Comme pour le premier opus déjà publié sur ce site, cette nouvelle Saison prévue en 12 chapitres a été écrite en premier lieu en support du jeu de rôle gratuit Mass Effect: Nouvelle Ère. Dans la droite ligne de l'univers dérivé tel que remanié dans ce jeu, les héros de cette aventure appartiennent à un Groupe d'Enquête, Infiltration & Sécurisation Trans'espèce (GEIST), petite unité d'élite opérant sous les ordres d'un agent Spectre pour le compte du Conseil, quelques vingt années après la destruction des Moissonneurs.

Donc, pas ou peu de personnages issus de l'univers officiel... En lieu et place, les membres de l'équipe déjà présentés lors de la première Saison, qu'il reste préférable d'avoir lue au préalable: Dame Guerdan Qoliad, la Spectre asari six fois centenaire, au visage marqué mais à la pugnacité intacte; Feylin Adamas, sa congénère aussi douce en apparence que mortelle au corps-à-corps; Damon da Costa l'intrépide lieutenant N7 de l'Alliance, sorcier du tir de haute précision; l'ingénieur Sudaj Lenks, ancien baroudeur du GSI galarien; et pour finir, un petit nouveau rattaché à l'Unité N°1 depuis seulement quelques missions: Andrak Atkoso'dan, gigantesque chasseur de primes butarien venu des Systèmes Terminus, anti-esclavagiste militant et redresseur de torts bénévole à ses moments perdus...

..Et bien sûr toujours leur vaisseau d'attache, la frégate de classe Normandy SSV Citadel, sous les ordres du commandant Joe Hackett.

Usual disclaimer: Les technologies, les espèces, et la plupart des mondes exploités dans les lignes qui vont suivre sont issus de l'univers existant dans les jeux vidéo développés par Bioware (suppléments téléchargeables compris), et dans les romans écrits par Mr Drew Karpyshyn.

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Épisode 1: Flambée de pruneaux sauce krogane !

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Crête Apienne – Système Castellus – Planète Digeris –
8e niveau souterrain du port commercial d'Apparitus, entrepôt 852B

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-–- Je vous sens un tantinet crispés, les garçons, plaisanta Feylin. Allez, détendez-vous: je suis sûre que tout va bien se passer...

-–- Tu devrais suivre cours de théâtre, rétorqua Lenks d'un ton rapide, mais peu convaincu. Meilleur moyen arriver à rendre crédible pour les autres ce dont tu n'arrives pas te persuader toi-même...

Le Galarien avait raison, comme d'habitude: Feylin Adamas ne pouvait se mentir à elle-même, et en dépit de sa longue et riche expérience en tant que chasseresse biotique, elle ressentait bel et bien une lourde boule au ventre à l'approche de la confrontation qui s'annonçait. L'Asari allait en effet devoir interpréter sous peu le rôle de la négociatrice envoyée conclure un achat de matériel ultra-sensible, auprès d'une des factions mercenaires les plus justement redoutées de la galaxie!

Deux de ses collègues agents, Andrak Atkoso'dan le gigantesque Franc-tireur butarien, et Sudaj Lenks le frêle ingénieur et opérateur de drones galarien, se tenaient derrière elle en armures de combat intégrales afin d'endosser le rôle de ses gardes du corps pour cette rencontre. Désireuse de maintenir ses interlocuteurs dans une confiance trompeuse, Feylin avait quant à elle dû troquer sa propre armure légère pour une élégante robe bleu béryl, sans armes visibles. Bien sûr, cela ne l'enchantait guère; mais en cas de besoin, elle savait pouvoir compter sur le soutien des deux derniers membres de l'équipe inter-espèces, habilement dissimulés ailleurs dans cet entrepôt souterrain à l'abandon: le lieutenant-major de l'Alliance Damon da Costa, Sniper émérite qualifié N7; et la Spectre asari Guerdan Qoliad, la très énergique et très expérimentée responsable de l'Unité GEIST N°1.

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Une semaine plus tôt, les services de renseignements personnels du Primarque de Palaven lui avaient révélé qu'un coup d'état se préparait sur Invictus, un monde turien situé dans le secteur du Désert de Minos. Depuis sa fondation assez récente, cette colonie agricole était la proie d'une anarchie endémique due à l'afflux de criminels venus des Systèmes Terminus. De nombreux mouvements politiques radicaux étaient nés de cette situation intenable pour les malheureux résidents de ce monde; et l'une des plus récentes et des plus virulentes parmi ces mouvances se trouvait être dirigée par Légius Tector, rien moins que le gouverneur militaire d'Invictus. Or les agents du Primarque venaient de découvrir que le général Tector orchestrait à brève échéance un attentat spectaculaire qui aurait causé la mort de milliers de citoyens turiens. Il aurait alors été en mesure d'attribuer cette atrocité aux "forces de déstabilisation étrangères" et autres "factions criminelles incontrôlables", afin de justifier l'instauration de la loi martiale, la fermeture des frontières du système Caestus, et la prise des pleins pouvoirs par le gouverneur militaire – en prévision pensait-on d'une sécession d'Invictus d'avec la Hiérarchie turienne.

