Hello mina-san !
Bon, je reprends enfin cette histoire ! Encore, ou enfin, on va pas chipoter, je la reprends ahahaha ! Vous pouvez dès à présent retrouver le premier chapitre de ma fiction corrigé et étoffé parce que la version de 2008 datait... Beaucoup trop à mon goût. Mes yeux ont saigné en la relisant.
Le début vous paraîtra bateau. Il l'est, je n'ai pas inventé la poudre ahah ! Et puis il faut bien commencer quelque part. Mais ce petit bateau n'est rien comparé aux vagues que je vous prépare... ! Aussi, j'espère que les péripéties vous feront oublier ce fait.
J'espère également que cette histoire vous plaira autant qu'il me plaît de la remettre au goût du jour et de la poursuivre.
Sur ce je n'ai plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture !
Tendresse et pâtes de fruits !
Dans un train peu bondé traversant la campagne italienne à destination de Naples, un homme aux longs cheveux couleur argent releva la manche de sa veste sans empressement afin d'aviser le placement des aiguilles sur sa montre. Le tic-tac, en résonance avec son rythme cardiaque, indiquait la fin de la matinée. Le regard acier divagua jusqu'au paysage et, en proie au décalage horaire, Squalo étouffa un bâillement avant de soupirer d'un air las. Calé dans son siège molletonné, l'homme s'étira brièvement pour faire craquer ses cervicales et sa colonne en un petit soupir, mais cette fois-ci de bien-être. Habillé d'un pantalon noir huilé surmonté de boots à lacets, il ne portait comme haut qu'un simple marcel grisé et une veste en cuir. Se fondre dans la masse, voilà ce qu'il faisait. Qui aurait pu jurer, en l'observant ainsi en civil, qu'il appartenait à l'escouade d'assassins la plus redoutée du monde de la pègre ? L'uniforme beige et noir de la Varia qu'il avait utilisé durant sa mission était roulé en boule - il se ferait probablement rabrouer pour cela - au fond de son sac en toile glissé sous son siège. Il ne fallait pas éveiller les soupçons sur la teneur de ses occupations. Et quoi de plus repérable qu'un uniforme tâché de sang ? Certes pas le sien, mais le mafieux ne tenait pas à faire d'esclandre et les civils étaient friands de ce genre de situations propices à la panique. Aussi lorsqu'il devait s'habiller comme un individu lambda, quand il n'était pas en mission, l'homme préférait choisir le confort, non sans une note d'élégance. Il n'était pas l'un de ces roquets sans goût. S'enfonçant un peu plus dans son siège comme s'il cherchait à s'y fondre, le second de la Varia vint appuyer son coude sur l'accoudoir collé à la fenêtre, de sorte à pouvoir venir poser son menton dans le creux de sa main gauche recouverte d'un gant en cuir noir. Ce dernier servait en effet à cacher sa prothèse. Encore une chose qu'il dissimulait. C'était plus par choix que par nécessité. Si les civils pouvaient porter sur lui un regard empli de pitié en la voyant - en pensant à une maladie, un accident -, Squalo n'en avait cure. Seuls les vrais savaient. Cette main, il avait choisi de la perdre.
Il n'était pas vraiment pressé de rentrer, une fois n'est pas coutume. La routine était mortelle et l'assassin se laissait lentement mais sûrement enliser dans son ennui et transformer petit à petit en automate que les missions rébarbatives et la vie quotidienne au manoir Varia faisaient de lui.
A vue de nez, il jugea qu'il ne rentrerait sûrement pas avant midi et demi, le temps pour lui d'arriver en gare et de récupérer le véhicule qui l'attendait sagement dans un garage souterrain. Il lui faudrait encore un peu de route avant de passer les imposantes grilles du manoir. A bon port, il s'empresserait de caler entre ses dents un sandwich préparé à la va-vite, malgré les cris de protestation des cuisines pour lui concocter quelque chose de plus consistant et nourrissant. Xanxus, son enfoiré de patron, ne manquerait alors pas de le solliciter sur le champ - et cela ne laissait pas place au refus - pour lui faire son rapport. Il se dirigerait donc vers le bureau de ce dernier aussi vite que ses longues jambes le lui permettaient, et déblatèrerait son compte-rendu sur l'assassinat de ce politicien véreux dont il avait déjà oublié le nom, un parmi tous ceux qu'il ajoutait à sa liste. Puis, alors qu'il émettrait la possibilité - mentale évidemment - de faire une petite sieste pour rattraper toute la fatigue accumulée pendant la mission... Xanxus répliquerait d'un air entendu et sadique que, étant vendredi, dernier jour de la semaine correspondant étrangement à sa date de retour, l'homme au nom de requin avait toute la paperasse sans importance accumulée pendant son absence à trier. Et encore, ça, c'était si le Boss était de bonne humeur. Squalo excluait pour l'instant la possibilité de se faire briser une bouteille de tequila sur la tête ou de se prendre un presse-papier dans la figure. Mais il ne fallait jurer de rien. Ses autres coéquipiers et les multiples larbins de la Varia étaient doués pour mettre Xanxus en colère, et c'était souvent le squale qui en faisait les frais par la suite, qu'il soit responsable de quelque chose ou non d'ailleurs.
