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Je n'avais pas eu le temps de regarder le dernier Live d'Aventures, et je l'ai fait. C'est le meilleur live que j'ai pu regarder.
Grunlek est mon personnage préféré de la série, et l'interprétation de Krayn tout aussi parfaite. J'aime cette appropriation du personnage qu'il a choisi de faire, cette condescendance et ce charisme royal dont il fait preuve.
Je sais que je devrais remercier Mahyar, Fred, Bob, Seb également, mais juste pour cette fois, je le dis juste à celui qui interprète Grunlek avec ce brio inégalable :
Magnifique.
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L'orphelin
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Shin ployait sous le poids d'un Bob encore ivre alors tous se remettaient de leur dernière quête. Théo grognait après ce mercenaire mi-troll qui avait rayé son gantelet.
_ Pourquoi est-ce qu'on sort ? J'en avais pas fini ! protesta le paladin.
_ Parce que le tavernier nous a mis dehors, répondit machinalement Grunlek. Et qu'on doit reprendre la route aussi. Les Buveurs de Chair rôdent près du lac à la nuit tombée.
_ Ouais, mais la récompense pour cette quête, elle est pourrie, aussi, répliqua Théo. On peut pas les dépouiller, les Buveurs de Chair.
_ Il y a la femme de l'apothicaire qui m'a dit qu'on pouvait dépouiller leur peau pour les revendre, tempéra Shin.
La nouvelle ne sembla pas réjouir le paladin plus que ça. Mais en même temps, tuer, c'était ce pour quoi il était le mieux entraîné.
_ On y va du coup ?
Pour toute réponse Bob vomit sur les chaussures de Shin.
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Ils avaient décidé de poser le camp dans la forêt, après une bataille dantesque qu'ils avaient remporté de peu. Malgré sa gueule de bois, Bob s'était montré d'une efficacité remarquable, tandis que Théo avait failli perdre son épée.
Grunlek montait la garde près du feu, en étudiant soigneusement les peaux des Buveurs de Chairs qu'il avait pris soin de découper avec Shin et Bob. Eden était à ses pieds, et semblait se réchauffer près des flammes, quand elle dressa soudain une oreille. Lentement, elle leva la tête, regarda à gauche, puis à droite.
Paresseusement, elle finit par se lever pour s'enfoncer dans la forêt. Son attitude ne dérangea pas Grunlek, habitué qu'il était à la voir vagabonder à droite à gauche. Mais lorsqu'il ne la vit pas revenir, son instinct lui dit qu'il devait lui être arrivé quelque chose. Avait-elle encore la patte prise dans un piège à loup ?
Les habitants du village n'avaient pas l'air très contents de la voir dans les parages, et sa grande taille terrifiait les enfants, quand ce n'était pas le regard de Théo.
Le nain se leva donc et s'enfonça dans la forêt. Sa vision nocturne lui permit de voir, mais aucune trace d'Eden. Il ne lui fallut cependant que sa perception aiguisée pour entendre son gémissement de douleur. Aussitôt, Grunlek se mit à courir aussi vite que ses jambes le lui permettaient entre les pins, les ténèbres de la forêt engloutissant le feu de camp où dormaient ses trois amis.
Finalement, il déboucha sur la clairière, où il s'arrêta. Eden était couchée sur le flanc, maintenue par trois nains qui tournèrent la tête à son arrivée.
_ Je ne sais pas qui vous êtes, dit posément Grunlek, dans un souci de ne pas montrer la moindre agressivité, mais cette louve est à moi. Relâchez-la.
Ses dires n'eurent pas plus d'effets sur les nains que s'ils avaient été sourds. L'un d'entre eux cessa de tenir Eden pour se lever vers lui, la main sur sa lance pointée vers le ciel. Grunlek chargea son bras mécanique, jusqu'à ce qu'une voix éraillée s'élève :
_ Relâchez l'animal.
Aussitôt les trois nains obtempérèrent. Grunlek n'eut pas besoin de la soudaine apparition de la lune de derrière les nuages pour reconnaître cette voix. Sous la lumière blafarde de l'astre de la nuit brillait faiblement les cheveux argentés et le crâne dégarni et métallique d'un quatrième nain, qui, même vêtu d'une cape de voyageur, ne perdait rien de sa splendeur.
Les trois nains mirent un genou à terre devant sa Majesté Grise, et Grunlek resta de marbre. La voix fatiguée du vieillard reprit :
_ Je vois que tu as en toi encore cette arrogance que te confère ton rang. C'est peut-être bon signe.
_ Que fais-tu ici ? demanda Grunlek sur un ton calme.
