IMPREVUS

Auteur original: Volatile

Traducteur: Sganzy

Disclamer: Pas à nous, pas de sous.

Spoiler : Toute la saison 1.

Genre : Humour, Drame, Romance (M/S), NC-17 et Prise de têtes.

Résumé : Peu importait que la fleur meurt ou non si le sentiment qu'elle représentait lui était mort depuis longtemps.

Note de l'auteur : N'ayez pas peur les gens, ceci est bien une fic Sara/Michael. Le début est un peu éprouvant à lire, vous risquez d'avoir une ou deux nausées (comment ça j'exagère ?), mais ce n'est qu'un moment difficile à passer, je vous le promets !

Oui bon, ensuite viendra la migraine face à des personnes très compliqués et pourtant assez réalistes. En tout cas, j'espère avoir su retranscrire correctement le tout de manière à ce que vous compreniez le pourquoi du comment du qui du quoi.

Vous aurez peut-être un peu chaud en imaginant certaines choses, et sourirez grâce à deux des « hommes » de cette histoire. Les claques devraient vous tenter à certains moments aussi, mais ça passera.

Avec un peu de chance, le tout vous aura plu au final. Si c'est le cas (ou pas) n'hésitez pas à me féliciter (ou m'insulter), ou même m'interroger à cette adresse : bon courage !

Merci beaucoup à Fan21 pour son aide !

Bonne lecture !

Assise sur son canapé, les mains tremblantes, Sara tentait de peler une mandarine. Ces derniers temps, même les gestes les plus simples lui paraissaient parfois insurmontables.

Elle avait baissé le son de la télé au plus bas; et pourtant, son attention fut attirée par les nouvelles du jour. A l'écran, Lincoln Burrows et Michael Scofield s'enlaçaient sur les marches du palais de justice. Une voix off annonçait le verdict du procès « La journée fut marquée par l'acquittement de Lincoln Burrows, un homme dont l'histoire… ». Le présentateur commença à récapituler son évasion et cette conspiration qui visait à tuer Lincoln.

« Michael Scofield, l'organisateur de l'évasion, est aujourd'hui considéré comme un héros des d'Amérique, l'homme qui a osé tout braver pour sauver ceux qu'il aime. Nos reporters sont parvenus à obtenir son interview exclusive. »

L'écran s'assombrit une seconde avant que n'apparaisse Michael en costume.

A travers l'écran, ses yeux étaient fixés droit sur elle. « Tant de choses sont arrivées. Beaucoup de personnes ont dû payer de leur vie et mon frère et moi ne pouvons exprimer à quel point nous sommes désolés pour cela. A ceux qui nous ont aidé, connus ou inconnus, merci à vous. Lincoln et moi vous en seront éternellement reconnaissants. Nous voudrions aussi nous excuser auprès de tout ceux qui ont pu être perturbés par l'évasion, nous n'avons jamais voulu blesser, effrayer, ou impliquer quiconque et nous espérons qu'un jour vous pourrez nous pardonner pour tout ce que vous avez pu vivre ces derniers mois. »

Sara l'observa alors que son regard traversait des kilomètres de câbles, passait à travers sa télé et se plantait juste dans le sien. Il lui parlait, à elle, elle pouvait le voir à l'intensité avec laquelle ses yeux brillaient face à la caméra, elle avait déjà vu ce regard, elle en connaissait la signification.

Quand il dit: « S'il vous plait, comprenez qu'il n'était pas dans mon intention de vous impliquer dans cela. »

Elle réunit toute l'énergie qui lui restait pour se retenir d'enfoncer son pied en plein dans l'écran, en plein dans son visage.

Elle se réveilla sur son canapé quatre heures plus tard, sa mandarine, intacte, avait roulé sur le sol durant son sommeil. Quelqu'un frappait à sa porte.

Elle se leva et vacilla quelques secondes sur ses jambes faibles, laissant son regard parcourir son appartement. Ses chaussures traînaient dans l'entrée, le courrier qu'une de ses voisines avaient glissé sous sa porte n'avait pas bougé et elle était presque certaine que ça sentait mauvais de telle sorte qu'on pouvait de suite se rendre compte que les fenêtres n'avaient pas été ouvertes depuis plusieurs semaines. Des vêtements et tasses vides étaient posés un peu partout dans la pièce. Elle passa devant le miroir de l'entrée et grimaça.

