[Note de la Beta-lectrice : Le talent de cette fille est désormais avéré ! Je suis une beta chanceuse, hehe. Non, ne pleurez pas, je comprends que vous m'enviiez tellement, mais c'est comme ça :D (Beta-sadique mode off)]
[Note de l'auteur : comme d'habitude, Ambre n'est pas du tout objective. Enfin, je vous souhaite quand même d'apprécier mon travail, j'ai essayé de coller au maximum au personnage d'Heathcliff en m'appuyant sur le livre. Bonne lecture]
« Continuez-moi l'histoire de Mr Heathcliff, du point où vous l'aviez laissée jusqu'aujourd'hui. A-t-il terminé son éducation sur le continent et en est-il devenu un gentleman accompli? Ou a-t-il obtenu une place d'étudiant-servant dans un collège? Ou s'est-il enfui en Amérique et couvert de gloire en versant le sang des enfants de son pays natal? Ou a-t-il fait fortune de manière plus expéditive sur les grands chemins d'Angleterre? » Nelly ne le sait pas, mais imaginons...
~ Trois années en enfer ~
Heathcliff. Ce serait probablement la seule chose qui serait gravée sur sa tombe, le jour de sa mort, aux côtés de ses dates. De sa date. Lui-même ne connaissait pas le jour de sa naissance, qui pourrait l'écrire sur sa tombe? Catherine trouverait peut-être quelque chose à y ajouter. Encore que. A présent qu'elle allait épouser ce Linton... Il secoua la tête.
Heathcliff. Sa seule identité. La seule chose qui lui appartienne. Il se retint de cracher par terre. Il paraît que connaître le véritable nom de quelqu'un vous donne tout pouvoir sur lui. Évidemment, c'était stupide. Il esquissa un sourire, quelque peu hautain. Cela faisait maintenant deux jours qu'il marchait, sans s'accorder le moindre répit, et il lui semblait que sa colère et sa honte commençaient à s'estomper. Ou plutôt à se tasser. Bien sûr, il n'avait pas encore digéré le monologue de Catherine. Son âme, oser parler de lui de la sorte, et à Nelly encore ! Un frisson lui parcourut l'échine. Pas si tassées que ça au final. Il secoua à nouveau ses boucles sales. S'il se mettait à penser à Catherine, il ferait demi-tour et irait les tuer tous. Les Linton, Catherine, Nelly, et surtout, surtout, Hindley Earnshaw. Remarque, il pourrait se montrer miséricordieux pour Cathy. Après tout, il était incapable de vivre sans elle. Un sourire attendri se dessina sur ses lèvres.
-Allons, jeune homme, votre nom?
Son regard revint sur l'homme qui se tenait en face de lui et son sourire se transforma en un rictus. Son nom ? Heathcliff. C'était le nom sous lequel Cathy le connaissait, le nom par lequel elle l'appelait. Il n'avait que ce nom sur terre. Que cela qui lui appartienne. Son rictus s'élargit.
-Heathcliff, monsieur.
L'autre lui jeta un regard sceptique.
-Heathcliff ? Mais ce n'est pas un nom ça jeune homme !
Pas un nom ? Pas un nom ?! Heathcliff sentit la moutarde lui monter au nez. Pas un nom, celui par lequel Cathy l'appelait ! Oh ce gratte-papier allait bien voir ce qu'il allait voir ! Soudain, il se rendit compte que s'énerver ne ferait qu'envenimer les choses et l'obliger à partir plus loin encore. A s'éloigner un peu plus de son âme. Il inspira et sourit hypocritement, se promettant intérieurement de montrer un jour à ce vieil imbécile à quoi rimait le nom d'Heathcliff.
-Je plaisantais, bien sûr, fit-il avec un petit rire. Je me nome... Charles... Charles Earnshaw!
Le gratte-papier en face de lui eut l'air rassuré et écrivit son nom sur le registre devant lui. Un rictus se dessina sur les lèvres de « Charles ». L'homme avait eu l'air effrayé par l'air qu'avait pris Heathcliff quelques secondes plus tôt et se faisait petit. Tout petit. Il se racla la gorge, tentant de se redonner une contenance.
