Peut-être que vous le verrez, mais cette histoire est une republication. Je viens de l'effacer pour tout de suite poster le chapitre 1. Pourquoi ?
Tout d'abord, parce que à la relecture j'ai remarqué de nombreuses coquilles. Ce qui ne veut pas dire que je vais les effacer (hélas !) mais il y a des termes pour les personnages qui changent d'un chapitre à l'autre, ce qui est vaguement problématique.
Ensuite, car j'ai remarqué une énorme incohérence au chapitre 5 (ou 6 ?), qui fait que si je la modifiais je modifiais tous les chapitres en conséquence. J'ai donc préféré supprimer pour reposter, à raison d'un chapitre par semaine : je m'accorde du temps pour réécrire mais également pour réfléchir au tournant que vont prendre la suite de l'histoire et le nombre de chapitres total (à vue d'oeil, environ une vingtaine)
Sur ce, bonne lecture !
Il n'allait pas dire que la journée avait bien commencé, parce que ç'aurait été totalement mentir.
Son réveil le tira de son sommeil réparateur à six heures pétantes, et il l'éteignit avec un grognement. James n'était pas quelqu'un de matinal, si seulement ses cheveux noirs en pétard étaient une quelconque indication. Heureusement pour lui qu'il avait un autre réveil, qui le sortait lui de le sortir de la torpeur matinale : sa chouette, une effraie du nom de Godric, penchée sur lui et le regardant avec un regard ambré perçant. Et ce, alors qu'elle était perchée sur sa cage thoracique. James resta figé un moment, puis se redressa brusquement ; et Godric ne dut son équilibre qu'à un battement d'aile. Son hululement indiquait cependant qu'il n'était pas ravi.
« Désolé, mon vieux, s'excusa James en caressant le plumage de l'effraie. Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu es censé m'attendre dans ta cage, dans la cuisine... »
Godric le coupa d'un autre hululement, qui sonnait presque plaintif. Dubitatif, le brun prit sa baguette, qu'il fourra dans la poche de son pantalon de pyjama, et se dirigea vers sa minuscule cuisine. En passant dans le couloir étroit, le brun se rappela ce que disaient à chaque fois ses parents : est-ce qu'il n'était pas trop à l'étroit, est-ce qu'il n'avait pas besoin d'un peu plus d'espace... « Au cas où », disait sa mère Ginny avec un clin d'oeil complice. À chaque fois, James levait les yeux au ciel, puis se débrouillait pour détourner la conversation vers un autre sujet. Du haut de ses 26 ans, ses parents semblaient toujours vouloir le surveiller et le guider, comme si il était encore un adolescent turbulent. Il ne comptait plus les visites surprises de sa mère, qui arrivaient au moins une fois tous les deux jours les premiers mois, pour vérifier si il n'avait pas fait exploser une pièce. C'était une manie agaçante, quoique témoignant de la tendresse de Ginny envers son fils.
Quant à Harry, il se contentait de hausser les épaules et de laisser ce travail là à sa femme. Et ce n'était pas James qui allait le lui reprocher.
Le brun rentra dans sa cuisine, et se figea sur place.
Là, sur la table, il y avait un elfe de maison. Sa peau plissée, ses yeux tout autant, la créature le regardait sans bouger, une assiette remplie de bacon et d'oeuf dans les mains. À son cou pendait un médaillon, avec un S gravé dessus.
« Par Merlin, Kreattur, murmura James.
- Que le jeune maître me pardonne, mais le maître Harry Potter m'a chargé de lui demander si il venait toujours au dîner de ce soir, au Terrier.
- Le dîner... »
Kreattur s'inclina légèrement ; le médaillon racla le sol. Godric se tassa un peu plus sur l'épaule de son maître. James n'avait jamais compris pourquoi, mais la chouette détestait l'elfe de maison. Ce qui expliquait sans doute pourquoi elle avait fui dans sa chambre dès qu'il était arrivé.
« Oui, jeune maître, et comme le jeune maître n'était pas réveillé, j'ai fait son petit déjeuner. »
Et sur ces mots, il fourra dans les mains du brun l'assiette, lourde de victuailles. James cligna des yeux quelques secondes, trop surpris pour dire un mot.
« Merci, Kreattur, finit-il par dire avec un petit sourire en s'installant sur l'unique chaise de la pièce. Tu... Euh... Veux quelque chose ? »
Il n'avait pas grandi avec Kreattur. L'elfe de maison, bien qu'au service de son père, était resté à Poudlard, dans les cuisines. Ce n'était que très récemment qu'il s'était installé dans l'ancienne maison familiale, à la demande express de son père. Harry et Ginny Potter n'était pas encore très vieux, mais ils sentaient parfois les premiers désagréments liés à leurs âges respectifs. Alors son père avait décrété que Kreattur devait revenir avec eux pour les aider dans la vie quotidienne et qu'ainsi, le jour où ils seraient vraiment séniles, le vieil elfe de maison saurait quoi faire pour qu'ils survivent.
James et Lily avait roulé des yeux à cette logique imparable. Albus avait levé un sourcil dédaigneux.
Bref, tout ça pour dire qu'il n'était pas totalement au courant des us et coutumes qu'on devait employer avec un elfe de maison. Il nageait en plein territoire inconnu. Mais Kreattur le sauva de l'embarras en secouant énergiquement la tête.
