Titre : Thirteen Stairs

Chapitres : 01/13

Auteur : Foxx

Genre : Lemon, AU, angst, drame, romance...


Note : Cette histoire prend la suite de "The escape of Ruki-sama !"... Mais les deux peuvent être lues indépendamment. Un petit rappel des personnages, tout de même.

Ruki Jeune fugueur, sa famille est déchirée et ses parents ne se sont jamais réellement occupés de lui, trop embourbés dans leurs problèmes personnels. Il est anorexique / boulimique (tendance vomitive) et vit chez sa soeur depuis sa sortie de l'hôpital.
Il a eu un début de relation amoureuse avec Reita à l'hôpital, mais il a été transféré presque immédiatement après et ils ne se sont jamais réellement dit au revoir.

Reita & Uruha Ils sont arrivés très tôt à l'hôpital, et se connaissent depuis longtemps. Ils ont tous deux des tendances à la violence, plus accentuées chez Uruha, Reita se contentant d'éviter au maximum les interactions sociales.

Aoi Personne n'en sait beaucoup lui. Il est anorexique pour des raisons inconnues, aime torturer les animaux, profite des faiblesses de ceux qui l'approchent. C'est le plus solitaire et le plus renfermé de tous.

Kai Fragile et méfiant, sa confiance en les autres est toute relative et se brise au premier faux pas. Il a peur du noir, et est insomniaque. Il est un peu la victime d'Aoi, même si Reita et Uruha tentent parfois de l'en éloigner.


PROLOGUE

Ruki,

Tu ne peux pas savoir la difficulté qu'on a eu à trouver son adresse ! Elle a été enregistrée à l'hôpital à ton départ, et Uruha a un succès incroyable auprès des infirmières, alors...

Comment vas-tu ? La clinique nous a dit que tu étais sorti il y a presque un mois. Je t'avais dit que tu finirais par guérir !

L'hôpital, ici, a fermé. Uruha et moi avons un appartement dans le centre, et je crois que Kai n'est pas très loin, il avait un problème familial à régler le plus tôt possible. Aoi dort plus ou moins dans le parc au centre de Tokyo, puisqu'il refuse mordicus d'accepter mon hospitalité.

Moi, je travaille dans un magasin de disques. Uruha est barman. Nous allons bien. Je veux dire, ne lui en parle pas, mais je n'ai pas vu Uruha s'énerver depuis des semaines. Je crois qu'on a les choses "sous contrôle".

Je voulais venir te voir en personne, mais honnêtement, je ne suis pas trop doué pour parler à ce qu'il parait, et je ne savais pas trop quelle serait ta réaction.

Libre à toi de me répondre. Mais Uruha aimerait te revoir, et moi aussi,

Reita.

STEP ONE

Depuis sa sortie de l'hôpital, Uruha avait eu tout le loisir de découvrir à quel point il était satisfaisant de pouvoir exaspérer son entourage. Son enfance avait été pour le moins chaotique, et son adolescence s'était déroulée à l'hôpital, si bien qu'il savourait pleinement, depuis à peine quelques mois et en toute indépendance, la douceur de la vie en société.

Uruha s'adossa plus confortablement contre les barres en acier de la chaise dépliante dans laquelle il s'était installé, sur la terrasse d'un des bars du centre-ville. Ses doigts tapotaient machinalement contre le vieux bois de la table éprouvée par les intempéries, et son regard glissait de temps à autres vers la silhouette d'un homme assis un peu plus loin, qui fixait sa main avec agacement. Le blond ferma les yeux, savourant la douceur printanière qui peinait à s'installer après la rigueur hivernale. La frustration de l'homme sur la terrasse le satisfaisait bien plus qu'il ne l'aurait songé, comme une bouffée d'air frais revigorante. Le jeune homme avait fini par s'habituer aux petits travers de sa personnalité, qui de toutes façons ne disparaîtraient sans doute jamais, et il n'était pas dans les habitudes du blond de lutter pour l'impossible.

Reita le lui disait souvent, et Uruha pouvait probablement l'admettre, il avait en quelque sorte, depuis leur sortie de l'hôpital, remplacé la violence physique qui l'emportait auparavant si souvent par une violence psychologique bien plus insidieuse. Il ne s'était plus montré brutal depuis de longs mois, et cela semblait une éternité, à la fois frustrante et terriblement grisante dans les progrès qu'elle représentait. Le jeune homme se sentait plus libre, mais il était assez fréquemment à fleur de peau et sans le sadisme gratuit dont il s'amusait à faire preuve à l'égard d'innocents passants, il n'aurait sans doute pas tenu le coup.

Uruha laissa finalement glisser la main le long de la table, ignorant les échardes et les irrégularité du bois qui effleuraient parfois un peu rudement sa paume. L'homme à l'autre bout de la terrasse poussa un soupir agacé mais soulagé et le blond, amusé, croisa les jambes, un sourire malicieux étirant le coin de ses lèvres pulpeuses.

