« À cause du clou, le fer fut perdu.
À cause du fer, le cheval fut perdu.
À cause du cheval, le cavalier fut perdu.
À cause du cavalier, le message fut perdu.
À cause du message, la bataille fut perdue.
À cause de la bataille, la guerre fut perdue.
À cause de la guerre, la liberté fut perdue.
Tout cela pour un simple clou. »

Benjamin Franklin.

Disclaimer : Je ne suis pas propriétaire des personnages.

Rating : T.

Statut : Complète

Rythme : 1/jour.


Un hurlement strident déchira la nuit tandis que des exclamations singulières de dépit, de tristesse et de morosité s'élevaient dans les airs à l'endroit exact où presque un an auparavant Dumbledore avait été tué.

Le chaos était partout.

Où qu'on puisse regarder, des ruines, des gravas, des corps jonchaient le sol toujours plus noir sous l'absence de lune.

Cela n'avait duré que quelques heures, mais l'éternité était désormais aux portes de l'école de sorcellerie Poudlard.

Lorsqu'elle vit l'éclair vert frapper le buste de son ami, Hermione resta pantoise de choc.

La jeune femme en retrait, pour l'instant invisible dans ce moment de répit n'était là que par le fruit du hasard, voulant honorer l'instruction que Ron lui avait donné, pour aider à secourir les gens, essayer de ne pas suivre Harry dans la forêt afin qu'il soit mis face à son destin.

Eux devaient survivre.

Du moins, elle le pensait.

Lorsqu'elle avait vu le groupe de mangemorts au loin, investir la cour du château, son premier réflexe fut de se mettre à l'abri sous une alcôve semblant avoir été épargnée des dégâts.

Pour combien de temps seulement ?

Rapidement, comprenant cette trêve et le ton passif des lieutenants du Seigneur des Ténèbres, tous s'étaient vaillamment précipité à l'extérieur.

Tous bien mal en point.

Et Harry était dans les bras de Hagrid.

Inerte.

Le demi-géant aussi semblait mort, du moins à l'intérieur.

Une larme libre roula sur la joue de la sorcière, témoin de ce spectacle abominable.

Elle et Ron s'étaient préparés ça, même si au fond, une infime poussière d'étincelle d'espoir brillait encore pour qu'il se relève.

Pour qu'il se relève.

Mais jamais il ne se releva.

Et Ron tomba.

Face à Voldemort.

Le courage du Gryffondor, sa fierté, sa passion s'échouèrent aux pieds du Seigneur des Ténèbres qui fut plus rapide à déjouer un sort hasardeux. La punition tomba immédiatement, sans autre forme de procès.

Le garçon était tombé face contre terre, sur les gravillons, emportant avec lui, son impulsivité enterrant avec elle les minces chances de survie qu'ils avaient tous.

C'était Molly qui avait hurlé.

Ce soir, par deux fois, on lui avait volé un fils.

Les yeux brouillés de larmes muettes, Hermione perdit le fil.

La douleur dans sa poitrine était bien trop forte à supporter, autour d'elle, les sons, les moqueries, les cris, les pleurs n'étaient rien d'autre qu'un bruit strident, diffus, des acouphènes.

Un frémissement, le sillon de la mort s'approchait. C'était la fin.

Le ciel se para de vert, d'éclairs.

Elle ferma les yeux, se contentant d'attendre sa destinée avec acceptation.

Elle ferma les yeux, refusant de voir tomber ses amis les uns après les autres.

Silencieuse, elle s'avança, s'armant du courage qui n'avait jamais faillit.

Cette nuit, elle devait mourir.

Puis elle tomba en avant contre... Du gazon ?

Avec un halètement de surprise, elle ouvrit les yeux, les frotta avec vigueur et se rendit compte que le décor avait changé.

De peur et d'appréhension, elle se tourna vers l'horizon essayant de voir dans quelle folie encore elle s'était embarqué.

Elle vit au loin le château happé par un léger brouillard accentuant les couleurs lumineuses des sorts fusant.

-" Levez-vous !" Ordonna une voix masculine derrière elle.

Son courage battit en retraite et alors elle rampa quelques pouces, avant de se recroqueviller de terreur.

Elle était au portail du domaine, bien loin de toute l'agitation qui avait lieu à ce moment-même quelques kilomètres plus loin.

