Il y a longtemps que je vouais faire une fic dans l'univers de Nana. J'adore ce manga. Du coup, j'ai conservé l'histoire à l'identique et je n'ai fait que rajouter un personnage. (Et quel personnage !)
Tout ce passe du point de vue de Shin… J'espère que ça vous plaira. Dites le moi dans vos reviews (si ça vous plait pas aussi d'ailleurs :-p )
Bonne lecture !!!
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Chap I – Proposition indécente ?
- Shin ! Attend-moi ! J'ai une crampe !
- Allez, Nobu ! Magne-toi un peu. Je meurs de faim et je suis sur qu'Hachi nous à encore préparer un festin.
Je me retourne pour faire face à la misérable loque essoufflée qui monte péniblement les marches que je viens de grimper quatre à quatre.
- Pfff… Pfff… Je comprends vraiment pas comment tu peux monter aussi vite, vues toutes les clopes que tu t'envoies à longueur de journée.
- C'est ça la jeunesse, Papy !
- Attend un peu, toi. Tu vas voir.
Il se précipite sur moi et nous gravissons les deux étages restants en se courrant après comme deux gamins. A mon grand étonnement, Papy réussit à me dépasser dans le couloir et pousse la porte du 707 une seconde avant moi. Nous déboulons dans l'appartement comme deux fous-furieux.
Hachi, qui est habituée à nos gamineries, nous accueille avec son habituel :
- Bienvenue à la maison !
Elle est toute mimi dans sa petite robe rose à volants. Son sourire me fait fondre à chaque fois. Comme je l'avais prévu, il y a un tas de bonnes choses qui n'attendent que nous sur la table. Malheureusement, Nana et Yasu ne sont pas encore arrivés. Mon estomac proteste bruyamment en comprenant qu'il va être forcé d'attendre.
- Nobu, dit Hachi en se tournant vers lui. Il y a une amie à toi qui est là. Elle m'a dit que c'était Yasu qui lui avait donné l'adresse.
- Une amie à moi ?
La porte de la salle de bain s'ouvre alors et une jolie jeune femme apparaît dans la pièce en souriant.
- Satsu … ?
Il a l'air vraiment surpris de la voir. Il est devenu tout pale et quelque chose a du se débrancher là haut, vu son air ahuri.
- Salut, Nobuo. Ca fait un bail.
Nobu finit par reprendre des couleurs et par retrouver l'usage de sa langue.
- SATSU !!!
Il se précipite sur elle et la prend dans ses bras.
- Alors, gamin. Qu'est-ce que tu deviens ?
Satsu… Ce prénom me dit quelque chose. Nobu a du me parler d'elle un soir de beuverie. Mais je ne m'en souviens plus vraiment. Nobu dit tellement de chose quand il est bourré.
Hachi écrase une larme, toute émue par ces exubérantes retrouvailles.
- C'est si bon de te voir, dit-il en la serrant plus fort contre lui.
- Arg, Nobu ! Arrête ! Tu m'étouffes.
Il consent enfin à la lâcher. Il a l'air tellement heureux.
- Mais qu'est-ce que tu fais là ? T'as eu le mal du pays ? Tu t'es enfin décidée à revenir ?
- Tu as deviné. Je m'installe à Tokyo. Au moins pour quelques mois. Après, on verra.
- OUAIIIIIS !!! Nobu et Satsu à nouveau réunis.
- Dis. Tu pourrais me présenter, quand même, dit-elle, glissant un regard dans ma direction. Je vois que tu n'as pas appris les bonnes manières depuis que je suis partie.
- Je vous présente Satsu, fait-il en passant un bras autour des épaules de la jeune femme. C'est une amie d'enfance. Elle vient de la même ville que Nana, Yasu et moi. C'est aussi la cousine de Yasu, mais, dieu merci pour elle, il n'y a aucune ressemblance. Tu as déjà rencontré Nana. C'est la colocataire de notre Nana à nous. Alors pour ne pas confondre, on l'a surnommée Hachi.
