pour se venger. Ils vont venger leur mort. C'est moi qui les ai tué, oh, Peeta, j'ai tellement peur ….
Je pose ma tête sur son épaule. Je continue de trembler. Des images me reviennent, plus terrifiante les unes que les autres. Il me réconforte, comme il peut, mais leurs visages passent en boucle dans ma tête, comme un film se répétant à l'infini. Peeta arrête de parler. Je ne l'entends plus. Sa respiration se fait plus lente. Il s'endort. Je suis à nouveau seule dans le noir. Et j'ai de nouveau peur.
Il neige, dehors. Les flocons tombent lentement, pour finir sur le sol, éparpillés parmi d'autre. Mes pas s'effacent petit à petit que la neige les recouvre. Personne ne saura que je suis venue là.
J'ai fait enlever les barbelés. Tout le monde peut y pénétrer maintenant. Je n'ai plus besoin de me cacher. Personne n'a plus besoin de se cacher. Mais personne n'y pénètre. Tout le monde a peur de tomber sur un pacificateur armé, prêt à se venger de ce qu'est devenu Panem. Peeta, qui vit lui aussi dans cette peur, m'interdit d'y aller. Mais je ne l'écoute pas. Alors, à l'aube, quand il dort encore, je m'en vais. Je prends mon arc, fièrement accroché dans le salon, et je rejoins la forêt. Parfois, il m'arrive de chasser, et de ramener le tout à la maison, prétendant que j'ai tout acheté chez le boucher.
Tout est tellement différent. Quatre mois que la guerre est fini. Si je le voulais, je pourrais aller habiter au Capitole. J'ai le droit de manger à ma guise. J'ai le droit de contester le gouvernement sans avoir le risque d'être éliminé. J'ai le droit d'aimer qui je veux. Et j'ai choisi cette personne. Peeta. Plus rien, maintenant, ne pourra nous séparer. Nous vivons heureux, dans le village des vainqueurs, rebaptisé Quartier de l'Espoir. Des habitants du District Douze sont venus s'installé près de chez nous. J'ai des voisins, des amis. Mais, je n'ai plus de sœur. Plus de meilleur ami. En deux ans de temps, tout a changé. Pendant ces quatre mois, j'ai réalisé que j'avais perdu trop de personnes auxquelles je tenais. Je ne suis toujours pas remise. Enfin, pas complètement. Il y aura des séquelles qui ne s'effaceront jamais. Elles seront là, à me hanter jusqu'à la fin de mes jours. Les médicaments, les séances chez le psy n'y changeront rien. Elles sont gravées dans ma tête, et y resteront.
Ne bouge pas, petit écureuil, chuchotais-je, plus pour moi que pour la petite boule de poile.
Je prends lentement une flèche de mon carquois, la place, et tire. Ma main a tremblé. Je rate ma cible. Le petit être marron part rapidement se cacher derrière les branches. Que m'est-t-il arrivé ? Il me faut une cible simple. Pour réessayer. J'avance dans la forêt. Il y a un trou, dans un arbre. Je reprends une flèche, me prépare à tirer. Ma main tremble de nouveau. Je n'arrive plus à tirer.
Je suis fatiguée, c'est tout, tentai-je de me rassurer.
Je ferme les yeux. Je compte trois secondes. Je les rouvre. Retire. Ma main tremble encore. Ce n'est pas possible. Je fais demi-tour. Il doit y avoir une explication à cela. Je ne peux pas mettre ça sur le compte de la fatigue. Je suis en pleins forme. Alors, qu'est-ce ? Je prends peur. Sans mon arc, je ne suis rien. Si je n'arrive plus à tirer, faire ce que j'aime faire le plus, qu'adviendra-t-il de moi ? Rien. Je ne serais rien. Je vais rentrer à la maison. Remettre l'arc à sa place. Dire à Peeta que j'ai été rendre visite à …. Non, que je suis allée me promener dans le centre. Voilà. Demain, ou la semaine prochaine, j'irai voir un médecin. Et il trouvera une solution. Pour ma main. Pour moi, tout simplement. Et tout ira mieux, beaucoup mieux. J'accélère la cadence de ma marche. Je suis de plus en plus rapide. Je me mets à courir. Je suis littéralement en train de paniquer. Des nuages obscurcissent le ciel. Il devient noir. Il s'est arrêté de neiger. Je tourne à droit, à gauche, encore à gauche, puis à droite, et après je ne sais plus. Je n'y vois plus rien. Il y a un craquement. Quelqu'un me suit. J'accélère encore. Tout se passe comme dans mon rêve. Il y a de l'eau au loin. Mais il n'y a pas la lumière. Tout est plus réel que mon rêve. Je trébuche, me rattrape à une branche. Je fais tomber mon arc. Je m'arrête. Autant faire face à la vérité. Il est de retour.
