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Ce n'était pas difficile de le reconnaître.
Ce n'était pas difficile de reconnaître le grand gaillard qu'il était. De remarquer son sourcil gauche coupé et de noter ses légères taches de rousseur sur le haut de son nez. Ce n'était pas non plus difficile de le différencier de Kim, bien que leurs coiffures pouvaient sembler similaires au premier abord.
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Ce n'était pas non plus difficile de voir en lui une extrême douceur, et une sensibilité peu commune. Il avait beau avoir l'air effrayant, son cœur n'en était pas moins tendre.
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Quelqu'un de bien. On pourrait le qualifier comme tel.
Il était aimé.
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Reposant paisiblement dans son lit, le corps disposé de manière la plus droite possible, il faisait les plus beaux rêves qu'on pouvait souhaiter à une quelconque personne. Il ne frémissait pas, dans son sommeil profond. Il ne tremblait pas. Immobile. Parfaitement immobile.
Trop immobile.
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Sa mâchoire était légèrement relâchée, ses lèvres sèches étaient entrouvertes.
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Ses paupières laissaient voir ses iris gris, mais son regard vide ne transmettait plus aucune émotion.
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Son torse ne se soulevait pas, laissant supposer qu'il ne respirait plus.
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Ivan Bruel était mort.
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C'était un fait qui avait rapidement fait la une des médias. Information qui allait d'ailleurs être répandue au sein de l'établissement Françoise-Dupont dès la première heure de cours, par les professeurs eux-mêmes.
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Visiblement, les adultes préféraient que le drame passe par eux, plutôt que par un papier qui serait arrivé dans les pires conditions devant les élèves.
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Une claque. La nouvelle allait être une claque.
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Heureusement qu'en troisième, les élèves qui regardaient la Une se faisaient rares.
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Madame Bustier était rentrée dans la classe, dans le plus grand des calmes, suivie de près par monsieur Damoclès.
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On pouvait voir Mylène pleurer silencieusement avant même d'être entrée en classe. Elle persistait à ne rien vouloir dire, malgré sa peine apparente.
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Clairement, il y avait un problème, et ce n'était ni à Adrien, ni à Marinette qu'on devait l'apprendre.
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Le directeur ne s'installa pas derrière le bureau d'enseignant, mais posa les paumes de ses deux mains sur la table de Chloé, sans pour autant se pencher en avant.
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Ne comprenant pas ce geste, la blonde fut trop surprise pour lancer une de ses répliques amères dont elle avait le secret. Elle releva la tête, regardant le visage de cet homme qui parcourait la classe de ses yeux perçants, sourcils froncés.
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Il ne soupira pas, et lança d'une traite : 《 Ivan est mort. 》
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"Ivan Bruel est mort ? C'est une blague, n'est-ce pas ?"
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Chloé regarda le directeur, qui l'ignora. Le regard sombre, il n'avait pas l'air de plaisanter. Mais l'esprit de la jeune fille refusait toujours d'y croire. C'était quelque chose d'insensé, après tout.
Lentement, elle jeta un coup d'œil à sa droite, et vit des larmes apparaître sur les joues de Sabrina. La rousse pleurait, son visage s'était décomposé durant le minime instant de réflexion de sa voisine. La jeune fille finit par enfouir son visage dans ses mains pour le cacher.
Chloé, déstabilisée, se tourna dans l'autre sens, voyant d'autres de ses camarades hoqueter. Constatant clairement la tristesse prendre possession de leurs traits, elle se dit :
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"Ah. Ce n'est pas une blague."
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Les larmes coulèrent d'elle-même sur les joues de la fille du maire.
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L'atmosphère de la classe devint alors particulièrement pesante, entre les reniflements et les gémissements qui s'échappaient de la bouche de certains. Le directeur recula de quelques pas, pour se mettre à la hauteur de mademoiselle Bustier, espérant qu'elle, elle saurait mieux s'y prendre avec les enfants.
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Mais celle-ci ne fit rien pendant plusieurs minutes. Elle-même était touchée par la nouvelle, mais ce n'était pas pour cette raison que l'enseignante maintenait le silence.
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Les enfants avaient besoin d'assimiler, avant toute chose.
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Machinalement, ils se levèrent. Ils se levèrent, parce qu'on leur avait demandé de le faire. Pour quelle raison ? Est-ce qu'on pouvait vraiment suggérer que Marinette le savait ? Non. Ils avançaient. Ils verraient bien.
