Hey, voici donc mes premiers pas sur le fandom de Penny Dreadful. Que ne pouvait-il pas concerner ce cher Dorian Gray, n'est-ce pas ? Cet OS lui est donc consacré, et je suis enfin satisfaite d'avoir réussi à écrire sur ce fascinant personnage. Ayant lu Le Portrait de Dorian Gray, j'en avais l'envie depuis un certain temps ; mais grâce à Penny Dreadful, je peux m'amuser à exploiter ce personnage sans trop heurter les amateurs de l'écriture d'Oscar Wilde. Ne vous étonnez donc pas de trouver des références à l'œuvre originale de Wilde.

DISCLAIMER : l'univers et les personnages de Penny Dreadful appartiennent bien évidemment à John Logan et tous ces joyeux lurons qui ont participé à l'élaboration et la création de cette fantastique série, et la citation du début est tirée du roman Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde.

RATING : T (une scène un peu crue, mais pas détaillée)

Enjoy, les enfants.


Harry.

« Tu seras toujours séduit par moi, Dorian. Oui, Dorian, tu auras toujours de l'attachement pour moi. »

Lord Henry Wotton, cet homme délicat et tentateur qui l'avait initié aux plaisirs de l'éphémère, de l'hédonisme, de la luxure. Mystérieux et sensuel à la fois, il avait su fasciner Dorian au point de l'entraîner avec lui dans les arcanes obscures de l'âme humaine ; sa nonchalance et son sourire paresseux l'avait charmé pendant des années. Il avait façonné le monstre de péchés qu'était Dorian Gray. Il l'avait couvert de cadeaux empoisonnés, comme ce maudit livre rouge. La pensée décadente l'avait englouti et il s'était noyé dans les paroles enfumées de Harry. Il s'était laissé gagné par la beauté du corps humain, par la beauté du divin serpent anglais qui lui maintenait la tête dans la boue la plus immonde. La putréfaction de son portrait n'était due qu'à son remarquable travail sur son âme, autrefois si innocente. Il avait longtemps blâmé le pauvre peintre amoureux, Basil ; mais s'il n'avait pas prêté attention à Harry, le tableau serait resté tel quel. Un tableau, rien de plus.

Il n'aurait jamais fait ce vœu, jamais voulu évoluer de cette façon, jamais désiré être éternel.

Et pourtant, c'était à présent sa condition. Immortel. Le splendide Dorian Gray à la beauté éternelle. C'était à l'impulsion de ses sentiments pour Harry qu'il devait sa vie misérable. Enfin, misérable. Sans doute beaucoup d'hommes rêveraient d'être à sa place ; lui-même avait été exalté de constater que son corps ne s'altérait pas avec le temps, que tous ses péchés et ses blessures glissaient sur son enveloppe charnelle sans jamais l'atteindre. Et puis avec le temps, il s'était rendu compte que dévorer la vie en plongeant ses mains dans les entrailles du plaisir pour les déchiqueter à pleines dents n'était pas ce à quoi l'homme était finalement destiné. La nature humaine était faite pour le plaisir, mais pas dans le but d'en faire une finalité. Le plaisir agrémente l'existence ; il ne l'alimente pas.

Dorian chassa une mèche de cheveux avec un geste agacé, tentant de se concentrer sur la scène de théâtre où s'égosillaient trois acteurs.

Il ne savait trop s'il lui était bénéfique ou non d'aller au théâtre. Quand il y allait, il songeait encore à Sibyl Vane, même après tout ce temps ; et quand il songeait à Sibyl Vane, il songeait à Basil Hallward. Et en songeant au peintre, il pensait invariablement à Henry Wotton. Et lorsque Harry lui trottait dans la tête, il n'envisageait jamais rien de bien. En l'occurrence, il réfléchissait à sa sempiternelle lassitude des choses de la vie. Tous les plaisirs, qu'ils soient celui du sang, celui de la chair, celui de la violence, celui de la drogue ; il les avait vécus, éprouvés, aimés. Mais cela faisait bien longtemps qu'un plaisir ne l'avait exalté. La seule et mince perspective de fièvre et de passion qui lui restait demeurait dans la perfection, rien de moins ; esthète, Dorian tombait sous le charme du premier venu du moment qu'il était jeune et charmant. Et ces derniers temps, il devait avouer avoir consommé à peu près toutes les ressources de Londres ; femmes et hommes d'une grande beauté avaient presque tous dormi dans sa couche.