« Le jeune maître est trop bon, mais Kreattur se doit de refuser. Cependant, si le jeune maître pouvait vite répondre, le maître Harry Potter va finir par s'impatienter...
- Dis-lui que je viendrais. Je ne raterai les repas de grand-mère pour rien au monde. »
Kreattur s'inclina de nouveau.
« Et ramènerez-vous quelqu'un ? »
James se figea. Cette question venait sans nul doute de sa mère. Le vieux serviteur avait encore du mal à obéir à sa mère (et lorsqu'il le faisait, il lui arrivait encore de murmurer quelques insultes quand personne ne pouvait l'entendre) mais la rousse savait comment s'y prendre. Et si les deux semblaient s'entendre sur une chose, c'était poser des questions gênantes sur la vie de James.
(quoique, plus de la part de sa mère que de Kreattur ; l'autre était beaucoup trop respectueux envers «le jeune maître» pour ça)
(du moins, il espérait)
Hélas ! James devait avouer qu'il avait eu une réputation à Poudlard. Et Lily, en parfaite petite Gryffondor qu'elle était, avait jugé utile d'informer leurs parents de tous ses faits et gestes. Ce qui en avait résulté, lors des vacances d'hiver de sa sixième année, en une discussion parfaitement gênante entre sa mère, son père et lui. Si Harry avait eu l'air aussi gêné d'être là que lui, les yeux bruns de Ginny avait brillé d'une lueur féroce tandis qu'elle expliquait en long en large et en travers pourquoi il fallait prendre ses précautions avec ce «genre d'activité» (James soupçonnait que la censure avait été plus pour le bien-être de son père que pour le sien).
« Et ne t'avise pas de nous ramener un enfant à la maison lors de ta dernière année. », avait fini par asséner la rousse avec l'air de quelqu'un qui vous claquerait les cervicales si vous ne faisiez pas ce qu'elle disait. James s'était mordu la langue pour ne pas répliquer qu'il ne faisait pas que ça avec des filles.
Puis la vision de la figure cramoisie de son père s'était imposée, et il s'était rétracté.
Toujours était-il qu'aujourd'hui, le brun considérait s'être considérablement calmé. Et malheureusement, sa mère ne le laissait plus vivre sans lui rappeler toutes ses conquêtes durant ses années scolaires.
« Non, Kreattur. Je viendrai seul. », finit par répondre James avec un petit sourire. Il doutait que son meilleur ami accepte de venir, mais si il faisait les yeux doux, peut-être que... L'elfe s'inclina de nouveau. D'un geste de la main, le sorcier finit par le congédier. Un «Crack !» sonore plus tard et il était de nouveau seul dans sa minuscule cuisine, en train de manger son jambon sous le regard ambré de Godric. James souffla dans le silence de la pièce.
Il avait complètement oublié le dîner.
C'était une tradition familiale qu'avait instauré leur grand-mère dès que les premiers d'entre eux étaient sortis de Poudlard, partis vers les études. Pour se retrouver et se voir plus que une fois tous les deux mois. Alors toutes les deux semaines, elle organisait un immense dîner. Généralement, toute la famille se réunissait dans le grand jardin du Terrier, dans la joie et la bonne humeur.
Pour James, c'était aussi le bon moment pour contempler la réussite des autres. Albus voyageait d'un bout à l'autre du monde dans la semaine en temps qu'assistant du ministre. Lily était en stage à St-Mangouste et en passe de devenir Médicomage, sous la houlette de l'un des plus éminents docteurs de cette décennie. Elle amenait toujours avec elle son petit-ami, un blond infirmier, né-Moldu et par conséquent totalement ignorant des gens qui l'entourait. Victoire et Teddy étaient fiancés, Fred avait suivi la voix de son oncle Charlie et s'occupait de dragons (et en avait d'ailleurs adopté un après quelques hésitations), Dominique et Molly travaillaient à Gringotts dans des postes purement administratifs, à l'image de leur père Percy et de leur oncle Bill. Dans son entourage, si on excluait ses amis, James était l'unique membre de la famille de la nouvelle génération à être devenu Auror. Et vu la manière dont sa grand-mère le couvait à chaque fois qu'il allait partir en mission, il allait presque regretter son choix.
Ce qui lui rappelait...
James coula un regard vers l'horloge au mur. Puis manqua aussitôt de s'étouffer.
Il était en retard sur son horaire habituelle et il lui restait encore une douche à prendre, et à s'habiller correctement.
« Merde ! Godric, descend de mon épaule ! »
Sa chouette poussa un hululement mécontent. James fila à la douche, laissant derrière lui les restes de son petit-déjeuner.
Il arriva dix minutes en retard au Ministère, la robe légèrement froissée et les cheveux en bataille. C'était une sorte d'effet secondaire du transplanage, et dont il n'avait jamais réussi à s'en débarrasser. Une calamité pour sa grand-mère à chaque fois qu'elle le voyait arriver au Terrier, et elle n'hésitait pas à s'en plaindre à grand bruit. Pire quand il y avait un trou. Et James ne savait pas qu'il était possible de faire des trous dans ses vêtements après un transplanage.