Ses cheveux étaient sales et pleins de nœuds. Son pantalon trop grand pendait sur ses hanches, exposant sa peau pâle. Elle avait perdu beaucoup de poids et ses os apparaissaient clairement. Son haut vert était tâché de café au niveau de son sein gauche. Elle baissa les yeux vers ses chaussettes de sport à demi-enfilées.

A sa porte, quelqu'un frappa de nouveau. Sara grogna et alla ouvrir.

Elle ne s'attendait pas du tout à le trouver sur le pas de sa porte. Après tout, ils ne s'étaient pas vraiment quittés en bon terme. Mais il était là, en jeans et sweat vert. Il tenait un sac en papier d'une main et jouait nerveusement avec ses clés de voiture de l'autre.

- Qu'est ce que vous faites ici?, dit-elle, si surprise qu'elle en oublia les bonnes manières.

Il la jaugea de haut en bas et lui offrit une mimique entre sourire et grimace.

- J'ai entendu dire que vous n'alliez pas très bien.

- Je vais bien.

Les yeux de l'homme se posèrent sur la tâche sur son sein.

- J'ai connu ça, Sara. Je sais à quel point c'est dur.

- Capitaine Bellick, je ne comprends toujours pas ce que vous faites sur mon palier.

- J'ai fait des courses, dit-il en levant son sac devant lui. Et appelez-moi Brad. On ne travaille plus ensemble.

Il parlait doucement, comme s'il luttait pour ne pas dire quelque chose d'idiot.

- Je ne comprends vraiment pas ce que vous faites ici, Brad.

Pourtant, elle fit un pas en arrière pour le laisser entrer chez elle. Il passa près d'elle, une odeur d'after-shave bon marché et de chewing-gum à la menthe émanait de lui.

Elle lui fit signe d'entrer au salon. Il avança précautionneusement et posa le sac de course sur la table basse. Puis, il se tourna vers elle, une main accrochée à la ceinture de son pantalon.

- Sara, quand on s'est connu, je n'allais pas bien. J'allais même très mal. Maintenant c'est votre tour, et je peux vous aider. Je n'arrête pas de voir ce…Scofield à la télé, et ça me tue. Je ne peux qu'imaginer à quel point vous devez vous sentir mal. Vous vous êtes fait avoir par sa gueule d'ange. Il nous a tous bien eus.

- Peut-être, Brad. Mais contrairement à vous, je n'ai rien fait pour l'en empêcher…J'ai même tout fait pour que ça arrive.

Il resta un moment abasourdi, ne s'attendant pas à une réponse si franche.

- Oui, mais…il prévoyait de vous utiliser depuis le début. Vous êtes une fille bien, Sara. Vous ne méritiez pas ça.

Une expression proche de la compassion passa sur son visage. Il paraissait plein d'un espoir étrange, comme s'il croyait que Sara apprécierait réellement son intervention.

- Brad, je vais bien. J'ai un parrain, j'ai…

Elle se tut subitement. En deux semaines, elle n'avait été contactée qu'une fois par son parrain de l'association pour les dépendants et quatre fois par des télévendeurs. Elle n'avait personne.

Il poussa un pantalon sale du canapé et s'assit. Les poings serrés sur ses genoux, il observait les environs.

- Quand ma femme m'a quitté…j'étais vraiment…mal. C'est pour ça que je suis retourné vivre chez ma mère. Je sais qu'un adulte qui vit encore chez ses parents, c'est plutôt ridicule. Mais au moins….j'avais des sous-vêtements propres.

Sara croisa les bras.

- J'ai des sous-vêtements propres!, répliqua-t-elle choquée.

Brad capta son regard avant de faire un signe vers une culotte rose au sommet d'une pile de linge sale qui trônait à côté de la télé.

- Quelque part…, ajouta-t-elle.

- Tant mieux….Je me souviens que quand j'allais vraiment très mal, je n'avais même plus le courage d'aller faire mes courses, alors je vous ai ramené à manger.

Avec un gros soupir, Sara s'avança vers le sac et scruta son contenu. Springles, biscuits Oreos, M&M's, barres chocolatés, chips et deux bouteilles de Coca.