- Enchantée, fait Hachi en s'inclinant.
Satsu lui rend son salut.
- Et lui, c'est Shin. Notre nouveau bassiste. Yasu a du te dire qu'on avait reformé les Black Stones à Tokyo.
- Ravie de te rencontrer, me fait-elle en me serrant la main et en me lançant un sourire craquant.
J'étais loin du compte, tout à l'heure, en la décrivant comme jolie. Elle est belle, tout simplement. Un peu petite à mon goût, mais vraiment belle.
- Alors c'est toi le nouveau bassiste. Tu as de courage de reprendre le flambeau. Ton prédécesseur, c'était quelqu'un, tu sais ?
Je vois Nobu grimacer.
- Ah ! Tu m'as tellement manqué ! s'exclame-t-il en la serrant encore dans ses bras.
- Tu n'as pas changé, décidément. Toujours aussi collant.
Nobu lui chuchote quelque chose à l'oreille. Il doit lui expliquer que ni Hachi, ni moi ne sommes au courant des liens existants entre les membres historiques de Blast et le ténébreux guitariste de Trapnest. Manque de bol pour Nobu, il y a déjà bien longtemps qu'il a craché le morceau. Note pour plus tard : si un jour j'ai un secret à garder, surtout ne rien dire à Monsieur Je-ne-peux-pas-la-boucler-quand-j'ai-trop-picolé.
- Ca fait longtemps que tu es à Tokyo ?
- Un peu moins de deux semaines. Je n'ai pas eu une seconde à moi depuis que je suis là. Il a fallut trouver rapidement un logement, je n'avais pas vraiment prévu de quitter Paris.
- Paris ! s'exclame Hachi, les yeux brillants d'émerveillement. Tu étais à Paris ? Ca devait-être super. Je rêve depuis toujours de visiter cette ville.
Tandis que les deux jeunes femmes discutent et que Nobu farfouille dans le frigo à la recherche des bières, j'en profite pour observer Satsu plus attentivement.
Je dirais qu'elle est plus âgée que Nobu. Du même âge que Yasu, sans doute. Ses longs cheveux noirs et raides descendent jusqu'au creux de ses reins. Ils sont ornés d'un chapelet de délicates perles nacrées qui rehaussent leurs couleurs d'ébène. Elle porte sur son corsage de soie noir un obi écarlate qui enserrent sa taille délicate et un jean slim troué aux genoux aux genoux ainsi que d'élégantes bottes en cuir noir. Ce mélange d'éléments traditionnels et contemporains aurait pu paraître étrange, mais étonnamment, le rendu est très esthétique. A vrai dire, je lui trouve vraiment beaucoup de classe.
Elle finit par se rendre compte que je l'observe et quand Hachi entame la longue liste des monuments de Paris qu'elle brûle de visiter, elle décale son attention dans ma direction et soutient mon regard sans la moindre gêne. Je sens ses grands yeux sombres mes jauger comme j'étais en train de le faire il y a un instant. Je ne baisse pas les yeux, habitué à être détaillé sous toutes les coutures par les femmes. Mais l'intensité de son regard provoque en moi un frisson inattendu que je sens courir agréablement le long de mon échine.
- Et les défilés Haute-Couture ? continu Hachi en sautillant sur place. Tu y as assisté ?
Elle reporte son attention sur son interlocutrice tout en remerciant Nobu pour la bière qu'il vient de lui tendre. Il me rejoint et m'en donne une aussi.
- Alors, fais-je en décapsulant la canette. C'est une ex a toi ?
Nobu devient tout rouge et se frotte la tête, un peu géné.
- En fait, fait-il en se penchant vers moi pour que je sois le seul à entendre, j'aurais pas été contre. Mais, pour elle, j'étais qu'un gamin. Elle me voyait plus comme une sorte de petit frère.