En avançant dans les couloirs, maintenant à moitié vidés, James se surprit à apprécier la tranquillité du Ministère de la Magie. Il n'en avait pas toujours été ainsi. Le brun se souvenait que, les deux premières années, il ne pouvait pas faire trois mètres sans que quelqu'un ne lui tombe dessus pour lui serrer la main, le tarir d'éloge ou lui arracher les cheveux (deux fois. Il n'avait jamais compris pourquoi). Ou alors c'étaient les journalistes qui se mettaient à le traquer. Son père lui ayant toujours interdit d'emporter avec lui la cape d'invisibilité au travail, le jeune sorcier était tout simplement devenu un pro en infiltration. C'est-à-dire s'accroupir ou ramper pour passer inaperçu dans les couloirs annexes, se plaquer contre les murs avec une cape moins voyante et se cacher derrière les gens. Ce qui lui avait valu beaucoup de regards perplexes.
La seule chose qu'il n'avait pas compris, c'était quand une fille qui travaillait à la régulation des transports magiques l'avait vu et avait crié dans tout le hall : « Snake ?! C'est toi ?! » mais à partir du moment où on n'essayait pas de lui couper une mèche de cheveux, James pouvait tout tolérer.
Maintenant, il faisait parti du décor, disaient certains de ses collègues. Et même si il était «fils de», il n'était pas «le» Harry Potter. Son meilleur ami s'était moqué de lui en disant qu'il lui manquait une cicatrice et des lunettes pour pouvoir prétendre au poste, avant de se reprendre et de lui défoncer l'épaule d'une énorme tape. Pour ensuite lui dire en chuchotant :
« Entre toi et moi, des héros, on en a bien assez. »
C'était quelque chose qui avait fait naître un sourire sur son visage, et qui faisait que son meilleur ami était son meilleur ami. Il n'attendait pas un Harry Potter. Il voulait juste James Sirius Potter, un Auror et sorcier comme les autres.
James arriva quelques minutes plus tard dans l'office des Aurors. D'aussi loin que remontaient ses souvenirs, il y avait toujours de l'activité. Et une énorme carte sur le mur du fond, avec tellement de punaises qu'elle en devenait presque invisible.
Le brun referma la porte le plus doucement possible, pour ne pas gêner les discussions en cours. Lui n'était assigné à aucun groupe de recherche : sa dernière mission s'était finie deux jours plus tôt, et il devait maintenant rédiger un rapport à son chef de service, une sorcière aux cheveux noirs bouffis du nom de Constance, et qui pouvait vous foudroyer du regard pour un seul mot mal orthographié. Ou pour un retard.
En promenant son regard, James eut le temps de voir qu'elle n'était pas présente dans la pièce. Inconsciemment, il lâcha un soupir. Puis sursauta quand une main se posa brusquement sur son épaule. Se retournant vivement, la main à mi-chemin vers sa baguette, James se relaxa quand il vit le visage chaleureux de Thorin. Thorin, son meilleur ami.
« Tu étais en retard, aujourd'hui, dit ce dernier en guise de salutation.
- Désolé, j'ai eu la visite de Kreattur. Pour me rappeler le dîner Weasley. »
À ces mots, Thorin eut une expression désolée. James décida de tenter sa chance :
« Tu peux venir avec moi, si tu veux...
- James. Je t'aime beaucoup, mais il y a certaines choses que même moi je ne peux pas faire. Et rester plus d'une heure dans la même pièce que ton père en est une.
- C'était ton mentor, bougonna le brun en croisant les bras.
- Oui. Justement. J'ai assez vu de «héros» pour toute une vie. »
Les mots étaient presque crachés. James n'insista pas et tapota le dos de son ami en guise de soutien silencieux.
Il ne connaissait pas les tenants et les aboutissants de leur relation. Son père ne parlait jamais de Thorin, comme si ce dernier avait été un élève un peu honteux. Et lorsque Thorin parlait de Harry Potter, il y avait toujours de la colère dans ses yeux gris, presque noirs. James estimait que ce n'était pas son devoir de chercher pourquoi les deux hommes ne s'entendaient pas ; et, en quatre ans d'amitié, il avait compris que ceci ne ferait que fermer son meilleur ami.
Thorin le laissa pour aller voir la carte. Il était légèrement plus âgé que James, de quatre ans, et avait atterri à Serdaigle lors de sa Répartition. James avait de très vagues souvenirs d'un jeune Thorin, alors préfet puis préfet-en-chef, un élève avec une carrure impressionnante et qui dépassait ses camarades d'une bonne tête, alors qu'il ne faisait pas parti de son équipe de Quidditch. Pour le brun, qui avait hérité de sa mère sa passion de voler mais restait toujours malingre malgré ses innombrables frappes dans des Souafles, cette situation était l'une des plus grandes injustices du XXIème siècle. Toujours était-il qu'à l'époque où il n'était qu'un (petit) première année (apeuré), James voyait le Serdaigle comme un géant, moins grand qu'Hagrid certes, mais un géant tout de même. Mais le caractère de Thorin tranchait avec son physique impressionnant. Il parlait toujours avec une douceur dans la voix, qui ne disparaissait que très rarement (lorsqu'on parlait d'Harry Potter était un de ces moments). Ses yeux gris brillaient d'une lueur franche et si il ne mâchait pas ses mots auprès de ses amis, James l'avait déjà vu faire preuve de tact lorsqu'il avait fallu annoncer à une moldue que sa fille était une sorcière et que non, Dieu ne punissait pas leur famille, que le diable n'avait pas habité leur petite (puis il avait fait enfermer la mère pour négligence, car why not). Aujourd'hui, James avait rattrapé Thorin en taille, lui manquant quelques centimètres pour faire la même hauteur, mais était certain que son ami pourrait l'envoyer valser en une roulade si jamais il l'énervait. Avec son air d'ours en peluche, ses cheveux châtains désordonnés attachés on-ne-savait-comment en queue de cheval et un visage presque toujours orné d'un sourire chaleureux, on en oubliait que Thorin était le genre de gars qui était capable de vous envoyer valser (littéralement valser) si sa baguette ne lui était plus d'aucune utilité. Pour s'être entraîné au corps-à-corps avec lui, James en avait gardé quelques bleus.