Cette corvée administrative revenait sans exception chaque vendredi en plus de la paperasse urgente et importante des autres jours. Il avait fallu trouver un créneau pour traiter la paperasse dite sans importance, et le choix - pas le sien qui l'eut cru - s'était porté sur le vendredi, juste avant le week-end. Et c'était beaucoup trop souvent au squale de s'en occuper pendant que son Boss, fainéant, le regardait faire avec un air triomphant collé au visage, son gracieux derrière profitant d'un fauteuil moelleux.
En pensant à ce qui l'attendait en rentrant, Squalo fut tenté pendant un bref instant de fuir et de prendre un peu de vacances. Loin. Très loin. Pourquoi ne pas retourner en Grèce, d'où il tirait une partie de ses origines ? Mais connaissant Xanxus, celui-ci aurait tôt fait de le retrouver et... De le punir. Le requin frissonna en imaginant la punition qu'il pourrait récolter pour désertion plus que volontaire en ce vendredi de fin de mois. Être séquestré dans un pièce sordide du manoir et privé d'eau et de nourriture ? Être passé à tabac ? Se faire tirer les cheveux ? Cela n'avait rien d'effrayant lorsque l'on y songeait plus de quelques secondes. Non. Pour que cela devienne inquiétant, il fallait connaître Xanxus. Une banale menace pouvait alors devenir mortelle. Oui, il fallait connaître Xanxus. Et ça, Squalo ne le recommandait à personne.
Plus que deux petites heures et il rentrerait au bercail après une longue semaine d'absence. La routine d'un assassin chevronné en somme.
- Bande de déchets !
La voix rauque du Boss le plus tyrannique de l'histoire de la Varia fit trembler les murs. Mais ce ne fut pas seulement le son grave du cri qui fit vaciller la maisonnée. Ce fut surtout l'explosion parfaitement audible et assez habituelle qui secoua le manoir d'un bout à l'autre. Encore des réparations à prévoir... Chaque âme présente, de l'assassin de bas-étage au personnel pressé dans ses tâches, ressentit aussitôt l'aura imposante de leur patron irradier chaque pièce et s'infiltrer parmi les pores de leur peau. Et cette fois-ci, ce furent les corps qui se mirent à trembler, même ceux qui se croyaient suffisamment aguerris pour résister à la pression assassine du maître des lieux. Et chacun décida, dans son coin, de se faire petit. Tout petit.
- Vous n'êtes qu'un ramassis de bons à rien ! Même pas foutus de classer des papiers par ordre alphabétique ! Dehors ! rugit Xanxus en dégageant à coups de presse-papier un duo de subordonnés qu'il avait initialement alloué au tri des dossiers en l'absence de Squalo, son second.
Pendant un très bref instant, il regretta d'avoir mis à la porte ces deux imbéciles inutiles. Il aurait tout simplement dû s'en débarrasser. Quoi qu'en dise Mammon sur le prix des funérailles de leurs membres et les dédommagements aux familles, Xanxus ne tolérait pas l'incompétence, moins encore lorsqu'il en était témoin. Habituellement, il frappait avant de poser les questions. Et certains de ses subordonnés avaient développé une certaine habilité à esquiver ce qu'il leur lançait, pour son plus grand déplaisir.
Heureusement pour les deux hommes, l'explosion ne les avait pas touchés - seulement car Xanxus s'était contenté de briser une vitre au lieu de les viser - et ils n'avaient pas demandé leur reste lorsque le brun s'était empressé de les virer du bureau.
D'habitude, Xanxus faisait appel à son bras droit pour trier la paperasse sans importance et ne nécessitant pas un traitement immédiat. Pour tous types de paperasse en réalité, qu'elle soit importante ou non. Mais comme Squalo était actuellement en mission et que le balafré n'avait nullement envie de travailler, une fois n'est pas coutume, il avait demandé à des larbins de s'en occuper. Ce que ces derniers, plus aptes à s'occuper de missions de routine sur le terrain, n'avaient guère réussi à faire. Remettant immédiatement en doute les capacités des personnes l'entourant, il ne vint pas à l'esprit de Xanxus qu'il était peut-être la seule raison effrayante pour laquelle les deux pauvres hères n'avaient pu se concentrer. En effet, avoir le Boss de la Varia dans la même pièce que soi relevait du suicide et augmentait drastiquement vos risques de mort violente. Il ne fallait déjà, en temps normal, pas grand chose pour titiller le caractère colérique du fils de l'ancien Parrain Vongola. Ce tout petit détail, à savoir l'inutilité flagrante de ces deux acolytes effrayés, n'avait donc fait qu'attiser les flammes, pour ainsi dire, du brun. Le Boss des Varia se passa la main sur le visage et, comme de coutume dans ce fichu manoir, soupira.
- Je suis entouré d'incapables...
Il était midi et demi largement passé lorsque Squalo gara la Mercedes noire, récupérée dans l'un des parkings de la stazione di Napoli Centrale, dans la cour pavée du domaine et poussa enfin la porte monumentale du manoir style gothique des Varia. Il traversa avec habileté et une habitude certaine le dédale de couloirs qui s'offrait à lui.
