Titre : L'arbre et les branches
Auteur : ylg/malurette
Base : LastMan, cartoon
Personnages/Couple : Dave & Howard McKenzie, leurs parents
Genre : drama familial
Gradation : PG / K-plus
Légalité : propriété de Balak Vivès Sanlaville & Périn ; je ne cherche ni à tirer profit ni à manquer de respect.

Thème : "tree" d'après 15kisses (arbre)
Avertissements : plusieurs morts d'OCs ; narration un peu décousue
Continuité/Spoil éventuel : épisode 17 / pré série
Nombre de mots : ~1800

oOo

À sa sortie de l'orphelinat, les Sœurs remirent à Howard ce qui restait des effets personnels qui les avaient accompagnés, lui et son frère, à leur entrée. Dave, parti plus tôt, avait préféré les laisser jusqu'à ce qu'il soit lui aussi assez grand pour juger de ce qu'il faudrait en faire.
Une vieille peluche à laquelle il n'avait plus aucune attache et qu'il laissa sans arrière-pensée pour les prochains enfants qui passeraient là, une enveloppe contenant quelques photos, et un livret de famille : l'histoire de quelque chose qui n'existait plus.

Intrigué par cette réminiscence qui resurgissait toutes ces années après, il les parcourut lentement, avec attention, essayant de se souvenir, d'imaginer, ce qu'avait été cette ancienne vie.

La photo commémorative d'un mariage montrait un jeune couple heureux et plein d'espoir pour l'avenir. Il pouvait retrouver dans leurs traits une ressemblance familiale avec son frère, avec lui-même, et c'était d'autant plus troublant que pour le peu dont il se souvenait d'eux, ç'aurait presque pu être des étrangers. Ils étaient à peine des noms sur des pages officielles, des dates devenues abstraites. Et des informations répétées quand il était enfant, qu'il avait mémorisées, mais dont il s'était détaché depuis. Il lui restait des notions, mais plus d'émotions liées.

David Philip McKenzie, précédent du nom, était un colosse roux aux cheveux taillés courts, à la barbe sombre et aux yeux bleus froids. Il était fils unique, avait perdu sa mère très jeune, avait grandi avec un père exigeant. Plus tard, il reproduirait le même modèle avec ses propres fils.
Son propre père était mort d'une crise cardiaque alors qu'il approchait de la retraite ; ses petits-fils, encore en bas-âge à ce moment, ne gardaient pas de souvenirs de lui.
David était chef de chantier. Un homme solide, physiquement, qui se donnait l'air solide mentalement, mais qui cachait des blessures, des faiblesses. Porté sur la boisson, il n'était jamais complètement ivre, mais souvent bien entamé, et alors il avait la main leste. Il adorait son fils aîné, aussi il avait envers lui des exigences parfois trop dures.
Il se tua dans un accident stupide, une nuit où il avait un peu trop bu, victime d'une mauvaise chute qui lui brisa la nuque.

Avant son veuvage, Adrienne Mary Smith avait été une très jolie jeune femme. Grande, élancée, blonde aux boucles souples avec des yeux bruns. Elle avait un frère cadet tragiquement décédé dans un accident de moto à la sortie de l'adolescence, peu avant qu'elle se marie.
Son père avait agonisé longtemps, d'une saleté quelconque dont on taisait le nom. À l'enterrement du grand-père, les garçons étaient encore petits, mais comprenaient juste assez de la tristesse et des angoisses des adultes autour d'eux.
Après ça, la grand-mère fut placée en maison de retraite. Le décès de son mari lui laissait une pension insuffisante et trop de chagrin pour continuer à s'occuper d'elle-même.