Alors voilà. C'était son meilleur ami, mais James ne l'aurait changé pour rien au monde. Bien sûr, il n'irait jamais le comparer à Fred ; il avait grandi avec Fred, avait fait sa scolarité avec, dans la grande maison de Gryffondor, et il n'aurait pas échangé ces moments pour tout l'or du monde. Mais force était de constater que Thorin avait fait son chemin dans sa vie et semblait décidé à y rester le temps qu'il jugerait nécessaire.
Le brun se secoua la tête et se dirigea à son bureau dans un mouvement de cape.
(il s'était entraîné tous les jours pendant des mois pour maîtriser ce truc, alors il n'allait pas se priver de le faire, merci bien)
Il était installé dans un coin sombre, à côté justement de l'immense carte qui occupait tout un pan du mur. De là où il était, il se recevait fréquemment les notes de service qui amorçaient mal un virage, ou celles que l'on envoyait de là où l'on était. Punaisée de partout, la carte servait de repère pour les sorciers recherchés. Aujourd'hui, il y en avait apparemment peu : la moitié du bureau avait été embarquée dans la même affaire que celle de James, tandis que quatre ou cinq autres malheureux étaient restés en arrière. Parmi eux, Thorin, qui contemplait les punaises vertes reliées comme si elles détenaient le secret de l'univers. Il avait une main sous le menton, le coude reposant sur son bras croisé. Au bout des doigts, l'extrémité de sa baguette brillait d'une lueur émeraude. Le taux de concentration que pouvait atteindre Thorin était aussi impressionnant qu'il pouvait être ennuyant, comme par exemple lorsqu'il réfléchissait pendant cinq minutes ce qu'il allait prendre au déjeuner, s'arrêtant comme ça en plein milieu du couloir, les yeux dans le vague. James était certain que si un Détraqueur était rentré dans la pièce à ce moment-là, le châtain n'aurait pas bronché.
Le brun soupira et prit une plume. Plus vite il se mettrait à ce fichu rapport, plus vite il le terminerait, et plus vite il pourrait partir. Il commença à écrire.
James reposa la plume. Puis il se détendit.
Puis il faillit s'étrangler en voyant l'heure parce que, wow, puis, quoi ?!
« Thorin !, appela-t-il d'une voix étranglée. Thorin, tu aurais pu me prévenir ! Tu as vu l'heure ?! »
De l'autre bout de la pièce, son meilleur ami lui lança un sourire malicieux. Il ouvrait la bouche pour répondre, quand une sorcière aux cheveux noirs le bloqua de son champ de vision. Elle avait l'air sortie d'une bagarre, les cheveux en pétard tout autour de sa tête comme une auréole, et une cicatrice qui lui barrait la joue et le nez, pour finir sa course près de son sourcil gauche. Dans ses mains, trois classeurs plus épais les uns que les autres.
« Ne vous plaignez pas, Potter, dit-elle d'une voix cinglante. Vous, au moins, avez pu manger. »
L'accent ressortissant, Constance Reynard se tenait devant lui dans toute sa splendeur. C'était une sorcière qui devait atteindre la quarantaine mais qui ne portait pas d'autres marques de son âge que quelques cheveux blancs, invisibles dans la masse noire du tout. Ses yeux bruns étaient cerclés de lunettes noires, et son ton ne souffrait d'aucune discussion.
Elle lâcha brusquement les classeurs, qui allèrent s'écraser sur son bureau avec un bruit sourd. James retint à temps une grimace en voyant que les quelques sorciers qui restaient et qui étaient prêts à partir avaient apparemment suspendus leurs mouvements, l'air de rien.
« Votre rapport, demanda (exigea) sa chef.
- Pas tout à fait fini ?, se risqua le brun.
- Alors il est tout à fait normal que vous fassiez quelques heures supplémentaires, hmm ? »
James ne savait pas si il devait être étonné. La rumeur la plus célèbre du Ministère était que Constance avait un lit dans une pièce cachée, dans le bâtiment, et qu'elle ne quittait jamais son lieu de travail.
« Et ne prenez pas cet air de chien battu, Potter. Je sais que vous êtes arrivé en retard aujourd'hui. »
De dix minutes. Ou de quinze, peut-être, voulait protester James avec un plaidoyer digne d'un avocat magique.
Par-dessus l'épaule de Constance, Thorin tapota son poignet.
Oui. L'horaire. Il était 18 heures 30, il n'avait que trente minutes pour se changer et foncer chez mamie Weasley. Voir moins, maintenant que sa chef le retenait au bureau comme un drogué voulant sa dose.
« Constance, s'il vous plaît. Je peux le finir chez moi ? »
La brune eut un reniflement de dédain.
