Le cœur de Severus Rogue

Chapitre I : Raison et Sentiments

C'était le début des vacances d'été. Le Poudlard Express avait ramené tous les jeunes sorciers de la célèbre école de sorcellerie chez eux et le soleil du début juillet trônait haut dans le ciel, réchauffant de ses longs rayons bâtiments et habitants. Une légère brise soufflait entre les vieilles bâtisses délabrées de l'Impasse du Tisseur. Je sortis de chez moi, fermant en douceur la porte fragile qui tremblait entre ses gonds. Mes parents se disputaient encore et les hurlements de mon père m'empêchaient de me concentrer sur Philosophie des Adeptes de la Magie Noire à Travers le Temps.

Depuis une semaine déjà, j'étais libéré de mes cours et me sentais affreusement perdu et inoccupé en dehors de Poudlard. Heureusement, mes longues heures de solitude auxquelles se mêlaient les disputes et rixes de mes parents étaient entrecoupées par la visite quotidienne que je rendais à mon amie. Ma seule amie. Elle habitait près du parc où de nombreux enfants jouaient, riaient, pleuraient et criaient durant l'été. Non, je n'aimais pas les enfants. Ils étaient trop bruyants et trop agités pour mon goût poussé du silence et de la réflexion, au calme. Jamais je ne pourrais m'occuper un jour de ces pénibles chimpanzés braillards ! Nous étions donc en vacances et tous les jours depuis que le train nous ait ramené à King's Cross, Lily et moi nous promenions et discutions dans le quartier.

La jeune fille et moi nous étions rencontrés des années auparavant et c'est moi qui lui avais révélé qu'elle était une sorcière. Depuis, nous étions liés et même si elle avait été répartie à Gryffondor et moi à Serpentard, nos relations étaient amicales. Seulement amicales. A mon grand dam… Mais comment lui faire comprendre ? Comment avouer mes sentiments ? J'en étais, je le savais, totalement incapable et je me trouvais coincé dans une situation très désagréable : mon cœur me criait de lui hurler mon amour et ma bouche et ma raison refusaient obstinément le moindre acte dans cette direction. J'avais une peur incommensurable de me faire rejeter, de la perdre, de ne plus la revoir, du simple fait de penser qu'elle pourrait me rire au nez, et enfin j'étais terrifié à l'idée de gâcher notre précieuse amitié. Mais elle était si douce, si intelligente, si gentille… Jamais elle ne pourrait me faire du mal. Jamais elle ne me repousserait comme elle l'avait fait avec ce maudit Potter. Mais je chassai ce déplaisant gryffondor de mon esprit et toutes les idées sombres que j'avais en tête lorsque je la vis enfin.

Assise sur un banc dans le parc, comme d'habitude, un énorme livre relié de cuir entre les mains, elle semblait très concentrée et j'hésitais à la déranger. Je l'observai quelques minutes depuis un arbre touffu qui cachait du soleil brûlant ma peau trop pâle. Sa chevelure rousse portait de nombreux reflets dorés et lumineux sous les rayons de l'astre du jour. C'est lorsque je la voyais dans cette attitude que mon cœur se soulevait ; j'avais l'impression qu'il voulait voler vers elle, se jeter sur elle et lui appartenir à jamais. Mais ma cage thoracique le lui interdisait et le gardait prisonnier de ma personne.

Je m'approchais d'elle, toujours concentrée, et m'assis à son côté sur le banc. Elle leva les yeux dans ma direction et ses deux sublimes émeraudes se posèrent sur moi. Mon cœur se tendit encore vers elle lorsque ses lèvres s'étirèrent en un sourire ravi.

-Salut, Sev' !

Cette voix, si douce, si parfaite… Aaah… Allons Sev', concentre-toi ! Pas de distraction ! Sois sérieux, comme d'habitude. Et ces idées ne sont pas bonnes pour ton moral ! Dis un truc intelligent !

-Tu lis quoi ?

-Moi aussi je vais bien, se moqua-t-elle toujours souriante.

Je grognais une excuse. Ah je savais qu'il manquait quelque chose pour la conversation civilisée… Elle poursuivit :

-Enchantements et Sortilèges de Protection contre Sorciers Mal Intentionnés.