-Bien entendu, la traversée n'est pas gratuite. Vous avez de quoi payer?
Heathcliff déglutit. Bien sûr qu'il n'avait pas de quoi payer. Il secoua la tête vaguement, pour le signifier à son interlocuteur. Dans le même temps, un éclat mauvais passa dans ses yeux couleur de jais. Ce maudit petit gratte-papier commençait à lui taper sur le système. L'autre se tassa sur lui-même.
-Vous me semblez assez solide et en bonne santé... Vous pouvez peut-être payer la traversée en nature... Je veux dire, comme membre de l'équipage...
Heathcliff lui jeta un regard froid et dur et l'autre rentra la tête dans ses épaules. Pour sûr, le jeune homme qui se tenait face à lui, quelque fût son véritable nom, le tuerais à main nues sans difficulté.
-Si je travaille pour vous, je veux une rémunération.
Il se pencha par-dessus la table et murmura un prix à son oreille. L'autre acquiesça à la hâte, trop heureux de s'en tirer à si bon compte. Il aurait pensé que le jeune homme lui demanderait plus. Heathcliff sourit. Tout juste ce qu'il lui faudrait pour s'acheter un cheval, de l'autre côté de la manche.
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Heathcliff se hissa au sommet du grand mat. L'air marin faisait voler ses cheveux, qu'il avait d'ailleurs eu le temps de laver. Son regard noir était fixé sur l'horizon. L'eau à perte de vue n'était pas sans lui rappeler les landes, tant de fois parcourues aux côtés de Catherine. Que faisait-elle à ce moment, son âme ? Il jura en l'imaginant au bras de Linton. Ou pire, dans ses bras. Répugnant ! Il préférait plutôt l'imaginer morte que dans ses bras. Le zéphyr soufflait son nom à ses oreilles. Cathy, Cathy, semblait-il murmurer.
Catherine était bien plus que tout ce que pouvait imaginer Linton. Il esquissa un sourire mauvais. Linton ne comprendrait jamais. Mais ce qu'il avait sans doute compris, c'est qu'elle était sa seule chance de goûter un jour à la vie. Lui, s'en était rendu compte dès cette fameuse soirée où elle était entrée pour la première fois à la Grange. Il avait remarqué qu'elle faisait luire dans leurs yeux bleus, si ternes et fades, une petite étincelle de vie, comme un pâle reflet de son visage éclatant de beauté et de vitalité. Elle représentait tellement à ses yeux ! Il n'y avait pas entre eux qu'une espèce d'attirance fatidique, mais une unité parfaite et ils en étaient conscients, tous les deux. Mais elle avait accepté d'épouser Linton, et cela, Heathcliff ne pouvait se l'expliquer.
-Earnshaw ! Cria une voix sur le pont. Earnshaw, bougre de fainéant, viens ici tout de suite !
Heathcliff se pencha et reconnu le quartier-maître qui l'appelait. Il eut le temps de le maudire un demi-million de fois avant de finir sa descente et de se présenter en face de lui, prêt à se prendre une sacré dérouillée. Cela ne le changeait guère d'Hindley et de Joseph.
-Earnshaw ! Qu'est-ce que c'est que ce boulot ! Ni fait ni à faire ! Tu vas me refaire ça, et plus vite que ça, par tous les diables !
Heathcliff eut un demi-sourire. C'était décidément très agréable d'entendre le nom d'Earnshaw associé aux pires insultes dans la bouche de cet homme qui n'avait aucune chance de rencontrer ce maudit Hindley. Presque jouissif. Un éclat mauvais éclaira ses yeux charbons. La vengeance d'Heathcliff prenait peu à peu forme dans son esprit.