Comme s'il était guidé par son estomac, le second de l'escadron d'assassins se dirigea automatiquement vers les cuisines avec empressement, comme s'il craignait qu'on ne l'intercepte avant qu'il ait pu dévorer un encas bien mérité. Arrivé devant l'une des portes à hublot de l'arrière-cuisine, il la poussa d'une main sûre et se retrouva face à Fran, le plus jeune arrivant de la Varia. Celui-ci tenait à la main une briquette de jus de raisin. Sûrement avait-il eu une petite soif et en avait-il profité pour venir donner quelques sueurs froides au personnel des cuisines avec son attitude nonchalante.
- Oh. Commandant Squalo. Vous êtes rentré, dit ce dernier d'une voix traînante.
- Voi, combien de fois on t'a dit de pas surgir à l'improviste comme ça ? Tu veux que quelqu'un t'éventre gamin ? pesta l'épéiste en fusillant par principe le plus jeune du regard.
Passant derrière l'adolescent à l'allure dégingandé, il se fraya un chemin jusqu'à l'un des larges réfrigérateurs en inox qui devait certainement contenir de quoi lui constituer un repas rapide. Evidemment, il entendit quelques protestations venant des commis encore présents en cuisine. Mais il devait suffisamment les effrayer car personne ne l'arrêta, alors qu'il avait un couteau dans l'une de ses mains, et dans l'autre un bout de pain chèrement désiré. Le personnel se contenta donc de vider les lieux non sans regarder le squale avec un mélange d'effroi et d'hésitation.
Fran n'avait pas bougé, se contentant d'observer son supérieur avec son visage inexpressif. Ce dernier coula un regard vers le jeune garçon, avisant ses yeux aussi verts que sa chevelure et l'étrange chapeau grenouille dont il était affublé.
- Quoi ? finit-il par lâcher en haussant un sourcil, ses dents arrachant goulûment une bouchée de son sandwich de fortune.
- Rien, répondit le gamin, un air neutre se peignant sur son visage.
A moins que ça ne soit un air goguenard. Squalo n'arrivait jamais à savoir. L'absence de réaction de l'adolescent n'aidait clairement pas à deviner ses émotions.
Il se décida à entrer dans le vif du sujet, maintenant qu'il était arrivé à bon port.
- Il est où ?
- Qui ça commandant ? demanda le garçon de sa voix traînante en inclinant la tête sur le côté.
Il aspira le fond de sa brique de jus de fruits dans un insupportable bruit de succion qui fit grincer des dents à l'épéiste.
- Le Boss ! Qui d'autre ! grogna Squalo en allant se chercher un verre d'eau pour faire passer son déjeuner avalé sur le pouce.
Il tourna d'ailleurs sans hésitation le dos à son jeune compère. On lui avait toujours rabâché de ne jamais tourner le dos à qui que soit, plus encore s'il s'agissait d'un assassin. Mais Squalo ne craignait rien, ni personne. Pas même la Mort. Elle n'avait de toute façon quasiment plus rien à lui prendre.
- Le Decimo, ou le nôtre ?
Ce gamin allait user le peu de patience qu'il avait réussi à regagner pendant son absence. Heureusement pour lui, ce petit malin ne ressentait pas la douleur, sans quoi Squalo se serait fait un plaisir de lui briser un ou deux os sans importance pour lui inculquer le respect.
- Tu es peut-être insensible à la douleur gamin, mais pas à ma colère. Alors cesse de faire l'imbécile sinon je te jure que le Boss sera le cadet de tes soucis, persifla le lieutenant de la Varia.
Cette fois, un sourire étira les lèvres de Fran mais, à nouveau, Squalo fut bien en mal de déterminer quelle émotion s'y reflétait.
- Ah. Ce boss-là, ânonna l'adolescent distraitement.
Squalo eut brièvement l'envie dévorante de lui faire manger son énorme chapeau. Peut-être qu'il s'étoufferait avec.
- Il est dans son bureau et il n'a pas l'air très content.
- Tu m'en diras tant... maugréa le plus âgé des deux en mordant rageusement dans sa collation.
- D'ailleurs, il a dit de vous prévenir qu'il voulait que vous le rejoigniez directement en arrivant.
Squalo avala de travers sa bouchée. Dans un geste vain, il vint frapper son torse pour faire passer son mal et c'est avec précipitation qu'il se servit un nouveau verre d'eau qu'il avala d'une traite.
- Voi ! s'insurgea-t-il avec rage en jetant à la poubelle les restes de son repas. Et c'est seulement maintenant que tu me le dis ?!
Il se précipita hors des cuisines non sans jeter un regard lourd de sens à Fran qui ne s'était pas départi de son sourire. Fichu petit démon.
- Je crois que c'est pour une question de paperasse ! entendit-il parfaitement l'autre ajouter alors que lui-même s'élançait dans les couloirs.
Evidemment qu'il s'agissait de paperasse ! Il s'agissait toujours de paperasse ! De quoi d'autre pouvait-il s'agir ?
Si le lieutenant de la Varia ne se mit pas à courir, sa marche fut suffisamment énergique pour dénoter son empressement. Les quelques personnes qu'il croisa dans les couloirs s'écartèrent d'ailleurs sur son passage, ne s'étonnant très certainement pas de le voir pester dans sa barbe inexistante.
