Le Patient

Ch.1

Le jeune homme avait l'air terriblement angoissé. Les mains tremblantes, le souffle agité, il ne cessait de jeter des coups d'œil furtifs de part et d'autre comme s'il craignait d'être suivi. Il se hâtait d'atteindre son but, une petite ruelle tapie dans la pénombre, qu'il avait appris, avec le temps, à utiliser lorsque lui venait le besoin de transplaner à l'abri des regards.

Lorsqu'il y était parvenu, rassuré, il s'octroya un instant de répit. Adossé au mur, il prit son visage entre les mains et tenta de calmer sa respiration, sans grand succès néanmoins. C'est alors qu'il ouvrit les yeux et qu'il le vit.

Malheureusement, l'obscurité de cette impasse dérobée, qui était la raison pour laquelle le jeune homme s'y trouvait, fit qu'il était incapable de distinguer proprement le visage de la silhouette qui lui faisait face. Et, s'il sut d'emblée évaluer sa dangerosité, il n'eut le temps de s'enfuir, car, à peine avait-il semblé chercher une issue des yeux, que l'inconnu avait sorti sa baguette et murmurait : « Endoloris »

Les hurlements qui suivirent ces mots glacèrent le sang de quiconque aux alentours.


Hermione Granger venait de terminer sa nuit de travail. Un peu fatiguée tout de même, il n'était pas venu le temps pour elle de se reposer, car elle avait un rendez-vous qu'elle ne voulait rater pour rien au monde. Alors, elle enleva sa robe verte qui portait l'insigne de l'os et de la baguette magique croisés, et enfila une tenue plus confortable. Enfin, elle sortit de l'appartement confortable qu'elle louait pour quelques gallions. C'était une sorte de deux-pièces qu'elle avait choisi en toute logique : il était proche de son lieu de travail, et de taille tout à fait suffisante pour une personne vivant seule, ce qu'il lui permettait de faire des économies à la fois de temps et d'argent. Arguments purement logiques, certes, mais qui agaçaient certains de ses proches, qui regrettaient qu'elle ne se permette pas d'acheter une belle demeure alors qu'elle en avait pourtant les moyens.

En effet, à seulement 26 ans, Hermione était une guérisseuse de renom. Après avoir joué un rôle capital dans la Seconde Guerre des Sorciers, celle-ci avait entrepris des études de médecine, à la suite desquelles elle devint une référence internationale en matière de soins des troubles psychiques et cognitifs. Un ouvrage de potions médicales de son invention couronnait même son succès. Néanmoins, cela ne l'empêchait pas de rester humble et mesurée, et cela transparaissait à travers certains de ses choix de vie.

Dès lors, elle transplana directement dans une taverne mitoyenne où l'attendaient ses amis. Lorsqu'elle aperçut Harry Potter et Ron Weasley, elle eût immédiatement le sourire aux lèvres, en souvenir de tous les instants précieux qu'ils avaient partagé. Les voir lui donnait chaud au cœur, c'était comme plonger dans un bon bain moussant, ou lire pour la énième fois les premiers mots de son livre préféré.

Harry jouissait d'une renommée dans pareille depuis qu'il avait terrassé Voldemort sept ans auparavant, mais, néanmoins, avait conservé sa modestie d'antan. Jamais ne lui était-il venu à l'esprit de tourner le dos à ses précieux alliés dans la bataille, ni de se vanter d'une quelconque victoire, et son naturel avait manqué à Hermione, ne l'ayant pas vu depuis plus d'une semaine. Il était en effet très pris à la fois dans son travail, car il dirigeait depuis peu le Bureau des Aurors, exerçant alors la profession dont il rêvait depuis ses quinze ans, et dans sa vie amoureuse, lui et Ginny attendant un heureux évènement.

Le bilan était un peu plus sombre pour Ron. Depuis qu'Hermione avait mis fin à leur relation, et bien que ce dernier faisait entendre à quiconque que leur séparation était le fruit d'une décision commune, il était nostalgique de leur couple et peinait à s'en remettre. Cela ne l'empêchait cependant ni de mener une brillante carrière aux coté d'Harry, ni d'adresser un grand sourire à Hermione en l'apercevant.

« Hermione ! s'exclama-t-il alors.

- Ron ! c'est si bon de te revoir ! Oh, Harry… vous m'avez tellement manqué » s'écria-t-elle en les serrant contre elle.

Après ces quelques embrassades, les trois amis s'asseyèrent à une table et commandèrent des bièraubeurres, comme au temps de Poudlard.

- Au fait Hermione, on a testé une de tes potions avec Ginny ce matin, commença Harry. C'était celle contre les nausées, c'était pas mal, mais je crois que cela aurait un peu mieux marché si elle avait été jaune vif au lieu du beige que j'ai obtenu. »

Comme il était loin le temps où Harry, bénéficiant des conseils du Prince de Sang-mêlé, était le petit prodige de la classe du professeur Slughorn.