Presque.

C'est ce mot qui le faisait aller au théâtre, encore et encore malgré ses idées sombres. C'était dans ce lieu qu'il s'était pour la première fois de sa vie senti bouillonnant d'ardeur, transporté par la beauté d'une jeune actrice. Cela étant, Dorian s'ennuyait tout de même à mourir. Rien ni personne ne semblait décidé à rendre sa vie un peu plus palpitante, ne serait-ce que pour quelques heures.

Alors il attendait, la joue appuyée contre sa main, dans une attitude nonchalante et poliment ennuyée ; un peu comme Harry autrefois. Il avait été la muse du lord ; il était juste qu'à son tour il déniche une perle qu'il polirait jusqu'à ce qu'il s'en lasse. Mais peut-on parler de ce qui est juste quand on est sans doute l'homme le plus corrompu sur Terre ? Peut-être pas. Mais le fait est que Dorian Gray vit et respire, et il entendait bien en profiter n'en déplaise à certains.

Fort heureusement, cette nuit allait lui redonner goût en la quête du plaisir.

Cette perle providentielle n'avait ni nom, ni âge, ni origine. Il ne savait rien de cette personne. Absolument rien. Simplement qu'il était assis au balcon faisant face au sien, et qu'il était atrocement séduisant. Il venait tout juste de le remarquer, et s'appliquait à chercher son regard.

C'était un homme mince, pourvu de cette délicatesse qu'il goûtait avec délice ; il se tenait de profil, l'air concentré sur la pièce de théâtre qui se jouait devant ses yeux. De soyeux et fins cheveux bruns encadraient son visage à la peau veloutée et basanée ; la finesse de ses traits était soulignée par son long nez aux ailes frémissantes de curiosité. Ses yeux étaient sombres, ils semblaient demeurer cachés sous l'épais voile de cils noirs qui s'abaissait régulièrement. Il paraissait avoir la manie de plisser les yeux, ou tout du moins de ne les ouvrir qu'à demi ; ce qui le rendait tout à fait charmant. Son visage était une petite merveille de beauté, à n'en pas douter ; il était pointu et pourvu des appas de la magnificence dédaigneuse que possède ceux qui sont nés sous le signe de la grâce. Et puis ses lèvres...

Dorian ne put s'empêcher de les fixer intensément. Il se voyait déjà les happer et les mordre.

Elles étaient délicatement ourlées, avec un arc de Cupidon très prononcé ; légèrement entrouvertes, elles dévoilaient des dents blanches aux contours d'une douce rondeur. A cette distance, Dorian n'aurait pu le jurer, mais il croyait apercevoir une incisive imparfaite, pointue. Il prit soudain conscience qu'il devait absolument se rapprocher de cette divine créature pour lui voler cette nuit. Il voulait voir le grain de sa peau, la couleur de son iris et les muscles de son cou délicat de beaucoup plus près.

Alors il se leva sans même se soucier des autres spectateurs assis au balcon, qui lui jetèrent des regards outrés, et atteignit le balcon d'en face d'un pas pressé. Il demeura dans l'ombre un moment, rivant ses yeux sur sa nuque ; il éprouvait une légère hésitation, calculant le moment et la technique idéals pour le faire ployer. Et puis il se retourna.

D'un mouvement d'épaule souple, avec un air déterminé, farouche. Son regard suintait la luxure ; pour la première fois de sa vie, Dorian se sentit épinglé comme un papillon par un collectionneur. Il ne pouvait plus esquisser un seul geste, ne parvenait plus à détourner son regard. Il sentit ses lèvres trembler et croisa les bras pour dissimuler ses mains agitées.

L'homme se leva, avec une élégance de panthère prête à bondir.

Il passa devant Dorian, sans s'arrêter. Estomaqué, le jeune dandy fit volte-face pour talonner l'étranger, hésitant à le héler. Mais l'homme poursuivait sa route sans un regard en arrière. Il longeait le couloir menant aux escaliers, permettant eux-mêmes de descendre dans la salle et de sortir. Dorian ouvrit la bouche pour l'empêcher de s'engouffrer dans la nuit, mais l'homme était déjà sorti. Alors il se précipita à sa suite, descendant les escaliers quatre à quatre et poussant la porte avec une violence faite de frustration.

