Quelques repères :

Namyuul - commandant de la huitième division de Barbe-Blanche

Satch - commandant de la quatrième division ; plus tard tué par Barbe-Noire

Brenheim - commandant de la neuvième division

Delacoy - capitaine allié de Barbe-Blanche

Marco - commandant de la première division (mais vous le savez !)

Si vous voulez vous faire une idée de l'allure de tous ces persos, je vous conseille d'aller faire un tour sur le site de la Volonté du D et de relire le manga (toute occasion pour le relire est bonne à prendre après tout).

Bayu, Guy, Herman, Niko, Gayus - caractères inventés pour l'occasion.


L'unique port de la petite île verdoyante sur laquelle ils avaient accosté n'était pas assez grand et profond pour accueillir le Moby Dick. Il était également déjà occupé par une multitude de bateaux de pêche. L'équipage avait été forcé de lâcher l'ancre à une bonne distance de la côte.

Accoudé à la balustrade, Ace regardait s'éloigner les canots sur lesquels se trouvaient les membres de l'équipage qui avaient décidé de se dégourdir les jambes sur terre. Barbe-Blanche et ses pirates connaissaient apparemment bien la ville et ses habitants, et étaient certains d'être bien reçus. Personne n'avait été envoyé en éclaireur, et de nombreux hommes s'étaient précipités sur les embarcations pour les mettre à l'eau et rejoindre le port. Les uns parlaient de passer la journée (et probablement aussi la nuit, et une bonne partie de la matinée du lendemain) à la Joyeuse Taverne qui, à en entendre les cris enthousiastes, méritait son nom ; les autres comptaient profiter de l'heure encore peu avancée pour descendre au marché. Ace en avait entendu quelques uns discuter de partir en excursion dans les terres.

Namyuul s'était arrêté un instant à ses côtés tandis qu'Ace observait l'agitation dans son coin, et lui avait proposé de les accompagner. Il avait poliment refusé, et l'homme-poisson lui avait jeté un long regard avant de hausser les épaules et de s'éloigner. Il avait plongé à la mer peu après, et nageait tranquillement auprès des canots.

Ace ne s'était approché qu'une fois le pont quasiment désert. Les hommes qui restaient sur le navire étaient retournés à leurs tâches ; ceux encore dans les parages ne lui avaient accordé que quelques brefs coup d'œil avant de se désintéresser de lui. Certains lui avaient souri, et Ace les avait soigneusement ignorés.

C'était à eux qu'il pensait alors qu'il suivait le parcours des bruyantes embarcations. Il était sur le navire depuis quelques jours, et à chaque jour correspondait une nouvelle tentative pour tuer Barbe-Blanche, et pourtant l'indifférence de départ de la plupart des membres de l'équipage s'était mystérieusement transformée en bienveillance. Il pouvait comprendre leur amusement face à ses attaques infructueuses, mais que cet amusement ne soit pas accompagné de dédain, ou d'énervement, le laissait perplexe.

La proposition de Namyuul l'avait aussi pris de court.

L'attitude de tout l'équipage le prenait de court. Qui réagissait comme ça à une présence clairement ennemie ? Luffy. Il était tombé (de force) sur un navire de Luffy. L'idée était déconcertante, et un brin terrifiante.

Quand de parfaits étrangers rencontrés au détour d'une aventure ou d'une nuit de beuverie le considéraient avec bonhommie, il savait comment réagir (avec le sourire). Mais quand des gens qui le côtoyaient de près depuis plusieurs jours, et qui s'étaient heurtés à toute sa colère (et il en avait en réserve) pendant ce laps de temps, trouvaient en eux-mêmes la force de s'habituer à sa présence et même de l'accepter, il était perdu.

Lorsqu'il s'était réveillé sur le navire après son combat contre Barbe-Blanche (sa déculottée, lui souffla son esprit), il s'était imaginé avoir été embarqué parce qu'il était divertissant. Il n'était pas sur Grand Line depuis un an, et déjà il avait fait parler de lui. Il était un petit nouveau. Il avait osé se dresser contre un des Empereurs. Il avait prétendu pouvoir lui couper la tête. L'équipage de Barbe-Blanche, composé en grande partie de marins d'expérience qui naviguaient depuis des années sous la bannière de Barbe-Blanche devait être curieux de voir comment il allait réagir à cette situation. Il s'était imaginé être débarqué à la première île venue, une fois la nouveauté de sa présence passée.