- Pauvre Nobu, je rigole. T'as jamais su y faire avec les femmes.
- Déconne pas ! J'avais que quinze ans, à l'époque. Et elle, dix-sept. Il y avait de quoi être impressionné. Nan mais regarde là ! Elle est encore plus belle qu'avant. C'est pas humain, un truc pareil.
Je m'abstiens de lui faire remarquer que quinze ans, c'est justement mon âge et que les femmes que je fréquente son bien plus âgées que ça. Mais il faut admettre que je suis un cas à part.
- Salut, tout le monde !!!
Nana vient de faire son entrée dans l'appartement. Plus notre premier concert approche et plus elle paraît joyeuse. Yasu la suit de son habituelle démarche nonchalante. Il est immédiatement stoppé par Satsu qui est venu se blottir contre lui. Je grille un éclair fugace de jalousie dans les yeux de notre chanteuse de charme.
- Salut, ma belle, sourit-il tranquillement. Comment tu vas ?
- Bien mieux, maintenant.
Cette fille est étrange. Il y a encore une seconde, c'était une femme splendide et sure d'elle et l'instant d'après, dans les bras de Yasu, elle ressemble à une petite fille perdue en manque d'affection.
Yasu fait les présentations avec Nana qui lui rend un salut plutôt glacial. Nous nous installons (ENFIN !!!) à table pour commencer à manger.
- Itadakimasu !!! je m'exclame et je me jette sur tous ce que je trouve d'appétissant à ma portée.
- Shin ! Vraiment, t'est qu'un goinfre, braille Nana en décapsulant sa bière. Essaie d'en laisser un peu pour les autres, cette fois-ci.
- Mais faut que je mange. Je suis en pleine croissance, moi.
Hachi émet un petit rire cristallin et je sens sur moi le regard amusé de Satsu, qui est venue s'asseoir juste en face, à coté de Yasu.
Le repas se passe tranquillement. Nous discutons du concert et de tous les progrès qu'ils nous restent à faire avant d'être enfin près. Nana se sent obligée de préciser que si Nobu n'était pas aussi nul à la guitare, nous serions prêts de puis bien longtemps. Il se met à pleurnicher en disant qu'il est un artiste incompris.
Hachi nous parle de son travail insipide et de sa chef hystérique qu'elle ne peut plus supporter. Elle pense d'ailleurs qu'elle serait beaucoup moins sur les nerfs si elle se trouvait un amant.
Satsu, elle, ne dit rien. Elle écoute, elle observe. Elle pose tour à tour son regard perçant sur chacun de nous. Moi aussi, je l'observe. Je n'ai pas mon pareil pour cerner les femmes. C'est un peu devenu mon métier, après tout.
Tout dans sa manière d'être, de se tenir, de parler et de manger me laisse penser qu'elle est de bonne famille. Une famille riche qui n'a pas du hésiter une seconde à lui payer des études hors de prix à Paris. Bref, le genre de fille qui n'a jamais eu à se demander comment elle allait finir le mois avec seulement quelques malheureux milliers de yens en poche.
- Dis, Satsu ? Qu'est-ce que tu faisais à Paris ? demande Hachi.
- Je suis peintre, répond-t-elle. Paris est une ville merveilleuse pour les artistes. J'ai appris beaucoup, là-bas.
Qu'est-ce que je disais ! C'est le genre de métiers qui ne rapporte pas. Elle doit sans doute encore vivre aux crochets de Papa et Maman.
-Mais le milieu artistique y est très fermé. J'ai finit par tourner en rond et par étouffer. C'est pour ça que je suis revenue.
- Ah bon ? sourit Nana. Moi, je croyais que tu étais revenue pour épouser Nobu.
- Nana !!! braille Nobu.
- QUOI ?! s'exclame Hachi.
- Ben ouais, insiste Nana. Tous les deux, vous êtes pas fiancés ?
