South Park, donc, parce qu'après avoir ingurgité l'équivalent de 14 saisons et demi en deux semaines, j'ai une très légère fissure au milieu du lobe frontal.

Bon, pour le narrateur, j'avoue que je ne sais pas moi même qui c'est. Disons Stan, parce que. (oui oui, parce que.)

Et faîtes genre que personne n'a jamais vu la frimousse de Kenny.

God bless Stone et Parker.


Tu es allongé à mes côtés. La tête simplement posée dans l'herbe. Les doigts plongés dans la terre meuble.

Tu as l'air mort, Kenny.

Je te le dis, et tu souris. Je le sais.

De ton visage n'est visible que le bout de ton nez, de profil.

Tu as l'air mort, Kenny. Tu as l'air tellement mort que j'ose avancer une main vers toi. Vers ta gorge et ce lien qui m'obsède. Le tissu est doux. Le tissu se froisse. J'accroche mon index à l'une des boucles. Tu n'es pas mort, tu ne dors même pas. Tu as tourné la tête, et tu me regardes. Tu me regardes.

Et tes mains se crispent toujours un peu plus dans la terre. Tes ongles deviennent boueux.

Et mes doigts s'enroulent toujours un peu plus autour du lacet. Ma paume devient moite.

Je tire. Le nœud cède.

C'en est presque trop facile.

Et toi aussi, ça te déçoit.

Alors tu fais claquer ta langue et tu remues la tête. L'ombre de tes yeux se fait plus sombre. Je ne lâche pas le cordon qui pend à ton cou. Tu m'engueules de ta voix étouffée, et je tire un peu plus sur le lien. Une syllabe claque soudain dans l'air, et je retire vivement ma main, comme si on me l'avait brulée. Dans le silence qui tombe aussitôt, ta voix semble encore résonner.

C'est donc ça, ta voix. Le même tremblement grave et un peu rauque, mais sans ce bâillon que tu t'imposes. Sans rien pour l'étrangler que ta propre langue. Que ton propre souffle.

Je laisse ma main ouverte s'approcher à nouveau de ton visage. Tu la retiens de tes doigts. Ton regard est grave. Tes ongles s'enfoncent dans ma chair. Tu dis un mot, tu dis 'non'.

Non ?

Mais tu sais très bien que je n'ai jamais aimé obéir. Que je ne supportes pas l'interdiction. Que je ne suis qu'un sale gosse. Tu ne le sais que trop.

Trop pour ne pas avoir prévu ma désobéissance.

Je glisse ma main à l'intérieur de la capuche, rapidement. Et je repousse ce morceau de tissu sans que tu ne m'arrêtes encore. Tes doigts ont dérapé jusqu'à mon coude, que tu serres fermement. Je vois l'arête de ton nez se dessiner, les pommettes, l'arcade sourcilière, tout le renflement de tes os qui tendent une peau trop blanche. Et les quelques mèches de cheveux que le tissu n'a pas agriffées. Blonds, les cheveux. Tes yeux paraissent plus grands en pleine lumière. Plus noirs, étrangement. Je sens ton souffle, je vois tes lèvres se mouvoir et tes paupières s'abaisser un peu. Tu parles. Tu murmures ou tu hurles, de toute façon je ne t'entend pas. Je reste figé, pétrifié par le battement de ton sang à tes veines. J'ai envie de pleurer. Pleurer de te voir si vivant, peluche monochrome que la mort dépèce puis recoud, piétine puis caresse. J'en tremble si fort, de retenir toute cette eau, que le bout de mes doigts m'apparait trouble.

Tu ne te décides pas à te taire, alors je tire doucement sur ta capuche, et la clarté de tes cheveux retrouve l'ombre. La nuit tombe de nouveau sur ton visage. Je renoue le lacet. L'absence d'identité de ton visage m'apaise. Tu fermes lentement les yeux. Tu as l'air mort, Kenny.

Et c'est bien mieux comme ça.