Légius Tector possédait de nombreux appuis politiques au sein de la Hiérarchie, et ne pouvait donc être destitué sans preuves solides. Son discours autoritaire ne manquait pas non plus de partisans à tous les niveaux de l'armée et des services secrets turiens. Aussi c'est au Conseil de la Citadelle, et aux équipes d'intervention spéciales de celui-ci, que le Primarque avait préféré confier le soin de déjouer l'attentat et de confondre le général factieux.

Les renseignements conciliens avaient pu déterminer par quel moyen Tector comptait faire sur Invictus un nombre colossal de victimes exclusivement turiennes. Ses agents devaient acquérir un chargement de Lémure, un puissant neurotoxique développé lors de la terrible Guerre de l'Unification qui avait déchiré les colonies turiennes, près de trois millénaires plus tôt. Ce poison n'était mortel que pour les organismes dont la physiologie est basée sur des acides dextro-aminés, tels que les Turiens (et donc sans doute aussi les Quariens, bien qu'aucun test n'ait jamais été mené à ce sujet – officiellement du moins!). Aucun stock de Lémure ne subsistait plus nulle part, et la formule en avait été perdue. Mais les agents de Tector avaient pu découvrir l'existence d'une ultime bonbonne, une relique toujours active au bout de nombreux siècles, détenue dans les trésors de guerre du dangereux groupe mercenaire des Berserkers. Les Turiens avaient donc pris contact avec les chefs krogans de cette puissante armée privée, en vue d'acheter à prix d'or ce sinistre vestige des guerres du passé.

L'interception et la mise en échec de l'échange avaient été confiées à l'Unité GEIST N°1, sous la direction de Dame Guerdan Qoliad – l'une des plus anciennes Spectres au service du Conseil. La petite cellule d'enquêteurs chevronnés était parvenue à remonter la trace des agents de Tector jusque sur Digeris, un monde développé situé en plein cœur de l'espace turien. Là, ils avaient pu identifier l'équipe d'acquisition des conjurés; la prendre en embuscade et la neutraliser discrètement, sans pertes dans leurs rangs; puis faire parler l'unique survivant, un dénommé Turnus Védrim, l'homme de confiance du général, en sorte d'obtenir les coordonnées du lieu prévu pour l'échange...

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...Et à présent, Feylin Adamas et ses deux "gardes" attendaient l'arrivée de leurs contacts dans cet entrepôt crasseux, non sans une réelle appréhension. On pouvait difficilement trouver sur une capitale planétaire aussi populeuse qu'Apparitus un endroit plus reculé que ce niveau de stockage désaffecté dans les bas-fonds du spatioport commercial. Une lumière réduite venait parcimonieusement éclairer les containers laissés épars au sol, et les caisses empilées sur les rayonnages latéraux depuis la Déesse savait combien d'années. Une généreuse couche de poussière par endroits prouvait l'état de déshérence où étaient tombées la plupart des marchandises stockées ici. Le squelette d'un gros engin de levage rouillé et cannibalisé, abandonné près du grand portail coulissant bloqué en position entrouverte, parachevait l'impression de déréliction qu'inspirait l'endroit. Au temps pour la réputation d'organisation infaillible des Turiens, songea Feylin.

Derrière elle, Andrak et Lenks étaient équipés de casques à visière afin de dissimuler leurs visages: simple précaution imposée par Dame Qoliad. Andrak Atkoso'dan, chasseur de primes de sa profession, et justicier indépendant par vocation, s'était en effet taillé une réputation détestable parmi les organisations criminelles les plus violentes des Systèmes Terminus; et nombre de guerriers krogans du clan des Berserkers en particulier, auquel nos trois agents allaient bientôt faire face, auraient été plus que ravis de ramener la peau du géant butarien en guise de trophée – après avoir dévoré le reste sur place! En ce qui concernait Sudaj Lenks, ce vétéran du GSI galarien spécialiste en explosifs s'était quant à lui généralement cantonné à des frappes beaucoup plus discrètes et anonymes; mais cela ne l'empêchait peut-être pas de s'être fait lui aussi son propre fan-club au fil des années, allez savoir...

Au terme d'une longue attente, Andrak nota sur son scanner des mouvements dans la coursive d'accès à l'entrepôt: trois points de masse élevée se déplaçant dans leur direction à vitesse de marche. Peu après, trois Krogans cuirassés de lourdes armures rouges et noires vinrent s'aligner sans un mot dans l'encadrement du portail, face aux trois agents. Il y avait encore seulement vingt ans, la seule présence de ces gigantesques sauriens bipèdes aurait pu causer une émeute dans les rues d'un vieux monde de l'espace turien tel que Digeris, qui avait été durement meurtri lors de la Rébellion Krogane quinze siècles plus tôt. Toutefois, depuis la Guerre du Dernier Cycle et la participation active des clans de Tuchanka aux rudes combats livrés aussi bien sur Palaven que sur Terre, cette espèce longtemps redoutée commençait à trouver sa place un peu partout dans la galaxie.