- Ce connard de boss... éructa-t-il en agitant ses bras, poings serrés. Il me prend pour son larbin attitré ? Pas foutu de travailler quelques secondes ! C'est trop demandé ! Je m'absente une semaine et il me refourgue encore toutes les merdes qu'il est pas foutu de gérer ! Faut toujours être sur son dos ! Je ne suis ni sa mère, ni sa nounou !
Il émit un reniflement agacé.
- Voi, ça me rend dingue ! cracha-t-il en arrivant enfin devant la porte massive du bureau de son supérieur hiérarchique.
Il allait lui balancer ses quatre vérités. Ses trente-cinq vérités même... Que disait-il, sa centaine d'insupportables vérités ! Il n'avait pas traversé l'aile ouest du manoir au pas de course pour se dégonfler au dernier moment. Squalo nota brièvement que le château - comme se plaisait à le nommer Lussuria - ne semblait avoir subi aucun dégât pendant son absence. Et s'en était relativement suspect...
Sans prendre la peine de frapper, Squalo ouvrit la porte avec brusquerie. Sa vue fut aussitôt encombrée par d'innombrables feuilles s'envolant dans l'enceinte du bureau. L'appel d'air entre la vitre brisée de la fenêtre et la porte ouverte fut tel que même les épais rideaux pourpres ondulèrent.
- Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? hurla le nouvel arrivant en avisant avec effroi la tempête qui semblait avoir secouée la pièce.
Et au milieu de tout ce bazar trônait son supérieur, les fesses calées dans son confortable fauteuil en cuir et ses bottes lustrées posées sur le dessus du bureau, écrasant allègrement au passage quelques rares dossiers intacts. D'un geste large des bras, Squalo embrassa le capharnaüm qui régnait comme s'il cherchait une réelle réponse à sa question, pourtant facile à deviner. Des monticules de papiers jonchaient le parquet sombre. Rien que l'aspect négligé, et pourtant savamment travaillé de Xanxus – de son sourcil ennuyé à son sourire goguenard –, lui donnait envie de le gifler avec force. Le Superbi s'apprêtait à réitérer son interrogation mais le boss de la Varia fut plus rapide.
- Ferme-la déchet. A peine rentré, tu me casses déjà les oreilles, le rabroua-t-il sans s'offusquer d'aucune manière du nombre de décibels atteint par son bras droit.
- Je te casserais pas les oreilles si tu me cassais pas les couilles avec toute cette paperasse, contra aussitôt le second de l'escouade d'assassins. Voi ! Il s'est passé quoi encore ? s'enquit-il en désignant du menton la vitre brisée et son pourtour roussi par l'explosion.
- J'avais chaud, railla le brun en défiant du regard son lieutenant.
Squalo grinça des dents en observant le visage triomphant de Xanxus. Sa peau hâlée ne dissimulait pas, malgré les années, les cicatrices que l'affaire du Berceau lui avait laissées. Il soutint sans difficulté les pupilles sanguines de son interlocuteur, bien décidé à ne pas se laisser intimider.
- Non, contra-t-il avant qu'un quelconque ordre ne soit émis.
Les épaules de Xanxus se mirent à tressauter avant qu'un rire rauque ne s'échappe de sa gorge. Une hilarité non contenue le secoua tout entier, comme si son second venait de lui énoncer la blague la plus drôle qu'il puisse exister. Squalo sentit une veine palpiter dans son cou en observant son patron se foutre allègrement de sa gueule.
- Parce que tu crois avoir le choix déchet ? railla le fils adoptif du Neuvième Parrain Vongola. Rapport.
- Mission accomplie, qu'est-ce que t'attends d'autre comme réponse ? Tu crois que je reviendrais en ayant laissé s'échapper une cible ? Tu me prends pour un débutant ? grinça des dents le squale alors qu'il serrait violemment sa prothèse en rêvant de tordre le cou à son boss.
Face à ce rapport succinct, Xanxus se leva. Il prit d'ailleurs un malin plaisir à voir son bras droit s'étrangler lorsqu'avec lenteur, il fit racler ses bottes sur le bureau pour en faire tomber les dossiers. Une fois debout, il offrit à Squalo un sourire carnassier que ce dernier lui aurait bien fait ravaler.
- Tout doit être trié pour ce soir, ordonna le tyrannique dirigeant de la Varia.
Le requin crut un instant que ses yeux allaient lui sortir de la tête tant sa colère, à peine maîtrisée, était immense.
- Va te faire f…
Avant qu'il n'ait le temps de prononcer sa réplique, un vase – bon sang, mais qui l'avait foutu là ? Personne n'avait été prévenu du potentiel dangereux de cette antiquité ? – vola en direction de sa tête et, le temps qu'il l'esquive habilement, son boss avait quitté la pièce, ne laissant derrière lui qu'une odeur de musc et de cendre. Squalo se retint de mordre dans sa prothèse pour contenir une flopée de jurons qui aurait fait pâlir le Decimo.
- Voi ! hurla-t-il dans le vain espoir d'évacuer les tensions qui crispaient chaque muscle de son corps.
Son cri se répercuta à des lieues à la ronde et les subordonnés de l'Elite Vongola se promirent de ne pas croiser leur lieutenant et se cachèrent un peu plus dans leurs cachettes respectives. Mieux valait ne croiser aucun de leurs supérieurs aujourd'hui… Ni aucun autre jour.