- T'es qu'un sale hypocrite ! je lance à Nobu. Tu m'as dit que c'était pas ton ex.
- Tu aurais pu nous dire que t'étais fiancé ! pleurniche Hachi.
- Du calme, du calme, fait Yasu. Tout ça, c'est une vieille histoire. Pas vrai, Nobu ?
- Ouais, fait-il, l'air embarrassé. En fait, nos deux familles sont très portées sur la tradition. Le genre de famille qui préfèrent les mariages arrangés. J'étais l'héritier d'une auberge familiale, donc plutôt un bon parti et Satsu, l'une des héritières de la famille la plus riche de la ville, avec une dote très élevée. Tout ça c'est décidé quand on était encore gosses.
- C'est vrai. Mais comme il y a bien longtemps que je ne laisse plus mes parents décider de la manière dont je dois mener ma vie, cet accord n'est plus d'actualité.
- Pareil pour moi ! fanfaronne Nobu. De toute façon, moi j'aime les filles gentilles et discrètes. Satsu, c'est un vrai garçon manqué et… Aïeuuuuuuh !
Elle vient de lui balancer sa canette vide à la tête.
- Toujours aussi violente.
-. Tu as fini par suivre ta voix, fait-elle, reprenant son sérieux. Je suis contente pour toi
- J'ai pensé à toi, quand je l'ai fait. Ca m'as donné du courage.
Elle lui lance un clin d'œil et s'ouvre une nouvelle canette. On peut dire qu'elle a une sacrée descente.
- Quand je pense qu'on aurait pu être de la même famille, fait Nobu a Yasu en frottant son crane chauve. T'imagines ça, boule à zéro ?
- Mmh… Non, je ne préfère pas.
Je note les premiers signes classiques d'ébriété chez Nobu. Il n'a pourtant pas bu grand chose. Décidément, il ne tient vraiment pas l'alcool, celui-là.
La soirée se poursuit et les canettes se vident. Hachi à jeté l'éponge depuis bien longtemps et est partie se coucher. Quant à Nana, complètement ronde, elle entame son fameux répertoire de chansons paillardes. Yasu, en vrai gentleman qu'il est, décide alors qu'il est grand temps pour notre princesse de regagner son lit. Il l'aide à se lever mais elle s'accroche à son cou comme une sangsue.
- Mon Yasu à moi !! roucoule-t-elle. T'es si gentil ! Reste avec moi, cette nuit. J'en ai marre de dormir seule.
- Mais, oui. Mais, oui… On verra ça plus tard. Pour l'instant, il faut que tu dormes.
Il la prend dans ses bras et disparaît dans sa chambre.
- Elle lui fait souvent ce genre de proposition, me fait-elle, plutôt amusée par la scène.
- Seulement quand elle est saoule, je sourit.
- Et bien-sur, mon cousin est si chevaleresque que ça ne l'effleurerait même pas d'en profiter.
- Yassan, c'est le leader du groupe. C'est un peu comme notre grand frère à tous. Je sais que c'est quelqu'un de confiance.
- Plus que tu ne peux l'imaginer, me sourit-elle d'un air mystérieux.
Yasu ressort de la chambre de Nana et enfile sa veste.
- Bon, c'est pas tout ça, mais c'est que j'ai un vrai métier, moi. Demain, je me lève. Je vais prendre un taxi, fait-il à Satsu. Tu veux que je te dépose quelque part ?
- Mmmmh naaan… marmonne Nobu qui est en train de cuvé sa bière, allongé sur le banc, la tête posée sur les genoux de Satsu. Nan, Sa-chan… reste encore un peu.
Il resserre ses bras autour de sa taille, comme un paresseux agrippé à sa branche, un sourire bienheureux collé sur la figure.
- Ca ira, sourit-elle à Yasu. Mon vaillant destrier m'attend sagement en bas de l'immeuble. Je peux conter sur lui pour me ramener.