Ces Krogans-ci en tout cas étaient quant à eux décomplexés au point d'afficher bien en vue, poché sur leurs épaulières, le crâne blanc qui proclamait agressivement leur appartenance au très redouté groupe mercenaire des Berserkers. Celui d'entre eux qui semblait être le chef était d'une stature surpassant de beaucoup ce que les agents avaient jamais vu de plus impressionnant, même au sein de son espèce; et la cruauté bestiale qui luisait ses yeux ne s'accompagnait pas de cette impression de stupidité bornée lisible sur la face de bien des guerriers de son peuple. Un des deux autres Krogans, plus menu et revêtu d'un modèle d'armure technique assez peu usité, était vraisemblablement l'ingénieur du groupe: une spécialité qui commençait seulement à prendre son essor parmi cette espèce essentiellement vouée au combat au contact.

Feylin se rappela qu'il existait toujours une inconnue de poids lorsque se présentait le moment d'affronter un seigneur de guerre krogan: tous étaient déjà à coup sûr de formidables combattants – vifs, puissants, endurants, et riches de nombreux siècles d'expérience dans l'art de la guerre; mais un petit nombre d'entre eux pouvaient en outre se révéler être de redoutables Foudres, maîtrisant au plus haut niveau des talents biotiques dévastateurs. Avec un peu de chance, tenta de se rassurer Feylin, elle n'aurait finalement affaire à rien de plus insurmontable qu'une montagne de muscles d'acier presque intuable...

Demeurant sur le seuil du hangar sans encore sembler prêter attention au trio d'aliens dépareillés qui lui faisait face, le chef krogan tourna la tête vers son ingénieur, et lui intima un ordre convenu d'un simple claquement sec de la langue. L'autre s'empressa de déployer une, puis deux petites sphères flottantes parcourues d'un halo orangé. Ces drones s'envolèrent aussitôt en plusieurs points successifs de l'entrepôt, qu'ils inspectèrent à la recherche de toute trace de vie organique ou d'activité synthétique: s'aventurant au sommet des rayonnages, entre les caisses, et au plus près des parois des containers, ils dardaient un filet de lumière bleutée en chaque endroit qu'ils scannaient avec une minutie toute mécanique. Ce n'est que lorsque les deux engins revinrent vers leur opérateur – scan négatif, secteur sécurisé – que le grand chef krogan s'avança dans le hangar vers l'Asari et ses gardes du corps:

-–- Vous êtes qui, vous? Je croyais qu'on devait faire affaire avec des Turiens. Des Turiens assez tordus pour vouloir acheter ce poison à Turiens; mais ça c'est pas mes oignons, tant qu'on me paie... En tout cas, il te manque un peu trop de carapace sur la gueule pour passer pour un de ces foutus piafs gris, ma jolie...

-–- Mon employeur préfère s'impliquer le moins personnellement possible dans cet échange, répondit Feylin avec aplomb. Son nom ne devra donc pas être prononcé ici. Mon nom à moi est Béryllia, et c'est avec moi que vous allez traiter.

-–- Appelle-moi Oorlog, Asari. Et le reste de mon nom ne te regarde pas. Dis-moi un peu, où est la marchandise sur laquelle on s'était entendus? Où est le stock d'ézo raffiné qu'on m'avait promis? Je ne poursuis pas l'échange sans avoir vu les containers...

La pseudo Béryllia avait conscience qu'elle était en train de jouer son va-tout. Si la brute krogane n'avalait pas l'énorme couleuvre qu'elle allait lui servir, la situation risquait de dégénérer en massacre bien plus tôt que prévu.

-–- Certaines circonstances nous ont obligés à réviser les termes de notre accord, Oorlog. Le stock d'élément zéro intraçable qui était en notre possession... ne l'est plus. Mon employeur offre en lieu et place de vous verser la valeur équivalente en crédits galactiques, proposa Feylin en activant son Omnitech, plaçant entre elle et le Krogan le gantelet doré qui s'était matérialisé autour de son avant-bras. Un compte parfaitement clean – blanchi dans les banques volus d'Irune, c'est tout dire. Avec un bonus de 10% sur la somme prévue, en guise de compensation.

Tout le volume du hangar résonna d'un rugissement dantesque lorsqu'Oorlog exprima son désaccord sur la proposition de Feylin. Elle-même ne put s'empêcher de reculer d'un pas.

-–- Tu te payes mon carré, Asari?! Il nous faut cet ézo, maintenant! Tu sais très bien que nous autres Berserkers, on ne peut pas se fournir sur les circuits officiels! Et le prix de l'ézo au marché noir est bien supérieur de près de la moitié à celui du cours de la Bourse concilienne! La moitié, tu captes?!...

-–- Je comprends, Oorlog. Et je suis autorisée à traiter une réévaluation allant jusqu'à 20%; mais pas un crédit de plus. De toute façon, je doute que vous puissiez trouver un autre client pour une marchandise aussi sensible. Flinguez cette négociation, et vous vous retrouverez avec un précieux stock de neurotoxiques totalement infourguable sur les bras...

