Disclaimer : Albator, Clio, Maetel, Warius, Doc, les marins de l'Arcadia et les militaires du Karyu, l'équipage du Big One, Mi-Kun et Tori-San appartiennent à leur créateur, M. Leiji Matsumoto.

Bob l'Octodian et son Metal Bloody Saloon appartiennent à Aerandir Linaewen à qui je les emprunte, avec son autorisation, le temps de quelques clins d'œil.

Les autres personnages sont à bibi

1.

Aldéran avait apprécié l'appartement de la capitaine du Queen Eméraldas, composé de grandes pièces chargées de boiseries et de soieries, un intérieur très féminin et qui seyait parfaitement à la jeune femme.

- Merci pour le verre, fit-il alors qu'elle buvait un vin blanc fruité.

- Je suis une Ombre, mais dans cet univers tout est parfaitement concret et réel, et je ressens toujours les besoins humains du temps de ma vie, de ma vraie vie. Et cette malédiction fait que mes cales ne désemplissent jamais. Autant pour ce qui est de la nourriture que de l'Armurerie !

- Mon père et Warius n'ont jamais su ce qui t'était exactement arrivé !

- Je leur ai dit que j'avais basculé dans ce monde, dont je ne puis sortir, il y a de cela bien des années. Je n'ai eu que quelques minutes pour leur faire mes adieux.

- Je me souviens, un peu. J'avais défait Thurian et les troupes d'Ismal. Et tu m'avais sauvé de ce dernier. Mais comme j'ai tourné de l'œil juste après ton intervention, je ne sais que ce que mon père et Warius m'ont rapporté, très peu.

- Ton père a dû te dire quand dans mon voyage d'exploration, j'ai croisé le Sell.

De la tête, Aldéran eut un hochement positif.

- J'ai écouté l'enregistrement de ton dernier appel. Le Sell était déjà un vaisseau fantôme ?

- Oui, c'était une légende galactopolaine. Selon les récits, le Sell aurait offensé une entité surnaturelle en traversant son territoire sans y être autorisé…

- J'ai déjà entendu ça, sourit-il.

- … L'entité l'aurait alors frappé et envoyé avec son équipage dans un univers de tourments éternels. On raconte ensuite que le Sell réapparaît régulièrement, pour livrer à cette entité son lot de vaisseaux et d'âmes fraîches. Evidemment, cela n'a jamais pu être vérifié. Il a été constaté que des vaisseaux disparaissaient sans qu'on sache ce qui leur était arrivé.

- Que s'est-il passé pour toi ?

- Le Sell a surgi de nulle part, je n'ai pas pu l'éviter et je l'ai, littéralement, traversé. J'ai vu l'espace se distorsionner – comme lorsque nous effectuons un saut spatio-temporel - et je me suis retrouvée ici, un univers infini, en constantes mutations et où errent d'autres vaisseaux fantômes comme l'est devenu le Queen, ce qui n'empêche pas d'âpres combats même si nous ne pouvons mourir ou être détruits.

- Si je comprends bien, tu es condamnée à voler éternellement, au gré des mauvaises rencontres. Et cet univers tout entier est le Sanctuaire de l'entité surnaturelle offensée par le Sell.

- Oui. Jusqu'à il y a peu, je ne croyais absolument pas à cette version, d'une entité surnaturelle. Je ne croyais ni aux malédictions ni aux vaisseaux fantômes. Mais depuis que tu as effectivement pu voir l'ombre du Queen dans ton propre monde, j'ai bien dû en convenir ! Et tu es bien placé pour savoir que les entités sont capables de tout. En revanche, comment, toi, as-tu atterrir sur ma passerelle ?


- … Je suppose que c'est Saharya qui est alors intervenue. Elle a dû penser que je serais en sécurité ici. Ce dont je doute au vu de ce que tu m'as rapporté de ce monde ! Et je ne vois pas en quoi cela peut m'éviter un sort funeste !

