Disclaimer : L'univers d'Harry Potter appartient et appartiendra à notre chère JK. Rowling.
Et l'auteur : J'en avais marre de cette nouvelle génération. Elle commençait sérieusement à prendre ses aises dans ma têtes. C'était énervant. Alors, bah... elle est sortie et est partie danser les claquettes sur ma feuille.
Pauvre JK. Si elle savait.
Albus Severus Potter
Je m'appelle Albus. Severus. Potter.
Albus pour le grand Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore, figure paternaliste de la lumière, géant inébranlable et drôle de grand-père souriant. Albus pour l'immense et l'estimé Dumbledore, le redresseur de tort, le défenseur de la veuve et de l'orphelin, et puis l'incontestable vainqueur du méchant sire Grindelwald. Quatre lettres pour un homme dont on se souviendra et dont l'on se souvient déjà. Quatre petites lettres : c'est moi. C'est un peu un autre aussi. Albus ? Comme Dumbledore ?
Je m'appelle Albus. Severus. Potter.
Severus pour l'homme de l'ombre. Severus pour Severus Tobias Snape. L'homme aux milles faces, et l'espèce de figure littéraire que les gens aiment un peu trop romancer pour mon propre bien. Albus Severus, que je me suis toujours appelé. Parce que ça faisait sourire les gens très fort et que mes parents hochaient la tête et que tout le monde était content. Je suis Albus Severus. Le gars en « us ». Mais ça rend bien c'est un peu serpentin, ça claque un peu. C'est pas un Hugo, un Théo ou un Enzo. J'ai échappé à des trucs pires. Severus ? Comme Snape ? On éclate toujours de rire à ce moment-là. Mon prénom doit être une espèce de blague géante, une private joke que j'ai jamais vraiment pigé.
Je m'appelle Albus. Severus. Potter.
Potter pour Harry. Potter pour Harry Potter, l'énorme Harry Potter. Le justicier vaillant, le chevalier prude, le défenseur des milliers d'opprimés. Mais ? Mais t'es Albus Potter, alors ? Harry Potter, je crois que c'est papa. Je crois que c'est mon père. Je crois qu'il a fait des tas de choses, et que c'est bien, tout ce qu'il a fait. Je crois que je suis fier d'être son fils, même s'il a James, et tout.
Après tout, je suis son portrait craché, non ? J'ai les yeux verts de Lily et les cheveux noirs de James, mais pas ceux-là, des autres, des ombres du passé ; le front des Evans et le pif des Weasley, on en cause très peu, mais je les ai. Aussi. J'ai tout ça et on m'appelle tous les jours par un drôle de prénom un peu pompeux.
On a le nom des morts. Il m'a dit ça, Fred, une fois. Bah oui. C'est totalement vrai et personne ne s'en ai jamais caché. On a le nom des morts, des gars comme ça qui ont fait ci ou autre chose, d'une myriade de souvenirs parfois, c'est un peu triste.
Je ne sais pas si c'est bien de s'appeler ainsi. Je ne sais pas ce qu'aurait été ma vie si je m'étais nommé tout autrement. On ne choisit pas son nom. On ne choisit pas sa famille et on ne choisit jamais véritablement ce que l'on fait de toutes nos journées.
Nous avons toujours fait avec, nous continuerons.
Je ne sais pas si je suis fier d'être ce que je suis, d'être le fils de. Je ne sais pas si je suis fier de tout ce que j'ai fait dans ma putain de vie. Non. Et tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien.
Je m'appelle Albus. Severus. Potter.
Dix-neuf ans plus tard. Après la grande bataille de Poudlard, après la mort du puissant Voldemort, après la reconnaissance d'un héros. Mon père, c'est le héros. Dix-neuf ans après une vie qui ressemblait vachement à une putain de saga littéraire, et bien moi. J'entre en scène.
J'avais eu mon papa. Ma maman. J'avais eu James. Et Lily-jolie, qui rigole toujours trop fort. J'avais eu les anniversaires, les repas Weasley et l'espèce de clan qui finissait toujours par se réunir, et on essayait de sourire et de foutre de l'entrain ; c'était tellement mièvre que ça éclaboussait la maison.
Mais c'était pas grave, parce qu'on faisait comme si et ça finissait autour d'un match de Quidditch. Pour changer.
Le train était parti. C'est toujours comme ça qu'une histoire commence, non ? Ou bien qu'elle termine, plutôt ? Je sais pas. Mais j'étais parti.
Pour Poudlard. Le grand Poudlard. Le truc, le conte pour enfants qu'on avait tellement encensé que j'avais été presque déçu, au final. Il pleuvait beaucoup le soir-là.
Albus ? T'es le Albus Potter ?
Albus Severus.
POUFSOUFFLE !