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Une fois dans la cour, Marinette prit Mylène dans ses bras pour la réconforter comme elle pouvait, alors que ses propres larmes redoublaient de violence. Sa gorge se nouait, l'empêchant de déglutir convenablement, et faisait barrière à n'importe quel son. Mais bientôt, ses poumons réclamèrent plus d'air, alors une respiration saccadée prit possession de son corps. La bleutée ne pouvait plus se contenir. Pas en étant témoin du regard désespéré de Mylène, qui ne faisait que répéter une même question :
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"Pourquoi ?"
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Un nouveau sanglot éclata.
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Ses camarades n'étaient pas dans un meilleur état. Dans les bras de Nino, Alya pleurait de tout son saoul, déversant sa tristesse sans aucune retenue. Le métis ne se retenait d'ailleurs pas plus qu'elle, sentant que bientôt, il aurait besoin de mouchoirs s'il voulait éviter de dégueulasser les cheveux de la rousse.
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Kim, de dos, simplement retourné, ne montrait pas son visage. Bien que régulièrement, ses bras se relevaient pour essuyer. Juste essuyer. N'allez pas imaginer qu'il pleurait.
...
Il pleurait comme un gosse.
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On pourrait passer une éternité à observer un par un les élèves, présentant à leur façon la peine que leur causait la perte d'un camarade de classe. Dientre. D'un ami.
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Et puis il leur fallut à nouveau avancer. Alors on avança. Vers où ? Personne n'y faisait réellement attention.
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Tout droit. On traverse. Attention aux voitures. Gauche. On descend.
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On descend ? Oui, on descend.
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Sous une espèce de pont, mademoiselle Bustier invita les élèves à s'asseoir. Elle leur faisait volontairement manquer les cours, c'était son choix. En même temps, quel professeur sensé continuerait à donner des leçons avec une classe dans un pareil état ?
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C'était donc sur un sol en dalle – dont la propreté était loin d'être assurée – que le petit groupe se posa. Ironiquement, ils avaient instinctivement pris une disposition similaire à celle de leur salle de classe.
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Silencieux comme ils ne l'avaient jamais été, ils attendaient tous de savoir ce qu'ils faisaient là.
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Adrien n'en avait aucune idée, et pour être honnête, il s'en fichait. Il ne voulait pas rester là. Il se sentait mal, beaucoup trop mal. Mais il devait jouer le collégien lambda. Il ne pouvait pas fuir.
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《 Une bien triste nouvelle vous a été annoncée, et je tenais à vous faire partager mon chagrin. 》commença mademoiselle Bustier, hésitante.
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Elle devait bien choisir ses mots, maintenant qu'elle avait demandé l'attention des élèves, et s'efforcer d'incarner leur futur soutien.
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《 Il est nécessaire de passer ce moment difficile ensemble. Et de mettre au clair les choses ensemble. 》
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"Je ne veux pas être ici."
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《 Nous devons nous soutenir, et nous serrer les coudes. 》
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"Je peux être plus utile ailleurs."
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《 Et si je vous ai amenés ici, c'est pour que nous puissions discuter librement, à l'abri des regards. 》
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Le blond serra les poings sur ses genoux, se fichant bien d'enfoncer ses ongles dans sa peau. Il pourrait en saigner, Adrien se dirait "tant mieux". Son cœur tambourinait dans sa poitrine, l'avertissant qu'il allait bientôt succomber à la colère ou à la tristesse, au choix.
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《 Il y a des choses qu'on cherchera certainement à vous cacher, mais ce serait odieux de vous préserver de la réalité. 》
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Une voix dans le crâne d'Adrien résonnait, répétant inlassablement la même chose. Un même vœu qu'il avait vitalement besoin de voir réaliser.
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"Taisez-vous."
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Tout simplement.
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Mais le garçon ne pouvait rien faire. Au fond de lui, il savait que leur professeur avait raison. Alors Adrien ferma ses paupières de toutes ses forces, comme si cela allait l'aider à surmonter la vérité. Les sécrétions de ses glandes lacrymales se frayèrent un chemin à travers les plis de sa peau, se libérant en gouttelettes salées pour ensuite perler sur ses vêtements.
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Mademoiselle Bustier s'encouragea intérieurement à prononcer la phrase qui allait suivre, qui allait sans doute les bouleverser :
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《 Nous ignorons encore de quelle manière Ivan est décédé. 》
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Ce fut une Marinette dépitée qui rentra chez elle d'un pas lourd. Ses yeux étaient rougis par la difficile journée qu'ils venaient de vivre, "ensemble".
