Le silence était effrayant et Beth ne parvenait pas à se résoudre à ouvrir les yeux

Le silence était effrayant et Beth ne parvenait pas à se résoudre à ouvrir les yeux. C'était trop étrange comme sensation, cette hyper-perception…comme si elle avait acquis des pouvoirs surnaturels; et elle ne se souvenait pas de la façon dont c'était arrivé. Comme la fois où Lola avait voulu lui faire essayer le Crystal noir. Elle sentait comme un courant d'air froid sur tout son corps. Brusquement terrorisée, elle se redressa et regarda autour d'elle. Elle était chez elle, couchée sur son canapé. Il faisait nuit et elle était seule.

« Mon Dieu, que s'est-il passé ? » lui soufflait son esprit aux portes de la panique. Elle se leva doucement. Le salon semblait dans son état habituel ; rien ne semblait avoir bougé. Elle passa dans la cuisine ; rien, comme le salon. Tout semblait à sa place, n'avoir pas bougé. Mais pourquoi elle, n'était-elle pas couchée dans sa chambre ? Pourquoi sur le canapé ? Elle s'approcha de la porte de sa chambre et posa la main sur la poignée. Elle frémit : il y avait du sang là. Une crainte terrible s'empara d'elle ; elle appuya. La porte s'ouvrit. Son lit était défait, mais la scène là aussi était étrange et inquiétante. La jeune femme s'approcha. Soudain, elle se retourna. Il y avait eu quelqu'un d'autre dans cette pièce. Beth se força à rester calme ; son instinct d'investigation la poussait à garder la tête froide. A réfléchir, plutôt qu'à paniquer. De quoi avait-elle été la victime ? Pas d'un vol, pas d'un enlèvement. Apparemment, elle s'était déplacée. Rien d'angoissant en soi, mais tout de même…Sa certitude ne disparaissait pas : ce n'était pas tant elle qui s'était déplacée, que quelqu'un qui l'y avait conduit. Sa moelle épinière lui soufflait gravement que cette personne n'avait pas forcément de bonnes intentions…Beth souffla profondément et commença à inspecter la pièce. Elle portait ses vêtements de la veille ; elle s'était couchée toute habillée et cela n'avait pas changé. Elle pouvait écarter le viol…ce qui la rassura. Elle chercha des yeux un élément différent de la veille. Son réveil indiquait qu'il était quatre heures et demie du matin et curieusement, elle se sentait aussi éveillée que s'il avait été neuf heures. La jeune femme se prit la tête dans les mains et son regard tomba sur une tache étrange sur son oreiller. Elle s'approcha et une odeur froide lui monta à la tête, complètement étrangère. C'était du sang. Et si elle s'était couchée là, il y avait une forte probabilité que ce soit le sien. Beth eut brusquement le vertige et une angoisse sans nom s'empara d'elle, l'amenant aux portes de la folie. Une idée démente venait de lui traverser l'esprit et aucune perspective ne pouvait la lui rendre tolérable. Elle se précipita sans une pensée de plus dans sa salle de bains, mais hésita une seconde avant d'allumer la lumière. Elle se rendit compte que cela ne serait qu'une confirmation de ce qui s'était passé. Elle appuya sur l'interrupteur et affronta son image dans le miroir. Elle était pâle, mais a priori terrorisée ; rien d'inquiétant à cela. Plus terrifiante était cette étincelle de cuivre dans son regard gris. Beth pencha doucement la tête et tout fut confirmé. Qui avait été là était un vampire ; et il l'avait transformée…Mick n'avait plus de soucis à se faire à son sujet ; il devrait accepter le fait accompli. Beth ferma les yeux et chercha ses souvenirs de la nuit passée ; une brume persistante encombrait tout son esprit. Le charme vampire…mais pourquoi n'avait-elle pas de frénésie de sang ? La jeune femme se tourna vers la douche et comprit après avoir ouvert le rideau. Celui qui l'avait transformée l'avait nourrie avant de disparaître…Beth se mordit les lèvres et se mit à pleurer. Elle n'avait pas voulu ça…Elle allait devoir se mettre à chasser sans certitude…ou faire comme Mick, à la morgue. La jeune femme choisit la deuxième solution sans plus d'atermoiements. Elle souffla lentement ; les larmes s'éloignèrent. Elle s'appuya sur l'évier et se regarda dans le miroir. Il y avait une teinte d'immortalité et quelque chose de métallique dans son regard, qui ne pouvaient tromper. Un bruit lui fit tourner la tête ; ou du moins, crut-elle que c'était un bruit. C'était plus à vrai dire une présence ; Mick lui avait dit qu'un vampire pouvait reconnaître le passage de ses confrères…C'était donc ça. Elle fouilla la pièce du regard et une voix railleuse s'éleva :

« Laisse tomber, aucun bleu ne peut me voir.

-Qui êtes-vous ?

-Ton seigneur, Beth. Tu devrais me remercier…

-De quoi ?

-De ne pas t'avoir abandonnée au carnage des petits nouveaux.

-Merci, vraiment, ironisa la jeune femme. Mais vous auriez pu m'épargner ça, en ne me transformant pas.

-Ca, c'était inenvisageable.

-Vraiment ?

-C'est un honneur de te compter parmi nous. »

Beth se retourna et aperçut un nuage de chaleur près de la porte de la salle de bains. Elle se déplaça plus rapidement que jamais elle ne l'aurait cru possible et posa sa main à l'endroit où elle imagina que se tenait son bras. Elle s'aperçut que son intuition était juste, quand sa main se referma sur son bras. Le vampire apparut. Il était appuyé d'une main au chambranle de la porte, dans l'attitude des séducteurs de boîte de nuit. Il avait a priori l'apparence d'avoir trente-cinq ans, les cheveux bruns courts et les yeux cuivre des vampires assoiffés de sang, mais cela semblait sa couleur naturelle. Beth frissonna et il eut l'air surpris de s'apercevoir que la jeune femme pouvait le voir. Elle fit :

« Franchement, je ne vous remercierai pas plus que je ne l'ai déjà fait. »

Il sourit et fit, avec un sourire de pure jubilation :

« Qu'en dira Mick ? Il sera atterré, non ? »

Beth murmura :

« Vous avez fait ça pour vous venger ?

-Oui…et je crois que ça va marcher. Je m'en réjouis d'avance. J'ai détruit la femme qu'il aimait… »

Beth souffla, atterrée :

« Vous comptez vraiment qu'il va voir ça comme ça ?

-Il déteste tellement être un vampire…Il faudrait qu'il arrive à s'apprécier. »

Certain d'avoir eu le dernier mot, le vampire se détourna et fit :

« Au plaisir de te revoir, ma chère Beth… »

Il s'éloignait ; Beth murmura :

« Vous n'avez pas vu que vous avez offert l'immortalité à la femme qu'il aime… »

Le vampire se retourna, étonné.

« Tu as surtout un avenir de tueuse. Une tueuse magnifique, je dois dire. »

Beth sourit.

« C'est là que vous avez tort. »

Le vampire lui rendit son sourire, trop sûr de lui. Agacée, Beth donna un coup de poing rageur dans la porte.