- Ah… Je me doutais qu'elle était à toi. Sois quand même prudente. Tu as pas mal bu, ce soir.
- C'est trop mignon de t'inquiéter pour moi. Ca me rappelle le bon vieux temps.
- Oui, mais tu es une grande fille, maintenant. Alors, je peux te faire confiance. Tu passeras nous voir, à la répétition de demain ? Le studio n'est pas loin d'ici.
- Je verrais si je peux me libérer à temps. J'ai rendez-vous avec un galeriste à Harakuju. Mais j'essaierai d'y être. Hachi a dit que vous étiez vraiment très bon, alors je veux entendre ça.
Il quitte l'appartement, les mains dans les poches, la démarche tranquille.
- C'est rassurant de voir qu'ils n'ont pas changés, fait-elle en jetant un œil à Nobu, toujours vautré sur ses genoux.
Je sors mon paquet de Black Stones et m'allume l'énième de la soirée.
- Je peux t'en taxer une ?
- Bien-sur, fais-je en lui tendant le paquet. Je ne pensais pas que tu fumais. Tu aurais pu m'en demander une plus tôt.
- C'est que… devant Yassan, je n'ose pas, avoue-t-elle en tirant une sèche du paquet.
- Pourtant, t'es une grande fille, maintenant.
- C'est ça, moque-toi, me sourit-elle. La vérité, c'est que mon cousin est la seule personne sur cette terre dont l'opinion ait une réelle importance pour moi. Je n'ai jamais pu supporter l'idée de le décevoir.
- Et Nobu ?
- Lui, c'est différent… Je pourrais devenir la pire des criminelles qu'il continuerait quand même à m'admirer. Il est comme ça, Nobu. Il a besoin de gens à idolâtrer pour le motiver. C'était pareil avec leur ancien bassiste.
Elle parle de Ren. Je me demande si elle le connaissait bien. Apparemment, elle et Nana n'avaient pas l'air de s'être déjà rencontrée. Même si Nana n'avait pas l'air très heureuse de la voir.
- Ca fait longtemps que tu le connais, Nobu ?
- Ouais, ça fait une paire d'années. En fait, c'est moi qui l'ai présenté à Yasu. Quand mes parents m'ont annoncé fièrement qu'ils avaient trouvé un bon parti a qui me marier, je venais d'avoir seize ans. Tu imagines comme j'étais heureuse d'apprendre que mon futur promis était un gamin de quatorze ans. Mais il n'était pas prévu qu'on se rencontre avant plusieurs années. Alors un soir, j'ai fait le mur et je suis allée tirer ça au clair. Je me souviendrai toujours de la tête qu'il a faite quand il a su qui j'étais. Il est passé par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Mais au final, on s'était bien trouvé, tous les deux. On avait les mêmes problèmes, la même famille un peu étouffante et ce même goût pour la liberté. On est très vite devenus amis.
Tout en parlant, elle tripotait machinalement la cigarette qu'elle venait d'accepter.
- Tu veux du feu ?
Elle hoche la tête tout en plaçant la cigarette entre ses lèvres. Je me lève, contourne la table et je me penche vers elle tout en allumant le briquet que je garde toujours autour de mon coup. Nos regards se rencontrent à nouveau et ne se quittent pas. Ses grands yeux en amande me scrutent avec une telle intensité que j'ai l'impression d'être passé aux rayons-X. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres lorsqu'elle s'approche un peu plus de moi pour allumer la Black Stones et je sens encore ce frisson courir dans tout mon corps. Bon sang ! Je n'ai pas ressenti ça depuis… En fait, je crois que c'est la première fois qu'une fille me fait autant d'effet. Je finis par parvenir à m'arraché à son regard et je rejoins ma place, comme si de rien n'était.
Elle tire une longue bouffée et expire un nuage opaque avec délectation.
- Ca, c'est trop bon…
- C'est étonnant que tu les aimes. Elles sont assez particulières.