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Heathcliff esquissa un sourire mauvais derrière son masque. Les cris de la dame emplissaient le paysage environnant. Pourtant, il s'inclina avec respect et élégance devant elle et le jeune homme qui l'accompagnait. En Angleterre il aurait immédiatement songé qu'il était son neveu, mais en France, il avait appris que les choses étaient quelque peu différentes.
-Bonsoir ma Dame, bonsoir monsieur, fit-il en baisant la main de la femme. Je vais vous demander de bien vouloir déposer tous vos objets de valeur dans ce sac.
Devant le geste de recul du jeune homme, il ajouta, non sans se départir de son élégance :
-Sinon, j'ai bien peur de devoir faire appel à mon ami, et j'ai bien peur qu'il soit moins accommodant que moi.
Et il désigna d'un geste désinvolte le révolver accroché à sa ceinture. La femme s'évanouit et l'homme qui l'accompagnait pâlit, s'empressant d'obéir à l'injonction du bandit. Ce dernier éclata d'un rire sonore lorsqu'il eut finit de déverser les objets de valeur dans le sac de toile qu'il lui tendait.
Heathcliff les laissa là, riant toujours, et regagna son repère, une mansarde perdue au milieu de la forêt, mais qui se trouvait toute proche d'une route qui reliait deux grandes villes dont il avait oublié le nom. Il s'installa à table, ravi de sa bonne soirée, et compta la somme amassée. Pourtant, une ombre planait sur sa bonne humeur. La femme qu'il venait de dépouiller avait de grands yeux, qui ressortaient sur sa peau diaphane, et ces yeux n'avaient pu que lui rappeler ceux de Catherine. Lorsqu'il s'endormit cette nuit-là, une paire d'yeux noirs lui reprochait sa fuite.
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Heathcliff jeta un dernier regard par-dessus son épaule. Voilà bien un endroit qui ne lui manquerait pas ! Il avait pu obtenir cette place d'étudiant-servant et terminer son éducation dans cet établissement après être revenu du continent avec quelque argent qu'il avait gagné en brigandages en tous genres, et y était resté quelques temps, mais pas plus que de raison. L'éducation était certes une belle chose, et ces quelques temps avaient également été mis à profit pour fomenter sa vengeance à l'égard des habitants des Hauts et de la Grange, mais le temps lui semblait long dans ce collège où il ne gagnait guère d'argent. Argent qui lui serait nécessaire à la mise en pratique de ladite vengeance.
Heathcliff talonna son cheval. Il recomptait mentalement ses économies, se demandant comment il pourrait les faire enfler. Le brigandage n'était pas envisageable sur le sol britannique, quant aux paris... Trop risqué. Il ne pouvait se permettre de perdre son modeste pécule. Il ne lui restait qu'une solution envisageable à ses yeux, et pour la mettre en pratique, il lui faudrait encore s'éloigner de Cathy, quitter à nouveau l'Angleterre, pour aller bien plus loin cette fois.
Il estimait son temps de trajet jusqu'à Bristol à quelques jours, tout au plus. Une fois à Bristol, il embarquerait sur le premier bateau en partance pour les Amériques. Il esquissa un vague sourire. Là-bas, il pourrait se couvrir de gloire dans la guerre d'indépendance qui y faisait rage. Et puis il reviendrait, fort de ses techniques de triche au jeu, et il pourrait ruiner Hindley. Et surtout, revoir Cathy. Il soupira. Cathy. S'appelait-elle désormais Catherine Linton? Lui avait-elle fait une ribambelle de petits Linton? Il fut pris d'un haut-le-cœur en imaginant sa Cathy dans les bras de cet odieux personnage. Catherine entourée d'une flopée de copies-conformes ternes de ce maudit magistrat de mes deux. Un frisson de dégout lui parcourut l'échine. Ah, elle se serait dégradée en l'épousant? Eh bien il allait lui montrer. Ça oui, elle allait voir ce qu'elle allait voir. Il lui montrerait que c'était en épousant Linton qu'elle s'était dégradée, et cet être sans vie, fade, qu'il n'avait de cesse de maudire allait ravaler sa superbe face à lui, il en faisait le serment.