Au sous-sol du manoir à la toiture composée de tuiles carmines, dans l'une des spacieuses salles d'entraînement, deux combattants en sueur s'arrêtèrent net en entendant un cri qui leur sembla étrangement familier.
- Voi !
Ce fut le jeune homme à la crinière blonde ébouriffée qui cessa les hostilités en premier, son nez levé vers le plafond. Réajustant le diadème scintillant qui ceignait sa chevelure suffisamment longue pour dissimuler ses yeux, Belphégor se tourna vers son équipier. Face à lui, Lussuria fit rouler les muscles de son dos et ne put s'empêcher de passer précautionneusement ses doigts sur ses cheveux coiffés en crête. Il laissa même échapper un petit soupir de soulagement en constatant que sa coiffure n'avait pas bougé d'un iota. Replaçant ses lunettes de soleil sur son nez droit – qui dissimulaient sans aucun doute des cils parés de mascara hors de prix –, l'assassin leva à son tour son regard vers le haut plafond.
- Ushishishi ~ On dirait que le commandant est rentré ! ricana Bel.
- Ce pauvre Squalo… A peine arrivé, il doit très certainement être de corvée de papiers, soupira le punk d'une voix aigüe que l'on ne soupçonnait pas en avisant sa carrure de boxeur.
- Quand je pense que les sous-sols sont insonorisés… rajouta l'auto-proclamé Prince de la Varia en émettant un sifflement admiratif, ignorant de fait la drag-queen de leur escouade élitiste.
Lussuria se dandina d'inconfort de gauche à droite en s'éventant.
- Hm, si le bazar dans le bureau du boss est proportionnel au cri de Squalo… Mon chou, je crois qu'il a de quoi hurler. C'est toujours une question de paperasse à faire, haussa-t-il des épaules en se mettant à nouveau en garde lorsque Bel lui lança un scalpel aiguisé sans prévenir.
- J'aurais très bien pu m'en charger, s'éleva alors la voix d'une troisième personne postée au fond de la salle, appuyée contre l'une des rares portions de murs intacte.
La voix grave appartenait à un autre des gardiens Varia, Levi. Bel porta son attention sur leur troisième équipier, un couteau prêt à lancer sur Lussuria. Même assis, Levi A Than laissait apercevoir une haute stature qui, certes notable, n'était pas la première chose que l'on observait chez lui. C'était plus probablement sa longue moustache qu'il ne cessait de tournicoter et sa coiffure aux épis indomptables – comme si chaque matin quelqu'un s'amusait à lui dynamiter la figure -, qui marquaient en premier les esprits.
- Toi faire la paperasse… J'en doute ~ s'amusa le prince d'un air désinvolte qui agaça aussitôt le gardien de la foudre Varia.
- Quoi ? Tu doutes de mes capacités ? gronda Levi en se redressant, ses yeux sombres fusillant le plus jeune des trois hommes.
- Ushishishi ~ Totalement.
Il n'en fallut pas plus pour mettre les nerfs de l'assassin à rude épreuve. En quelques enjambées, il fut sur le gardien de la tempête Varia, prêt à frapper. Ce dernier esquiva en laissant à nouveau échapper un rire tonitruant. Le grand brun se jeta à nouveau sur Belphegor, esquivant de fait un coup de poing de Lussuria qui attaqua par surprise. Le combat reprit alors entre les trois équipiers sous un flot de jurons, de couteaux qui sifflent, de flashs lumineux et de cris aigus.
Squalo se passa une main devant son visage d'un air blasé. Il embrassa du regard le bureau sur lequel il venait d'entasser tous les dossiers et les feuilles volantes. Peu importe à quelle fréquence il rangeait chaque semaine, le squale avait la nette impression que plus il triait ces maudits papiers et plus ces derniers s'amoncelaient sur le bureau presque neuf de son supérieur et sur le sien. Déjà qu'il n'avançait pas aussi vite qu'il le souhaitait, il n'aurait plus manqué qu'un nouveau courant d'air fasse valser le travail déjà bien difficile de l'épéiste pour que celui-ci jette l'éponge.
Squalo laissa échapper une nouvelle salve de jurons entre ses dents tandis qu'il classait rageusement par pile les différents papiers.
- Les factures sont là… Electricité… Gaz et eau… Bon sang, Lussuria a encore fait exploser les limites du compteur, constata-t-il avec effarement lorsqu'il avisa la somme astronomique annotée sur le haut de la facture d'eau.
Il était étrange que Mammon, leur gardien de la brume et arcobaleno radin, ne lui ai pas encore coupé les vivres en représailles. Il faut dire que Lussuria, en bonne drag-queen qu'il était, passait un temps fou dans la salle de bain. Au détriment de ses collègues qui devaient parfois hériter de douches froides et vivifiantes. Bonnes pour le tonus, soit disant.
Un nouveau soupir s'échappa de ses narines.
- Encore des factures de réparation… marmonna-t-il en songeant qu'il faudrait qu'il appelle quelqu'un pour la fenêtre du bureau si cela n'avait pas déjà été fait.
Appuyant ses fesses contre la tranche du bureau, il balaya de son regard acier les raisons de telles réparations. Il n'était pas difficile de constater au contenu que Xanxus était en majeure partie responsable de cela. Ses coéquipiers avaient visiblement un peu de responsabilité là-dedans, mais rien de comparable à leur boss.