- Oh, je comprends mieux maintenant. Vous essayer de m'assassiner au cholestérol.

Brad baissa les yeux vers ses clés de voitures et Sara eut l'impression qu'elle l'avait blessé, mais c'était impossible: Brad Bellick n'avait pas de sentiments…N'est ce pas? Dans le doute, elle plongea sa main dans le sac et en sortit un paquet de biscuits Oreos.

- Vous n'avez pas pris ceux au beurre de cacahuète, fit-elle mine d'être déçue.

Il sourit un peu et haussa les épaules.

- Vous aussi vous aimez ceux là? C'est mes préférés. Mais le magasin n'en avait plus.

Répondant à son sourire, Sara s'installa sur la pile de linge sale, mettant le plus de distance possible entre elle et Bellick. Elle ouvrit le paquet de gâteaux et mordilla un biscuit avant de tendre le paquet à Brad.

Exactement une semaine plus tard, à la même heure, il frappa de nouveau à sa porte. Pour une quelconque raison, Sara savait qu'il reviendrait. Elle sentait qu'elle aurait du mal à se débarrasser de lui…et fut choquée de réaliser qu'elle n'en avait pas réellement envie.

A vrai dire, elle avait passé la majorité de sa semaine à se goinfrer de M&M's en se demandant de quoi ils pourraient parler et comment il justifierait sa présence….pas qu'il l'ait fait la première fois.

Avant l'évasion, elle s'était toujours dit que tout ce qu'il voulait d'elle, c'était quelqu'un pour partager ses réductions « un repas acheté, un repas offert » à l'autogrill.

Mais elle se doutait qu'il avait dû avoir beaucoup de déboires après l'évasion. Sara suspectait même que s'il n'avait pas lui même retrouvé Theodore Bagwell, Brad aurait certainement perdu son travail. Le fait qu'elle soit responsable de pas mal de ses problèmes, parvenait à la convaincre qu'il ne devait plus la voir de la même manière, qu'elle ne devait plus lui plaire.

Elle ouvrit la porte en jeans propre et haut blanc, ses cheveux était attachés et ses pieds nus. Ils ne parlèrent pas, elle se poussa juste pour le laisser entrer.

- Vous avez fait le ménage, nota-t-il.

- J'ai lu dans « Maison & Vie » que le bordel était démodé.

Il rit nerveusement avant d'aller déposer son sachet dans la cuisine. Les artères de Sara tremblèrent d'appréhension. Il retourna dans le salon et s'assit simplement sur le canapé. Étrangement, le voir assis là donna l'impression à Sara que durant toute la semaine, le canapé avait semblé vide.

- Comment était votre semaine?

Une petite voix dans sa tête ne put s'empêcher de chanter doucement « Qu'est ce. Que. Bellick. Fout. Chez toi?? »

- Fatigante. Je n'ai pas arrêter de nettoyer pour tenter de penser à autre chose qu'à…

- Vous avez envie de quoi? l'interromput-il avec un hochement de tête compréhensif.

- Envie?…J'ai envie de chocolat. J'ai envie de films, de scènes de nues avec Johnny Deep. J'ai envie de ne plus me sentir en manque à chaque minutes, mais je sens que j'ai besoin de…Drogues. J'ai beau savoir qu'elles vont me tuer. J'ai besoin d'elles.

Elle se laissa tomber sur le canapé, cette fois juste à côté de Brad.

- Tant que vous arriverez à vous occuper, ça ira.

Sara sourit, et quand elle retint ses larmes, elle comprit qu'elle ne voulait vraiment pas qu'il parte. Brad n'était pas le genre d'homme à savoir gérer ce genre d'émotions, à la moindre larme, il se serait sauvé. En un soupir, elle se massa légèrement la nuque et se tourna vers lui.

- Dans la mesure où vous ne semblez pas disposé à me dire ce que vous faites ici, je voulais vous était votre semaine?

Au début, il parut choqué qu'elle pose la question et Sara réalisa que jusqu'ici, elle n'avait jamais été très gentille avec lui. Abruti ou pas, il était toujours un être humain…presque décent.