- Tu l'as dit à ton arrivée : il doit y avoir un moyen pour toi de regagner ta dimension. Nous allons le chercher à deux et te renvoyer auprès des tiens.

- Mais, retourner dans mon univers, ça ne me servira pas à grand-chose, maugréa Aldéran. Je me retrouverai dans un corps que l'énergie surnaturelle que j'ai développée a détruit !

- C'est vrai… Cette Magicienne devait cependant avoir une idée précise, insista la pirate rousse.

- Le contact avec elle s'est rompu quand mon corps biologique a lâché. Enfin, une chose à la fois. Tâchons déjà de survivre ici.

- Ca, c'est le plus facile. Et peut-être que ta présence fera que ma mémoire ne sera pas effacée tout le temps de ton séjour.

- Comment cela ?

- Pour ne pas sombrer dans la folie d'une éternité d'errance, chaque matin est pour moi le premier de mon arrivée ici. Chaque jour a beau être différent, il n'existe plus le lendemain. Un cercle parfait.

- Je vois… En même temps, tu en es consciente, tu n'oublies donc pas tout !

Eméraldas fit la grimace.

- Si je me réveille avec la mémoire fraîche, je sais que je suis dans le Royaume des Ombres, j'ai l'écho des souvenirs mais ça demeure fugace, irréel. Et redécouvrir dans le Livre de Bord tout ce que j'ai consigné la veille me fait toujours aller de surprise en surprise. Je n'ai vraiment mesuré le temps passé ici qu'en me retrouvant devant ton père et Warius.

- Plus de quarante ans, murmura-t-il.

- Et je t'assure que pour moi cela se résume à une poignée de jours ! Oui, je crois que durant ton séjour le temps va reprendre son cours normal, ajouta-t-elle. Le signe de la Magicienne marque ton front et je pense que tu as créé une sorte de bulle autour du Queen.

Aldéran avait froncé les sourcils.

- Et effacer les souvenirs des voyageurs qui dérivent ici les empêche de trop développer une volonté de chercher à fuir, reprit-il. Le temps d'analyser la situation et c'est déjà la nuit, et au matin, tout recommence à zéro ! Tu as encore besoin de dormir ?

- Non. Fermer les paupières quelques instants me suffit.

- En ce cas, je suis effectivement un peu différent de toi car je tombe de sommeil !

- Je te laisse l'appartement à côté du mien. Tu peux bien évidemment aller et venir à ta guise. Et si tu veux, je te ferai une visite guidée du Queen.

- Avec plaisir. En retour, je te parlerai de mon Lightshadow.

Et les deux rouquins se sourirent.

2.

La matinée du lendemain était bien avancée quand Aldéran revint sur la passerelle du vaisseau pirate en forme de dirigeable, le petit galion sous le ventre, arborant un drapeau rouge sang.

- Tu te rappelles que tu as un passager ? sourit-il.

- Oui, tout comme j'ai intégré ta présence à bord dans la programmation de mes Mécanoïdes qui sont par extension à ton service. Tu as bien dormi ?

- Comme un bébé, il y a longtemps que ça ne m'était plus arrivé. Et heureusement que le stock de tes vivres se renouvelle automatiquement car je me suis plutôt allé à m'empiffrer pour le petit déjeuner !

- Profite bien, Aldéran. Ce sont nos seuls plaisirs. Le synthétiseur de vêtements a bien chauffé cette nuit, est-ce que les tenues te conviennent ?

- J'adore, fit-il en tournoyant sur lui-même, faisant voler les longs pans de sa veste safran par-dessus une fine chemise blanche et des pantalons de cuir noir.

Il vint s'asseoir sur un strapontin près de la jeune femme, droite et altière dans son haut et étroit fauteuil de bois qui rappelait celui du capitaine de l'Arcadia.

- Cela n'a pas dû t'arriver bien souvent d'avoir un visiteur ? remarqua-t-il.

Elle approuva de la tête.