- C'est sur ton salaire que Mammon devrait faire des retenues, connard de boss, ça te ferait peut-être les pieds…
Son regard s'arrêta sur la date de plusieurs feuilles et il fronça aussitôt des sourcils.
- Mais c'est pas possible… Ca date du mois dernier ? Si ces imbéciles commencent à me planquer de la paperasse, ça ne va pas le faire, grinça-t-il des dents en créant une nouvelle pile précaire sur le coin de son bureau. Alors… Demande de ravitaillement de la base sicilienne, rapport de surveillance de Levi dans les Pouilles, bon de commande de fournitures de bureau, facture, fiche de ravitaillement en alcool, rapport d'activité de Bel et Fran pour Milan, fact… Ah. Une lettre.
C'était un fait assez rare pour que le lieutenant de la Varia s'en trouve étonné. Ils avaient suffisamment de moyens modernes de communication pour s'éviter l'envoi de lettres. Et il ne connaissait qu'une personne qui prenait la peine de leur en envoyer, lorsque cela s'avérait nécessaire. Et au vu du sceau brûlant à l'arrière de la missive… Ce n'était pas la signature du Decimo. Les yeux de Squalo s'écarquillèrent légèrement en avisant le nom du Neuvième Parrain Vongola écrit avec élégance à l'arrière de l'enveloppe.
- Une lettre du Nono… murmura-t-il, comme s'il cherchait à s'assurer que tout cela était bien réel.
Car recevoir ce genre de lettre, sans aucune raison apparente – ils n'étaient ni en conflit ouvert avec qui que ce soit ni en mission secrète – ne pouvait signifier qu'une seule chose. Les ennuis allaient pleuvoir et l'épéiste sentait déjà qu'il allait en faire les frais.
Avec lenteur, comme s'il craignait que la lettre ne lui explose au visage, Squalo se dirigea vers son fauteuil tournant pour s'y asseoir avec précaution. Sachant pertinemment que Xanxus ne s'encombrerait pas de la lecture du courrier, plus encore celui-ci, et qu'il détruirait la lettre sans hésitation, le seul épéiste de la Varia se permit de décacheter l'enveloppe et d'en sortir une feuille de papier, elle aussi apposée du sceau flamboyant du Neuvième Boss Vongola. Squalo dut inspirer longuement en avisant la longueur de la lettre. Cela n'augurait rien de bon. Le peu de lettres qu'ils avaient pu recevoir et lire avant leur destruction par Xanxus se résumait en général à quelques lignes brèves et concises, sans fioritures. Si le contenu de ce courrier tenait sur une page entière, rédigée à la main, c'est que cela devait être sérieux. Mais n'aurait-il pas été plus simple, dans ce cas, de les contacter par ligne sécurisée plutôt que par missive ?
Le cerveau assommé de questions, Squalo commença alors la lecture.
« Caro Squalo,
C'est sans surprise que je t'adresse une lettre à toi plus qu'à tout autre. Je sais que Xanxus ne s'embarrasse pas de tout ce qui concerne la phase administrative de votre éreintant métier. En particulier lorsqu'il s'agit de lire les missives que je lui envoie. Cela n'a rien d'étonnant, j'en ai conscience, nous n'avons pas été en bons termes, lui et moi, depuis un certain nombre d'années déjà. Le temps passe si vite… Il nous file entre les doigts sans que l'on puisse le saisir. Et l'on perd souvent plus que l'on y gagne. »
Squalo fit une brève pause. Appuyant l'arrière de son crâne sur le dossier de son fauteuil, il leva son visage vers le plafond en méditant les constatations du Nono. Il sentait le vieil homme fatigué, et pas dans le bon sens du terme. Etrangement, l'assassin se retrouvait dans ces quelques phrases. Il avait perdu. Beaucoup. Trop même. Le temps n'avait pas été tendre avec lui. Peut-être était-il entièrement responsable du foutoir qu'était sa vie personnelle d'ailleurs, il n'avait jamais été très doué pour garder auprès de lui ce qui lui était cher. Il émit un petit reniflement désabusé avant de se redresser pour poursuivre sa lecture.
« Ce courrier a un but bien précis, comme tu peux t'en douter. Je n'écris pas pour le simple plaisir de t'imposer mon fils fou de rage en avisant une lettre à mon nom.
D'aussi loin que je m'en souvienne, Xanxus a toujours su où aller et quoi faire pour obtenir ce qu'il voulait, le plus souvent aux dépens des autres. Tu le sais mieux que quiconque.
J'ai une mission à te confier, à toi en particulier. Je me doute également que tu dois sentir venir les ennuis, et je ne peux que te l'accorder. Cette mission ne va pas être de tout repos, je n'ai pas besoin de mon hyper-intuition usée par l'âge pour te l'assurer. Ce que je vais te confier n'a rien d'une plaisanterie. Je souhaiterais donc que tu considères la suite de cette missive avec tout le sérieux d'une mission à hauts risques.
J'ai l'intention de marier Xanxus, avec l'accord du Decimo. »
La bombe était lâchée. Squalo faillit laisser tomber la feuille qu'il tenait entre ses mains. Avec incertitude, il cligna plusieurs fois ses paupières, comme si cela pouvait faire disparaître les mots « marier » et « Xanxus » de la même phrase. Bien évidemment, il songea à une vaste blague. Mais le Nono n'était pas le genre à se permettre ce type de plaisanterie. Qui plus est, il avait prévenu le squale, quelques phrases plus tôt, du bienfondé de ses propos. La question qui se posait maintenant, à travers l'effroi ressenti du lieutenant de la Varia, c'était : pourquoi ?