C'était pas Gryffondor. Au fond de moi, j'aurais aimé que ce soit Gryffondor, parce que tout le monde veut être à Gryffondor. Parce que c'est la maison des héros et que tous les héros vont à Gryffondor. Je n'étais pas un héros.
Je ne serais jamais un héros.
J'avais vu la surprise sur le visage de James, après avoir tourné la tête dans sa direction, comme un con, pour chercher du soutien dans ce monde qui s'effondrait. Il n'avait même pas ri. On ne rit pas devant le pathétique... je crois que je suis pathétique.
C'est pas grave, c'est moins pire que si t'avais été à Serpentard...
Des mots de gosse, maladroits. Ça avait presque fait mal, mais faut comprendre le sens profond. J'avais pas capté à l'époque ; trop candide. Le monde est fait de guimauves enrobées d'un paquet de sucre.
C'est pas grave...
Jaune et noir, me voilà blaireau.
Y'a eu des gens, des amis. Jason Smith était drôle et je l'aimais bien, alors on avait traîné ensembles. Alors il a commencé à me faire chier, et je lui ai dit, et on a rompu l'espèce d'amitié presque mutuelle. Il allait tourner autour des filles, mais je pigeais pas.
Y'avait Rose. Encore une cousine. Serdaigle. Et Autumn. C'était pas pareil. Je finissais seul, le soir, dans la salle commune. Jaunâtre, la pièce. J'aboutissais toujours à la conclusion que cela ressemblait à un trou de Hobbit, et je riais comme un con.
Toujours comme un con.
Parce que tout le monde me prenait pour un con.
Y'a eu des cours, aussi. C'est le but d'une école d'apprendre, non ? Pas très bon, mais tenace. Un vrai petit rongeur. Petit. Con. Infatigable gratteur de papier qui s'épuise pour des foutus diplômes, alors qu'il ne savait pas où il allait, qu'il partait foncer dans un mur.
Scorpius Malfoy.
Le petit blond de Serpentard.
Il était petit. Il était blond. Il était à Serpentard. Le fait qu'il s'appelait Malfoy, aussi, ça créait polémique. Fais attention, quand même... Qu'elle m'a dit ma mère. On sait jamais. Justement.
On vivait dans le passé.
Ils vivaient dans le passé.
De notre temps... C'est plus le vôtre, de temps. Mince. Laissez la place aux jeunes.
Ils comprenaient pas.
Le clan Weasley se fissurait de l'intérieur, et moi je poursuivais mon petit bonhomme de chemin.
Rose se noyait, James sombrait, Molly agonisait et j'en avais rien à péter. Tout le monde finit toujours par en avoir rien à foutre des autres, à un moment donné. Ce moment-là, ça a été ma vie entière. Grand-père qui meurt, une fois, je sais plus quand.
L'enterrement et c'est plus pareil. Trois mois plus tard, Grand-mère. C'est mieux, comme ça, qu'ils ont dit. Elle dépérissait toute seule, sans Arthur. Elle en est morte, les gars.
C'est là que j'ai capté que j'avais que deux grands-parents. J'ai demandé à Scorpius : c'était un peu pareil pour lui. A cause des convictions des gens et des erreurs passées, et d'anciennes haines tenaces, ils ne connaissaient son Grand-père que par ouï-dire. Il paraît qu'il avait été un Mangemort, comme son père. Et que c'est pour ça que les Malfoy... sont devenus les Malfoy. On crache leurs noms au coin du feu, lorsque les langues se délient et que le putain de passé de merde refait surface.
Les parents font chier.
Grave.
Une moitié de famille, donc. Si les Weasley, c'est la moitié, je veux même pas imaginer ce que ça aurait fait d'en avoir une d'entière. Des tas de cousins qui se rajoutent. Je sais pas pourquoi je les imagine toujours blonds.
J'ai les yeux verts aussi, mais je crois que je l'ai déjà dit. J'ai les yeux verts, comme mon père, comme ma grand-mère, comme les héros que je ne suis pas. J'ai les yeux verts, j'ai les cheveux bruns, et je suis le portrait craché de mon père, il paraît. C'est chiant. Je sais pas pourquoi, mais voilà : c'est chiant. Le vert couleur d'un Avada ; les gens clignent des yeux.
Comme son père, celui-là.
Qu'il aille sauver le monde, celui-là, et on dira que c'est dans les gènes. Qu'il aille se faire un kif Néo-Voldemort et la célébrité lui aura monté à la tête. Vous savez, c'est courant. Les portées de chiots, si le sang est vicié...
Aucun risque, je vous rassure.
J'ai eu trois BUSEs : Soins aux Créatures Magiques, Histoire de la Magie et DCFM.
Je dois dire que j'étais un peu obligé de l'avoir, la DCFM ; on aurait crié au meurtre, sinon. Le fils de Harry Potter même pas foutu de lancer un Expelliarmus ? Pas de ça chez nous !