- Et je ne te surprendrai pas si je te confie que je n'en avais surtout aucune envie ! La fois où il y eut le plus de monde à bord, ce fut lors d'un saut dans le temps, quand je poursuivais un pleutre de la pire espèce et que j'ai eu à me jeter à fond dans la bataille pour Euphor, la planète où j'ai laissé de nombreux amis quand je suis repartie (1). Il y a aussi la fois où avec ton père nous avons évacué une colonie alors que le noyau instable menaçait de faire imploser la planète d'une heure à l'autre. Mais un passager, un ami, j'ai trop des doigts d'une main pour compter !

Une infinie douceur brilla alors dans les yeux bleus de la jeune femme.

- Les plus beaux séjours, aucune entité surnaturelle ne pourra les effacer de ma mémoire, je les ai eus avec Toshiro. Tu n'as aucune idée de l'amour que je pouvais avoir pour lui !

- A la façon dont il parle de toi, je peux imaginer. Cela dû être même plus intense que la passion que j'ai pour Ayvanère !

- J'ai l'impression que nous avons beaucoup à nous raconter. Cette Ayvanère doit être ta femme ?

- Et nous avons deux petits garçons.

- Albator doit être fou de ses petits-enfants. Pour peu que ton séjour dure, nous allons pouvoir nous raconter mutuellement bien des choses ! Pour en revenir à Toshiro, pour tout qui ne nous connaissais pas, pour tout qui ne le connaissait pas surtout, nous devions passer pour le plus improbable des couples ! Lui que l'on toisait souvent, que l'on dédaignait jusqu'à le mépriser, en ne se basant que sur son apparence physique. Alors que mon concernant, soit c'était la peur de mes symboles pirates et de mon drapeau rouge, soit le désir. Et chez Toshy j'ai vu se disputer dans son regard la passion intense et le respect. Nous avons aussi perdu tant de temps à ne pas nous avouer nos sentiments, soupira-t-elle. Lui par peur d'être rejeté, crainte d'offenser sa belle rose que j'étais en ayant osé jeter les yeux sur moi. Et retenue de ma part, refus de me dévoiler, non pas de me montrer faible, mais humaine je dirais. Toshiro et moi avons eu tellement peu de temps, mais nous en avons savouré chaque instant ! Quelques étreintes et le cœur empli d'amour pour toute une vie, tout comme il en a été de même pour ton père et Maya, même si pour sa part il a fini par trouver une autre rose.

- Je crois que nous n'avons plus qu'à nous trouver une cheminée virtuelle pour échanger nos souvenirs ! s'amusa Aldéran.

Il tressaillit alors que la pirate le fixait intensément.

- Oui… ? fit-il, un peu déstabilisé.

- Tu ressembles tellement à ton père ! Et pas uniquement d'un point de vue physique. Tu es dans la pleine maturité de ton existence, comme j'aurais aimé ferrailler à ses côtés, à cette époque !

- Je suis certain que Warius et lui y songeaient à chaque fois qu'ils étaient dans une bataille. Tu leur as tant manqué ! Et c'était bien sûr de ne pas savoir qui leur a fait le plus de mal. Une fois que je serai de retour, je pourrai leur expliquer.

Eméraldas sourit alors plus franchement encore.

- Tu envisages bel et bien les retrouvailles avec les tiens, j'aime mieux cette attitude. Oh oui, Aldéran, tu es bien le fils de ton père !

Sous le compliment, Aldéran rosit légèrement.

- J'ai quatre échos sur mon scan ! avertit soudain l'Intelligence Artificielle du Queen Eméraldas. Quatre vaisseaux de guerre.

- Que tout soit prêt pour le combat, siffla la pirate rousse.

- Tes ordres ? pria Aldéran. Je sais enfin barrer convenablement !

- En ce cas, à toi les commandes du Queen ! Un peu d'animation, rien de tel pour agrémenter la journée !

(1) Voir la fic « Le prince et le pirate » de Vautour2B