Il lui avait fallu deux jours entiers pour réaliser que ces hommes s'attendaient à le voir rester à bord. Ils lui offraient une place dans l'équipage. Sa colère n'avait que redoublée. Qui offrait à un gamin de dix-sept ans une place dans l'un des équipages les plus redoutés au monde, alors qu'il n'avait rien accompli ?

Luffy était pareil. Même alors qu'Ace ne se préoccupait que de le semer dans la forêt jour après jour, le garçon s'était entiché de lui. Alors, son hostilité s'était cognée à un enthousiasme sorti de nulle part. Aujourd'hui, elle se mesurait à une bienveillance en laquelle il avait bien du mal à croire.

Et Barbe-Blanche. Le capitaine ne lui avait pas parlé depuis qu'il s'était réveillé à bord. Ace s'expliquait facilement cette indifférence par sa propre insignifiance. Un des quatre Empereurs n'avait que faire d'un petit pirate qui cherchait en vain à le tuer. Autant se préoccuper d'un chiot qui grogne et aboie à ses pieds.

Et pourtant, s'il était là, c'était bien à cause de Barbe-Blanche, non ? Son équipage n'avait certainement pas décidé seul de le faire monter sur le navire ? Il avait bien fallu que Barbe-Blanche décide de ne pas le tuer et ordonne de le charger à bord. Le fait qu'il ne lui dise pas pourquoi ne faisait que renforcer l'impression qu'il avait de n'être là que pour divertir. Pour amuser. Ses vaines tentatives d'assassinat n'étaient que la cerise sur le gâteau.

Et le pire, c'est qu'il ne pouvait pas partir. Il ne pouvait pas tourner le dos à Barbe-Blanche alors qu'il avait cherché à s'en faire un ennemi en clamant qu'il allait le battre.

Il lui faudrait peut-être des jours et des jours, mais il finirait par le tuer. Après ça, il n'aurait plus qu'à aider son équipage à s'enfuir.

Facile.

Un rictus dégoûté lui échappa. Facile. Bien sûr.


Le dos au rivage qui se rapprochait, Satch contemplait la figure accoudée au parapet tout en écoutant d'une oreille les conversations de ses compagnons. Un petit groupe dont faisaient partie trois de ses hommes mettait sur pied une balade dans les hauteurs de l'île. Lors de leur dernière escale à Drage ils avaient entendu parler d'un trésor enfoui qui se trouverait quelque part dans le dédale de pentes raides qui constituaient le plus gros des terres. Ils n'avaient pas eu le temps de partir à sa recherche la dernière fois, mais comptaient bien mettre la main dessus cette fois-ci. Satch lui, prévoyait d'ordonner à Bayu de se joindre à eux. Ce groupe d'aventuriers en particulier avait l'art de s'attirer des ennuis improbables. Il leur faudrait bien le second de la Quatrième Division pour revenir en un seul morceau. Chargés d'un trésor ou non.

Tout en se délectant d'avance de la réaction de Bayu lorsque l'homme se verrait forcer à accompagner le groupe dans sa randonnée, il songeait au drôle de gamin qui était resté sur le navire.

Il ne s'était pas attendu à autant d'agressivité. Lorsqu'Oyaji leur avait dit de faire monter tout l'équipage des Spade à bord, il avait ri avec les autres. Dès l'instant où le jeunot avait essayé de protéger la retraite de ses compagnons, il s'était douté qu'Oyaji ne se débarrasserait pas de lui comme de n'importe quel autre nouveau pirate arrogant qui s'attaquait à bien plus fort que lui.

C'était Satch qui avait été désigné pour guetter le réveil de ce nouveau "frère" et lui annoncer la nouvelle. Bienvenue. Essayons de bien nous entendre.

Il s'était préparé à deux réactions : fierté (orgueil), ou dépit (orgueil blessé). Il avait eu droit à de la colère. Orgueil, s'était-il encore dit. Le jeune pirate ne se disait pas qu'il avait bien mérité sa place au sein de l'équipage ou qu'il valait mieux qu'eux. Il était furieux. Trouvait sans doute qu'on ne se comportait pas correctement avec lui. Avait alors commencée la série hilarante d'attaques futiles. Il les observait avec autant d'amusement que ses frères (la hache, tout particulièrement, avait été une trouvaille savoureuse), mais aussi avec déception. Qu'est-ce que Oyaji avait bien pu voir qui lui échappait complètement ? Pour lui le jeune garçon n'était qu'un blanc-bec agressif dont l'égo avait pris un coup.