La jeune fille était vide de toute énergie, ayant peu mangé le midi même, et perdu l'envie de croquer dans un croissant pour le goûter. Ces dernières heures avaient été les plus pénibles qu'elle avait passées de sa vie, elle en était certaine. Ou alors, elle était complètement aveuglée par ses émotions pour se souvenir de "pire".
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La jeune fille n'avait aucune envie de passer par la boulangerie pour croiser ses parents, mais en même temps, si elle faisait un détour, on allait la voir à travers la vitre du présentoir.
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Alors elle n'avait pas le choix.
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《 Marinette ! s'écrièrent ses parents lorsqu'elle franchit le pas de la porte. Tu vas bien ? 》
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Quelle question ironique. Ils voyaient très bien que "non, ça ne va pas". Cependant, ils entourèrent leur chère fille unique de leurs bras pour lui transmettre tout l'amour dont ils étaient capables.
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《 Nous avons appris ce qui est arrivé à ton camarade, commença son père, avant de l'étreindre à nouveau. Ça va aller, ma puce.
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— Nous sommes là pour toi, alors n'hésite pas à nous en parler, Marinette, ajouta Sabine. Il faut parler pour évacuer, tu comprends ? 》
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Mais les yeux de Marinette restèrent sans étincelles. Son corps appréciait bien évidemment toutes les marques d'affection qu'on lui offrait, mais la jeune fille ne devait pas se laisser emporter par toute cette tendresse.
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《 Je me sens juste fatiguée, papa, maman. 》
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Elle devait résister, car autrement, ses parents n'allaient pas la lâcher ce soir.
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Après les avoir rassurés grâce aux doux mots qu'elle pouvait leur porter, elle les avait bernés. Avait-elle progressé dans l'art du mensonge ? Sûrement. Ou alors, la situation l'exigeait.
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Tikki sortit immédiatement de la sacoche, une fois que la trappe fut refermée. Elle n'avait pas pu voir le visage de sa porteuse de la journée, et la kwami était forcée de constater que la demoiselle avait bien moins bonne mine que le matin même.
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《 Marinette… dit la petite créature de sa voix flûtée. Comment te sens-tu ? 》
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La jeune fille ignora d'abord la question en montant l'échelle pour se laisser tomber dans son lit.
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《 Épuisée. Horriblement épuisée, Tikki. 》
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Mais elles savaient toutes les deux qu'il n'y avait pas de place pour les lamentations, ce soir.
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《 Quelle heure est-il ? demanda la bleutée, les paupières closes.
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— Bientôt l'heure d'y aller, Marinette, soupira sa camarade à antenne. J'en suis désolée. 》
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Évidemment, qu'espérait-elle ?
La seule chose positive étant qu'au moins, elle pourrait parler librement avec son coéquipier, et que peut-être, ensemble, ils comprendront ce qu'il s'est produit la nuit dernière.
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《 Chat Noir, appela la coccinelle en observant une silhouette en costume de cuir l'approcher.
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— Ma Lady. 》 répondit le garçon dans une légère courbette.
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Les salutations furent bien solennelles, ce soir. Aucun des deux héros n'avait le cœur en fête, à vrai dire, et le froid qui les entourait jouait en cette faveur.
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Mais ils étaient là pour parler, alors où commencer ?
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Ils avaient eu affaire à un akumatisé des plus courants, hier soir. Une simple victime du Papillon durant un concert de métal. Un vendeur de goodies, paraît-il, et quelques insultes lancées en l'air avaient suffi pour que le porteur de la broche soumette sa victime à ses désirs.
Cet homme, renommé le Flashyli, possédait un plumeau lumineux dont les fibres s'étendaient à l'infini, qu'il utilisait comme martinet pour détruire ce qui traînait sur son passage.
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C'était ainsi que les lieux avaient fini dévastés, et que Chat Noir avait mis fin au combat par un corps à corps alors que Ladybug se tenait le ventre en faisant mine d'être blessée pour préparer son piège.
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Tout s'était parfaitement bien déroulé. Le plan de la super-héroïne leur avait permis de désarmer Flashyli, et de le maîtriser. Ses lunettes portant le symbole des "Zombies de la mort" furent brisées.
