Auteur : Aélane
Titre : Courir sur l'étroite
sente des murs, chapitre 01 « Le Gardien »
Rating : PG-13
Genre : angst, mystère
(un poil de chasse au trésor), psychologie, un peu de slash.
Personnages : Théodore
Nott, le Baron Sanglant, autres élèves & adultes en
toile de fond (en particulier Fondateurs & les Serpentard)
Disclaimer : l'univers de HP
est la création de J.K.R. qui a tous les droits dessus mais a
la gentillesse de nous laisser jouer avec, et je ne dis jamais non à
une occasion de jouer !
Note : écrit pour (&
sur les thèmes de) lilykohai lors d'un échange sur
la communauté hp-slash-fr (LJ)
Avertissement : gentes âmes profondément allergiques à 1° décès de personnages, 2° manipulation(s), 3° personnage principal quelque peu tordu, 4° drôle de couple plus que rare, merci de vous abstenir de continuer plus bas votre lecture.
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Courir sur l'étroite sente des murs.
Le Gardien.
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Il contemplait, les jambes ballant un peu du haut de la falaise, les côtes anglaises se confondant avec les nuages, là-bas, au bout de la mer. Il avait réussi. Comme toujours, comme la première fois, lorsqu'il avait été le seul à trouver le trésor, il avait réussi là où tous les autres avaient échoué.
Ces incapables n'avaient même pas su qu'il y avait eu une des sept merveilles du monde sorcier à dénicher à Poudlard, chose mille fois plus importante que ces rumeurs idiotes de Basilic, de Pierre Philosophale ou de Miroir du Rised.
Oui, c'était là quelque chose que ces Gryffondor aux moult aventures assez abracadabrantes ne pouvaient égaler, quelque chose que les Serpentard auraient envié et les Serdaigle admiré, s'ils n'avaient pas été tous si aveugles : un vrai trésor. Réel. Exsudant le pouvoir par tous ses pores. Authentique. Son trésor. Son merveilleux trésor. Et il pouvait à présent le caresser tout à loisir, blotti dans la poche de sa robe.
C'était à lui, c'était sa charge, c'était sa responsabilité, c'était son rêve devenu réalité. Il avait travaillé dur pour l'obtenir. Il avait affronté les sept épreuves de l'eau, de l'arbre, des nombres, de la terre, du feu, du fer et de l'air. Ses propres condisciples, otages tous autant qu'ils étaient de leurs petites histoires familiales, avaient, eux, manqué l'opportunité, enfermés dans leurs petites intrigues pour obtenir une pincée de reconnaissance, un soupçon de gloire éphémère, l'illusion de l'ambition. Ils n'avaient rien compris, rien de ce qui importait vraiment, rien de ce qui valait effectivement la peine de tout risquer en ce bas monde.
Draco Malefoy, leur soi-disant « chef », s'était laissé emprisonner par des murs qu'il ne voyait que trop bien – car, malgré tout, il ne fallait pas faire l'erreur de le confondre avec ces deux lourdauds de Crabbe ou Goyle qui, assurément, ne s'étaient même jamais rendu compte qu'il y avait des murs tout autour d'eux, y compris ceux de l'école qu'on avait choisi pour eux. Malefoy croyait que ces murs étaient là pour le protéger. Du moins, il l'avait cru jusqu'à ce qu'il se retrouve recroquevillé au centre de sa forteresse, terrifié, étouffé, par les ombres que ses propres remparts projetaient.
Car, si Zabini avait réussi à devenir une falaise imprenable à lui tout seul, à devenir en tout point conforme à ce que les rumeurs murmuraient à son sujet comme à celui de sa mère, assumer, cela Malefoy en était incapable. Après tout, il avait déjà eu du mal à prendre sur lui l'entière responsabilité de ses petites blagues contre Potter, qui avaient toutes tourné court. Et il restait bien trop rigide pour savoir charmer ces ombres, ses geôliers, au premier rang desquels son père - c'était là la spécialité de Parkinson, paternel y compris.
Peu importaient, toutefois, les moyens qu'ils avaient dénichés pour justifier ou se dissimuler leur impuissance. Théo s'était juré de ne jamais devenir comme cette bande d'incapables.
Théodore avait observé la transformation de Malefoy tout au long de la sixième année, en ricanant à part soi : le Baron Sanglant avait entendu parler de la tâche échue à l'héritier Malefoy quelque part, sans doute en écoutant leur directeur de maison monologuer dans ses appartements. Snape avait été sur les chardons ardents l'année durant, et le Baron aimait bien voir encore son ancien protégé de temps à autre, bien qu'il préférât la compagnie de Théodore, à présent.