« Je croirai ça le jour où Marie rangera son linge comme il faut. »
Marie. Bien sûr, Marie, la soeur de l'Auror en chef, avait dû avertir sa jumelle qu'il ne s'était pas pointé à l'heure, délivrant sur lui l'ouragan. Elle ne pensait sans doute pas à mal (des deux, Marie était celle qui était la plus gentille, à se demander ce qu'elle faisait dans le service des Aurors) mais maintenant, il était proprement dans la merde.
Béni soit Merlin, car une autre femme émergea près de Constance. Comme ça, comme par magie, de sous un bureau.
Un sourire hésitant sur les lèvres, une natte sur ses épaules et une cape de voyage sur le dos, la-dite Marie semblait décidée à voler à sa rescousse.
« Constance, intervint-elle d'une voix douce, tu ne peux pas retenir James ici. Nous avons nous-mêmes un dîner ce soir et si tu continues comme ça, nous allons arriver en retard. »
Suivi d'un clin d'oeil discret à sa destination. Thorin leva les deux pouces en l'air. James dut se mordre les joues pour ne pas éclater de rire, tandis que l'attention de la brune se dirigeait vers sa soeur, moins mordante mais toujours affutée.
« Il doit faire son rapport.
- Nous devons tous faire un rapport, Constance. La commission ne brûlera pas si tu rends le tout avec un jour de retard.
- Nous n'avons jamais rendu un rapport en re...
- Oh, arrête ça, l'interrompit gaiement Marie. Je me souviens d'une sorcière qui n'a jamais pu finir le sien parce qu'elle avait capturé un hors-la-loi complètement bourrée, purement par hasard, et qu'elle s'est payée la plus grosse gueule de bois de toute sa vie. »
Constance sembla purement se dégonfler à ces paroles, les yeux écarquillés comme si sa soeur venait de lui planter un couteau entre les omoplates. James regrettait de ne pas avoir pris son polaroid.
« Marie...
- Le dîner, Constance, n'attendra pas plus longtemps. Partez, James, nous fermerons la salle. »
Le brun ne se fit pas prier, attrapant à la hâte sa cape avant de se sauver vers la sortie, Thorin sur ses talons. Sa fuite sembla être le signal pour les rares encore présents, qui s'y précipitèrent également. Lorsqu'il referma la porte, James entendit le ton grondant d'une Constance énervée, s'exprimant dans une langue étrangère.
« Par Merlin, haleta-t-il. Je n'ai pas vu l'heure passer. Merci pour le sandwich de tout à l'heure, ajouta-t-il à l'attention du châtain.
- Tu dois avoir une dizaine de minutes devant toi, si tu veux être présentable, rétorqua l'autre avec un haussement d'épaules.
- Merlin. Juste le temps d'enfiler une autre cape que celle du travail. Satanée Constance, à toujours me demander un document de vingt parchemins en un jour, elle croit qu'on est en France ?
- Et Albus ? », renchérit Thorin en faisant fi de ses complaintes. James savait qu'il entendait, mais le châtain préférait se concentrer sur des détails plus importants que des plaintes de fin de journée.
(«Tu ne te plains jamais, toi ?
- Si, mais seulement quand ton père était dans la pièce.»)
Albus. C'était une bonne question. Son petit frère restait un mystère, même pour lui. James était le premier à combattre les préjugés mais force était de constater que Serpentard, d'une manière ou d'une autre, changeait les gens. Et, ne le prenez pas mal : Scorpius Malfoy était un bon gars ainsi qu'un bon avocat magique, mais Albus était la définition de la perfection. Toujours bien habillé, les cheveux bien coiffés, avec un air de désintérêt qui seyait à sa position. Et pour que Albus lui parle de son emploi du temps, James devait déployer des efforts qu'il ne voulait pas gaspiller pour un type qui l'avait un jour traité de «fils à papa» devant la moitié du Ministère. Son frère lui en voulait pour une raison inconnue. Il avait depuis longtemps abandonné l'idée de le comprendre entièrement et se contentait de le voir aux repas de famille, souvent sans lui parler. Quant au Ministère, ils ne s'y croisaient pas ; Albus arrivait à des horaires qui pouvaient faire pâlir Constance, tandis que James mettait un point d'honneur à arriver littéralement pile à l'heure. Quand l'autre ne voyageait pas au Japon sans prévenir, parce que pourquoi pas.
« Je le retrouverai là-bas, affirma James, avant de secouer la main en guise d'au revoir. À plus, Thorin. »
Il était arrivé dans la salle des transplanages, où la barrière était désactivée et leur permettait de se transplaner en toute sécurité. Le brun eut à peine le temps de voir son meilleur ami lui retourner son salut avant qu'il ne disparaisse dans du noir complet.
Et ce qui devait arrivé arriva, puisqu'il frappa à la porte du Terrier avec trois minutes et vingt-sept secondes de retard. Heureusement pour lui, ce fut son grand-père, Arthur, qui lui ouvrit. Avec l'âge, le crâne s'était dégarni et les sourcils avaient blanchi mais l'homme avait gardé son enthousiasme digne d'un grand enfant. Lorsqu'il aperçut le visage de son petit-fils, il l'attira dans une étreinte d'ours, que James retourna avec plaisir. Arthur Weasley avait toujours été une source de réconfort pour lui, à une époque où son père parcourait l'Angleterre de long en large, et où sa mère jouait pour les Harpies sans prendre de pause. Désormais, l'un était à la retraite et l'autre était coach de l'équipe féminine de Quiddictch d'Angleterre, mais l'absence d'affection se ressentait dans leurs interactions.
