Elle est là.
Dans cette pièce trop grande, dans cette maison trop vide. Son souffle caresse les murs trop rouges de la pièce, s'enfuit sous le parquet trop brillant du vestibule, lui aussi trop chargé. Trop de trop ici. Elle ne fait pas exception.
Elle est trop exaspérante, trop bruyante, trop désespérante.
Elle se recroqueville sur le canapé et fixe intensément le tas de bûches près de la cheminée. Des larmes roulent sur ses joues trop blanches et courent se réfugier sous un rideau de cheveux trop noirs.
Elle renifle soudain, à la fois bruyamment pour se faire entendre et rapidement pour ne pas qu'on puisse lui en vouloir. Ni même supposer la mise en scène – aussi insignifiante soit-elle. Elle le connait mal.
Il quitte alors le seuil de la cuisine auquel il était adossé depuis quelques secondes dans le but de l'observer, à la dérobée. Peut-être s'en est elle rendue compte. Elle le connait bien.
Ses doigts claquent dans le quasi-silence des lieux, Processus apparaît.
« Apporte-nous le thé, Proco, » assène-t-il alors. L'elfe baisse la tête et s'exécute en silence, sans s'appesantir sur le diminutif. M. Smith a des excentricités que son fils n'apprécie guère, le nom de leur serviteur en fait partie.
Zacharias contourne le sofa et croise le regard de Pansy. Il détourne le sien pour regarder l'elfe déguerpir après avoir déposé le plateau sur la table basse. La boisson s'immobilise rapidement à l'intérieur des deux tasses. Figée, et pourtant emplie de chaleur, de senteurs, de goûts et d'émotions.
Ils sont là eux aussi, ne parlent pas, ne bougent pas, ne se regardent pas.
Une minute s'écoule ainsi et la princesse soupire. Trop exigeante.
Zacharias avance d'un pas et s'assied près de l'accoudoir, à l'autre bout du canapé. Elle se redresse avec grâce et fait danser ses doigts fins sur le cuir rougeoyant.
Le message est clair, prévisible, ahurissant. Pitoyable. Zacharias ressent un élan de pitié et fait remonter son bras jusqu'à sa tête, puis le pose sur le dossier de sofa, derrière la nuque de Pansy. Sa main pend négligemment sur l'épaule de la jeune fille.
Elle frissonne, il lève les yeux au ciel. Sa tête à elle tombe sur son torse à lui.
Elle est trop proche. Elle est trop chaude. Son cœur bat trop vite. Il ne sait pas lequel.
Il a pitié d'elle. Pitié de ses chagrins trop faciles. Pitié de ses actes si puériles. Pitié de ce bras qui la tient fermement enlacée contre lui.
Cela dure depuis des mois. Des mois qu'elle débarque chez lui sans cérémonie. Des mois que lui l'invite dès qu'il croise ses pommettes inondées. Des mois qu'il la console.
Il la voudrait plus pétillante, plus étonnante, plus élégante.
Tout ce qu'elle n'est pas avec lui. Tout ce qu'elle est quand il la voit au côté de l'autre.
Cela dure depuis des mois. Des mois qu'ils finissent serrés l'un contre l'autre, le plus souvent en silence.
Des mois qu'un élan de pitié le prend pour cette pauvre chose.
Un élan de pitié.