- Sinon, comment se passe ton nouveau travail ? demanda Ron

En effet, Hermione avait été promu chef de Service à l'Hôpital Sainte-Mangouste il y a peu. Elle gérait un service dédié aux maladies psychiatriques, notamment aux pathologies liées au stress post-traumatique que nombre de sorciers avaient expérimentés après la guerre. Bien que plusieurs années se soient écoulés, certains patients souffraient encore de graves séquelles apparues après des séances de torture, courantes durant cette période. Hermione y était particulièrement sensible, l'ayant elle-même subie lors de son court séjour au Manoir des Malefoy.

- Oh, c'est très complet, admit Hermione après quelques instants de réflexion. En ce moment, j'étudie surtout les capacités de résilience des patients, c'est un champ de recherche fascinant ! Je me base beaucoup sur des travaux moldus, et grâce à ma notoriété, j'aide à faire s'entremêler les deux mondes, et comme vous le savez, faire évoluer les mentalités me tient vraiment à cœur. Mais je dois dire qu'émotionnellement, je m'investis beaucoup auprès de ces personnes, et c'est assez épuisant. Comment ce se passe pour vous ?

- Nous sommes sur une affaire très préoccupante, commença Harry d'un ton grave

- Apparemment, il y aurait un partisan de Voldemort en liberté, poursuivit Ron. Nous ne savons même pas qui c'est. L'alerte nous a été donné ce matin, un homme a été laissé pour mort toute la nuit dans la rue avant d'être pris en charge. Un nouveau cas de torture.

Il était très rare que des Mangemorts fassent l'objet d'une mission des aurors. Après la guerre, chacun d'entre eux, avaient été méticuleusement traqué, puis jugé. Quant aux sorciers qui avaient combattu aux côtés de Voldemort, la grande majorité d'entre eux avaient subi le même sort, les autres ayant pu profiter du manque de preuve les accablant. Néanmoins, la situation était redevenue calme, et le bureau des aurors traitait d'affaires très diverses, allant d'enquêtes sur les sorciers disparus au démantèlement de réseaux d'activités magiques illégales les plus diverses. Rien qui n'impliquait Celui-dont-le-nom-ne-doit-pas-être-prononcé, dont plus personne ne craignait le nom désormais.

A ces mots, un hibou traversa la taverne, provoquant les grognements des sorciers venus déjeuner. Celui-ci fonça sur Hermione, et lorsqu'il se fut poser sur le dossier de sa chaise, cette dernière détacha l'enveloppe de sa patte. Elle lut brièvement la missive, avec cet air concentré et soucieux que ses amis lui connaissaient bien. L'air grave, elle annonça :

« Cet homme vient d'atterrir dans mon service. »

Un silence suivit cette déclaration. Nul ne pouvait ignorer que la victime de l'attaque souffrait gravement, et bien que son pronostic vital ne fût engagé, qu'elle ne recouvrerait jamais vraiment la santé. C'était là toute l'injustice des maladies psychiques auxquelles Hermione avait voué sa carrière.

Après avoir salué brièvement ses amis, Hermione sortit de la taverne et transplana jusqu'à l'hôpital londonien. L'entrée des guérisseurs se faisait dans un endroit spécifique de l'hôpital, permettant de réceptionner tous les déplacements du personnel. Dès lors qu'elle y fut arrivée, elle se dirigea en direction du quatrième étage, saluée au passage par des collègues et patients. Un de ses guérisseurs se précipita vers elle

- Dr Granger, nous avons reçu ce matin un patient totalement inconscient. Il a subi de multiples sortilèges « Endoloris » et n'a été pris en charge que plusieurs heures plus tard.

Hermione fronça les sourcils. Lors de ce genre d'agression, il était crucial pour le patient d'être pris en charge le plus vite possible, afin de réduire au maximum les risques de séquelles. Visiblement, le ministère délaissait son travail de détection des sortilèges impardonnables, et cela lui déplaisait fortement.

« Bien. » répondit-t-elle d'un ton placide. La difficulté de son travail, qui nécessite un détachement émotionnel permanent, la forçait à se montrer parfois froide et impassible face aux patients et guérisseurs dont elle avait la charge. « Avez-vous réalisé un premier bilan somatique en mon absence ? »

Le guérisseur lui décrit alors les diverses observations et résultats d'examen qu'exigeait le protocole mis en place par Hermione lors de son arrivée dans le service, tandis qu'ils se dirigeaient à grands pas vers le lit du patient. Hermione entendait de plus en plus vaguement la voix du jeune homme au fur et à mesure qu'il lui semblait reconnaître le nouveau patient. Enfin, elle arrivait à sa hauteur.

Une tête blonde, qui semblait vidée de toute vie, gisait sur l'oreiller. Un dossier, accroché au bout du lit, portait l'inscription « Drago Malefoy ».