Restée seule avec deux jeunes garçons et un salaire d'employée de bureau insuffisant, leur mère se creva la santé à les élever. Elle attrapa quelque chose aux poumons ; Howard n'avait jamais su quoi exactement. Elle s'était débrouillée pour les mettre en pensionnat, ne pouvant plus s'occuper d'eux, pendant qu'elle continuait à travailler et ne se soignait probablement pas comme elle aurait dû.
Ils ne la voyaient plus, pas les weekend, même pas aux vacances avant même son décès. À son enterrement, presque une année entière après, ils s'étonnèrent du temps écoulé. Ils avaient déjà leurs habitudes à l'internat, avant même que ça devienne officiellement pour eux un orphelinat. Finalement, ils ne ressortirent jamais de là, pas avant leur majorité respective.

Qu'il était loin le temps heureux de la naissance de leur premier enfant !
David (Junior) Christopher avait rejoint leur foyer en début d'automne. La photo de famille obligée représentait les parents tout fiers enlacés, le papa un bras autour de la taille de sa femme, la maman avec leur bébé sur les bras. Dave était un beau garçon, qui grandit vite pour devenir costaud.

Un deuxième garçon leur naquit trois ans et demi plus tard. Howard Adrian, lui, était un bébé d'hiver, un peu frêle, mais qui devint un enfant brillant en mûrissant. Une autre photo obligée fut prise à la maternité, avec un grand frère blotti sur le lit contre sa maman, étrennant le privilège de tenir son petit frère tout neuf dans ses petits bras encore maladroits mais déjà forts, et allant même jusqu'à lui déposer un bisou de bienvenue sur le sommet de son crâne duveteux.
Howard tenait ça pour de la mise en scène imposée par les parents, voire par le personnel de la maternité. Les adultes avaient parfois des idées curieuses sur ce qui était mignon...

Il gardait des souvenirs flous de sa petite enfance à la maison, avant d'intégrer le pensionnat. Il lui semblait vaguement que Dave faisait la grimace devant les manifestations d'affection. En tout cas il jouait les dégoûtés devant l'affection d'autrui, mais quand Howard jetait les bras autour de lui, il ne réagissait pas. Sans doute qu'un câlin de la part de son frère, ça n'était pas une manifestation d'affection, mais un simple état de fait.
Howard ne savait pas trop si c'était pour suivre l'exemple donné par Dave ou si ça venait de lui-même, mais il n'aimait pas non plus beaucoup qu'on le touche, encore moins qu'on l'embrasse – à part sa mère – il s'essuyait ostensiblement la joue ensuite. Non, il n'était pas très affectueux, mais avec son frère c'était différent. Dave était un rempart entre lui et le monde. Dave était toujours là à ses côtés.

Howard se souvenait lui avoir demandé une fois, s'il avait été jaloux au moment de sa naissance. Non : toute l'attention que leur mère accordait au nouveau bébé, c'était aussi du temps que leur père lui consacrait à lui seul, d'homme à petit homme. Dave affirmait qu'au lieu d'ignoré, au contraire, il s'était senti encore plus important.
Et puis quand il avait grandi un peu, assez pour qu'ils partagent leurs jeux, c'était encore mieux, d'être le grand frère qui savait tout et qu'on admirait !

Ç'aurait été un raccourci facile et un eu dangereux de voir dans les deux frères une photocopie d'un de leurs parents, le père pour l'aîné, la mère pour le cadet. La loterie de la génétique et de l'apprentissage étant ce qu'elle était, ils avaient hérité chacun d'un mélange de leurs traits et inventé des particularités propres.

Parmi les nombreuses photos de fêtes qui durent être prises au cours de leurs jeunes années, une seule choisie se retrouva dans l'enveloppe censée immortaliser l'essence de leur enfance, de leur famille perdue. Le reste était déjà perdu ou jeté depuis longtemps.
Sur le tapis du salon, sous un sapin de Noël, appuyés l'un à l'autre épaule contre épaule, ils étaient plongés chacun dans un album illustré, laissant les jouets fraîchement déballés autour d'eux et partageant un moment de complicité calme. Si ça se trouve, aucune autre photo n'avait pu être prise qui vaille la peine ce soir-là, s'ils s'étaient disputés sur le partage des petites voitures ou quelque chose ?