« James, mon garçon, comment vas-tu ? », lui demanda Arthur en lui ébouriffant les cheveux une fois qu'ils furent séparés. Le brun rigola et repoussa les bras, de la même manière qu'il le faisait quand il était enfant.
« Super, grand-père. Désolé pour le retard.
- Ce n'est rien, ce n'est rien, tes parents ne sont même pas arrivés.
- Arthur !, appela la voix de Molly Weasley. Laisse-le donc rentrer, le pauvre chou ! »
Les deux hommes roulèrent des yeux mais le plus vieux s'effaça tout de même du vestibule. James le suivit jusque dans le jardin. Là, la table avait été dressée, bien que personne ne soit encore assis. Quelques petits groupes s'étaient formés çà et là au travers de la pelouse. En levant les yeux, James s'aperçut que certains avaient commencé une partie de Quidditch. Manquaient à l'appel Charlie et Fred, sans aucun doute dans une de ces contrées reculées, à la recherche d'un dragon mort-vivant ou que savait-il encore.
(«C'est très sérieux, James ! Un dragon mort-vivant pourrait en ramener d'autres à la vie et...
- Fred, chéri, finis ta purée, on ne va pas faire de restes n'est-ce-pas ?
- Mais le dragon mo...»)
Lily, en merveilleuse petite soeur qu'elle était, le remarqua sitôt qu'il posa un pied dehors et entreprit de le tacler proprement au sol. Ils s'écroulèrent dans l'herbe avec un «pouf !» sonore, les bras de sa petite soeur encerclant son cou. Avec douceur, James dégagea quelques mèches rousses. Lily était celle dont il était le plus proche, et le fait de ne plus se voir aussi fréquemment qu'avant semblait lui faire autant de mal à elle qu'à lui.
« Jaaaaaaaaaames, gémit-elle. Retaaaaaaard.
- Avec le temps, tu devrais y être habitué, plaisanta le brun.
- James, bonsoir ! Comment allez-vous ? »
Un sourire freedent les surplombait tous les deux. Angelo, le petit-ami de Lily, s'obstinait à le vouvoyer malgré le fait qu'il fréquentait sa soeur depuis la septième année. James prit la main que lui tendit le blond et la secoua, un sourire honnête sur les lèvres.
« Angelo, hey. Pas trop de mal à contenir la furie ? »
À ces mots, Lily releva la tête et tira la langue. Voir son visage rappelait celui de sa mère plus jeune, en plus taquin.
« Honnêtement, James, votre arrivée me sauve, murmura Angelo en s'agenouillant près du tas que les deux formaient. Albus était en train de m'expliquer en long, en large et en travers pourquoi la communauté sorcière de Chine déclinait. »
James scanna les groupes du regard. Et, ah, bien sûr. Un verre de champagne à la main, le visage toujours aussi froid, Albus Potter discutait avec Rose de ce qu'il semblait être un sujet assez important pour ne pas dire bonsoir à son grand frère.
James souffla et se détacha de la poigne de Lily, avant de se relever. Si il laissait de mauvaises pensées l'envahir maintenant, il savait qu'elles le poursuivraient toute la soirée. Il n'avait pas besoin de ça, du moins pas maintenant.
Lily sur ses talons, il se dirigea vers son oncle George et son oncle Bill, en grande discussion avec Arthur. Pour l'instant, James échappait à l'oeil de la dragonne, mais quelque chose lui disait que Molly Weasley lui tomberait bientôt dessus. Il aimait beaucoup sa grand-mère mais son attitude protectrice était parfois trop pour quelqu'un comme lui qui aimait sa liberté d'agir.
« Un brun dans le cercle, avertit Bill avec un sourire joueur.
- Grand-père est chauve. », fit remarquer Lily avec un ton blasé qui imitait parfaitement celui que prenait Albus lorsqu'il ne voulait pas faire la vaisselle. Arthur, en grand comédien, porta une main à son coeur, tandis que ses fils éclataient de rire.
« Hey, James, salua George. Comment va la vie ?
- Si tu as un truc pour échapper à une sorcière complètement dingue, je ne dirai pas non.
- Ça peut s'arranger, mais je ne veux pas la chef des Aurors sur le dos. »
James leva les deux mains, comme pour se défendre d'avoir de telles idées. À côté de son frère, Bill roula des yeux. Les cicatrices sur son visage se tendirent brièvement durant le geste. Elles étaient moins apparentes qu'avant, se fondant dans les lignes du visage avec l'âge, mais restaient tout de même impressionnantes pour quiconque les apercevaient la première fois.
« Et Thorin ?, demanda Lily, leur faisant se rappeler de sa présence. Il n'a pas pu venir ?
- C'est pas faute d'avoir demandé, mais je crois qu'il préfère rester seul ce soir. »
Oui, parce que Lily avait déjà croisé Thorin plusieurs fois, alors qu'elle s'invitait dans l'appartement de James et posait ses pieds sur la table basse, bière à la main. Sa soeur appréciait bien le châtain, et le sentiment était apparemment réciproque. Depuis, à chaque fin de repas, la rousse le tançait pour qu'il amène son ami à manger. Ce projet ne s'était hélas jamais réalisé, et James doutait que Thorin accepte un jour de se ramener dans une réunion de famille aussi grande que celle des Potter-Weasley.