- Plutôt calme…T-Bag fait toujours des siennes pour qu'on le sorte du trou, mais ça ne risque pas d'arriver de si tôt…. Hier, on a eu un nouveau gamin, un jeune du Colorado, il avait une de ces coupes afro et tentait de s'incruster avec « ses frères ». Ils lui ont fait dévaler les escaliers, c'était la chose la plus drôle que j'ai vu depuis…

Il se tut, emporté par les rires. Sara paraissait choquée, après tout, Fox River n'était peut-être pas un si bon sujet de conversation…

Il remarqua qu'elle n'était pas amusée et cessa de rire.

- Je pense…Je ferais mieux d'y aller. Je voulais juste m'assurer que vous mangiez correctement et tout ça…Alors…

Il se leva et se dirigea vers l'entrée. L'espace d'un instant, Sara resta horrifiée par la notion de « Manger correctement » de Brad.

- Vous savez… Je suis restée enfermée toute la semaine. Je ne sors presque plus à part pour les réunions et….En fait, je ne sors que pour les réunions.

Elle s'arrêta et essuya nerveusement sa main sur sa cuisse.

- Il fait noir dehors et je pensais aller acheter quelques fruits chez l'épicier. C'est à trois pâtés de maisons et je comptais marcher un peu. Ça vous dérangerait de venir avec moi?

Il passa plusieurs fois ses clés d'une main à l'autre avant d'acquiescer avec un petit sourire.

Je veux bien.

Sara était consciente que c'était bizarre. Certes, elle avait besoin d'un peu de compagnie, mais Brad était tout sauf le compagnon idéal. Et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'apprécier sa compagnie. Certainement plus qu'elle ne le devrait.

Les dépendants ne sont pas censés apprécier les choses. Mais pour Sara, cette courte ballade et le silence agréable dans lequel ils marchaient lui parut comme…la pluie après une longue sécheresse. Elle avait soudain envie d'arrêter les gens dans la rue et de leur montrer Brad en leur criant: « Vous voyez, lui, il n'a pas peur d'être vu avec moi. Il ne pense pas que je suis écœurante. Il ne me surnomme pas « la junkie » ».

Elle ne le fit pas. Même l'étonnante patience de Brad n'aurait pas supporté une telle démonstration de folie.

Au retour, il la raccompagna jusqu'à la porte, faisant même une inspection de son appartement « au cas où ».

Il partit alors qu'elle était assise, seule dans la cuisine à jauger mangues, oranges et ananas. Elle les regarda un moment avant d'opter pour un des cadeaux de Brad. Elle saisit le paquet de Skittles et alla jusqu'à sa chambre.

Son répondeur clignotait et elle appuya sur play en passant à côté de lui. Un télévendeur lui demandait si elle était satisfaite de son actuel opérateur téléphonique, un autre lui proposait une assurance et ….

« Sara? C'est Michael. Michael Scofield? » Comme si elle pouvait l'oublier. « J'espère que j'ai le bon numéro, j'ai eu beaucoup du mal à le trouver. Et je sais de quoi je parle, un jour j'ai retrouvé un homme sous protection des témoins. Je t'expliquerais peut-être ça un jour. En fait…c'est un peu pour ça que j'appelle. J'espérais qu'on pourrait se parler. Parler de tout ça. Je ne sais pas si tu as vu les infos ces derniers temps. Ma peine a été réduite, le temps que j'ai passé en prison est suffisant. J'espérais que je pourrais passer chez toi, te voir? J'ai entendu dire que tu n'allais pas très bien. Si tu as besoin de quelque chose peut-être que je pourrais… »

Sans attendre la suite, elle appuya sur le bouton effacer. Elle avait assez de problèmes, sans devoir y ajouter Michael Scofield.

C'est juste une pizza, aucun engagement là dedans. C'est ce qu'elle se dit juste avant d'ouvrir la porte à Brad. C'était sa quatrième visite, exactement quatre semaines après sa première apparition sur son palier. Elle prit le sachet de ses bras, le salua et le laissa entrer dans son salon.

C'est en rangeant tout ce qu'il avait apporté que Sara réalisa qu'elle avait vraiment besoin d'un hobby. Parce que quand on passe une journée entière à tout nettoyer pour Brad Bellick, c'est que quelque chose cloche. Pire, elle s'était même parfumée juste avant d'ouvrir la porte!