Il se félicita d'avoir choisi de s'asseoir. Après une nouvelle inspiration peu assurée, l'épéiste reprit sa lecture.
« Je ne puis te donner tous les détails sans compromettre le bienfondé de la mission que je me suis astreinte. Il y a une personne que je tiens à protéger, j'ai fait une promesse il y a de cela des années. La protéger des autres, mais aussi d'elle-même. Et pour cela, il faut qu'elle épouse mon fils. Cela te paraît sans aucun doute très étrange, je me suis moi-même demandé si je ne faisais pas fausse route… Mais après une longue analyse, j'en suis venu à la conclusion qu'il sera le plus à même de la préserver de la folie des grandeurs de certains de nos compères mafiosi.
Je devine que tu es en train de comprendre ce que j'attends de toi. Et je m'en veux de t'imposer cela mais c'est la seule solution pour éviter à Tsunayoshi de nouveaux désagréments dans ses quartiers. J'ai eu vent du dernier esclandre de Xanxus lors de la réunion mensuelle… Et je tiens à épargner mon successeur. »
- Au détriment de ma propre survie… grinça des dents Squalo.
« Je souhaite que tu informes Xanxus de cette décision. Tu risques sans aucun doute gros dans le sens où il ne sera probablement pas de cet avis. La difficulté sera donc de trouver un moyen de le lui annoncer en limitant la casse. Je te fais confiance sur ce point, tu as toujours démontré un sens pratique très intéressant à observer en matière de survie et une intelligence pointue. »
- Ce n'est pas en me complimentant que tu feras mieux passer la pilule vieil homme… marmonna Squalo qui se voyait déjà avec la tête au bout d'une pique à l'entrée du domaine.
A nouveau, il se demanda si l'univers ne se liguait tout simplement pas contre lui. Cela ne pouvait pas être seulement dû à la malchance. Non, il y avait pire. C'était probablement une combinaison de mauvaises choses : un alignement des étoiles corrompu, une vie antérieure plus horrible que l'actuelle, une mauvaise étoile…
Cette lettre le laissait littéralement pantois. Une blague. Il fallait que ce soit une blague. Mais peu importe combien de fois le Superbi scrutait la lettre, le sceau était toujours présent pour en attester la véracité. La seule explication plausible à cette situation tirée par les cheveux ? Le Nono devenait sénile.
« Je voudrais à présent que tu me promettes une chose. Tu es très certainement le seul à avoir lu cette lettre et à connaître l'intégralité de son contenu. Tout ceci doit rester confidentiel. Je ne t'ai, certes, dit que très peu de choses mais c'est bien suffisant pour les quelques temps à venir. Je prendrais bien évidemment le temps de t'expliquer tout en détails lorsque le moment sera venu. Aussi, je te prierais de bien vouloir brûler ce courrier après sa lecture.
Concernant la promise de mon fils, elle-même ne connait guère mes intentions, si ce ne sont celles dont je lui ai fait part, à savoir ce mariage. Tu trouveras une photographie dans l'enveloppe. Son prénom est Akasora. »
Squalo nota avec quel soin le Neuvième éludait le nom de famille de la jeune femme. Et il savait que c'était un choix mûrement réfléchi. Que leur cachait donc l'ancien parrain ?
« Nous l'avons interceptée en des lieux où elle n'aurait pas dû se trouver. Etrangement, nous cherchions mes gardiens et moi-même à lui mettre la main dessus depuis quelques années déjà. Et sans le savoir, c'est elle qui est venue à nous. La providence fait parfois bien les choses.
De son côté, Xanxus n'a besoin de savoir qu'une seule chose : ce mariage aura lieu, qu'il le veuille ou non. Ce n'est pas une requête. J'ai fait le nécessaire avec le Decimo pour que Xanxus n'intervienne pas dans la partie administrative de ce mariage. Il aurait été fâcheux qu'il s'interpose. En temps voulu, je l'informerai également de la situation.
Je compte sur toi et les autres pour intégrer la fiancée de mon fils et pour la traiter avec les égards qu'une dame mérite. Ne soyez pas surpris de sa méfiance. Qui serait assez fou pour faire confiance à des mafiosi ? Elle cherchera probablement à s'enfuir, cela ne fait aucun doute. Mais il faut impérativement, et j'insiste, qu'elle reste auprès de la Varia. Il en va de sa survie. J'ai une promesse à tenir et j'ai besoin de toi pour la remplir. Je ne suis pas en train de te l'ordonner. Vois-le comme une requête d'un vieillard fatigué qui cherche encore à rendre service.
Je te tiendrais au courant dès que possible des modalités du mariage. Je te remercie par avance et te souhaite une buona fortuna. »
Le regard acier du squale passa sans la voir sur la signature élégante de Timoteo Vongola. Après avoir posé la feuille sur son bureau encombré, il vint se frotter lentement les tempes dans l'espoir de faire passer la migraine qu'il sentait poindre.