« Et le travail ? »
Tout le petit groupe se tourna vers la provenance de la voix, exaspéré mais en même temps amusé. Sa tante Hermione, les cheveux arrangés en une épaisse queue de cheval, s'était approchée d'eux sans qu'ils ne l'entendent venir. James fut tout de même heureux de son intervention : il adorait son travail mais la seule à l'évoquer était sa grand-mère, pour dire toute son inquiétude. Plus rarement, sa mère ou son père, l'une pour savoir où il en était dans ses rapports (James soupçonnait Constance de l'avoir influencée), l'autre pour savoir où il en était dans son avancement. Hermione, en ancienne Langue-de-Plomb, avait un regard assez neutre sur son métier. Elle devait sans doute affronter bien pire dans les différentes salles secrètes du Ministère.
« On vient de finir un gros dossier, répondit-il avec enthousiasme. Le trois-quart du bureau était dessus, c'était dément.
- Quelle affaire ?
- Top-secret. Demande à Constance, je suis sûre qu'elle pourra te répondre plus précisément que moi. Elle était déchaînée. On a dû donner un assaut dans le QG même, tout en gérant les moldus qui voulaient s'en approcher. J'ai cru que Marie finirait par mettre le feu au bâtiment, pour les tenir éloignés. »
Mais Hermione plissa des yeux, un petit sourire aux lèvres.
« Des moldus, hein ? »
James ouvrit la bouche.
Puis la referma.
Pour le ''top-secret'', c'était râpé.
« Trafic humain. Des nés-moldus et leurs parents disparaissaient sans qu'on sache pourquoi. Constance a mis tout le monde sur le coup pour éviter un maximum de victimes. »
Il repensa quelques instants aux corps qu'ils avaient découvert, couverts de bleus et de coupures divers. Un silence respectueux avait envahi la petite troupe qu'ils formaient alors. Sa main droite avait agrippé sa baguette jusqu'à ce que ses jointures blanchissent. Constance s'était détournée sans un mot, le regard sombre, et était retournée dans la pièce où ils avaient gardé captifs les sbires. Tout le monde avait échangé des regards perplexes, tandis que la lourde porte en fer s'était refermée.
La minute d'après, elle était revenue les mains couvertes de sang et assez de renseignements pour savoir où était caché le reste des prisonniers.
« Au final, il y en a tout de même eu, finit James avec une note sombre dans la voix.
- Quelle importance ? »
Nouvelle volte-face. James ne savait pas si il allait se faire un torticolis, à force de tourner le cou aussi vite pour dévisager tout ceux qui se joignaient à la conversation, mais quelque chose lui disait qu'il était sur la bonne voix.
Albus, toujours aussi impassible, se tenait en face d'eux, seul contre tous. Son verre de champagne était vide, mais il le tenait encore à la main comme un baron précieux. De derrière ses lunettes, ses yeux verts le fixaient d'un air paresseux.
James serra les dents et se prépara à l'assaut.
« L'important, Albus, c'est que des gens sont morts.
- Et les autres sont sauvés, contra tranquillement son frère comme si il était demeuré. La mission est accomplie. Sans aucun doute, notre chère Constance saura s'en accommoder. »
Pas vraiment, pensa le brun. La sorcière était stricte, mais elle passait également après le célèbre Harry Potter. Et James savait que, malgré le fait qu'elle leur mette une pression monstre, la brune était aussi sévère avec elle-même. Nul doute que cet ''échec'' lui pesait.
« Des enfants sont morts, Albus.
- Eux. Quelle importance ? D'autres sont sauvés. Et pour ce que cela vaut... »
Derrière lui, Lily étouffa une exclamation furieuse. Le silence tendu qui régnait parmi eux les enfermait dans une bulle, coupée du reste de la pelouse.
« Je trouve cela dommage d'avoir gâché de si bons éléments pour une opération de cette envergure. La brigade magique aurait pu s'en charger sans problème, si seulement ils n'étaient pas autant incapables. Déplacer des Aurors pour... ça, cracha presque Albus.
- Ça ?, s'étrangla James. Des gens meurent, Albus ! Une organisation criminelle agit sous le nez de tous et tu veux qu'on envoie la brigade magique ?! Il ne s'agit pas d'un petit cambriolage ! Ce sont d'humains dont on parle ! »
Son frère, qui détaillait sa main comme la huitième merveille du monde, leva un regard dédaigneux vers lui. Si James détestait une chose, c'était que son petit frère avait deux centimètres de plus que lui, et ne s'en gênait pas pour les utiliser.
« Bien sûr, James, je ne m'attends pas à ce que quelqu'un comme toi comprenne la justesse de mes propos. »
Le brun fit un pas, ignorant la main inconnue qui tentait d'agripper sa manche pour le retenir. Albus était plus grand, oui, mais en attendant, c'était encore James l'Auror. James l'aîné. James, qui se devait de recaler son adorable petit frère quand ce dernier semblait décidé à foutre un repas en l'air.
« Et qu'est-ce, articula doucement James, que c'est supposé vouloir dire ? »
Un sourire mauvais commença à se former sur les lèvres d'Albus. Ce dernier ouvrit la bouche pour riposter...
« Arthur ! Arthur, est-ce que tu sais si Harry et Ginny devaient arriver en retard ? D'habitude, ils sont toujours à l'heure ! »
L'arrivée de Molly Weasley rompit le charme. James ne fut jamais autant heureux qu'à cet instant de voir débarquer la petite femme replète, aux cheveux blancs courts et aux traits anxieux. Son mari s'arracha à la contemplation du duo pour se tourner vers la vieille sorcière.