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《 Et là, tu as lancé ton Lucky Charm, raconta Chat Noir, en s'entremêlant les doigts. Tout était bien qui finissait bien, comme d'habitude…
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— Mais on a vu le corps d'Ivan. 》
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Rien qu'en prononçant cette phrase, Ladybug sentit qu'elle allait de nouveau craquer. Se souvenant de l'affreux spectacle du corps étendu au sol, immobile. Le garçon reposait sur le dos et…
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La main de Chat Noir joua à cet instant un rôle des plus importants en se posant sur l'épaule de la bleutée pour lui permettre de maîtriser le flux de souvenirs qui refaisait surface.
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Ils s'assirent lentement, face à face, mais évitant soigneusement de croiser le regard de l'autre.
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《 Tu te souviens de quoi, après ? demanda la jeune fille, avant de souffler dans ses mains pour se réchauffer les doigts.
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— Pas grand-chose. Il ne respirait déjà plus quand on l'a retrouvé. Il est mort pendant le combat, ou avant.
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— Ce serait… Étonnant que personne ne l'ait remarqué. 》
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Mais non. Non Ladybug, ce n'est pas si étonnant.
En plein concert, au milieu d'une foule, personne ne prêterait attention à une personne qui s'effondrerait. Après tout, ce genre de situation était plutôt courante, n'est-ce pas ? Un homme qui abuse trop de cette molécule qui vous retourne si facilement le cerveau, et "Boum".
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Alors tombe. Évanouis-toi. Et relève-toi plus tard.
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Ne gâche pas notre soirée.
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Mais Ivan, ce n'est pas son cas. Il était beaucoup trop sage pour enfreindre les règles comme "alcool interdit aux moins de dix-huit ans". Le coma éthylique était inenvisageable.
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《 Bon sang… lâcha la bleutée en enfouissant son visage dans le creux que formaient ses jambes regroupées contre sa poitrine. Qu'est-ce qui lui est arrivé, Chat ? 》
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L'alter ego d'Adrien ne pouvait rien répondre à cela. Elle le savait, et avait posé cette question sans but.
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Machinalement, le garçon frotta ses mains l'une contre l'autre, cherchant à produire un peu de chaleur, tout en activant son cerveau. Les médias n'avaient pas plus d'informations qu'eux, visiblement. Le décès de leur ami était entouré d'un véritable mystère. C'était insupportable, pour eux. Eux deux.
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《 Chat Noir.
— Ladybug. 》
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Ce bref échange parfaitement synchronisé les fit rire pendant quelques instants, mais rapidement, le blondinet invita sa coccinelle à commencer.
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《 Tu vois, ce garçon, c'est le premier akumatisé qu'on a combattu. À deux reprises, même, alors…
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— Alors tu voudrais en savoir plus ? demanda le garçon en grattant l'arrière de son crâne.
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— Exactement, Chat. Je veux savoir ce qu'il s'est passé. Je veux comprendre. 》affirma-t-elle en serrant les poings.
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C'était bien sa partenaire qui parlait là. Cela ne l'étonnait pas qu'elle demande à connaître la vérité. Et puis de toute manière, il était d'accord avec elle, bien que ça implique de se lancer sur une terre inconnue.
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《 Je suis avec toi, Ladybug, dit-il en se penchant en arrière, soutenu par ses bras, paumes à plat. J'ai comme l'impression qu'il y a quelque chose qui nous échappe, d'anormal.
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— Quelque chose qui nous est caché. 》
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Qui leur était inconnu, dans cet univers fantastique. Que cela pouvait-il bien être ? Avec quel genre de réponse les héros allaient-ils être confrontés ? Ils n'en savaient rien. Pas même si le Papillon avait un rôle à tenir dans ce bourgeon d'histoire.
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Ils ne savaient rien mais ils seraient deux.
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《 Tu sais quoi, Chat ? fit la bleutée après un long silence. On devrait jouer de nos positions. 》
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Légèrement surpris, le garçon prit quelques instants pour comprendre.
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《 Tu veux dire… Pour avoir des infos ? 》
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La jeune fille acquiesça.
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Ce n'était pas une mauvaise idée après tout. Elle était même plutôt bonne, en fait.
Surtout qu'en temps que héros de Paris, il était difficile de leur refuser quoi que ce soit, s'ils s'en donnaient les moyens.
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《 Je suis avec toi, ma Lady. 》 dit-il en un souffle, une nouvelle fois, en laissant un peu de buée s'échapper.
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Elle sourit.