Elle n'était pas folle. Elle n'était pas attirée par lui. Mais quand on passe la semaine entière sans aucun contact humain, même un quart d'heure avec Brad paraît être une occasion spéciale. Elle s'assit à côté de lui et lui sourit nerveusement.

- Dure semaine?

Il déposa ses clés sur la petite table et se rassit, croisant ses bras sur son ventre. Il paraissait peu à peu prendre ses aises dans son appartement.

- Quelques soucis dans le bloc C, mais rien d'exceptionnel. Et vous?

- Plutôt calme.

Comme toutes les semaines…

- J'ai vu votre père aux informations hier soir. J'ai été heureux de constater que toute cette affaire n'avait pas nuit à sa carrière, et qu'il prend votre défense. Vous l'avez vu récemment?

Son père ne prenait pas réellement sa défense. Sa réponse officielle à une quelconque question à son sujet était « aucun commentaire ». Les gens prenaient ça comme une façon de la protéger. Mais la vérité était que depuis l'évasion et son overdose, il l'évitait comme la peste. Cependant, pour une quelconque raison, Sara ne parvenait pas à admettre que son propre père ne voulait plus la voir, alors elle passa nerveusement une main dans ses cheveux et se força à prendre un ton joyeux alors qu'elle mentait.

- Oui bien sûr. On a pris un café ensemble hier.

Brad sembla satisfait de sa réponse et posa une cheville sur son autre genou. Ils restèrent silencieux une minute, avant que Sara ait le courage de reprendre la parole.

- Vous savez, il se fait tard et…

- J'étais justement en train de me dire que je devrais rentrer.

Il se leva.

- Ce n'est pas…Je veux dire, je comptais juste commander une pizza et regarder un match. Vous pouvez rester si vous voulez. Enfin, si vous n'avez rien d'autre à faire.

Il se balança d'un pied à l'autre avant d'acquiescer timidement.

- Ca me va.

Il commanda une pizza bien trop chargée alors que Sara prenait son habituelle jambon-fromage. Ça arriva au moment où le match débutait et il insista pour payer. Elle voulut protester mais il paraissait déterminé. Finalement, elle le laissa faire en le voyant sortir un bon « une pizza achetée une pizza gratuite » de son porte monnaie, il semblait en avoir toute une collection.

Ils s'installèrent, lui sur le canapé, elle sur le sol, adossée au divan, et regardèrent le match. Elle n'avait jamais vraiment « regardé un match » avant, mais s'était dit que ça devait être le genre de chose que Brad faisait. Elle lui offrit une part de sa pizza et il grimaça.

- Ce truc là n'est pas une pizza.

Il saisit une tranche de sa propre pizza et la lui proposa. Elle secoua la tête, mais il la déposa quand même dans son assiette.

- Vous allez la manger. Puis, vous en mangerez encore deux autres bouts, si vous voulez vous sentir mieux.

Ce n'était pas une menace. Il faisait juste référence à son poids. Elle avait déjà pris quatre kilos depuis qu'il lui avait amené de la nourriture, mais visiblement il jugeait que ce n'était toujours pas assez.

Il se pencha en avant pour regarder le match et parut vraiment passionné par le score. Sara, elle, n'avait jamais compris comment un simple jeu pouvait amener les gens à crier et sauter comme ça.

Elle retira un anchois sur sa part de pizza et remarqua qu'il la regardait du coin de l'œil. Elle fronça les sourcils en un « quoi? » silencieux.

- Ca ne sert à rien d'avoir une belle part de pizza si vous retirez le meilleur.

- Mais… C'est des petits poissons!

- Prenez un gros bout, vous ne sentirez pas le goût du poisson, vous sentirez juste le tout. C'est une expérience culinaire.

- Une expérience culinaire?, rit-elle.

Il interpréta mal son rire et se vexa.

- Scofield n'est pas le seul à connaître de grands mots.

Il y eut un silence et Sara sut qu'ils étaient allés trop loin. Peu après, il partit sur un simple « au revoir » et elle dut lutter contre une panique inattendue à l'idée de ne plus jamais le revoir.