Guy fit un geste dans sa direction et il sortit de sa réflexion à temps pour leur annoncer qu'il y avait très exactement aucune chance qu'il les laisse s'aventurer, lui et les autres de son petit groupe, seuls dans l'île. Bayu se joindrait à eux.

La réaction de son second fut aussi délectable que ce qu'il avait espéré.


Il ne fallut que trois verres au commandant d'Herman pour commencer son habituel spectacle. On aurait pu s'attendre, compte tenu de son impressionnante stature, à ce que la commandant Brenheim tienne bien l'alcool. Non. Clairement, non. Herman, membre de la neuvième division depuis bien des années maintenant, savait à quoi s'en tenir. Passé le premier verre, les joues du commandant Brenheim s'empourpraient. Passé le deuxième, il oubliait tout concept de voix d'intérieur et de discrétion. Au troisième, il devenait un véritable spectacle. Dont Herman raffolait.

- Et Marco ! Marco ! était tombé ! à. la. mer !

Les éclats de rire redoublèrent, et Herman cacha un sourire dans sa bière. Le commandant Brenheim se tut le temps de quelques gorgées, et embraya sur une nouvelle histoire, à plus grande joie de la taverne bondée.

- Avec une hache ! s'exclama-t-il sans aucune transition. Herman fouilla sa mémoire à la recherche de l'anecdote à laquelle son commandant faisait référence. Une altercation avec Sentoumarou ? La fois où la septième division s'était retrouvée mêlée bien malgré elle à un trafic d'armes (l'aventure mettait en scène un gangster dont l'arme de prédilection était la hache, et qui avait bien failli couper quelques têtes) et avait été sauvée in extremis par le reste de l'équipage ? Ou-

- Il a attaqué Oyaji à la hache ! La. HACHE ! Barbe-Blanche !

Ou leur délectable dernière recrue.

Le fou rire repartit de plus belle, mais Herman remarqua que le sourire du commandant Satch, vers qui il s'était tourné à la dernière exclamation de Brenheim, s'était crispé. Ah. Il n'avait donc pas imaginé la tension naissante de ces deux derniers jours. Le jeune Ace n'était parmi eux que depuis neuf jours, et déjà il épiçait la vie à bord. Une trouvaille, vraiment, ce gamin.

- A la hache ! se délectait encore Brenheim.

Herman se leva, chope à la main, et rejoignit Satch. Le commandant était bien entouré, mais il ne suffit que d'un regard mauvais pour que Kon lui laisse sa place.

- Toujours terrifiant, nota Satch en riant. Herman s'accorda une seconde de fierté avant de revenir à leurs affaires.

- Alors ?

Satch ne prétendit pas ne pas comprendre. Il but un peu de son vin, reposa sa coupe, commença son habituel manège (il tripotait le verre, faisait glisser son doigt sur le rebord, tapotait le pied). Répondit.

- Il ne me plaît pas.

- Sans blague, grommela Herman. Satch parut un peu surpris. Puis amusé. Presque jubilant.

- Tu l'aimes bien !

Herman se tourna vers les quelques rires étouffés qui venaient de fuser. Clairement, leur conversation n'était pas privée. Les hommes qui les entouraient eurent le bon goût de faire semblant de reporter leur attention ailleurs.

- Il est tenace, répondit-il simplement. Satch le connaissait depuis assez longtemps pour savoir que c'était un trait de caractère qu'Herman appréciait. Il s'inclina de bonne grâce.

- Ca oui, convint-il. Et un peu trop fier.

Et Herman connaissait assez bien Satch pour percevoir de l'irritation derrière la moue dédaigneuse. Satch lui-même avait un égo surdimensionné et le cultivait. Mais de l'avis de tous (et du sien) il avait durement gagné le droit d'être prétentieux. Il était clair qu'un jeune pirate en mer depuis moins de deux ans et qui se croyait assez fort pour confronter Barbe-Blanche n'allait pas facilement gagner son respect. Surtout si le dit garçon paraissait considérer une invitation sans pareille avec dédain.

Herman lui, sentait qu'il y avait quelque chose en plus chez Ace que de la simple arrogance. Il était même enclin à penser que ce qu'ils prenaient tous pour un égo qui avait bien besoin d'être malmené était en réalité autre chose. Il n'avait juste pas réussi à mettre le doigt sur quoi.

- Je pense qu'il est plus que ça, conclut-il simplement.

Satch grimaça, mais ne le contredit pas.