Il avait pour lui sa jeunesse, ses talents qui éclosaient à peine, tandis que Snape serait de plus en plus vieux, fatigué, usé. En sus, il était plutôt bien fait de sa personne, quoique pas aussi vain que Malefoy ou Parkinson, et spirituel – il arrivait à faire sourire le Baron n'est-ce pas, alors que Snape avait dans ses meilleurs jours l'aspect comme l'odeur d'un vieux hibou grincheux. Il n'avait vraiment pas à être jaloux de son directeur, pas du tout. Puis, le Baron n'était qu'un fantôme, son fantôme toutefois. Du moins, c'est ce qu'il se répétait lorsque le Baron manquait leurs rendez-vous deux soirs d'affilée.
Il aurait dû être flatté de passer après l'habile maître ès potions. Et, flatté, il décida qu'il devait l'être, même si, en secret, son cœur murmurait autrement. Son père n'avait-il pas toujours dit que Snape était un petit malin ? Un malin certes incapable d'influencer qui que ce soit, au point d'en avoir été réduit à discuter avec des fantômes aussi peu loquaces que le Baron dans ses jeunes années d'après ce que lui avait rapporté jadis Rosier, mais son père dénigrait facilement tout ce qu'il jalousait, tout ce qui dépassait sa compréhension, tout ce qu'il craignait, exactement comme tous les autres. Théodore avait fini par l'accepter, au fil de ses échanges avec le Baron.
Théo avait d'abord aimé l'attention que le Baron lui portait.
Car le Baron savait ; il savait reconnaître ceux qui étaient réellement dignes de Serpentard. C'était sa tâche, depuis des siècles, sans doute. N'est-il pas le fantôme protecteur de la Maison de Salazar d'aussi longtemps qu'on s'en souvienne ?
Théo n'avait jamais eu peur du Baron, lui, pas plus qu'il n'avait eu peur des sombrals emmenant les calèches, même si personne ne l'avait cru, même si tout le monde s'était moqué de lui. À onze ans, il n'était pas un gamin qu'effrayaient les apparences et les oripeaux du monde. Il n'était pas comme les autres imbéciles qui piaillaient devant l'araignée de Lee Jordan. Ce n'était qu'un animal. Ce n'était que des chevaux magiques. Ce n'était qu'un fantôme, tout sanglant qu'il paraissait. Et les fantômes, comme les animaux, ne pouvaient nous faire du mal ; c'était au contraire les hommes, ceux qui pouvaient blesser, meurtrir, avec, parfois, un seul rire.
Même quand ils essayaient de nous heurter, par plaisir ou par haine, les morts ne faisaient que nous traverser d'un froid désagréable, un simple froid d'hiver, à couper le souffle. Les fantômes ne pouvaient point blesser les vivants, cela en était pathétique, Théodore l'avait toujours su. Il avait vu tant de fois sa mère griffer, gifler, frapper son père pendant que ce dernier riait de ses efforts inutiles, jusqu'à ce qu'excédé par sa seule nuisance il ne l'exorcise.
C'était l'un de ses tout premiers souvenirs, cet infini hurlement d'impuissance.
C'était son père qui rageait à présent enfermé entre les quatre murs auxquels son fils avait échappé, en l'y précipitant sans remords par ce hibou anonyme à Dumbledore. Albus Dumbledore était mort à présent, et Poudlard, sinon toute l'Angleterre, virtuellement en ruines, à feu comme à sang. Son père s'évaderait peut-être d'Azkaban, mais, au fond, cela ne changerait rien : il serait toujours aussi impuissant, son fils si redoutable d'être loin, si fort d'être sans obligations ni attaches, si puissant d'être libre. La roue tournait.
Le Baron avait très vite remarqué que Théodore n'aurait jamais peur de lui : parfois il en oubliait son attirail, parfois il en oubliait même qu'il ne parlait pas aux mortels. Théo en avait été secrètement très fier, dès le départ ; il l'était encore. Le Baron l'avait reconnu comme quelqu'un de plus intelligent que la moyenne des premières années… que toutes les premières années, car tout un chacun avait du mal à regarder le Baron en face, Malefoy y compris malgré ses grands airs et son Manoir grouillant de magie.