-–- Putain, mais c'est pas juste la négo' que je vais flinguer, là! fulmina le Krogan alors qu'il décrochait une redoutable mitrailleuse légère Revenant du dos de son armure.

En moins de deux secondes, des armes étaient apparues entre les mains de tous les participants présents. Sauf bien sûr dans celles de Feylin qui n'en portait pas, et qui présentait ses paumes vides aux deux parties en signe d'apaisement. L'Asari était persuadée que l'embrasement de la situation pouvait encore être retardé – au moins jusqu'à ce que le Lémure soit physiquement présent sur le lieu des pourparlers. Le pari était risqué; mais elle savait que si Oorlog revenait chez les Berserkers sans ramener autre chose que l'embarrassante cargaison toxique qu'on lui avait confiée, il courait le risque de voir sa cote baisser fortement parmi les siens. Et elle savait que le Krogan le savait aussi...

De fait, Oorlog finit par abaisser le canon de son arme, imité en cela par ses comparses, puis par Andrak et Lenks. Mais c'est la lippe encore frémissante de rage qu'il aboya un ordre sec dans son communicateur:

-–- Amenez la dope! Qu'on en finisse, avant que je pète quelque chose!...

Dans l'attente, le gigantesque chef krogan se mit à arpenter nerveusement son côté du hangar, l'œil rougeoyant toujours fixé sur ses vis-à-vis, semblant tenter de faire redescendre la température. Pour autant, aucune des armes déployées n'avait encore regagné le logement dorsal d'une armure, et la situation demeurait tendue à l'extrême. Au bout de cinq très, très longues minutes, trois Vortchas armés entrèrent dans le hangar par la même porte que les Krogans, trois parfaits exemples de la chair à canon qu'on employait chez les Berserkers: crétins, hargneux, et sacrifiables. L'un d'eux poussait un antique chariot à quatre roues sur lequel avait été précautionneusement arrimé un long cylindre de métal gris-bleu, couleur sang de Turien, d'environ la taille d'un homme. Oorlog n'accorda qu'un bref regard de mépris à l'entrée de cette arme indigne, avant d'adresser un signe de tête à l'intention de la négociatrice asari.

La fausse Béryllia s'avança seule et effectua à pas lents le tour du cylindre de neurotoxique; puis activant l'Omnitech sur son avant-bras, elle le fit passer sur les parois du réceptacle afin de scanner et d'authentifier les notices en caractères turiens et puces d'encodages qui s'y trouvaient. Tandis que l'Asari qui se livrait à ces examens minutieux retenait l'attention des deux groupes, le Krogan le plus menu, l'ingénieur des Berserkers, se rapprocha discrètement de son chef et commença à échanger avec lui des murmures à très basse fréquence vocale:

-–- Hé, Oorlog! Tu as vu ce que ce grand mastard de Butarien a entre les mains?

-–- Ouais. C'est un fusil Chasseur... une arme de Cerberus. J'en avais encore jamais vu en vrai...

-–- Et t'en connais beaucoup, toi, des Butariens hyper-balèzes qui se trimballent avec une pièce de collection de chez Cerberus?

-–- Je... Bordel! hurla le chef krogan. C'est Andrak! Ce putain de justicier de mes quatre! C'est un piège, les gars! Feu! Butez-les tous!

Le plan de Feylin vola en éclats lorsque l'initiative se retrouva brusquement du côté des Berserkers. L'Asari avait prévu d'attendre pour déclencher les hostilités que le cylindre de Lémure soit passé de son côté du hangar, et que les mercenaires soient concentrés sur le moment du transfert des crédits. Et là, les trois agents du Conseil se retrouvaient à découvert, à très courte portée d'ennemis supérieurs en nombre et en armement... Handicap supplémentaire, ils ne pouvaient en aucun cas se permettre d'endommager la bonbonne de neurotoxique restée sur son chariot en plein milieu du champ de bataille – pas dans ce hangar qui ventilait vers la surface d'une capitale turienne densément peuplée! Bien sûr, leurs adversaires pouvaient quant à eux ignorer ce genre de restriction...

Les tirs croisés commencèrent à fuser au travers du vieil entrepôt. Les nuages de poussière qui fleurissaient dans la lumière tamisée à chaque impact de balle donnaient une touche surréaliste à l'affrontement. Placée en première ligne, Feylin dut faire un choix rapide: elle était bien trop proche des Berserkers pour prendre l'élan nécessaire pour une de ces renversantes charges biotiques dont elle avait le secret; et puis sans son armure, elle aurait subi bien trop violemment le contrecoup des impacts qu'elle aurait portés. Pour la même raison, elle ne se sentait pas trop emballée non plus à l'idée d'engager au corps-à-corps le géant krogan dont elle était le plus proche. Au final, l'Asari se contenta de prendre du champ en renversant le guerrier d'une violente poussée biotique, avant d'exploiter la célérité amplifiée que lui conférait son entraînement de chasseresse pour rejoindre à une vitesse stupéfiante un abri d'où couvrir ses compagnons. Elle y récupéra au passage sa mitraillette Locust là où elle l'avait dissimulée, puis ouvrit rapidement le feu sur l'un des Vortchas.