- C'est une conspiration ma parole… En huit ans, le gamin s'est bien affirmé pour oser se mettre ouvertement Xanxus à dos, soupira pour la énième fois le second de l'élite d'assassins. Et je déteste par-dessus tout ne pas avoir tous les éléments… rajouta-t-il dans un souffle.
Comme il se plaisait souvent à le dire, le premier facteur de la mort d'un assassin était l'imprévu. Et cette Akasora constituait un tel imprévu qu'elle correspondait déjà à tous les critères pouvant causer la mort de l'un d'eux. Sans se lever du fauteuil dans lequel il était assis, l'argenté replia la lettre en trois après avoir vérifié la signature. Du coin de l'oeil, il avisa un bout de papier plus rigide que la missive qui sortait légèrement de l'enveloppe posée sur un coin du meuble. Sans doute la photographie de la fiancée au vu du papier glacé. Ses doigts s'approchèrent de la pièce de papier qu'il tira de son carcan. Ses yeux cherchèrent alors à analyser chacun des détails qui s'offraient à lui. Mais rien ne semblait sortir de l'ordinaire.
- Elle est… Plus banale que je ne l'aurais cru, laissa-t-il échapper d'entre ses dents serrées.
L'image représentait une jeune femme d'environ une bonne vingtaine d'années, peau légèrement brunie par le soleil, en témoigne la trace des bretelles de sa robe blanche. Ses yeux verts semblaient sur le qui-vive, comme si elle se savait observée et sa chevelure rousse paraissait effectuer un mouvement circulaire, comme si elle s'était retournée au moment même où cette photographie avait été prise. Sûrement était-ce le cas. Sans savoir pourquoi, l'épéiste trouva la couleur de ses cheveux étrange. Certes, cela collait avec son nom… Mais l'instinct de Squalo lui soufflait que le visage d'Akasora et sa coiffure n'allaient pas ensemble. Comme si ce visage lui était un peu familier. Peut-être l'avait-il déjà croisée, en mission, à l'extérieur… Ou bien peut-être avait-il rencontré quelqu'un lui ressemblant, ce qui, dans tous les cas, n'aurait pas été fou au vu de tous les voyages que le squale avait effectué dans le cadre de son travail.
Le Boss n'allait en faire qu'une bouchée. La protéger des autres mafieux ? C'est de Xanxus et de sa fureur qu'il faudrait la protéger en premier lieu et la tâche se révélerait ardue. La pauvre ne devait pas savoir ce qui l'attendait exactement et Squalo s'en sentit brièvement désolé pour elle. Le Nono était bien optimiste de penser qu'elle survivrait à ce mariage arrangé. Ou que lui-même allait survivre en l'annonçant à Xanxus.
En retournant le morceau de papier, Squalo vit qu'une note avait été rajoutée par le Neuvième au dos de la photo.
« N.B. : Akasora arrivera escortée par mes hommes ce samedi vers huit heures. Il faudra aller la chercher à la gare de Naples. Il n'est cependant pas exclu qu'elle réussisse à les semer. C'est une petite débrouillarde ! Je te laisserai en juger par toi-même. Tu as quelques jours tout au plus pour l'annoncer à Xanxus en fonction de la date où tu auras reçu cette lettre. A choisir, je ne sais guère te dire qui est le plus malchanceux dans l'histoire ? Xanxus qui doit encore faire les frais de décisions n'appartenant qu'à moi ? Toi, qui dois le lui annoncer ? Ou cette pauvre hère que je jette dans ses bras avec pour argument sa protection ? La vie est compliquée. Et cela ne s'arrange pas avec l'âge, je te l'assure. J'espère que tout ira pour le mieux. Seul l'avenir nous le dira. A nouveau, buona fortuna ! »
Squalo ne dit pas un mot lorsqu'il referma l'enveloppe. La demande du vieux parrain était relativement paradoxale. Et l'assassin détestait ne pas comprendre. Cependant, il savait que le vieillard ne lui dirait rien, tant qu'il estimerait que le temps n'était pas aux confidences. Un détail lui revint alors à l'esprit. Il venait de lire la lettre seulement après une semaine de mission… Tandis que celle-ci était visiblement arrivée le mardi-même, alors qu'il était toujours au Nord de l'Italie. Samedi était donc pour demain. Squalo sentit son sang se glacer. Il ne lui restait que quelques heures pour annoncer cette subite et inattendue idée à Xanxus.
S'il n'avait pas été le préposé à la corvée de paperasse… Il aurait lui aussi bien aimé briser une vitre et envoyer voler chaque parcelle de papier présente dans la pièce. La mort dans l'âme, le Superbi ouvrit l'un des tiroirs fermé à clé de son bureau pour en retirer un briquet. Les lettres avec le sceau de Dernière Volonté étant protégées, Giannini leur avait conçu des briquets composés de flammes capables de détruire ce type de courrier confidentiel. Comme s'il brûlait l'un des plus gros secrets possédés par la pieuvre, Squalo regarda la lettre du Neuvième partir en fumée. A l'image de son envie d'annoncer la nouvelle à son patron, il ne resta bientôt plus rien de la missive. La soirée allait s'avérer mortelle. Et pas seulement littéralement, malheureusement pour lui.
Fiancée, n.f. : jeune personne avec une belle perspective de bonheur derrière elle.