« U.. Uruha-kun ? » s'enquit une voix mal assurée, tirant le jeune homme de ses pensées. Uruha se tourna vers un adolescent dont il avait à peine remarqué l'arrivée, malgré son style vestimentaire plutôt original. Le blond se recula et fronça les sourcils, peinant à mettre un nom sur le visage qui lui faisait face, pourtant terriblement familier.

« Ruki ? » hésita-t-il finalement, sa moue dubitative devenant aussitôt un sourire réjoui lorsque l'adolescent face à lui eut un signe d'assentiment. Uruha se leva d'un bond et posa ses mains sur les épaules du garçon qui lui faisait face, le dévisageant longuement, ayant peine à croire que le brun s'était malgré les années d'éloignement décidé à venir à leur rendez-vous.

Ruki portait un jean délavé, un peu sale, troué par endroit, et orné d'une chaîne pendant de sa ceinture, ce qui n'apportait pas en soi de changement radical par rapport aux vêtements qu'il avait pu porter à l'internat. Il avait en revanche troqué son sweat-shirt trop large pour une chemise blanche un peu grande, ouverte de quelques boutons sur son torse, y dévoilant plusieurs colliers aux pendentifs d'inspiration punk. Quelques piercings étaient venus s'ajouter sur les oreilles de l'adolescent, et le noir corbeau de ses cheveux désormais plutôt courts tranchait avec une mèche teinte en rouge foncé, lui donnant une allure un peu plus rebelle. Une cravate mal attachée pendait à son cou, comme s'il l'avait desserrée sans prendre la peine de l'enlever après une journée de travail, et cela donnait presque à son style vestimentaire quelque chose de négligé, ce qui n'était pas dépourvu d'un certain charme.

« Content de te voir ! » s'exclama finalement Uruha, aussi accueillant qu'à leur première rencontre. Il observa encore quelques instants le beau jeune homme qu'était devenu l'adolescent rencontré à l'hôpital, puis avisa le paquet de cigarettes qui dépassait de la poche de celui-ci, et posa un doigt contre ses lèvres.

« Tu fumes ? » s'enquit le blond, minaudant un peu. « Tu m'en passes une ? » Ruki sourit finalement, dévoilant timidement ses dents blanches, visiblement ravi de retrouver Uruha tel qu'il l'avait connu à l'hôpital, en plus extraverti et dynamique encore. Il hocha la tête, encore un peu intimité par ces retrouvailles, puis posa sa veste sur le dossier d'une des chaises de la terrasse tandis qu'Uruha se rasseyait.

« Reita n'est pas arrivé ? » demanda Ruki en extirpant une cigarette de son paquet, sans même prendre la peine de le sortir de sa poche. Le blond haussa un sourcil, remarquant avec une pointe de curiosité le léger embarras, à peine visible, avec lequel l'adolescent s'était adressé à lui, le visage encore baissé vers son paquet de cigarettes. Uruha vérifia sur son téléphone portable que son colocataire ne l'avait pas appelé pour signaler son retard, puis il secoua la tête et invita d'un geste Ruki à s'assoir à son tour.

« Il ne devrait pas tarder, » ajouta le blond, intéressé à l'idée de savoir ce qu'il adviendrait de la relation du brun avec son aîné, qui s'était nouée quelques années plus tôt à l'hôpital. Les horaires de Reita, au magasin de disque, lui permettaient rarement de sortir dans la journée, exception faite des rares congés que son employeur lui concédait. Le travail de barman qu'Uruha avait déniché dans un établissement voisin était bien plus avantageux, à la fois mieux rémunéré et moins strict, mais il n'avait aucune de ses soirées de libres et cette situation commençait à lui peser.

Le jeune homme blond s'avachit un peu davantage sur sa chaise, cherchant quelque chose à ajouter. Lui et Ruki n'avaient jamais été réellement proches, même s'ils se connaissaient et se comprenaient sans doute mieux que la plupart des personnes extérieures à l'hôpital. Ils avaient partagé des instants qu'Uruha n'aurait jamais souhaité à personne, et leur mal-être, s'il n'avait pas les mêmes causes et la même manière de s'exprimer, avait pesé de la même manière sur leurs épaules. Ruki paraissait en bonne santé physique, du moins meilleure qu'à son arrivée à l'internat, et c'était peut-être tout ce qui comptait. Mais il semblait un peu mal assuré encore, comme s'il gardait en lui des traces du passé qui l'avait amené à l'hôpital, si bien qu'Uruha osait à peine sourire ou engager la conversation sur un sujet trivial – comme s'il se sentait lié par l'ombre de la maladie qu'un oeil averti comme celui du blond voyait roder derrière chacun des pas du brun.