-Quelqu'un t'a menacé ?!

J'avais haussé le ton et prit un air scandalisé, ce qui la fit éclater de rire. Elle me regarda d'un air bizarre et secoua la tête en signe de négation.

-Non, je m'informe c'est tout. Par les temps qui courent tu sais…

-Bien sûr… Pardon je…

-Tu me protégerais ? lança-t-elle, énigmatique.

Mon cœur refit un bond dans ma poitrine et je répondis au quart de tour.

-Evidemment !

Je me morigénai mentalement… Cette fille me rendait fou. N'étais-je pas le premier à réfléchir avant de parler ? Et jouant les preux chevaliers, je lui jurais presque amour et protection à ses pieds. Je baissai les yeux sur les mains que j'avais posées sur mes cuisses, respirant lentement pour calmer mes ardeurs chevaleresques. Je la voyais sourire du coin de l'œil.

-Tu as lu le journal ? Me demanda-t-elle prenant un air à la fois triste et sérieux.

-Non. Mon père ne veut plus de hibou dans la maison alors…

-Ah…je te ferai un bulletin tous les jours alors, sourit-elle.

Comme j'acquiesçai, elle poursuivit :

-Des moldus qui campaient dans un champ près de Nottingham ont été attaqués par des mangemorts. Cinq morts et aucun survivant. Comme d'habitude… Ils ont aussi essayé d'agresser des gobelins pour entrer dans Gringotts, mais ils se sont fait repousser et on a appelé les Aurors. Fol Œil a fait un vrai carnage… Un mort et les trois autres sont blessés. Enfin, on ne va pas les plaindre. Autrement, le ministre ne fait toujours rien pour arrêter les attaques. Il s'occupe du Traité sur la non-prolifération des fangieux en milieu marécageux, et il ne commente même pas les dernières attaques.

Je restais silencieux, ruminant ses dernières paroles. Je n'étais pas particulièrement contre les mangemorts et leur maître, et certaines de mes connaissances à Serpentard lui avait déjà juré allégeance. Je savais que Lily avait depuis le début des événements choisi son camp et qu'elle exécrait les actes du mage noir. Le maître en question me fascinait tant ses pouvoirs étaient puissants mais j'émettais une réserve quant à l'idéologie qu'il prônait. La plupart des élèves venant de familles moldues n'étaient pas aussi doués que les autres, ou plutôt que moi. Hormis Lily, bien évidemment. J'étais personnellement Sang-mêlé et nous étions certainement deux des élèves les plus doués de Poudlard. Lily savait déjà ce qu'elle voulait faire quand elle sortirait de Poudlard : Auror. Pour ma part, l'avenir était bien loin et flou et je n'avais pas la moindre idée de mon métier futur.

Nous continuâmes donc de parler de choses et d'autres jusqu'à la fin de l'après-midi, nous promenant entre les ruelles plus sombres lorsque nous fûmes fatigués de rester assis. Et pendant un mois entier, nous passâmes nos après-midi ensemble et notre complicité s'accrut encore durant ce mois de juillet. Puis, au début du mois d'août, mes craintes quant à une hypothétique relation plus durable m'empêchèrent d'aller la voir. Je n'osais la regarder sans penser à nous et mon malaise s'agrandit, me rongeant de l'intérieur et ne me lassant plus de répit. Je la voyais en fermant les yeux, en me couchant, en rêvant, en me réveillant, en somnolant. La nuit comme le jour mes pensées se consacraient à sa seule et unique personne. Elle m'envoyait des hiboux tous les jours et mêmes plusieurs fois par jours et venaient parfois tambouriner contre la porte fragile de la maison. Cela exaspérait mon père qui, le troisième jour, lorsque le deuxième hibou de la journée s'était engouffré dans la maison, m'avait violemment giflé et ordonné que cela ne se reproduise plus. Malheureusement, Lily avait persévéré et j'osais à peine descendre manger tant je craignais mon père. Cette situation dura donc jusqu'à cette fameuse journée, celle qui bouleversa ma vie.