Le garçon presse le pas. Il n'a que trop trainé. Vite. Plus vite ! Il ne peut pas perdre plus de temps. Le soleil embrase les nues, accrochant désespérément ses doigts de lumière aux cimes des arbres et des montagnes. Il accélère le pas et force son regard au sol. Règle 2 : Ne jamais lever les yeux au ciel. Règle 6 : Aucun retour n'est possible après le crépuscule. Bientôt, il sera bloqué dehors. A tout jamais.
Le sac de vivres dans son dos est essentiel pour la communauté. Sa vie l'est encore plus. Il ne peut se permettre de la mettre en jeu. Le jeune ninja se déleste de sa charge, et l'enterre sous une racine. Il prend soin de mémoriser cette cache. Il reviendra demain. Allégé, son corps se meut plus aisément. Ses pieds manquent de trébucher à chaque fois dans son empressement mâtiné de panique. Autour de lui le manque de lumière se fait cruellement ressentir.
Les ombres se dotent de reflets rouges.
Konohamaru retient un juron lorsque sa longue écharpe prend dans les ronces et l'étrangle. Forcé de s'arrêter, il déchire l'étoffe précieuse à grands coups de kunai et la laisse là. Une loque pend autour de son cou. Un puissant coup de talon le remet en course. L'entrée de la caverne est proche.
Soudain un bruit l'alerte et une coulée de sueur froide roule le long de son échine. On le suit. Et c'est très mauvais signe. Dans sa crainte d'être bouclé dehors, il a omis toute prudence. Il a laissé trop de traces. Un aboiement tout proche fait chavirer son cœur. Il est fait !
La pointe de pierre se dresse au beau milieu des broussailles. Il force ses jambes déjà malmenées à s'en déchirer les muscles. Dans son élan il percute le grand roc. Ils ont déjà tout fermé.
Un adolescent gémit de désespoir sous la lune rouge.
Trop tard pour rejoindre l'abri. Il doit éloigner les poursuivants de l'entrée nord. Son poing heurte durement le rocher alors qu'il étouffe un sanglot. Il tente de garder espoir et sanité. Mais comment faire lorsqu'on est presque certain de sa propre fin ?
Le reste de son foulard déchiré lui sert à se bander les yeux. Il ne pourra voir qu'au sol. Le Genjutsu qui affecte les amateurs de clair de lune et quiconque rencontre les derniers détenteurs du Sharingan ne l'atteindra pas. Reste le problème des chiens ninja et leurs maîtres. Les insectes attardés dans le froid hivernal cessent de caqueter. Un lourd silence malsain envahit la plaine.
Les battements de son cœur et de ses pas foulant les herbes givrés emplissent ses oreilles. Il attend la venue de l'ennemi. Si jamais la grotte est attaquée, l'issue du combat est incertaine. Mais toute aussi funeste. Les malheureux prisonniers du rêve du rêve éternel de Juubi ne sauront jamais quel sang a coulé sur leurs mains. Le jeune Sarutobi réprime un frisson. Il ne sait si c'est de froid ou d'effroi.
Le halètement des canidés et leurs aboiements se rapprochent. De brefs ordres criés retentissent. Il ne les comprend pas. Dans le silence ambiant, Konohamaru adresse une prière à son grand père et à son oncle partis trop vite. Une lame s'enfonce dans son ventre et il l'ignore. Un corps lourd et poilu le percute au bras droit. Son manque de visibilité le désavantage. Il dégage son membre prisonnier de la gueule baveuse avec douleur. Du sang coule entre ses doigts, se mêlant à celui qui gicle du poitrail qu'il éventre. Il bondit pour éviter un autre animal et un nuage de fumée sort de sa bouche et recouvre la plaine. Lorsque ses dents claquent, les cendres s'embrasent d'un coup asséchant ses yeux humides. Une lumière aveuglante jaillit dans la nuit. Il entend le cri des bêtes et des hommes qui se mêlent en brûlant. Sa cheville gauche craque sinistrement lorsqu'il retombe au sol. Il n'a pas le temps pour se plaindre.
En boitant, une main comprimant sa blessure au ventre et la lame qui y est plantée, il fuit encore. Le tissu sur ses yeux glisse et tombe au sol. Trop tard pour s'arrêter. Il doit continuer. L'orée de la forêt lui offre une mince barrière entre son regard et le ciel de sang. Il se jette dans un arbre creux et scelle l'entrée d'un Doton. Un mur de boue l'isole du monde extérieur. Les nuits étaient longues en hiver, et froides. Dans l'air moite qui se raréfie, il frotte ses mains pour se réchauffer. La morsure est plus profonde que prévue, elle s'est sans doute infectée. Sa tenue s'imbibe peu à peu de sang. Sa tête lourde lui tourne à cause de l'anémie. Dans son alcôve de ténèbres, il attend le retour du soleil en priant.
Quelqu'un tente de pénétrer. Plusieurs inconnus sans doute, mais la terre dure résistait. Pour combien de temps ? Le sol sous lui est poisseux de sang et d'humus mêlé. Il ne sait pas ce qui va l'achever en premier : l'hémorragie ou les ennemis postés dehors. Il espéra qu'ils partiraient à l'aube.
Il plisse les yeux quand la lumière inonde son abri. Une main se tend vers lui dans les rayons cramoisis. Etaient-ce ceux de la lune rouge ou de l'aurore salvatrice ? Il ignorait à qui était le bras qui le tirait au dehors par le col. Il n'avait plus la force de résister à son destin. Il ne se souvient plus que des yeux rouges de l'inconnu…
Règle 1 : Ne jamais fixer un détenteur du Sharingan dans les yeux.