Andrak, plus proche du même empilement de caisses, s'y était déjà jeté aux premiers hurlements d'Oorlog. Quant à Lenks, plus éloigné de tout refuge, il avait focalisé les tirs ennemis sur lui dès le début de l'engagement. L'ingénieur galarien avait activé l'une des fonctions de son Omnitech en sorte de déployer devant lui un grand pavois hexagonal translucide, vaguement bleuté. Les écrans fixes qu'il savait produire se révélaient généralement assez durables à l'usage. Mais cette fois, la grêle de balles à laquelle fut soumise la protection cinétique eut raison de celle-ci en un rien de temps: le pavois se désactiva d'un seul coup, laissant Lenks totalement exposé à découvert. Lorsque ses boucliers seraient tombés, son armure technique trop légère ne l'empêcherait pas d'être rapidement haché menu...

Revenant brusquement sur ses pas, Andrak se jeta dans la trajectoire des tirs, faisant écran de son vaste corps pour protéger son compagnon ingénieur. Puis d'un même élan, le poids lourd butarien empoigna le poids plume galarien sous les aisselles et le projeta à toute volée derrière les piles de caisses les plus proches, à dix mètres de là. Le long miaulement de surprise de Lenks ne s'éteignit que lorsqu'il se reçut au sol tant bien que mal. Dans le même temps, les rafales ennemies tirées à courte portée parvinrent à saturer en moins de deux secondes les puissants boucliers cinétiques du Franc-tireur butarien, pourtant alimentés par les nombreuses cellules énergétiques de sa lourde armure de technicien. Le blindage épais de celle-ci ne laissa pénétrer que trois des multiples tirs qu'il encaissa; le choc quasi simultané des impacts fit cependant tituber le colosse.

Mais par chance pour lui, les trois Vortchas équipés des mêmes fusils Vindicator se retrouvèrent obligés de renouveler en même temps la cartouche thermique de leurs armes en surchauffe. Andrak profita de ce court répit pour se propulser d'un vigoureux coup de talon en direction des caisses, complétant le mouvement par une roulade qu'il acheva en position de tir derrière son nouvel abri. Une figure parfaite, digne d'un véritable professionnel, et visiblement mise au point par une longue pratique du terrain... Une fois à couvert, le Butarien utilisa le module médical de son Omnitech pour appliquer une solide dose de médigel concentré sur ses blessures les plus graves. L'adrénaline lui permettait encore de surmonter la douleur, mais cela ne durerait pas.

Les tirs de suppression de la mitrailleuse légère d'Oorlog et des armes des autres Berserkers forçaient les trois agents conciliens à garder la tête baissée, tout en mettant progressivement en pièces le mince rempart de caisses et de bidons derrière lequel ils s'étaient retranchés. Lenks avait tenté en vain de déplacer le combat dans la troisième dimension en déployant l'un des ses deux drones légers. Il n'avait réussi qu'à en déplorer la perte: le malheureux engin n'était parvenu à s'élever que de quelques mètres au-dessus de la position avant d'être abattu. Au moins avait-il eu le temps de mettre lui-même hors de combat le drone que l'opérateur krogan avait envoyé harceler les agents dans leur bastion. Si aucun élément nouveau n'intervenait, l'issue du combat commençait déjà à se dessiner...

-–- Achevez-moi ça! continuait de brailler Oorlog, dont le chargeur de mitrailleuse semblait inépuisable. Merde, vous vous croyez dans une putain d'arène virtuelle?! Déchiquetez-moi ces sacs à...

Soudain, l'un des Vortchas poussa un feulement sauvage en se voyant soulevé du sol, qui tourna en gémissement de terreur lorsqu'il commença à sentir sa peau et ses muscles tiraillés par de puissantes forces d'attraction. Son congénère à ses côtés eut juste le temps de tourner vers lui un regard sidéré, avant d'être pris à son tour dans le rayon de la singularité biotique qui venait de s'ouvrir entre eux. Suspendant leur feu, les Krogans se retournèrent pour observer avec étonnement les deux Vortchas flottant dans les airs au milieu d'un tourbillon de poussière, autour d'un point noir irradiant. Mais surtout, ils furent frappés de stupeur lorsqu'ils aperçurent une Asari de haute taille au visage couturé de cicatrices, vêtue d'une armure légère noire comme la nuit, finissant d'émerger de la carcasse de l'engin de levage abandonné près du portail derrière eux. Une aura bleutée autour de son corps montrait clairement que la nouvelle venue avait déjà levé une barrière biotique, en vue de se préserver des tirs qu'elle allait immanquablement attirer. Dame Qoliad venait d'entrer dans l'arène, et elle avait déjà en bouche le goût du sang.