Niko lui, était de l'avis que Ace était un grand incompris. Herman avait raison de penser que le garçon était plus que ce qu'il paraissait au premier abord. Il garda son opinion pour lui, conscient qu'intervenir dans la conversation des deux hommes n'aurait pour résultat que de s'attirer l'habituelle dérision que provoquaient ses moments "fleur bleue", comme les appelaient ses frères (et le courroux de Herman).

Mais il était convaincu qu'un garçon de même pas vingt ans qui était parvenu à gagner le respect de Jimbei devait être sacrément spécial. Leur preux compagnon homme- poisson ne s'était hélas pas beaucoup attardé après son combat contre Ace, juste le temps que l'on panse ses blessures superficiellement, mais assez longtemps pour partager avec ceux qui le soignaient ses impressions. Niko, alors alité à l'infirmerie pour se remettre d'un accès de fièvre, l'avait écouté attentivement. Et il en était certain : Ace méritait de devenir l'un de leurs frères.

Il tâcherait de l'aider à se révéler au reste de l'équipage.


- Dix tonneaux de liqueur, dix-neuf de viande salée-

Delacoy interrompit son chargé d'inventaire (Gayus, à en croire le beuglement de Delacoy lorsque Marco était arrivé sur le navire pour un ravitaillement), et se tourna vers Marco.

- Kaplun vous fait dire que les tornades ont ravagé ses troupeaux et qu'il ne peut pas nous donner plus.

- Et il pouvait se séparer des dix-neuf tonneaux ?

Le ton léger fit grimacer Delacoy, qui s'empressa de répondre.

- Il m'a dit que oui.

Il ne laissa pas le temps à Marco de rétorquer quoi que ce soit (en réalité, le commandant était plus enclin à fixer longuement ses interlocuteurs en attendant qu'ils
craquent et lui disent ce qu'il voulait entendre) et continua précipitamment.

- Et j'ai vérifié ! On est restés trois jours dans le village, et je suis passé dans toutes les maisons pour être sûr que les garde-mangers étaient assez pleins pour tenir jusqu'à ce que de nouvelles bêtes arrivent. J'ai aussi eu A.O. en ligne, la crapule se la coule douce dans la péninsule d'Ibrit, et je lui ai dis de ramener ses fesses là-bas avec une cinquantaine de gnous. Ce n'est pas leur bétail habituel, mais ça devrait les aider.

Le franc sourire de Gayus n'était qu'à demi caché par la semi-obscurité de la pièce, et Marco était bien en peine de ne pas l'imiter. Cette nouvelle attitude prévenante de Delacoy pour les populations locales qui croisaient sa route était le résultat d'une dispute réjouissante entre le capitaine et Oyaji. Barbe-Blanche avait clairement fait comprendre à leur plus récent allié qu'il ne tolérerait pas son comportement peu scrupuleux. Le code de conduite d'Oyaji face aux civils était "pas de massacres, pas de tueries, pas de meurtres, pas "d'accidents", pas de "j'ai cru que c'était un Marine", pas de "mais il allait sortir une arme de sa poche",
pas de razzias". La leçon semblait avoir été retenue.

L'inventaire se continua sans anicroche. Delacoy avait réussi à bien remplir ses cales, et Marco remporterait avec lui une partie des victuailles pour le ravitaillement du Moby Dick. La visite se conclut dans la cuisine, autour d'une chope de rhum.

- Brenheim m'a parlé de votre nouvelle recrue.

- Brenheim parle trop.

Delacoy pesa visiblement le pour et le contre de continuer sur ce terrain, mais sa curiosité l'emporta facilement.

- Il dit que la garçon a attaqué le vieux à la hache.

Oh pour l'amour-

- Oyaji veut qu'il nous rejoigne. Il n'a pas encore dit oui. Les rumeurs peuvent sûrement attendre qu'il fasse partie de l'équipage.

C'était comme il l'avait craint. Non seulement Ace ne semblait pas particulièrement partant pour intégrer leur petite famille, mais même s'il en venait à contempler d'accepter, les bruits qui couraient sur lui auraient tôt fait de lui faire changer d'avis. Dans quelques jours, toutes les divisions, tous leurs alliés, et sûrement tous les habitants des villes qu'ils croisaient, parleraient de "ce pirate, le jeune, Fire Ace, il a essayé de tuer Barbe-Blanche (à la hache)". Ce n'était pas en entendant cette charmante réputation que Ace allait être convaincu de leur sincérité.

Heureusement pour lui, Delacoy parut bien enregistrer le message, et il changea prestement de sujet. Avec un peu de chance, en voilà un de moins qui propagerait des
ragots.


La suite bientôt ! N'hésitez pas à laisser une review :)