Deux jours plus tard, une lettre était posée devant sa porte avec une grosse boîte à son nom. Il n'y avait aucune adresse de retour, ni aucune information sur l'envoyeur. Elle s'assit dans la cuisine et l'observa pendant une demi-heure avant de se décider à l'ouvrir. Une partie d'elle voulait que ça vienne de Brad, sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi, ou que ça ne la touche pas si ce n'était pas le cas.

Elle ouvrit la boîte. C'était rempli de près de, à vue d'œil, une centaine de fleurs en origami. Immédiatement, ses poings se serrèrent si forts que ses jointures se firent blanches et ses yeux s'humidifièrent.

Elle plongea la main dans la boîte et glissa ses doigts sur les fleurs. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas de ses excuses, ou de Michael lui-même. Bien sûr, elle avait envie de ça. Mais la vie lui avait appris que les choses qu'elle voulait étaient souvent celles qui la faisait le plus souffrir.

Comme cette fois où sa mère avait disparu et qu'elle avait prié une semaine entière pour qu'elle revienne, uniquement pour voir revenir une femme violente et vulgaire qui n'avait plus rien de la mère qui la serrait dans ses bras quand elle était petite.

Comme ce poney qu'elle voulait et qui avait du être tué trois semaines après qu'elle l'ait eu.

Comme ces drogues dont elle croyait avoir besoin et qui ne faisaient qu'empirer les choses….

Mais elle n'avait pas besoin de Michael. Elle aurait voulu décorer son appartement de ses fleurs, rien que pour prouver que quelqu'un se souciait d'elle…Mais elle ne le ferait pas, parce que si elle le faisait, elle ne ferait que repenser à la manière dont il lui avait menti, l'avait fait souffrir et l'avait manipulée. Alors non, elle n'avait vraiment pas besoin de ça.

Elle attrapa la boite et se dirigea jusqu'à l'évier. Une par une, elle passa les fleurs dans le broyeur. Après tout, c'était des fleurs qui ne mouraient jamais…

C'était censée être des fleurs qui ne mouraient jamais, mais Sara avait appris depuis longtemps que peu importait que la fleur meurt ou non, si le sentiment qu'elle représentait, lui, avait disparu.

Quand elle eut fini avec les fleurs, elle courut jusqu'à sa chambre et fouilla son tiroir à la recherche de cette toute première fleur qu'il lui avait offert. Elle retourna dans la cuisine et, avec une simple larme, la glissa dans le broyeur.

Elle l'écouta se déchiqueter et se dit que c'était une bonne chose. Que tout ça était révolu.

A la fin de la semaine, Brad était de retour et elle fut soulagée qu'il ne l'ait pas abandonnée. Il ne resta pas longtemps. Juste le temps de déposer de nouveaux aliments spécial cholestérol, de demander comment elle allait et de repartir avant qu'elle n'ait l'occasion de le blesser de nouveau.

Elle soupira en refermant la porte. Un pas en avant…Deux pas en arrière.

Contrairement à ce qu'elle aurait cru leur premier-rendez-vous-qui-n'est-pas-un-rendez-vous, ne fut pas du tout gênant. Elle avait prévu de lui dire avant qu'ils ne sortent qu'ils ne seraient toujours que des amis, mais ne l'avait pas fait. Parce que prétendre qu'il puisse toujours avoir des sentiments pour elle après tout ce qu'elle lui avait fait et le nombre de fois où elle l'avait remis à sa place….ça serait prétentieux, non?

Ils allèrent dans un restaurant Thaï et encore une fois, il insista pour payer, cette fois sans ticket de réduction. Brad ne parla pas beaucoup, mais à un moment de la soirée, elle sentit son regard insistant sur elle. Elle leva les yeux et lui sourit en une question silencieuse.

- Vous savez, Sara. Je n'attends rien de vous, dit-il doucement.

- Uhm. C'est…Gentil.

- Mais je veux que vous sachiez que je ne vivrai pas éternellement là où je vis. Ça ne sera pas toujours comme ça. Je…veux juste que vous compreniez ça. Maintenant que Pope envisage la retraite, je suis prêt à aller de l'avant, j'ai un peu d'argent de côté. Alors peut-être que…

- Warden Pope prend sa retraite?, l'interrompit-elle.

La mâchoire de Brad se serra sous la contrariété.