À peine sortie de sa cachette, la trouble-fête asari projeta un champ de gravité sur le guerrier krogan voisin d'Oorlog, l'emprisonnant dans un état de stase qui devait le mettre hors jeu pour une petite quinzaine de secondes. Puis elle courut vers un abri, lâchant quelques coups de fusil en direction des trois Berserkers encore en état de combattre, en sorte de maintenir les tirs sur elle et sur son impénétrable barrière biotique. Depuis sa position maintenant soulagée du feu ennemi, Feylin vit une ouverture: elle prit le temps d'une brève concentration, puis lança une déchirure droit sur la singularité créée par Guerdan. L'anomalie biotique détona avec une violence inouïe, désarticulant et écrasant contre le sol de béton l'un des deux Vortchas qui en était prisonnier, et propulsant le second jusqu'au plafond du hangar, d'où il retomba lourdement pour ne plus se relever! L'onde de choc projeta en outre à terre le troisième Vortcha, et fit tituber les Krogans sans toutefois les renverser... Une telle détonation ne projetant aucun éclat, Feylin savait que le cylindre de Lémure ne risquait rien.

S'étant rétabli sur ses pieds, Oorlog tentait en vain d'abattre à la mitrailleuse la puissante barrière biotique de Guerdan, quand tout à coup il ressentit un léger choc électrique sur tout le corps. Lorsqu'il se retourna et entrevit le sale petit pyjak d'ingénieur galarien se replaçant prestement à l'abri derrière ses caisses, il comprit d'emblée que celui-ci venait de faire tomber ses boucliers cinétiques en les surchargeant à distance. Du coup, plus question pour le chef krogan de poursuivre la fusillade: le meilleur endroit désormais où il serait à l'abri des tirs ennemis, serait au contact le plus direct avec ses adversaires! Oorlog rejeta sur le côté sa mitrailleuse Revenant, et tira du dos de son armure un impressionnant marteau de combat, l'arme redoutée des plus puissants seigneurs de guerre krogans; puis lançant une clameur terrifiante, il se rua droit sur la position des trois agents.

«Alors comme ça, le combat se réduit à portée de baïonnette? songea Andrak. Ça me va bien: je suis outillé, et j'ai de l'allonge!» En deux pressions rapides sur le côté de son fusil Chasseur, le grand Butarien fit apparaître sous le canon de l'arme une omni-lame en carbure de silicium, un large tranchoir luisant d'un feu orangé, propre à refroidir les ardeurs de tout autre qu'un Krogan en pleine charge. Quittant son abri, Andrak s'élança à son tour à la rencontre de l'ennemi, puis au bout de seulement quelques foulées, se laissa glisser sur un genou pour éviter un revers mortel du lourd marteau de son adversaire. Pointant sa baïonnette en flèche tout en raidissant les muscles, il vit la montagne d'acier rouge et de cuir brun venir s'empaler sous le poids de son propre élan. La puissance du choc ébranla à peine le colosse butarien. D'un même mouvement, celui-ci se releva aussitôt et envoya le talon de sa botte cuirassée au creux de l'estomac d'Oorlog. Le coup dégagea la baïonnette de la poitrine de l'énorme chef krogan, et envoya celui-ci retomber lourdement deux mètres en arrière, les quatre fers en l'air.

Malgré les apparences, le seigneur de guerre n'était pas sous l'emprise de la rage du sang – pas encore. Il pouvait donc ressentir la douleur, alors qu'il s'efforçait de récupérer au sol, mais était également encore tout à fait en état de raisonner. En état d'évaluer la situation pourrie où son groupe... où ce qu'il restait de son groupe était tombé. Qu'importe: il restait le puissant Oorlog! Trois quintaux de fureur, de muscles et de cuir inentamable, et huit siècles d'expérience du combat emballés dans une armure lourde! Déjà "tué" à plusieurs reprises auparavant, il s'était pourtant relevé à chaque fois pour reprendre le combat et en finir avec ses adversaires médusés. Déjà il se redressait, marteau de guerre en main, sentant bouillonner en lui la rage du sang de ses ancêtres. Ses ennemis allaient bientôt sentir le poids de sa colère...

Puis soudain, le Krogan eut comme une illumination subite. Il était clair maintenant que ces adversaires supérieurement équipés et parfaitement entraînés formaient l'une de ces foutues équipes inter-espèces du Conseil dirigées par un agent Spectre, venue interférer dans son business avec les Turiens. La Spectre, il l'avait déjà identifiée: même s'il ne se souvenait plus de son nom, cette grande Foudre de guerre asari au visage ravagé était assez souvent passée aux infos conciliennes ces deux derniers siècles pour qu'il l'ait immédiatement reconnue. Mais ces unités spéciales, il le savait, sont généralement composées de cinq agents au total. Alors où diable restait le cinquième de ces sales fouille-merde?!

Ce fut la dernière chose qui passa par la tête d'Oorlog. La dernière, juste avant la balle tirée par Damon da Costa.

Depuis son poste de tir camouflé sur les rayonnages supérieurs de l'entrepôt, le Sniper humain régla brièvement la distance sur sa lunette afin de mieux observer la masse inerte du chef krogan gisant au sol, et la longue projection de fluides jaunâtres qui s'étalait derrière sa nuque dans la trajectoire du tir.