La coccinelle savait qu'elle pouvait compter sur son compagnon, mais l'entendre le dire était toujours aussi agréable. Elle se leva pour s'étirer un peu, avant de tendre sa main à son partenaire afin de lui donner un coup de patte pour se relever.
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《 Tu es dispo demain soir, pour passer au commissariat ? demanda-t-elle. Je pense qu'on devrait commencer les négociations avec le brigadier Roger.
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— Demain soir ? répéta le garçon. Demain soir… 》
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L'alter ego d'Adrien serra les poings.
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《 Demain soir, je suis pris. Désolé ma Lady. 》 annonça-t-il lourdement, regrettant déjà ses paroles.
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Il avait à faire. Il ne pouvait pas annuler.
Ou plutôt, il ne voulait pas annuler.
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Ladybug passa pensivement ses doigts sous son menton :
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《 Je vois… Hm… On pourra toujours se contacter. 》
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Le blondinet hocha lentement la tête, pesant le pour et le contre de sa décision alors qu'il venait pourtant de donner une réponse claire.
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À partir de là, les deux héros de Paris n'avaient plus rien à se dire, et ce n'était pas la soirée glaciale qui enveloppait la capitale qui allait les inciter à traîner.
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Ils se souhaitèrent donc de passer une bonne nuit, avant de se quitter.
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Chat Noir rentra chez lui en se disait qu'il abusait, un peu. Qu'il repoussait ses responsabilités pour une soirée familiale. Pour son plaisir personnel.
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Le froid avait décidé de séjourner un peu plus longtemps dans ville.
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Une Marinette habillée plus chaudement qu'à l'accoutumée s'était présentée en salle de classe. Son long manteau noir sur les épaules, elle le retira rapidement en sentant la chaleur humaine que dégageait la pièce.
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Elle avait beau être arrivée avec une dizaine de minutes d'avance, elle était forcée de constater que ses autres camarades avaient fait de même. Et pour seule raison : une nuit en absence du marchand de sable.
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Un mince sourire au visage, Alya accueillit sa meilleure amie tandis qu'elle saluait à distance les autres élèves. La jeune fille n'avait pas spécialement envie de discuter avec ses camarades. Elle n'en avait ni le moral, ni la force, ayant passé sa nuit à retourner ses souvenirs dans tous les sens.
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Cependant, en inspectant un peu plus la salle de classe, elle constata rapidement qu'une photo avait été accrochée à droite du tableau, sur le mur blanc, représentant Ivan.
Ivan, tranquillement assis, souriait gentiment à l'objectif, de toutes ses dents.
Le cœur de la jeune fille se resserra, lui rappelant une énième fois la douleur de ce monde où certaines choses ne pouvaient être réparées.
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Elle se doutait bien de l'identité de la personne qui avait posé cette image imprimée en format A4, et cela ne la dérangeait franchement pas.
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La jeune fille s'assit donc comme si de rien n'était, et se força à s'intéresser aux recherches non fructueuses de son amie rousse.
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C'était rageant, pour elle, de se retrouver là, parmi ces autres personnes "impuissantes". Elle pourrait tellement faire plus, avec Chat. Enquêter par eux-mêmes, par exemple.
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Mais cela nécessiterait de sécher les cours, et de justifier les longues absences auprès de leurs proches.
Plus que jamais, elle se sentait emprisonnée dans cette peau de collégienne qui ne lui convenait pas. Elle se sentait faible, démunie. Ladybug était clouée au sol par les chaînes de son quotidien.
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Et cette situation perdura toute la journée, journée passée à voir ses amis se poser des questions inutiles. Les voir pleurer. Geindre. Et plus encore.
En fait, les voir tout simplement lui devenait peu à peu insupportable.
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Jamais elle n'avait pensé que l'humain pouvait agir aussi déplorablement, et paraître sans aucune vie.
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Étonnant.
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Vers la fin de la journée, Marinette serra les poings. Elle avait une décision à prendre.
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Dans le manoir des Agreste, Adrien et son père étaient tous deux installés dans la salle à manger, sur cette table disproportionnée qui les séparait inutilement de plusieurs mètres.
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Le blondinet coupait sa viande, pensivement, et son géniteur le lui fit remarquer.
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《 Ce n'est rien, père s'empressa de le rassurer le garçon. C'est juste... Ivan, vous voyez ?
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— Oui, je vois très bien, Adrien. 》 répondit l'homme.
