Dormir, son sens éveille en nous un plaisir chaleureux, une couette moelleuse, une sensation de chaleur et de béatitude. C'est une action qu'on se délecte de faire et même si parfois elle nous semble pénible, elle nous offre force et réconfort malgré tout.
Alors, pourquoi après avoir passé une nuit calme et reposante, se sent-il aussi désorienté ?
Debout, aussi immobile qu'un poteau, Hiruma – fils du diable – dévisage l'image que lui renvoie son miroir. Il n'y a aucune lueur dans ses pupilles, ses traits sont aussi raides qu'une ligne droite.
Vide.
Il ne ressent aucun sentiment, son esprit est figé plus rien ne semble compter hormis ce reflet. Il le contemple, le sonde et il essaye de comprendre, de discerner une parcelle de réalité dans ce qu'il voit. Ce n'est pas le réel, ça ne peut pas être le réel. Tout cela n'est qu'illusion ou rêve. Pourtant, si tel est le cas, pourquoi s'acharne-t-il à s'en persuader ?
Doucement mais sûrement, un sentiment oppressant l'englobe. Une sensation d'angoisse lui parvient et monte car il le sait et il le voit : ce n'est pas un mirage ni une divagation dû à un trop plein de chewing-gum sans sucre. Il est bien réveillé, peut-être même trop réveillé. A cet instant, il se rend compte à quel point la réalité peut être incompréhensive. Où est la logique ? La notion de l'infaisable ? Tout ce à quoi il croit vient de s'effondrer brutalement et d'une violence effrayante. Jamais il ne s'est senti aussi déconcerté, aussi perdu que maintenant. Il n'y a plus de repères, ni même de réflexion. Tout semble si futile à présent devant lui se reflète une chose qu'il croyait parfaitement impossible, illogique. Comment une chose considérée comme insensée peut être réalisée? C'est à en devenir fou. Peut-être l'est-il. Lui qui est le damné de Satan, lui qui insuffle terreur et puissance par sa seule prestance, lui le démon qui manie avec malice et intelligence chantage et manipulation a perdu la tête ? Est-ce que ça, c'est possible ?
Durant un instant, il le pense.
Cette situation a de quoi profondément le troubler. En apparence, il semble rester de marbre, indifférent mais cette image tombe prestement, rapidement. Ses poings se serrent, ses muscles se tendent et son corps frémit il n'arrive plus à contrôler ses émotions, elles le dépassent et le submergent complètement. Le temps ne semble plus avoir d'importance pour le quaterback, il n'en a plus la notion et ne sait même plus combien de temps il est resté là, planté devant cette foutue glace. Au fil des minutes, le sportif étudie cette image, cette peau, ce corps, cette apparence qui, bien que familière, lui paraît en ce moment indescriptible et inconnu. Les yeux s'arrêtent sur ce portrait et le scrutent. Les mains, elles, commencent à parcourir délicatement ce visage : elles tâtent ce nez fin, effleurent ces joues quelques peu rosies pour ensuite glisser sur ce front ainsi que sur ce menton.
Il n'arrive toujours pas à croire ce qu'il voit, ce qu'il touche.
« Quelle merde……. »
Cette voix, fluette, légèrement aigüe avec ce timbre doux et à la fois timide, combien de fois l'a-t-il entendue ? Un nombre incalculable de fois c'est certain. Pourtant, elle lui semble si étrange, si lointaine tout à coup. Bien que son regard s'accroche encore et toujours à cette image horripilante, le capitaine dépose ses prunelles bleues sur ses membres élancés ainsi que sur ses formes assez voluptueuses il examine ce corps. Quant à son esprit, celui-ci se perd et s'enfonce dans des questions déroutantes qui restent sans réponse. Que c'est-il passé ? Comment c'est arrivé ? Que doit-il faire ?
Désemparé, il l'est totalement.
D'un geste mou, il s'assoit sur le lit et ne cesse de regarder fixement le miroir. Réfléchir, il n'y parvient plus, ses pensées sont si brouillées et pourtant si vides de tout raisonnement, de toute logique. Après plusieurs minutes de silence, il s'allonge et fixe le plafond, les mains derrière sa crinière.
Tranquillement, sa cage thoracique s'élève et s'abaisse dans un rythme indolent. Le silence de la pièce lui procure un certain repos, curieusement. Et tandis que ses pupilles se ferment, lentement son esprit se calme. Peu à peu, la panique, l'angoisse, l'inquiétude, toutes ces émotions oppressantes disparaissent ; la tension qui le tenaille se dissipe. Sa respiration est légère tout comme son cœur qui bat faiblement. Les muscles ne sont plus aussi crispés et peuvent désormais se relâcher. Seul un vide agréable est ressenti et ça fait vraiment du bien. A présent, il peut réfléchir sur le pourquoi et le comment de cette situation. Mains derrière la tête, yeux ouverts, Hiruma cogite, fouille dans les souvenirs, cherche une explication – aussi bien sensée qu'incohérente –, raisonne, étudie point par point la situation dans laquelle il se trouve. Ce n'est pas hier que ça c'est passé, non, c'est au réveil, devant ce fuckin'miroir qu'il a pu constater ce petit problème corporel. Ses souvenirs de la veille sont très nets et il n'y voit rien qui peut expliquer ou même justifier un tel problème. Il ne reste alors que deux possibilités, soit quelqu'un c'est bien foutu de lui et il va chèrement le payer, soit…….
C'est cette fuckin'manager la responsable…………
A cette pensée, une lueur quelque peu irritée et diabolique brille dans le regard du démon. Il ne reste plus qu'elle pour apporter une quelconque explication, et le quaterback compte bien en avoir. Ses fines jambes le soulèvent et, d'une allure énergique, le lycéen se munie d'une veste en cuir marronné pour ensuite s'empresser de sortir de cette bâtisse qui n'est pas sienne.