Quand il en avait eu besoin, chaque fois qu'il voyait ce bouffon accroître son influence auprès de leurs aînés, Théo avait volontiers imaginé Draco Malefoy en train de supplier ses parents d'exorciser son aile, fantômes après fantômes, et ça le faisait rire, rire sous cape – Crabbe et Goyle tapaient aussi fort qu'ils étaient idiots et Théodore Nott les trouvait vraiment très idiots. Il était persuadé quand il se sentait le cœur à ricaner qu'ils ne seraient jamais retrouvés à Serpentard si leur âme damnée ne leur avait seriné depuis le biberon qu'ils seraient toujours avec lui, et si le père de Malefoy n'avait persuadé de même son fils.
La Maison Serpentard était vraiment remplie de bouches inutiles dont la vraie place était à Poufsouffle. Poudlard n'était plus que l'ombre de son passé. Le Baron était d'accord.
Il avait aimé discuter avec le Baron, discuter jusqu'à plus soif, discuter jusqu'à oublier qu'il était un enfant, condamné à obéir aux grands.
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Théodore Nott ne prêta pas attention au froid de l'aube qui faisaient se hérisser le duvet de ses avant-bras dénudés. Il renversa sa tête en arrière, souriant au soleil qui se levait à travers le fantôme.
Le Baron était parti avec lui, guidant le sombral, fallacieusement attiré par ses traînées de sang. Il fallait sauver son trésor, leur trésor, l'emporter loin d'une Angleterre menacée par le chaos.
Peut-être qu'avec ce livre il pourrait retrouver les trésors des autres Fondateurs, la coupe d'abondance d'Helga, le médaillon de Salazar et même l'épée de Godric, afin de fonder un nouveau Poudlard sur le continent : peut-être que c'était ce dont le Baron rêvait. Peut-être rouvrirait-il plutôt les Anciens Passages vers le Sidh, pour que la magie envahisse à nouveau le monde, une magie plus ancienne que le temps des hommes, instable, brute, étrangère – par plaisir, par curiosité, rien que pour voir comment c'était. Ou peut-être deviendrait-il un nouveau semeur d'ordre, un nouveau Merlin ? Il était dit que Rowena Serdaigle avait dérobé le Parchemin de Tous les Possibles à Viviane elle-même, dans l'autre monde, sur l'île d'Avalon, avant de sceller définitivement le dernier tertre de Brocéliande.
Peut-être… peut-être… Tous les « peut-être » étaient siens, car il suffisait de désirer une chose et le livre, une fois ouvert, donnait toutes les réponses. Mais, pour l'heure, il comptait plutôt profiter de ses vacances d'été flambant neuves. Maintenant qu'il était libre, il lirait son trésor, comme il se l'était promis lorsque, sous ses yeux émerveillés, la chouette s'était soudain réduite à un petit tas de plumes, des plumes se métamorphosant en pages, en millions de pages qui s'agglomérèrent jusqu'à qu'il ne reste plus qu'un vélin entre ses mains qui tremblaient encore, lorsqu'il avait vaincu la dernière énigme de la chouette blanche.
Il avait tellement cru qu'il ne la réussirait pas. Il avait tellement craint qu'il ne trouverait pas la solution. Pour la première fois depuis le début de la quête, il avait compris qu'il pouvait périr, qu'il allait périr. Et il s'était alors rendu compte qu'il refusait de mourir tout court bien entendu, mais surtout qu'il refusait de mourir dans ces conditions : sur le toit de la Tour Est, dévoré par les hiboux qui voltigeaient en cercles autour de lui, l'éraflant, l'étouffant de leurs battements d'ailes, hululant des cris stridents d'appel à la curée. Il avait été si jeune, si impressionnable.
Sa jeunesse comme son violent déni lui avaient sauvé la vie puisque Non était la réponse, une réponse si simple qu'il n'y aurait jamais pensé après toutes les épreuves, plus complexes les unes que les autres.
Celles qu'il avait le plus aimées avait été celle des nombres et celle de l'arbre. Il éclata de rire lorsqu'il réalisa qu'il devait rejouer Odin pendant neuf cloches : faire un nœud qui n'étranglait pas avait été un jeu d'enfant. Il jouait enfant, aux sorciers et aux moldus avec son elfe-de-maison. Il savait faire comme défaire tous les nœuds. Il avait aussi toujours aimé jouer avec les nombres, qu'ils soient devenus soudainement réels, dansant autour de lui n'avait fait qu'attiser sa curiosité.
Par contre, longtemps il s'était couché terrifié à l'idée de rêver encore à celle de l'eau, de cette maudite clepsydre qui avait failli l'engloutir avant qu'il ne comprenne comment fonctionnait son ingénieux mécanisme. Jamais il n'avait eu peur d'échouer à l'arrêter, toutefois. Il savait qu'il pouvait y arriver. Le Baron ne l'avait-il pas choisi pour son ingéniosité ? Le Baron avait foi en ses capacités. Rétrospectivement, il avait un peu plus craint celle du feu, même si, rationnellement, il avait compris assez vite que les braises n'étaient qu'illusions : marcher dessus en suivant la chouette blanche ne lui avait rien dit qui vaille, la faute aux vieux livres d'histoire qui traînaient chez lui, avec toutes les sortes de supplices que ces barbares aimaient infliger aux sorciers sans défense.