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C'était exactement pour cette raison qu'il avait décidé de partager ce repas avec son fils, d'ailleurs. Pour essayer de le soutenir dans ce drame dont il était incapable de mesurer les impacts.
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Ce geste avait d'abord été proposé par Nathalie, et Gabriel avait étonnamment vite accepté. Il ne tolérerait pas que son enfant se renferme sur lui-même pour ces raisons.
Il avait pourtant prévenu Adrien, que le monde extérieur était beaucoup dangereux pour son cœur sensible.
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Le célèbre styliste porta sa main à sa bouche pour toussoter :
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《 J'ai entendu dire qu'il y avait une réunion parents-professeurs, vendredi soir. 》
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Son fils le confirma d'un mouvement de tête.
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《 Et bien je voulais te prévenir que je n'y serai p-.
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— Je le sais, père. 》répondit un peu trop rapidement le blond au goût de son géniteur.
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Après tout, Adrien n'était pas d'humeur pour ménager son cher paternel.
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《 Très bien, dans ce cas. 》
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Un nouveau silence pesant prit place dans la salle. Ils avaient tellement peu l'habitude d'interagir ensemble qu'une multitude de questions se posaient avant d'oser prendre la parole, mettant la confiance des deux hommes en péril.
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À ce moment précis, Adrien eut une idée qui pouvait relever du génie dans cette famille d'asociaux :
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《 Père ? Et si nous regardions les informations ? 》
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L'homme regarda assez surpris son fils, qui semblait pétiller de joie en pensant que regarder la télévision en mangeant, en compagnie de son père, fera de ce jour le plus beau de sa vie.
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Le petit innocent.
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La minute qui suivit, Nathalie ramena un écran dans la pièce et le plaça de façon à ce que les Agreste puissent le voir.
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Avec un peu plus d'entrain, Adrien planta sa fourchette dans ses haricots, tout en regardant l'assistante brancher quelques câbles, avant de mettre la TVI.
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Directement, le visage de madame Chamack en compagnie de son cher collègue, Alec, firt apparition à l'écran.
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《 Et tout de suite, parlons de-. 》
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Adrien devait avouer qu'il s'en fichait un peu de ce qu'il pouvait bien se passer avec le maire Bourgeois. Mais il écoutait, faisant mine d'être aussi attentif que son père.
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Ce dernier appréhendait bien le contenu de l'émission, craignant que des passages consacrés au décès du camarade de son fils soient diffusés. Mais le blond ne semblait pas y avoir pensé, alors au besoin, il demandera à Nathalie de changer de chaîne.
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《 Maintenant, passons aux invités du jour… 》
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Ladybug apparut sur le plateau.
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Ladybug.
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Sans plaisanter.
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Adrien lâcha sa fourchette, qu'il était sur le point de mettre en bouche, alors que son père, tout aussi choqué, s'était presque levé de son siège.
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De sa silhouette rouge à pois noirs, la super-héroïne se déplaçait sur le plateau, un franc sourire aux lèvres.
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L'alter ego du Chat Noir mit quelques instants à remarquer que sa Lady n'était pas seule, mais accompagnée du brigadier, Roger.
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《 Bonsoir mesdames et messieurs, commença l'homme en question. Je vous rassure, il n'y a rien de grave. Notre intervention ne durera que quelques instants. 》
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Ladybug se plaça aux côtés du policier, afin de faire une petite intervention :
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《 Je tiens à remercier les responsables de la chaîne pour nous avoir accordé quelques instants de passage en direct, totalement à l'improviste. 》
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La demoiselle ouvrit les bras pour montrer qu'elle laissait à présent totalement la parole à Roger.
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Fièrement, monsieur Raincomprix mit ses mains dans son dos et fit démonstration de sa droiture :
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《 Je vais être clair et bref ce soir. 》
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De l'autre côté de l'écran, le blond avala sa salive, ayant une petite idée de ce qui allait être dit.
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《 Ladybug et Chat Noir ont, à partir de maintenant, tous les droits d'enquêter au côté de la police scientifique concernant la mort du dénommé Bruel Ivan, durant la dernière akumatisation. 》
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À partir de là, tout était clair pour les Parisiens.
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Impatiente comme elle était, cela lui ressemblait bien, pensa Adrien, au fond de lui.
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Dans sa peau de super-héros, il recevra un message de sa Lady le soir même, lui donnant rendez-vous le samedi matin à la Salpêtrière.
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