Cliché suivant, une photo d'école, ces trucs obligés à chaque rentrée scolaire : un portrait des deux frères côte à côte, main dans la main. Howard ne put s'empêcher de rouler des yeux à voir le kitsch de cette mise en scène. Mais une fois au pensionnat, ça n'avait plus été le cas. Les Sœurs avaient autre chose à faire que de commémorer le passage de chacun de leurs élèves, quand la moitié environ était dans une situation familiale triste et délicate.
La plupart, une fois dehors, préféraient oublier purement et simplement les années passées là. Dave avant lui n'avait d'ailleurs pas fait exception, et il prenait le même chemin.

Il n'était pas d'usage de prendre la moindre photo lors des enterrements – sauf chez les célébrités assaillies par les paparazzi déjà de leur vivant, qui n'étaient même pas tranquilles dans la mort, mais ça n'était clairement pas leur cas. Leur famille était tristement ordinaire jusque dans son malheur. C'était peut-être d'ailleurs un peu abusé, cette série noire qui s'accumulait année après année, depuis avant même leur naissance, mais pas si exceptionnel. Ils étaient loin d'être les seuls, ça arrivait à bien d'autres aussi.

Du coup, il ne restait aucun support de cet événement, mais tout de même un souvenir vivace, gravé dans son esprit. Il y avait quelques adultes qu'il ne connaissait pas, sans doute des amis, la grand-mère éplorée par la perte de son enfant et incapable de faire face à ses petits-enfants. Pas d'oncle, pas de parrain, d'ami de la famille suffisamment proche et susceptible de les recueillir.
Ils retournèrent donc au pensionnat. Maman avait tout arrangé à l'avance avant son décès. Vivante ou morte ensuite, il n'y avait pas de changement pour eux. Ils n'attendaient plus rien.
Il leur restait ces quelques photos, confiées aux Sœurs, un livre reçu d'on ne sait où, un jouet aimé autrefois dont ils n'avaient plus besoin l'un ni l'autre. Au milieu de tous ces adultes indifférents à leur sort, Howard serrait très fort la main de Dave. Juste tous les deux maintenant, ils n'avaient plus l'un que l'autre au monde.

Ils grandirent ainsi, dans cet internat où ils recevaient une éducation solide mais fort peu d'amour. À l'adolescence, ils apprirent un jour que leur grand-mère oubliée depuis longtemps étaient décédée à son tour.
Howard se rappelait avoir été contrarié d'avoir manqué une demi-journée de cours avec la permission d'aller à son enterrement, tant il lui parut tellement bizarre : ils n'avaient plus de lien avec elle, à son sens. Il y avait là une poignée d'amis âgés, complètement inconnus d'eux, pas les mêmes que pour maman. Plus de famille à part eux, et est-ce qu'ils comptaient encore ? C'était devenu une inconnue même pour eux. Pour de bon cette fois, ils n'avaient plus personne d'autre.

Qu'il connaisse des difficultés à s'entendre avec les autres pensionnaires renforçait ce fait. Juste son frère et lui. Le reste du monde, quand il n'était pas indifférent, était hostile. Autant ne pas garder de souvenirs de cette triste époque.

Il n'éprouvait aucune émotion en les revoyant, détaché de tout ça. Quitte à partir et laisser ces années derrière lui, ces quelques photos aussi il pouvait les abandonner. Dave non plus n'avait pas voulu les garder, il les avait laissées pour qu'il décide... Tant pis. Les Sœurs les jetteraient pour faire de la place dans leurs archives, ou pas. Pour Howard c'était principalement de mauvais souvenirs, d'une vie précédente dont il tournait la page. Il avait un avenir devant lui et quelque chose de meilleur à poursuivre désormais.