- Elles ont un goût à la fois suave et puissant, subtil sans être insipide. Exactement ce que j'aime.
Ces deux simples phrases ont glissé très lentement de ses lèvres, comme si elle goûtait chaque mot qu'elle prononçait.
Ca aurait peut-être échappé à un mec normal, mais en tant que professionnel de ce genre de chose, j'ai très bien compris le message. Je ne sais pas si je lui plait réellement, mais en tout cas, elle est en train de tester son charme sur moi. Habituellement, c'est toujours à ce moment là que j'aborde l'épineuse question du tarif. Mais cette fille, c'est la cousine de Yasu. J'ai envie de croire que le peu de moralité qu'il me reste m'empêchera de faire une chose pareil.
- C'est un briquet original que tu as là. Je peux voir ?
J'acquiesce et lui le lui tends. Elle l'attrape et le scrute avec la même intensité qu'elle l'a fait avec moi un instant plus tôt.
- Ca t'embête si je fais un croquis ?
- Nan, bien-sur… Vas-y.
Elle tente de se lever, mais Nobu-la-glue ne l'entend pas de cette oreille.
- Ooooh, Sa-chan… m'abandonne pas.
- Nobuo ! T'es vraiment lourd.
Elle finit par parvenir à ses fins et j'entends la tête de Nobu retomber lourdement sur le banc avec un bruit sourd. Il émet un grognement indistinct et se rendort aussitôt.
Satsu est allée à son sac et en est revenue avec un bloc note et un crayon à papier. Elle prend une chaise et s'y assoit, me tendant mon briquet.
- Tu peux le tenir devant toi un instant. J'en ai pas pour longtemps, promis.
Je m'exécute. Elle commence son croquis et je suis soufflé par la rapidité avec laquelle sa main se déplace sur le papier. Ses yeux font l'aller retour entre le briquet et son bloc, j'entends glisser la mine sur la feuille, je vois ses doigts caresser le papier avec douceur et dextérité. Nouveaux frisson… Putain, Shin ! Qu'est-ce qui t'arrive ? Si t'es en manque d'affection, achète-toi un hamster !
- Voilà. C'est terminé.
- Je peux voir ?
Elle retourne son bloc et me montre son croquis. Enfin… C'est très loin de l'idée que je me faisais d'un croquis. Les ombres, l'épaisseur des traits…C'est tellement travaillé que j'ai l'impression que le briquet est en relief. Je ne m'y connais pas beaucoup en art et tous ces trucs là, mais là, je suis vraiment impressionné.
- Wow !!! T'es vraiment douée !
- Merci, me sourit-elle. Tu reprends une bière ? Je vais m'en chercher une.
- Je veux bien, merci, fais-je en me souvenant soudain de ce qu'elle avait commencé à me raconter. Tu disais que c'était toi qui avais présenté Nobu à Yassan ?
- Ouais. A l'époque, Yasu commençai tout juste à jouer dans un groupe. Il m'emmenait souvent en concert. C'était la seule personne avec qui mes parents me laissaient sortir. Quand Nobu a appris ça, il m'a fait la vie pour que je l'emmène aussi. J'ai fini par céder.
- Alors, tu as du assister aux débuts de Blast.
- Non, je suis partie juste avant.
- C'est pour ça que tu ne connaissais pas Nana.
Elle hoche la tête tout en descendant d'une traite la moitié de sa bière.
- Je suis contente de pouvoir retrouver tout le monde à Tokyo. Je n'avais pas l'intention de m'installer dans mon trou perdu natal. Je savais que Nobu finirait par refuser d'hériter de tout. C'était pas une vie pour lui.
- Ouais, mais à part Yasu qui a un emploi fixe, les autres galères plus ou moins avec des petits boulots.
- Il fait quoi, Nobu ?
Je hausse les épaules.
- Ca varie. Parfois, il est serveur… Il fait aussi des déménagements.