- Il se fait vieux, et je crois qu'il ne se remettra jamais de son échec. Bien sûr, il n'avait aucun moyen de deviner ce que Scofield comptait faire, mais il s'en veut de ne pas avoir remarqué qu'un de ses employés entretenait une relation avec un détenu juste sous son nez.

- Moi?, demanda-t-elle, incertaine.

- Oui, vous. Mais…Lui, aussi. Pendant que vous jouiez les tourtereaux avec Scofield, il se débrouillait aussi pour obtenir des faveurs du directeur.

- Oui, enfin….ce n'est pourtant pas lui qui s'est fait attaché et abandonné dans un trou pendant des heures.

Brad retint son rire et parla plus doucement.

- Je ne vous ai pas amené ici pour ressasser le passé. Au contraire…

Il baissa les yeux vers son assiette et parut soudain timide.

- Ma ma…mère m'a posé pas mal de questions sur vous ces dernier temps. Alors je…heu…Je lui ai dit que vous étiez une amie. Elle voudrait vous rencontrer. Bientôt. Elle insiste.

- Votre…mère…veut me voir?

Ok, ça c'est pas bon du tout, pensa-t-elle.

- Ca n'a rien d'exceptionnel. Elle veut juste que vous veniez dîner à la maison demain.

- Demain?

- Ca n'a jamais été une femme très patiente.

- Brad…Je ne sais pas. Je veux dire c'est un peu…

- C'est juste un dîner.

Avec un soupir, elle remit une mèche derrière son oreille et mordit l'intérieur de sa joue. C'est juste un dîner. Juste un dîner.

- Avec plaisir.

Nom de dieu. Juste un dîner.

Sara n'était pas idiote.

Enfin…malgré tout ce qui prouvait le contraire, Sara n'était pas complètement idiote. Elle savait que rencontrer la mère d'un homme était un pas important dans une relation. Pas que Brad Bellick et elle ayent une relation, ils n'étaient même pas ce qu'on pourrait appeler de vrais amis.

Mais elle allait rencontrer sa mère. Pourquoi avait-elle accepté ? Elle était cinglée?

Ok, mieux valait ne pas répondre à cette question.

Elle s'habilla classiquement pour cette occasion. Jupe classique, haut classique, chaussures classiques. Au moins, ses vêtements, eux, étaient classiques. Ils prirent le 4x4 de Brad et elle passa le trajet à se demander ce que ça signifiait. Elle ne sortait pas avec Brad, elle n'était même pas intéressée par l'idée. Alors pourquoi?

Elle savait pourquoi. Elle était seule. Brad lui rappelait ce que c'était que d'avoir quelqu'un. Dans le sens non biblique, bien sûr.

Sara voulait savoir que, si elle mourait demain, il y aurait quelqu'un pour la trouver. Et que ça ne serait pas les voisins, attirés par la puanteur de son corps en décomposition.

Alors, elle acceptait quiconque voulait bien d'elle. Une autre raison était que Brad voulait ça, et qu'elle ne se sentait pas prête à perdre son amitié.

Ce ne fut que quand elle se retrouva devant la porte de Maman Bellick qu'elle réalisa à quel point elle se trompait. Brad ouvrit la porte pour elle et elle eut juste le temps de remarquer la tapisserie fleurie avant qu'une petit femme enrobée ne se jette sur elle et ne la serre très fort.

- Oh Bradley, je l'aime bien celle là. Elle est jolie!

Sara échappa à son étreinte et fit un pas en arrière. Maman Bellick riait à la fin de chaque phrase. Selon la personne, ça pouvait s'avérer très sympathique ou totalement agaçant. Sara trouvait ça sympathique, mais la soirée commençait à peine.

Sara observa Brad alors que sa mère attrapait sa main et la tirait pour lui faire visiter la maison. (« Et ça c'est quoi? » « La première dent de mon Brady »). Il évita son regard et fit mine de ne pas remarquer sa gêne.

Au moment du dessert, Sara se sentit soulagée. Elle venait de passer la soirée à être gavée de nourriture alors que Brad l'observait répondre à sa mère qui la harcelait de questions sur leur relation. Il y avait eu un moment extrêmement bizarre quand sa mère avait demandé à Sara si elle voulait des enfants, mais elle en avait profité pour glisser discrètement un « Probablement, quand j'aurai trouvé l'homme qu'il me faut ».