L'un des nains semblait choqué de voir sa désinvolture face à celui qui était son Roi. Ce dernier n'eut pas le temps de répondre, que déjà le nain exilé reprit :
_ C'est à cause de ce qu'il s'est passé, n'est-ce pas ? Le manoir, la Gemme…
_ Tu as toujours eu cette étonnante perspicacité, fit remarquer sa Majesté Grise en faisant quelques pas en avant.
Eden s'était dégagée de l'emprise des nains et s'était postée près de Grunlek. Elle grogna en montrant les dents, mais son maître posa sa main de chair sur son échine pour la rassurer.
_ J'ai fait ce qui était juste, dit-il. Aucune des choses que j'ai faites à ce moment-là, je ne les regretterai.
Le Roi hocha la tête.
_ Je le sais bien. Mais comme nous avons respecté tes choix, tu n'en as pas fait de même. Et sache que d'autres que toi en ont payé les conséquences.
A ce moment-là, le nain du milieu avec la lance ramassa quelque chose à ses pieds pour la balancer au pied de Grunlek. Ce dernier baissa les yeux et retenut un hoquet d'horreur en voyant une tête rouler à ses pieds, la tête bien connue d'un de ses amis d'enfance figée à jamais dans une expression d'horreur, avec du sang noir coagulé qui lui sortait de la bouche. Les mots fusèrent de sa bouche avant qu'il ne puisse les retenir.
_ Mark… il est…
_ C'est la seule partie qui n'a pas été jetée au chien, dit tranquillement le noble.
Sa Majesté Grise fit signe à ses sujets nains de reculer et continua lui-même à avancer jusqu'à ce qu'il soit face à face avec Grunlek, et que seul lui puisse l'entendre :
_ Tu as fait tes preuves. Tu es devenu un Aventurier, et tu as abandonné ton titre royal. Mais la trahison des tiens a un prix.
_ Je ne vous ai pas trahi, répliqua Grunlek. Pourquoi mes origines devraient déterminer ma destinée ? Pourquoi mes actes devraient-ils coûter la vie aux autres alors qu'ils sont justifiés ? Est-ce que tes éclaireurs t'ont seulement rapporté que le village de l'Entreterre a…
_ Assez.
Le ton était calme, mais impérieux à la fois. Pour la première fois, Grunlek eut réellement l'impression de ne pas être face à son Roi. Il profita de cette opportunité.
_ Père, dit-il doucement. Ceux qui ont pris cette relique ont fait du mal à d'autres personnes, à des innocents. Ils ont souillé nos valeurs, ils se sont fermés à l'évolution, à l'union de toutes les races qu'ils méprisent. Pourquoi ne pouvez-vous pas contempler l'avenir que je vous propose ?
Sa Majesté Grise baissa les yeux vers le bras mécanique de Grunlek, et lâcha :
_ Tu as choisi d'assumer ta destinée, fils. Alors j'assumerai la mienne aussi.
Il se détourna, et commença à marcher. Les trois autres nains disparurent dans la forêt, et le Roi s'apprêtait à en faire de même, quand il s'arrêta pour faire une énième tirade :
_ Lorsque je partirai, je mettrai un mois pour retourner au Royaume. Le Conseil de Fer décidera de la procédure à suivre lorsque les derniers sacrements auront été donnés à Vorv, Lakr et Knerl.
Grunlek ferma les yeux une fraction de seconde :
_ Je sais que vous me considérez comme un traître et pourtant c'est vous tous qui trahissez votre allégeance à tout ce que nous sommes, nous, nains, à ce que nous pouvons être. Et pourtant, nous pouvons transcender les barrières, ensemble.
Sa Majesté Grise croisa son regard. Grunlek n'avait jamais remarqué à quel point son père avait une telle expression de fierté qui lui conférait la posture royale dont il était si digne. Mais en même temps, jamais il ne lui avait paru aussi vieux. Aussi vulnérable.
_ Ce soir, c'est la dernière fois que je m'adresse à toi en tant de père, lâcha-t-il.
Ils se regardèrent dans les yeux pendant un long moment, et Grunlek vit le regard condescendant du Roi disparaître un bref instant pour laisser place à cette émotion qu'il ne lui avait vu que rarement : l'amour d'un père, et la douleur de la perte de son fils.
Ils se connaissaient trop bien tous les deux pour connaître l'issue de cette rencontre, qui n'avait été qu'un prétexte pour tourner une nouvelle page dans les règles. Ils étaient bien trop bornés et trop fiers.
Pour la dernière fois, le prince nain Grunlek Von Krayn baissa humblement la tête pour dire adieu à son père.
Sa Majesté Grise continua sa route jusqu'à ce que les ténèbres l'envahissent.
Quelques minutes plus tard, le nain Grunlek tourna les talons, et retourna près du feu de camp en compagnie d'Eden.
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Petite Pirate
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