Disclaimer : KHR ne nous appartient pas et nous ne tirons aucun profit de nos textes... Excepté les crampes, les insomnies, les maux de tête... Non, aucun profit...

Le coin de La-Mamarazzi : Nous y voilà enfin, et j'ai même oublié le jour de poste ! Quelle piètre boss je fais. A2, Tuturne et votre serviteur vous présentons notre premier UA. Je tiens à préciser que le prologue n'est absolument pas représentatif de l'ambiance du reste de la fic, tenez le coup, ça vaut le détour... Merci !


Le Requiem de la pluie

La première goutte de pluie avait marqué la fin.

L'atmosphère avait été pesante tout au long de la journée.

Suffocante.

L'air était lourd, étouffant, oppressant même, comme en témoignaient les gouttes de sueur qui perlaient sur sa peau et glissaient le long de son cou. Il avait relevé ses cheveux en une longue queue de cheval.

L'humidité ambiante, bien qu'inhabituelle pour un mois d'avril, ne l'avait pas inquiété. Après tout, il était juste un peu plus sensible à l'arrivée de la pluie que les autres.

Il commençait à se faire tard et les nuages qui avaient obstrué les rayons du soleil toute la journée prenaient des airs fantomatiques qui lui faisaient froid dans le dos.

Irrationnel.

Les rues de Namimori changeaient radicalement d'aspect à la lumière de la lune, la pleine lune. C'était ça : le moment où l'homme devient bête.

Il parcourait les ruelles étroites et sombres aux allures de labyrinthe qui le ramenaient chez lui. Peut-être était-il le sacrifice offert au minotaure ? Il accéléra le pas. Il ne comprenait pas ce sentiment d'insécurité qui s'était insinué en lui le matin même, qui rampait sournoisement sous sa peau et qu'il était incapable de déloger.

Il n'y avait rien à craindre. Le boss l'attendrait sûrement dans son bureau et le féliciterait pour les informations précieuses qu'il avait rassemblées avec minutie. Ses frères le taquineraient et le traiteraient de lèche-botte parce qu'il en faisait toujours plus que ce que le patron attendait de lui. Et il leur clouerait le bec avec un « VOI ! » retentissant et des menaces improbables épée en main, comme toujours. Mais au fond, ils savaient que s'il mettait tant d'enthousiasme dans ses missions, s'il n'hésitait pas à y mettre sa vie en jeu, c'était pour la survie du clan, pour celle de sa famille.

Combien de fois était-il rentré couvert de blessures ? Combien de fois avait-il échappé aux serres impitoyables de la mort ? Il en était fier. Le clan l'avait recueilli alors qu'il était livré à lui-même, un orphelin dans la rue. Le boss lui avait donné un toit et de la nourriture, il l'avait formé à l'épée, lui avait tout appris du milieu et l'avait même forcé à étudier jusqu'à la fin du lycée. Quelques entailles dans sa chair n'étaient pas cher payé pour tout ce qu'il devait à son clan.

Lorsqu'il ouvrit la porte du hangar qui leur servait de planque, un éclair fendit le ciel comme dans un mauvais feuilleton. Il retira sa main de la poignée et la laissa retomber mollement le long de son corps. Pendant un instant, le flash de lumière avait éclairé l'intérieur, comme en plein jour et c'était là qu'il avait vu.

Une dizaine de petit tas de tissus gisaient sur le sol froid et grisâtre du hangar, comme des poupées de chiffon de taille humaine. Leur toile était déchirée et ce qui leur donnait leur consistance fuyait par ces ouvertures. Elles avaient chacune leur propre visage figé pour l'éternité mais la même lueur de haine couvait encore dans leur regard désormais éteint.

Un deuxième éclair vint griffer le ciel, suivi de près par le tonnerre, et il put voir plus clairement. Il s'effondra à genoux, le souffle littéralement coupé, car les tas de chiffons étaient des hommes et ces hommes étaient ses frères. Des bruits de pas résonnèrent derrière lui. Il se releva et dégaina son épée. Il trancha la chair de ses ennemis, visant volontairement les points vitaux.

Œil pour œil, dent pour dent.

Trois de ses adversaires s'écroulèrent, décapités, dans un bruit sourd et leur liquide vital s'écoula abondamment de leur blessure comme des bouteilles décapsulées. Mais cette vision n'étancha pas sa soif de vengeance. Les deux qui restaient s'enfuirent et il s'élança à leur poursuite dans les ruelles. La traque dura quelques minutes. Les deux hommes étaient rapides mais il avait une meilleure connaissance des lieux. Ils tournèrent à droite, un cul de sac : ils étaient finis. Squalo était à quelques mètres de l'intersection quand un fouet s'enroula autour de son poignet, l'empêchant d'avancer. Il attaqua avec rage celui qui avait osé l'interrompre. L'inconnu esquiva la lame, plaqua l'épéiste contre un mur et lui couvrit la bouche pour l'empêcher de crier. Il était resté docile et silencieux, comme dominé par la volonté muette du blond. Il l'avait écouté chuchoter à son oreille, s'abreuvant de sa voix apaisante. La fourrure de sa veste lui chatouillait le visage et l'odeur de son parfum s'était gravée en lui ce jour-là. Pourtant, cet homme, il le haïssait, il était l'un d'eux.

« C'est un piège, une vingtaine d'hommes t'attendent en embuscade dans cette ruelle. Prends cet argent et fuis. » lui dit-il.

Squalo ne put répondre. Il prit les billets que lui tendait l'inconnu et les fourra dans sa poche. De toute façon, il n'avait plus rien à protéger, plus rien sauf sa propre vie. À cette pensée deux larmes roulèrent sur ses joues. Il regarda fixement le jeune homme qui lui faisait face, ne sachant que faire.

« Ne me remercie pas, je suis ton ennemi. »

Les nuages relâchaient enfin toute leur tension. Les gouttes de pluies battaient son visage et se noyaient dans ses larmes, tandis qu'il courait. Ses pas le portèrent loin, dans une zone de la ville qu'il n'avait jamais vue. Il s'affala contre le métal froid du rideau de fer qui protégeait une boutique fermée à cette heure si tardive. Il laissa éclater sa rage et sa douleur couvertes par le concert du ciel : ses cris se perdaient dans le fracas du tonnerre, ses larmes se confondaient avec la pluie.

Il repensa à ses compagnons, ses amis, ses frères gisant dans leur propre sang. Ils n'auraient pas de funérailles, personne pour les honorer, personne pour les pleurer.

Il était le dernier, il était seul.

La pluie ne cessa pas pendant trois jours et provoqua des inondations. Les eaux bouillonnantes s'engouffrèrent dans les maisons, balayant tout sur leur passage : la terre, la poussière, le sang. Il ne revit aucun de ses frères, il n'avait pas pu les sauver mais le ciel avait entendu son appel et leur avait offert le Requiem de la pluie.