-–- Je ne crois pas que tes organes vitaux de secours t'aideront à te relever cette fois-ci, ma grosse, songea Damon tout en se mettant en quête d'une nouvelle cible prioritaire...

...Et il ne tarda guère à la trouver: l'ingénieur des Berserkers était en train de ramasser un redoutable lance-grenade M-100 sur le corps d'un des Vortchas. En tir semi-automatique, ce genre d'arme pouvait faire des ravages dans un lieu clos tel que cet entrepôt. Damon ajusta rapidement sa cible en visant les bras, et fit feu. Le coup suffit à faire tomber ce qui restait des barrières cinétiques du Krogan, sans toutefois que la puissance résiduelle du tir parvienne à entamer son armure technique. Le choc arracha cependant le lance-grenade de ses mains, et le laissa interdit un court moment.

Ce fut suffisant pour qu'Andrak le Franc-tireur puisse pointer son Omnitech et projeter sur l'ingénieur ennemi une décharge de plasma qui consuma tout dans un rayon de deux mètres. Le dernier Vortcha encore debout, ses boucliers également à plat, tentait alors de récupérer de ses blessures à l'abri derrière le Krogan: il fut pris dans le rayon de l'embrasement lorsque l'enfer se déchaîna autour des deux Berserkers. Ceux-ci furent saisis de panique alors que le plasma calcinait leurs chairs sous leurs armures. L'équipe concilienne profita de leur désarroi pour les expédier tous deux au sol en quelques tirs croisés. Le lieutenant da Costa en particulier troua là son second crâne de Krogan de la journée.

Le dernier soldat des Berserkers émergea à cet instant de l'état de stase où l'avait plongé Guerdan, tombant à genoux, momentanément désorienté. Soit qu'il fût trop buté pour réaliser qu'il se battait désormais seul, soit qu'il eût décidé qu'on ne le prendrait pas vivant, le guerrier krogan se releva arme en mains en poussant un rugissement de tonnerre. Il n'avait pourtant plus la moindre chance de l'emporter face à une unité GEIST rassemblée au grand complet. En quelques instants, les tirs de barrage des cinq agents concentrés sur une même cible de belle taille balayèrent ses boucliers, mirent son armure en pièces, et lui avec. Guerdan alla s'assurer à l'aide de son fusil Séide que cet adversaire-là n'irait pas se relever à l'improviste. Ce fut également elle qui composa la très courte oraison funèbre de l'opiniâtre Berserker anonyme: «Stupide mâle krogan...»

À présent que l'affrontement était terminé, la Spectre asari commençait à éprouver la fatigue physique, la fringale, et le passage à vide que ressentent ordinairement tous les biotiques après une utilisation intensive de leurs pouvoirs:

-–- Déesse! je suis crevée... J'ai l'impression que je me fais de moins en moins jeune avec les siècles. Je croquerais bien un petit quelque chose... si seulement tout ce qui se mange sur cette foutue planète turienne n'était pas composé de protéines dextro-aminées!... Je n'ai quand même pas survécu à une fusillade pareille pour clamser bêtement en descendant une boisson énergétique Petran Foods!

-–- Moi au moins, j'ai pensé à refaire mes réserves avant d'aller au combat, railla Feylin la bouche pleine, tout en tendant une paire de barres vitaminées à sa chef d'unité. Tiens, c'est cadeau: parfum 'Loukoum de Serrice', ton préféré. Et ne t'inquiète pas, "vénérable Dame": tu as encore vraiment assuré aujourd'hui...

-–- Merci ma poulette... Jolie robe, au fait! ironisa à son tour Guerdan, en désignant le triste chiffon déchiré et empoussiéré qu'était devenu le ravissant ensemble bleu béryl que Feylin portait avec tant d'élégance avant le début de l'engagement.

Tandis que les deux biotiques asari mordaient avec appétit dans leurs en-cas, Damon descendait lestement de son poste de tir le long de la charpente des rayonnages. Andrak s'était assis contre un container, et ayant oté son casque, s'efforçait douloureusement de reprendre son souffle. Quant à Sudaj Lenks, qui faisait office d'infirmier de terrain de l'équipe, il s'était agenouillé au chevet du Butarien, et achevait de démonter sur son armure lourde les plaques de céramique fragmentées par les impacts de balles, en sorte d'accéder à ses blessures.

-–- Comment se porte notre chasseur de primes? vint demander Guerdan au Galarien qui faisait maintenant circuler son Omnitech sur le torse d'Andrak.

-–- Trois impacts pénétrants, répondit rapidement l'infirmier. Deux blessures pectoral et trapèze gauche déjà traitées par médigel; peu profondes, stabilisées, n'inspirent aucune inquiétude. Troisième en revanche... Plaie déchirante sur toute la profondeur brachial gauche, os indemne, mais nécessite suivi. Moi, juste quelques contusions et abrasions, poursuivit Lenks d'un ton renfrogné. Atterrissage douloureux... J'ignorais que lancer de Galariens était sport chez Butariens. En tout cas, Andrak ne semble pas l'avoir pratiqué depuis longtemps...