Je crois que James en a aussi un peu bavé. Lily, elle, elle est passée crème. Elle passe toujours crème, de toute manière ; Lily, c'est la crème de la crème, et elle l'assume.
C'est bien joli tout ça, mais moi, je fais quoi avec mes trois BUSEs ?
On était pas fier de moi, dans les hautes instances. Trois. C'est un chiffre. Pas beaucoup les gars, sérieusement. Vous auriez pu faire mieux. Passé.
Ne vivons pas dans le passé, ça finira par nous ronger.
Je connais bien les regards un peu déçus que les gens ont aux coins des yeux de temps en temps, on m'en jette un, et on sait que ça blesse, mais on s'en fout.
Un jour, je m'achèterais un cerveau.
Un jour, je deviendrais riche et célèbre.
Un jour, je sais pas.
Je deviendrais rien.
Parce que je ne suis rien.
Rien qu'un espèce de reflet dans des yeux verts.
Ma sixième année, après. Rose suffocante ; je ne lui tendis jamais la main, je ne fis jamais rien. De temps en temps, je lançais des paroles qui s'envolaient avec le vent. Scorpius qui essayait bien, parce qu'il savait que cela me tenait à cœur, et peut-être pour d'autres trucs aussi. Peut-être pour l'Amour avec un grand A. Pour ce que cela veut dire...
Molly m'ouvrit une porte lors de ma sixième année. C'était tellement tentant de s'enfuir, comme ça, dans un dernier soupir. Laisser le monde derrière soi... S'enfuir... la liberté... ce genre de trucs...
Trop lâche.
Je ne suis pas un héros, je ne suis pas un Gryffondor. Merde.
Je ne suis pas mon père.
Je n'ai jamais fait ma septième année.
Il y eu des cris lors d'une sempiternelle réunion de famille, des cousins et des cousines estomaqués qui observèrent le match furieux que j'eus avec ça, que j'eus avec mon père. Que j'eus avec ma mère, aussi, bien que fait étrange, elle passe souvent au second plan, écrasée par l'ombre gigantesque que projette le bâtiment Potter.
Ma mère et mon père, leurs cris.
Pourquoi ?
Une incompréhension partagée.
Mais putain, je ne suis pas vous et je ne le serais jamais. Je suis moi, moi et seulement moi.
Je m'appelle Albus. Severus. Potter.
Et je m'en fous. Je m'en fous de m'appeler ainsi, je m'en fous de l'Histoire, je m'en fous de tout ce que vous avez pu faire. Je m'en fous que tu sois Harry Potter, papa ! Je m'en fous des combats menés, vous comprenez ? Je m'en fous de vous, putain !
Je veux vivre, merde.
Vous m'étouffez.
Je veux m'envoler, ou un truc du genre. Pigé ?
Et je ne m'étais pas enfui, non. Je ne les avais pas abandonné. J'étais parti, mais c'est tout. J'avais ouvert la porte et je m'étais laissé pousser des ailes.
C'est pas ça la liberté : ça a été dure et froid dans le brouillard de l'Angleterre.
Une ou deux années d'errance, à pas savoir foutre de sa vie, à vivre sur le dos des autres. Vive la fortune Potter. Homonyme de merde.
J'ai jamais baisé, en vrai. C'est ballot.
Résume toute ma vie : jamais eu les couilles de faire un truc pareil. C'est un truc tellement inexploré, tellement étrange et tellement lointain... jamais eu les couilles de le faire, ça me faisait trop flipper.
Gryffondor, Gryffondor, petit Gryffondor deviendra Poufsouffle...
J'avais laissé crever mon chat. J'avais oublié qu'il existait, alors il était mort. J'avais regardé son cadavre comme un con, mais il n'avait rien fait. Pas esquissé le moindre petit geste, ce saligaud. Il avait les membres brisés et il ne miaulerait plus jamais. Il n'avait pas bougé, et j'avais compris que c'était ça, quand on était mort.
J'avais rien fait. J'étais trop lâche.
Poufsouffle, les gars, Poufsouffle.
Je ne sais plus pourquoi, mais un jour, mes pas me ramenèrent à notre chez nous.
Là encore, je ne fis rien. Pas les couilles.
C'est ma mère qui me vit par la fenêtre de la cuisine, alors que j'étais planté de l'autre côté de la route. Elle était sortir, chancelante. Elle m'avait étreint avec toute la force de ses bras constellés de milliards d'étoiles, de tas de tâches de rousseur. Au milieu de la rue, une voiture klaxonna. Je retrouvais mon père, je retrouvais Lily. James, et sa petite copine que je savais bien que.
Et je ne fis rien.
Rien du tout.
Je ne suis pas un trophée.
Je ne suis pas une fierté.
Je ne suis pas un héros.
Je suis à peine un fils.
Je m'appelle Albus. Severus. Potter.
Reviews ?