Il se demandait encore comment personne n'avait pu s'apercevoir de rien, jusqu'à leur propre directeur, jusqu'au fameux Albus Dumbledore. La magie de Rowena Serdaigle avait peut-être encore été assez vivace pour garder sa quête secrète, une fois qu'il l'avait entamée : après tout il avait fallu une année entière à tous les professeurs pour trouver la Chambre de Salazar…Et le Baron avait dû écarter les importuns en leur envoyant Peeve ou en les terrifiant lui-même.
Toutefois, Théodore croyait surtout que le Baron n'avait pu choisir meilleur partenaire – aussi curieux que discret, ni meilleur moment pour lui envoyer sa première lettre fantomatique. Les gens, jusqu'aux tableaux eux-mêmes, n'avaient eu en effet d'yeux pour les Détraqueurs, pour la menace planant sur Potter et par-dessus tout pour le responsable, Black.
Son évasion d'Azkaban, ses mystérieuses incursions à Poudlard, sa nouvelle arrestation puis sa fuite de la Tour Nord, non moins surprenante, avaient monopolisé l'attention de Poudlard, sans parler de leur professeur loup-garou, bien que Théodore ait compris ce petit secret depuis longtemps – il avait eu juste bien plus intéressant à faire que de s'en glorifier, qu'il ait compris avant ce tas d'aveugles lui avait alors suffi.
Il aurait voulu garder précieusement la lettre du Baron, cette première lettre du Baron. Il n'avait pas su alors que les lettres fantomatiques disparaissaient avec l'aube suivante. Il avait appris les lettres suivantes par cœur. Néanmoins, il se souvenait parfaitement que le Baron, qui lui adressait juste un sourire ou quelques mots en passant, l'y avait appelé à l'aide, parce qu'un premier trésor avait été perdu, un autre livre, avec l'ouverture de la Chambre de Salazar ou quelque chose comme ça. Le Baron voulait protéger l'autre trésor de Poudlard. Il avait eu besoin d'un champion.
Et Théodore s'ennuyait, fatigué jusqu'à l'énervement d'entendre Malefoy comploter avec ses comparses des plans stupides contre Potter comme s'il était l'alpha et l'oméga de toutes choses. Et Théo avait été flatté de voir le besoin qu'avait le Baron de lui, si fier d'avoir été choisi, si heureux de pouvoir voir désormais le fantôme plusieurs jours par semaine, en tête-à-tête.
Donc, s'il avait été quelque honnête avec lui-même, dans un incroyable sursaut de bonne foi, chose déjà assez peu fréquente chez dans la Maison Serpentard mais encore plus absente si c'était possible chez Théodore Nott, tout était au fond de la faute de Malefoy, Malefoy fils. Théodore n'avait jamais fréquenté le père ni de loin ni de près, M. Nott ayant toujours eu la dent amère sur la manière dont le monde sorcier avait pardonné si aisément à la bourse bien rebondie de Lucius.
S'il avait été vraiment honnête, Théo aurait peut-être remarqué, sinon admis, que sans cette première lettre fantomatique que lui avait envoyée le Baron Sanglant lui non plus n'aurait jamais soupçonné l'existence de la première chouette, ni des six autres gardiennes du trésor de Rowena Serdaigle. Mais Théodore considérait cela comme allant de soi. Il voulait se prouver que lui aussi pouvait trouver un trésor, un vrai trésor, qu'il valait bien mieux que tous, qu'il valait ce que le Baron voyait, et surtout, surtout il avait été curieux.
Le Baron avait eu besoin d'un esprit brillant comme de mains mortelles pouvant tourner les pages, toucher les objets, utiliser la magie. Ils étaient devenus alors vraiment amis, proches. Car quoi de mieux qu'une quête, qu'un but commun pour forger un lien ? Et ce lien, ce lien avec le Baron, était le seul qu'il avait au fond désiré.
Il avait aimé que le Baron ait besoin de lui. Il avait aimé leurs plans, leurs trouvailles, leur complicité.
Théodore ne regrettait rien, bien au contraire, alors qu'il contemplait la mer à ses pieds.