- Et toi ? T'es encore au lycée ?
- Nan, j'ai arrêté. Je suis pas vraiment fait pour les études.
- Pourtant, t'as l'air d'un garçon intelligent.
- C'est pas la question. J'ai juste eu envie de vivre ma vie. C'est tout.
- Je comprends ça.
Je doute sincèrement qu'elle puisse comprendre quoi que ce soit à ma vie, vu comme elle à l'air surprotégée par sa famille. Mais je ne dis rien. Après tout, je passe un moment agréable avec elle.
- Alors, tu es parti de chez toi ?
Je l'observe un instant, me demandant comment elle a déduit ça aussi vite. Je hoche la tête.
- Et tu vis où ?
- Chez Nobu, une partie du temps.
- Et pour le reste ?
En temps normal, cet interrogatoire m'agacerait sérieusement. Mais elle n'a pas l'air de me juger en quoi que ce soit. Elle pose simplement la question. Avec la même intonation que si elle me demandais ma couleur préférée ou le temps qu'il fera demain.
Rien ne me force à lui répondre. Après tout, je la connais à peine. Mais j'ai comme l'envie de la tester, de voir sa réaction. D'un coté, c'est une fille de bonne famille, mais de l'autre, elle m'a l'air plutôt ouverte d'esprit. C'est un bon moyen de savoir à qui j'ai à faire.
- Le reste du temps, je dors chez des femmes qui payent pour ma compagnie.
- Pour ta compagnie, ou pour ton corps ?
- Pour les deux, on va dire.
C'est étrange, elle n'a pas vraiment l'air surprise par ce que je viens de lui dire. Comme si elle m'avait déjà cerné depuis le début. Curieuse sensation.
- Et ça rapporte ? demande-t-elle avec la même curiosité détachée.
Je hausse les épaules.
- J'ai pas à me plaindre. Je n'ai que quinze ans et je ne peux pas avoir de vrai travail. Mais je suis sur qu'en quelques nuits par semaines je me fais plus que Nobu qui travail comme un forcené du lundi au dimanche. C'est de l'argent gagner plutôt facilement. Et, sans me vanter, j'ai pas mal la cote avec les femmes.
- Ca, je veux bien le croire.
En définitif, elle n'a vraiment pas l'air choquée. Plutôt amusée, en fait.
- Et tu prends combien pour la nuit ?
- Ca dépend de pas mal de chose. De la femme, de la nuit, de l'argent dont j'ai besoin a ce moment là…
- Disons pour cette nuit… et avec moi.
Alors là, je crois que c'est elle qui me teste. Mais j'ai beau scruter son regard sombre, impossible de savoir si elle bluff. Après tout, si elle veut jouer, on peut s'amuser un peu.
Après un instant de réflexion, j'annonce un prix prohibitif histoire de tester sa motivation.
- 120 000 yens (environ 800 euros.)
Elle aussi réfléchit un instant. Elle me sourit et repose sa bière sur la table.
- C'est vendu.
Merde ! Mais c'est qu'elle à l'air sérieuse, en plus ! Elle se lève, va chercher son sac et enfile une longue veste en cuir.
- Alors, qu'est-ce que tu attends. Tu viens ?
- Je leur laisse juste un mot, histoire qu'ils ne s'inquiètent pas s'ils me voient pas, demain.
Elle me tend son bloc note, j'en arrache une feuille et griffonne à la vas-vite : « Parti chez Satsu. Je passe la nuit là-bas. Je vous retrouve demain, au studio. Biz ! Shin. »
Je n'ai pas vraiment l'intention de la suivre mais j'ai envie de jouer le jeu le plus longtemps possible. A vrai dire, je m'amuse comme un petit fou.
Je la suis dans le couloir et nous descendons les sept étages en silence. J'observe la masse miroitante de ses longs cheveux noirs balayer ses hanches. Une femme sublime comme elle n'a pas besoin de payer pour trouver un homme. Mais je sais que ça ne veut rien dire. Beaucoup des femmes qui paient pour mes faveurs sont jolies voir très belles.
