Notes : Ma réponse au 37e défi du Poney Fringant, sur la première rencontre de Tom Bombadil et Baie d'Or. De leur non-rencontre, en réalité, compte tenu la façon dont je l'ai traité.
Bonne lecture !
La vie rêvée des Anges
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L'aube était froide, nappée de silence et d'une brume épaisse – presque morte. Le ciel avait, toute la nuit, pleuré des larmes glacées ; et la terre, noyée sous son chagrin, était gorgée d'eau. Les quelques feuilles aux couleurs sombres que l'Automne n'avait point encore dérobées luisaient sous la lumière diaphane du jour.
On entendit résonner le craquement de branches mortes, à demi-étouffé par le sol spongieux. Fatigué, grelottant dans ses habits humides, Tom Bombadil marchait d'un pas lourd et las. Les brins de la plume de cygne qui ornait son chapeau, pourtant si lisses et si soyeux, s'étaient recroquevillés, misérables et chétifs.
Que semblait loin la félicité des jours d'Eté !...
S'approchant de la rivière, il s'agenouilla sur son rivage. Triste reflet des cieux, l'eau était morne et grise, gonflée par les dernières pluies. Il plongea ses mains dans les flots glacés, tâchant – hélas, peine perdue – de nettoyer cette boue qui maculait bottes et vêtements. Il répéta ce même geste, deux fois, six fois ; mais, lorsqu'il toucha l'onde pour la septième fois, le monde changea.
L'eau retrouva sa clarté pure, lumineuse sous les rayons chauds et brillants du soleil. La nature environnante était remplie de couleurs éclatantes – du vert tendre des herbes au chatoiement varié de ses précieuses fleurs, pleine du gazouillis délicats des oiseaux et du bruissement des feuillages. Un frémissement doux et cristallin attira son attention et, sous ses yeux ébahis, parut depuis l'onde la vision la plus surprenante qu'il n'ait jamais eue.
Ses cheveux étaient d'or pâle, ses yeux clairs et rieurs. Elle se tenait là, devant lui, sans peur ni crainte, drapée d'une robe qui, parsemée de gouttes d'argent, semblait tissée du velours même des lunes d'eau. Ses traits étaient beaux, quoiqu'étranges, son visage animé de défiance et d'amusement mêlés.
Tom Bombadil se sentit envahi d'une sensation curieuse, de connaître cette créature irréelle depuis toujours. L'envie le saisit, presqu'incongrue, de la prendre dans ses bras. Mais comme si ses pensées lisaient les siennes, elle éclata d'un rire gracile et ravissant, dont l'écho jaillit longuement dans les airs ; et la nymphe s'abîma à nouveau, preste et agile, dans le lit de la rivière.
Il se précipita à sa suite ; mais le songe disparut aussi vite qu'il était venu. Il se retrouva dans le torrent, de l'eau glacée jusqu'aux cuisses. Le monde avait retrouvé sa grisaille terne et monotone ; le soleil ne brillait plus, les oiseaux s'étaient tus. A l'entour, la nature avait revêtue sa noire tenue de deuil.
Il ne lui restait, de ce rêve furtif, qu'un vide perfide et cruel.