« Tu as trouvé un boulot ? » demanda finalement Uruha, optant pour le premier sujet de conversation qui lui vint à l'esprit. Lui et Ruki s'étaient téléphonés les jours passés, pour fixer ce rendez-vous, mais ils s'étaient alors contentés d'exprimer la joie de leurs retrouvailles assortie de quelques formules de politesse, et le brun avait de toutes manières surtout parlé avec Reita, si bien qu'ils ignoraient finalement presque tout l'un de l'autre.

Reita, Uruha en avait été étonné, avait lui-même proposé, sitôt leur sortie de l'hôpital, de retrouver la trace de Ruki. Le blond taciturne s'attachait rarement aussi rapidement, et les raisons pour lesquelles sa relation avec leur jeune compagnon de chambre s'était si vite formée demeurait un mystère aux yeux d'Uruha – qui détestait pourtant que quelque chose lui résiste de la sorte.

Ruki hocha la tête, sans répondre à voix haute à la question du blond. Le silence revint entre eux, cette fois un peu plus confortable, puis Uruha avisa une silhouette dans la rue, derrière le brun, et il s'efforça de dissimuler un sourire, attendant impatiemment la réaction de Ruki, qui ne se fit pas attendre.

« Salut, » fit la voix de Reita lorsqu'il arriva près de leur table, dans le dos du brun. Celui-ci écarquilla les yeux et se retourna sur sa chaise, une légère rougeur ornant ses joues tandit qu'un sourire réjouit se dessinait sur ses lèvres. Uruha haussa les sourcils, une expression mi-amusée, mi-ironique sur le visage, puis il posa un coude sur la table pour y appuyer son menton et sourit à son tour, dans l'indifférence générale.

« Vous m'attendez depuis longtemps ? » demanda de sa voix de baryton le blond debout près de Ruki, adressant un bref regard à Uruha. Celui-ci secoua doucement la tête et Reita se tourna vers le petit brun à côté de lui, comme pour s'assurer qu'il ne lui en voulait pas. Le blond, à l'autre bout de la table, tapota du bout des doigts contre sa cuisse et détourna le regard, presque excité à l'idée d'observer les retrouvailles de ses deux anciens compagnons de chambre.

Les intuitions d'Uruha ne le trompait probablement pas puisque quelque chose de spécial, une affection un peu particulière, se lisait dans le regard de Ruki chaque fois qu'il observait, nerveusement, comme à la dérobée, le blond à ses côtés. Et Reita, les mains dans les poches pour avoir l'air à l'aise, n'était pas en reste, couvant le petit brun d'un regard protecteur dès que celui-ci ne pouvait s'en rendre compte. Uruha avait conscient que cette relation privilégiée qui était née à l'hôpital, et qui se développait sous ses yeux, était probablement une chance, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir un pincement au coeur, une sorte de jalousie irrépressible.

Reita avait, depuis qu'ils se connaissaient, toujours été cet adolescent renfermé et violent, bien plus renfermé qu'Aoi, dans un sens, même s'il ne l'exprimait pas de la même manière. Là où le brun était agressif, avec quiconque tenterait de l'approcher, le blond était plus mesuré, distant presque, mais il ne confiait jamais ses émotions, pas même à Uruha. Et ce dernier ne pouvait s'empêcher d'en être inquiet ; s'il ne connaissait pas Ruki depuis autant de temps qu'il connaissait Reita, il n'était pas bien compliqué de s'apercevoir que le petit brun manquait cruellement de confiance en lui, qu'il aurait besoin à un moment ou à un autre de mots rassurants de la part de son aîné, si leur relation devenait ce qu'Uruha pressentait déjà.

Uruha rajusta quelques mèches de sa coiffure, le regard toujours posé sur le duo en face de lui qui bavardait avec animation. Il ne put s'empêcher de ressentir une sorte d'angoisse lorsque Reita tendit la main à son cadet pour l'aider à se lever de sa chaise, un sourire affectueux aux lèvres, si discret qu'Uruha était probablement le seul à l'avoir remarqué. Le blond se leva à son tour après quelques secondes, rejoignant bientôt Reita et Ruki qui s'engageaient dans la rue noire de monde, restant volontiers un peu en arrière pour leur laisser quelques minutes en tête à tête.

« Ne fous pas tout en l'air cette fois, » murmura-t-il comme pour porter chance aux deux silhouettes qui marchaient quelques pas devant. Il avait tellement vu Reita fuir comme la peste les relations un tant soit peu profondes qu'il ne pouvait s'empêcher d'être sceptique, même s'il espérait sincèrement voir un jour changer son ami d'enfance.

C'était dans la nature d'Uruha de soucier toujours de tout et Reita, extrêmement perspicace malgré son caractère distant, avait probablement compris les inquiétudes de son ami puisqu'il se retourna pour adresser un regard interrogateur à Uruha, s'assurant qu'il les suivait toujours. Celui-ci répondit au blond par un sourire maladroit, espérant silencieusement que cette prise de contact avec Ruki n'avait pas été une erreur, qu'elle ne ferait pas ressurgir de tristes souvenirs.