Sara refusa les desserts après-dessert sous forme de cookies et gâteaux secs divers, mais elle ne put se retenir de sourire légèrement en regardant Brad et sa mère boire leur café en parlant de choses dont les gens normaux discutent. La barrière du jardin devait être réparée, la voiture devait passer au contrôle technique, et si l'on changeait la tapisserie de la cuisine? Cette scène plongea Sara dans un soupçon de normalité, et lui rappela ce qu'était un foyer, une famille. Ce n'était certes pas son foyer, mais juste pour ce soir, ils avaient accepté de le partager avec elle.

Une sorte de chaleur l'envahit alors et resta avec elle tout le long du trajet de retour. Ils se garèrent à quelques mètres de l'entrée et Brad insista pour la raccompagner jusqu'à la porte. Ils marchèrent quelques instants en silence et Sara réalisa qu'elle rentrait dans son foyer à elle.

Elle ne voulait pas rentrer. Elle voulait garder le souvenir d'une soirée à écouter une mère et son fils parler de l'enfance de Brad, et de l'odeur du pot-pourri qui trônait sur la table. Elle aurait voulu avoir droit à cela. Elle voulait une famille, elle voulait quelqu'un pour se soucier du fait qu'elle rentre ou pas durant la nuit.

Un frisson la parcourut à la vue du gris de son immeuble.

- Vous avez froid?

Sans attendre, il retira sa veste et la posa sur ses épaules.

Sa veste sentait le tabac et l'after-shave de Brad, mais elle portait aussi un peu de sa chaleur. Elle résista pour ne pas soupirer et serrer un peu plus la veste. Elle devait garder à l'esprit, pour son propre bien, que le partage de la chaleur humaine n'avait rien de romantique quand il s'agissait de celle de Brad Bellick. Les amis partagent des vestes.

Les amis ne se tiennent pas la main. Et pourtant c'est ce que Brad venait de faire. Il venait d'attraper la sienne pour qu'elle évite de marcher dans une large flaque. Ils atteignirent son immeuble et elle retira doucement sa main de la sienne, choquée par le fait que sa peau désirait un peu plus de sa chaleur.

Elle n'était pas sûre de ce qui lui arrivait, mais elle était certaine que ce n'était pas une bonne chose.

Ils prirent l'ascenseur jusqu'à l'étage. Les portes s'ouvrirent et quand Brad fit un geste pour la suivre jusqu'au palier, elle le retint d'une main.

- Je pense que vous devriez rentrer chez vous.

Il sourit presque timidement et la gorge de Sara se serra.

- Trop tôt?

Oui, cria son cerveau, Trop tôt d'environ un millénaire.

Il fit un pas en dehors de l'ascenseur et attrapa le col de sa veste, il l'amena à elle et elle plongea dans la chaleur de son large corps. Elle ne voulait pas se sentir bien entre ses bras, pourtant, ce fut le cas. Ses muscles se détendirent peu à peu alors que la chaleur de l'homme la rassurait et faisait disparaître la douleur. Il posa ses lèvres sur les siennes et elle le laissa l'embrasser. Elle savait que personne ne pourrait comprendre, mais elle se sentait vraiment trop seule. Les réunions des dépendants ne changent rien à ça. Brad était la seule personne qui lui avait porté un peu d'intérêt depuis des mois, et elle ne supportait plus d'être seule. Il bougea ses lèvres contre les siennes et elle se détendit, mais elle ne lui répondit pas. Elle sentit sa langue glisser contre sa lèvre et elle comprit qu'il était temps d'y mettre fin. Il voulait de la romance, elle voulait de la chaleur. Ce n'était pas juste pour lui. Elle fit un pas en arrière et le poussa gentiment dans l'ascenseur avant d'appuyer sur le bouton « fermeture des portes ».

Elle attendit jusqu'à être sûre qu'il était au moins cinq étages plus bas avant de laisser échapper un soupir tremblant et de se diriger vers sa porte.

Sa porte devant laquelle se tenait Michael Scofield, les muscles tendus, l'expression sonnée, et le regard horrifié.