« Que dit l'horloge ?
- L'horloge ne marche pas. Depuis ce matin, les aiguilles restent figées entre deux positions. »
Ce-disant, elle braqua un regard de flammes sur George. Ce dernier leva les mains.
« Rien touché, rien vu, rien fait ! Et surtout, ajouta-t-il d'un air taquin, rien entendu. »
La moitié des membres de la famille à portée d'oreilles (sans mauvais jeux de mots) roula des yeux avec des grognements excédés.
« Je suis inquiète, confia Molly en triturant son tablier. Ça ne leur ressemble pas...
- Je vais aller les chercher, grand-mère. », proposa James en se décalant de son frère. Pour l'instant, il avait besoin de mettre de la distance entre lui et cet avorton.
« Ça ne te dérange pas, poussin ?
- Pas le moins du monde. Je reviens dans dix minutes. Bonsoir, d'ailleurs. »
Et, sans attendre la réponse, il transplana.
Godric's Hollows était un village fort sympathique, surtout en pleine journée. Manque de chance pour lui, il arrivait alors que le soir tombait, en face de la maison que ses parents avaient acheté pour y habiter l'automne et l'hiver. Durant leur scolarité, ils avaient tous habité au square Grimmaurd, mais force était de constater que cette maison filait les jetons. Tous les souvenirs d'enfance ne pourraient lui ôter des oreilles les cris perçants de madame Black lorsqu'on faisait tomber le porte-parapluie.
La maison de Godric's Hollows était censée être accueillante. Or, en la voyant tout feux éteintes, James ne put s'empêcher d'avoir un frisson. Autour, les autres laissaient apercevoir des traits de lumières, filtrés par les rideaux.
Non. Du calme. Il ne fallait pas commencer à psychoter. Pour ce qu'il en savait, ses parents étaient partis alors qu'il arrivait et étaient maintenant au Terrier, s'excusant de leur retard auprès de Molly première du nom.
Avec une inspiration, James toqua à la porte. Sans réponse, il prit la poignée et la tourna.
Aucune résistance. L'Auror sortit sa baguette, posa un pied dans le vestibule.
« Maman ?, appela-t-il. Papa ? Vous êtes là ? »
Lorsqu'il tenta d'actionner l'interrupteur, la lumière ne s'alluma pas.
« Lumos. », murmura-t-il. La lumière qui émana du bout de sa baguette eut au moins le mérite de calmer son coeur battant. Dans l'obscurité, tout semblait prendre des formes menaçantes. La familiarité qui l'enveloppait normalement dès qu'il posait un pied dans cette maison se transformait en peur glacée qui lui tordait le ventre.
Il voulait bien que ses parents soient têtes en l'air, mais jamais au point de couper l'électricité et d'oublier de fermer la porte à clé en partant. Et le brun savait déjà qu'ils n'étaient pas square Grimmaurd : son père se plaignait de l'humidité qui y régnait en permanence.
« Kreattur ? »
Il avançait à petits pas, regardant autour de lui, aux aguets. Tant et si bien qu'il ne remarqua pas la forme allongée par terre, et sur laquelle il posa le bout de son pied. Il réprima un sursaut à grande peine, dirigeant la lumière vers le sol.
Sur le flanc, les yeux globuleux grands ouverts, Kreattur fixait le mur sans le voir. En un instant, James était à ses côtés.
« Kreattur ?, chuchota-t-il avec panique. Kreattur ?! Tout va bien ?! »
En voulant le secouer, il fit basculer le petit corps fripé. L'elfe de maison ne réagit pas à ses suppliques, se laissa retourner. Les mains tremblantes, James vérifia le pouls.
Il retira ses doigts comme si il venait de se brûler.
Il n'y avait plus de pouls.
« Merde, murmura-t-il entre ses dents. Merde merde merde merde merde. »
Reprenant sa baguette qu'il avait posé, il se précipita vers la porte la plus proche, celle du salon, qu'il ouvrit en grand.
Il ne savait pas ce qu'il avait espéré. Voir sa mère lever les yeux vers lui, un tricot dans une main, et lui demander ce qu'il faisait là, sérieusement James, tu ne peux pas prévenir avant de débarquer ? Ou alors son père, la Gazette du Sorcier posée sur ses genoux, faisant de la fumée avec sa baguette, bonsoir James, qu'est-ce que tu fais là fils ?
Et au fond de lui, avec la découverte du corps de Kreattur dans le couloir, il s'en doutait, il s'en doutait, mais rien n'aurait pu le préparer au choc de voir la table basse retournée, le canapé déchiré, les coussins éventrés et par terre, dans une pile de plumes, les corps sans vie de Harry et Ginevra Potter, les mains se touchant à peine, la tête basculée sur le côté, l'un vers l'autre, comme si ils s'étaient réunis avant de mourir. Dans la main droite de son père, les doigts à peine serrés ne tenaient plus la baguette à la plume de phoenix.
Et James resta là, hypnotisé par cette vision, le coeur tambourinant aux oreilles, les yeux grands ouverts, incapables de se détacher de ses parents.
Et il hurla.
Alors il n'allait pas dire que la journée avait bien commencé, car ça aurait été mentir. Il s'attendait juste à une autre fin que cette dernière.