Lorsque l'odeur fraîche de la nuit s'engouffra dans ses poumons, il sentit que ses yeux étaient humides. Il ne le voyait plus. Il était parti.

Une larme roula sur sa joue et Dorian s'en sentit mortifié. Dorian Gray ne pleurait pas. Ne pleurait plus depuis longtemps. Dorian Gray était mort. Dorian Gray trouvait de nouvelles jouissances chaque jour pour essayer de ranimer le peu d'humanité qui lui restait. Dorian Gray ne savait plus quoi faire pour rebondir, trouver un nouveau souffle.

Et puis soudain une main se plaqua sur sa bouche.

Il voulut hurler, mais ne réussit qu'à mordre les doigts qui l'empêchaient d'expirer. Il sentit le sang dans sa bouche et lapa la chair, par un automatisme sordide. Il sentit qu'il était entraîné au fond d'une ruelle sombre, et voulut de nouveau crier, mais il se ravisa lui-même. Un étrange sentiment le traversa : l'abandon. A quoi bon ? A qui cela importait-il à part lui-même ? Sa vie pouvait s'arrêter à ce moment précis, quelle importance ? Et alors, il se détendit, la panique s'évaporant en même temps que la main sur sa bouche.

Une odeur de bois de santal envahit ses narines et il leva les yeux vers l'inconnu. C'était l'Inconnu. Celui qui avait disparu dans la nuit. Celui qui était l'auteur de l'ascenseur émotionnel qui avait péniblement agité Dorian, après tant d'années indifférentes.

- Toi..., murmura-t-il en tendant les doigts vers son visage pour le caresser.

Sa peau était douce, et elle frémit à son contact.

- Comment t'appelles-...

Il étouffa un cri lorsque l'homme, par ailleurs plus grand que lui, abaissa brutalement son pantalon en écartant les pans de son manteau pour le baiser contre ce mur. Il n'y avait pas de tendresse dans ses va-et-vient brutaux, mais il y avait cette langueur terriblement sensuelle qui faisait gémir Dorian de plaisir. Il agrippait fiévreusement son inconnu, cherchant à le déshabiller, passant ses doigts sur toutes les parcelles de peau qu'il pouvait atteindre. Il s'enivrait de sa beauté, de le savoir bestialement attiré par lui, d'être responsable de ce désir si barbare, si primitif qu'il n'avait pu faire autrement que de le posséder dans les minutes suivant leur œillade. Il sentait ses longues mains sous ses habits, le griffant, le caressant, pressant son sexe, ses fesses, son torse, son visage ; il sentait ses lèvres sur les siennes, sa langue cruellement impérieuse lui procurant des sensations exquises de volupté.

Leur étreinte silencieuse se termina. Ils haletaient, gémissaient, cherchaient l'autre avec leurs doigts et leurs lèvres pour prolonger un peu plus longtemps ce tête-à-tête intime.

Enfin, l'inconnu se redressa et se rhabilla prestement. Il posa un baiser dans son cou, furtif mais brûlant, et quitta la rue d'un pas pressé.

Dorian se redressa plus lentement, émerveillé. Deux sillons salés mouillaient ses joues.

Ce n'était pas tant le plaisir des ébats qu'il avait éprouvé, mais plutôt celui de provoquer tant de fièvre et d'envie. Cette étreinte secrète, clandestine, dans une ruelle sordide jouxtant le théâtre qu'il n'avait aucunement prévu de quitter précipitamment pour se faire baiser dans un obscur cul-de-sac.

Non, Dorian Gray ne pouvait pas renoncer à la vie. Il ne pouvait pas s'en ennuyer. Il en était la preuve, cet inconnu providentiel. Il était impossible de se lasser des plaisirs de la vie et des surprises qu'elle apportait continuellement.

Dorian Gray ne pourrait jamais s'en lasser.


Si t'es mignon, tu me lâches un com et tu me dis si j'ai fait n'importe quoi. Merci beaucoup.