-–- Andrak t'a sauvé ta peau verte, Sauterelle, intervint Damon qui retournait du pied le corps d'un des Vortchas, pistolet en alerte. Le moins que tu puisses faire serait de lui témoigner un peu de gratitude.

-–- Ce que je suis en train de faire en lui évitant perte d'un membre, affirma le Galarien en enfonçant sans ménagement une compresse dans la plus profonde des plaies du blessé – parvenant à lui arracher une grimace et un gémissement.

-–- Tu aurais tout de même pu nous prévenir, reprit Guerdan à l'adresse du Butarien toujours assis au sol, que tu étais à ce point la bête noire des groupes de mercenaires les plus pourris de la galaxie. On aurait pris d'autres précautions qu'un simple casque à visière.

-–- Oui, bon, je ne suis pas aussi célèbre que, disons Archangel en son temps sur Oméga. Mais il est vrai que pour ce qui est des Berserkers, je leur ai quand même coûté assez lourd en effectifs et en trésorerie, admit Andrak avec un sourire carnassier. Désolé, Dame Qoliad; ça ne se reproduira plus.

Mains sur les hanches, Guerdan se tourna vers la carcasse démantelée de l'engin de levage où elle s'était dissimulée, avant d'adresser un mince sourire à Lenks:

-–- Tu ne t'étais pas trompé, ingénieur de mon cœur! Il y avait peu de chances pour que les Berserkers viennent scanner cette vieille épave tout près d'eux, et ils ne l'ont effectivement pas fait. Pour le reste, la forte charpente d'acier lourd de cette machine et les résidus d'élément zéro qui y subsistent ont suffi à désorienter leurs petits détecteurs portables, exactement comme tu l'avais prévu. Quant à Damon, pfff... Il y a longtemps qu'on sait que son expertise dans l'emploi des modules de brouillage et de camouflage optique est capable de leurrer n'importe quel imbécile de drone!

-–- Bravo toi aussi, se réjouit rétrospectivement Lenks en rendant un large sourire à sa patronne asari. On n'aurait pu organiser si belle réception si on avait appris trop tard le lieu de rendez-vous... Heureusement que tu as réussi à obtenir très rapidement aveux complets de Védrim. Quelle pipelette, même: plus moyen de l'arrêter! Ne savais pas qu'on pouvait plier genou de Turien selon un tel angle!

-–- On ne peut pas, justement, répliqua Guerdan sans la moindre pointe d'humour dans la voix. C'est bien cela qui délie les langues.

Damon da Costa s'était rapproché du cylindre de Lémure, caressant ses parois gris-bleu d'un geste lent semblant mêler fascination et répulsion:

-–- Ce grand con d'Oorlog avait raison: il faut des Turiens sacrément tordus pour vouloir acquérir une abomination pareille. Les bonnes gens d'Invictus l'ignoreront toujours, mais ils nous doivent une fière chandelle... Quant à Védrim, la Hiérarchie turienne devrait rapidement demander son extradition. Là, je ne parierais pas un crédit sur son avenir – ni sur celui de son boss Tector, d'ailleurs: je crois que Palaven pratique toujours la peine de mort pour haute trahison!

Feylin Adamas rejoignit l'Humain, troublée par une brusque inspiration:

-–- Je viens d'y repenser... Serval était bien originaire d'Invictus, non?

-–- Ouaip. Et sa famille y vit encore. Tu sais, la dette de vie qu'on pensait ne jamais pouvoir rembourser à ce foutu cabochard de kamikaze turien?... Et bien là je crois qu'en fin de compte, on est en train de la lui solder! Por ti, companheiro!...

Peu de jours se passaient sans que les agents n'évoquent à l'un ou l'autre titre le souvenir du commandant turien Serval Quirinus, un ancien membre de l'Unité N°1, dont le sacrifice héroïque lors d'une mission mouvementée sur Benning, quelques mois plus tôt, avait sauvé les vies de ses compagnons. Damon y avait perdu un frère d'armes respecté, avec lequel la rivalité professionnelle s'était progressivement muée en amitié; et Feylin, un amant regretté qu'elle n'avait toujours pas voulu remplacer.

Plus loin dans l'entrepôt, ses soins achevés, Lenks tendait son bras à Andrak pour l'aider à se relever – avant de prendre conscience du ridicule de son offre, étant donnée la différence de masse et de musculature entre les deux agents. Dame Qoliad vint se placer à mi-chemin entre les deux groupes, et d'une voix forte, entérina la fin et le succès officiels de la mission:

-–- On a ordre de ne surtout pas ramener le Lémure sur la Citadelle... Tant mieux, d'ailleurs: même si on n'a pas de Turiens à bord, je ne veux pas de cette saloperie dans les soutes de ma frégate! On va confier le cylindre aux autorités militaires de Digeris: à charge pour eux de le sécuriser et de se débarrasser proprement de cette merde. Si vous en êtes d'accord, je vais me coltiner seule les poignées de mains et la paperasse; comme ça, vous pourrez aller vous reposer et vous faire soigner sur le Citadel. Vous ne m'entendez pas souvent le dire, mais... je suis fière de vous, les gars! Vraiment...