Arrivés en bas, elle se dirige vers une superbe moto de course et en détache l'anti-vol. Elle ouvre le coffre, en sort un casque et me tend le second. C'est là que je sors l'excuse imparable qui va me permettre de refuser son offre sans la vexer.
- J'aurais du te le dire avant, mais il faut payer d'avance.
Je sais qu'il est quasiment impossible qu'elle se balade avec une telle somme en liquide sur elle. Pourtant, elle me sourit et détache de ses cheveux la broche sur laquelle est accroché le chapelet de perles fines. Elle prend ma main et y dépose le bijou.
- Tient, tu n'as qu'a prendre ça en gage de ma bonne foi. Ca vaut au moins le double.
Alors là, je suis coincé. Le meilleur moyen de m'en sortir est encore de dire la vérité.
- Ecoute… Si je t'ai suivi, c'était seulement pour savoir si tu étais vraiment sérieuse. Mais apparemment, tu l'es, alors je dois être franc. Tu es très belle et je n'ai pas l'habitude de refuser du boulot mais… Enfin, tu comprends, Yasu et Nobu sont vraiment importants pour moi. Le groupe est important. Si je fais ça, je sais qu'ils vont m'en vouloir à mort. Alors… Il ne vaut mieux pas.
Elle n'a pas du tout l'air d'être vexée. Elle me sourit.
- Tu es vraiment quelqu'un de bien, Shin-chan. Je suis contente que Yasu ait trouvé quelqu'un comme toi pour compléter le groupe.
- Alors, toi aussi, tu me testais ?
- Non, pas vraiment. En fait, j'ai vraiment besoin de tes services pour la nuit. Mais pas pour faire ce que tu penses.
- Pourquoi, alors ? fais-je, intrigué.
- Ca te dirait de poser pour moi ?
Blanc. Je m'attendais à tout sauf à ça. Je finis vraiment par avoir l'esprit mal placé avec ce job.
- Tu veux que je sois ton modèle ?
Elle hoche la tête, amusée par mon air perdu.
- C'est que… Je n'ai jamais fais ça avant.
- Pas d'importance. Ca n'a rien de sorcier, tu verras. Alors, toujours partant ? fait-elle en me tendant de nouveau le second casque.
Après tout, pourquoi pas ? Il n'y a rien de mal là dedans et je suis du genre à apprécier les expériences nouvelles. Je prends donc le casque et l'enfile.
- Tu as déjà fait de la moto ?
- Nan, jamais.
- Tu t'accroche bien à moi et surtout tu te penches bien dans les virages comme je le fais. Sinon, on va tous les deux au tapis. Compris ?
Je hoche la tête. Elle enfourche son engin, le démarre, et je m'installe derrière elle, passant mes bras autour de sa taille. J'ai à peine eu le temps de m'accrocher à elle qu'elle a déjà mis les gazes.
Après un temps d'adaptation, je me rend compte que j'aime la vitesse. Elle fait s'engouffrer le vent dans mes vêtements et brouille le paysage autour de nous, c'est tellement grisant. Je ne sais pas où je vais, ni qui est vraiment la femme que je sers dans mes bras. Mais je me sens tellement libre. Et j'aime ça…
Tu sais Sa-chan… A cette époque, je croyais savoir ce que je faisais de ma vie. Je croyais tout maîtriser. Mais c'était faux. Tout ce que je faisais, c'était fuir. Ma famille, mon passé… tout ce qui aurait pu être une attache pour moi. Et j'étais loin de me douter, à cet instant, serré tout contre toi, filant à un train d'enfer à travers la nuit glacée, que tu serais celle qui me réapprendrait à vivre, sans me soucier des blessures. A être heureux, tout simplement.
Travel to the moon,
Kimi wa nemuri yume o toku…