Au début de sa quatrième année, le Baron lui avait signifié en silence, quoique de manière de moins en moins subtile, jusqu'à irriter un jour de trop Théodore, que son jeune ami devrait trouver d'autres amis, pas seulement des trésors, fonder un cercle, en remonter visiblement aux autres. Il y avait un temps pour le secret, un temps pour autre chose.
Pourtant, Théo se sentait très bien tout seul. Il n'avait pas besoin des autres. Son Baron lui suffisait. Le concerné avait eu l'air surpris, bizarrement déçu. Théodore aurait cru qu'il serait heureux de cette exclusivité, lui était très heureux d'avoir les prévenances du fantôme pour lui tout seul. Il avait aimé cette petite bulle qu'il avait formée avec le Baron, à l'insu de tout le monde, où il pouvait être en secret Théo, juste Théo. Juste Théo et son ami. Théo et son fantôme.
Le Baron ne lui en avait plus jamais reparlé, lorsqu'ils s'étaient retrouvés la semaine de sa rentrée en cinquième année. Et, à la place, ils avaient commencé à faire des plans pour fuir Poudlard ensemble. La fin étonnante du directeur puis, d'après les rumeurs, la chute prochaine de Poudlard dont les portes resteraient closes, n'avait fait que les avancer d'une année. Malefoy n'aurait pas pu échouer, encore une fois, histoire de ne pas le contrarier une dernière fois ?
Au fond, Théo aurait pu le remercier : ce n'était pas plus mal tombé. Poudlard avait été si moribond, de toute manière. S'il fondait ce nouveau Poudlard, il devrait peut-être trouver d'autres compagnons pour fonder un cercle, comme celui des Fondateurs. Le Baron serait doublement satisfait. Les livres avaient beau ne le mentionner qu'en points de suspension, Théo avait toujours été habile à deviner ce que pouvait bien taire un texte, à déchiffrer les non-dits, à supputer l'existence de palimpseste. Il était évident que les Fondateurs avaient dû être liés lorsqu'ils avaient posé la première pierre de Poudlard au solstice d'hiver. Très fortement liés. Sinon jamais ils n'auraient pu influer tous ensemble une magie si infinie dans leur création. Liés comme s'ils étaient un seul être. La magie qui avait donné vie au Château ou au Choipeau, ils étaient le fait des Fondateurs, pas de Rowena ou de Godric ou de Salazar. Un vrai cercle. Si puissant qu'on en taisait aujourd'hui l'origine. Une vraie alliance.
Son père, tout nécromancien qu'il était, avait brûlé devant ses yeux le seul vélin de leur bibliothèque qui évoquait ce genre de magie, plus tabou encore que la sienne. Ce genre de rituels avait dû être nettement moins interdit à l'époque. Sexuellement liés… c'était une idée, sûrement, peut-être. En tout cas, cela valait la peine de demander un jour au livre de Rowena ce qui s'était réellement passé.
Il trouverait bien aussi dans le livre un moyen de faire en sorte que le Baron retrouve corps et chair. Il le convaincrait. Ils pourraient devenir les premiers nouveaux Fondateurs.
Le sourire de Théodore s'élargit lorsqu'il sentit le contact du Baron Sanglant. Il se demandait souvent ce qui retenait encore le Baron en ce monde, à part leurs plans d'évasion désormais arrivés à terme, à part Théodore lui-même, au point d'en oublier soigneusement de se poser la question en ce qui le concernait. Mais le fantôme avait des rêves, n'est-ce pas ? Et même si les fantômes ne pouvaient plus rêver, Théo aurait des rêves pour deux.
Il riait doucement, les jambes ballant dans le vide lorsque le bras du baron se superposa au sien. Ils avaient triomphé ensemble. Un plan sans faille, un plan qui avait en fait commencé à se mettre en place, il y a une éternité, alors qu'il n'était encore qu'un gamin ennuyé par les fanfaronnades de Malefoy sur l'héritier de Serpentard. Ils avaient fui ensemble. Personne ne les retrouverait jamais. Le monde, le vaste monde, était à eux. Ils pourraient faire tout ce qu'ils voulaient, tout ce qu'ils désiraient. Nul ne les en empêcherait.
Il riait toujours quand le corps imposant du fantôme l'engloutit complètement. Sa mère avait toujours été trop fine pour rêver d'étouffer ainsi son père dans son ectoplasme glacé. Il pouvait toujours se débattre, sortir, combattre, exorciser. Il n'était pas impuissant. Il ne l'était pas..., non. Surpris, atterré, trahi mais incapable non. Jamais.
Il se débattit, au bord de la falaise, jusqu'à tomber dans la mer.
A suivre...