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Heathcliff, il fallait l'avouer, s'était battu avec beaucoup de courage et de vigueur dans cette guerre. Quoiqu'il fût un peu indiscipliné, il faisait partie des héros de cette guerre, sans aucun doute. C'est avec un léger pincement au cœur que le sergent Ralph Golding, son supérieur, regarda s'éloigner celui qu'il connaissait sous le nom de Charles Earnshaw. Charles quittait l'armée. Il s'était couvert de gloire dans ce conflit, grâce à sa bravoure et à la force de ses bras. Ralph ne l'avait guère connu. D'ailleurs, malgré toutes les personnes que Charles avait côtoyées, aucune ne l'avait connu. Il était arrivé un beau jour pour combattre à leurs côtés dans ce régiment et s'était toujours tenu plus ou moins à l'écart, quoiqu'il n'ait jamais hésité à secourir ses camarades en difficulté.
Il avait sans doute été l'un des soldats les plus investis dans ce conflit, quoique personne n'aie jamais saisi en quoi ce dernier le concernait. Il avait l'air de se battre pour quelque chose, mais personne ne savait quoi. Pourtant, Ralph l'avait parfois entendu murmurer dans son sommeil. Ce n'étaient la plupart du temps que des baragouinages incompréhensibles où revenait régulièrement le mot de vengeance, associé au prénom d'Hindley, mais Golding se souvint qu'une nuit, peu après son arrivée, Earnshaw avait dit « Ce combat que je mène, c'est uniquement pour toi. », Golding s'était demandé qui était ce « toi », mais il n'avait jamais osé poser la question.
Golding soupira. Earnshaw venait de tourner l'angle de la rue. Qu'allait-il faire à présent? Personne ne savait. Sans doute avait-il une femme, une famille, qui l'attendait au pays, et qu'il était pressé de retrouver. Golding se souvint soudain l'avoir surpris torse nu, alors qu'il se baignait à la rivière. Il se rappelait un tatouage qu'il avait dans le bas du dos. Un nom. Quel nom était-ce déjà? Charlotte? Caroline? Il secoua la tête. Non... Voyons... Là, il se souvenait: Catherine. Charles lui avait avoué l'avoir fait faire en France, lors d'un séjour d'affaires sur le vieux continent. Golding avait supposé qu'il s'agissait de son épouse ou de sa fiancée. Mais il n'en savait pas plus. Et pourtant, Golding avait sans doute été la personne la plus proche de Charles Earnshaw.
Heathcliff jeta un regard par-dessus son épaule après avoir tourné l'angle de la rue. Il trouvait dommage qu'Hindley n'eut pas été un homme du caractère du sergent Golding. Tout aurait été plus simple. Il soupira. Malgré la distance, sa haine pour Hindley n'avait jamais tarit et son amour pour Cathy était resté égal, s'il n'avait pas encore augmenté – si cela pouvait se concevoir. Sa rancune envers elle n'était plus qu'un vague souvenir, même s'il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle l'avait répudié pour épouser ce bourgeois, et que, ce faisant, elle avait sacrifié tout ce qu'ils avaient en commun de proprement unique. Mais il ne pouvait que la pardonner. Qui eut pu rester fâché contre elle ? Heathcliff s'en savait incapable, et il savait que, comme lorsqu'ils étaient enfants, la plus grande punition qui put être inventée pour Cathy était de la tenir séparée de lui. Or, cela faisait à présent près de deux ans et demi qu'il avait quitté les Hauts, avec simplement sa chemise sur le dos et son égo piétiné par son amie. Amie. Décidément, jamais les mots ne seraient assez forts pour désigner leur relation.
Voilà pour aujourd'hui jeunes gens ! Oui, j'ai décidé de couper cette fic en deux, et oui, je suis méchante. Mais personne m'en voudra, n'est-ce pas ? La suite sera beaucoup plus courte, je vous préviens. J'ai coupé mon pavé de manière relativement arbitraire.
En espérant que le début de ma toute première fic vous ai plu,
Lûn