Malgré l'ombre, elle discerna une silhouette la surplombant.

-" Ils seront bientôt là, si j'étais vous, je me dépêcherais." Réitéra-t-il.

Malgré ses craintes, Hermione déglutit et rassembla le peu de courage qu'elle avait.

Elle se leva et fit face à la forme, baguette pointée vers le trou de son capuchon.

-" Qu'est-ce que vous me voulez ?" Cracha-t-elle véhémente.

-" Vous voulez vivre ?" Demanda-t-il avec tout le détachement du monde.

Elle ne trouva pas la réponse, ni en elle, ni sur ses lèvres.

-" Rendez-nous service à tous les deux et prenez une décision... Rapidement !" Dit-il un brin irrité.

De l'immense cape, une main en surgit, une main qui se voulait secourable.

Hermione cligna successivement des yeux, cherchant une analyse.

Qu'avait-elle à perdre de plus ?

-" Qu'est-ce qui me dit que je peux vous faire confiance ?" Questionna-t-elle, comme s'il lui restait une échappatoire, un espoir.

-" Rien... Mais si vous voulez vivre, alors suivez-moi."

D'un geste lent et apeurée, elle se mit droite face à l'homme encapuchonné, peut-être le dernier geste de fierté dédaigneuse qu'elle pourrait accomplir de toute sa vie. Si elle devait mourir, alors ce serait avec dignité, même si peut-être, il y avait une infime chance que celui dont elle ne voyait pas le visage, pouvait être un véritable secours.

Sans attendre plus et sentant les sbires de Voldemort patrouiller tout autour, son seul geste fut de prendre cette main.

Une nouvelle fois, le décor vrilla.

La nausée.

Ce tourbillon infâme qui ce soir lui retournait l'estomac.

Elle tomba face contre terre de la même manière que Ron quelques minutes auparavant.

Pourtant, elle avait l'air en vie.

La douleur dans son torse ne s'était pas fanée, ravivée par cette cabriole qui lui coûterait très certainement un bleu ou deux.

C'était un tribut léger par rapport à ce qui l'aurait très probablement attendue à Poudlard.

Mais elle savait qu'elle était loin de pouvoir crier victoire.

Une main dans son dos la hissa jusqu'à ce qu'elle se remette en scelle, tanguant.

Son regard cligna plusieurs fois, jusqu'à faire le point, trouvant sous elle le trottoir mal éclairé d'une ruelle dont les murs autour semblaient tellement proches qu'elle crût faire une crise de claustrophobie.

Un lampadaire électrique accroché au mur d'un des bâtiments indiquait l'origine moldue du lieu.

Devant elle et sans même avoir accordé un regard en arrière, la silhouette continuait son chemin.

-" Bougez-vous !"

Les émotions, la peur, le manque de tout, tout à coup, elle sentit le malaise arriver.

Malaise qui força sa bouche.

Sans avoir reconnu le moindre signe précurseur, elle vomit.

De nouveau, son mince corps fut projeté vers l'avant comme réflexe, agenouillée au sol comme une fille qui sortait de boîte de nuit après une nuit bien arrosée.

Pourtant, elle n'avait rien d'autre dans l'estomac que ce qu'Aberforth avait bien voulu leur donner. Un peu de pain et de l'eau.

L'homme en noir s'arrêta et rebroussa chemin de quelques pas.

Honteusement, la jeune femme réussit à faire un seul geste de sa main afin de lui signifier de ne pas approcher davantage.

Lorsqu'elle eut terminé de rendre son dernier "repas", elle se leva, frottant sa bouche sanguinolente du revers de sa manche qui était dans un état lamentable.

À vrai dire, tous ses vêtements se trouvaient maculés de boue, de graviers, de poussière et de sang.

Maintenant d'un peu de bile.

Puis curieusement, comme si rien n'était arrivé, elle se remit en marche et rejoignit la cape noire.

Sans un mot, les sanglots écrasés par l'adrénaline, elle suivit jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent face à un vis-à-vis qui ne payait pas de mine.

La seule chose qui dépassa de l'habit de l'inconnu n'était rien d'autre qu'une baguette noire, droite, inflexible.

Elle tournoya dans plusieurs sens, défaisant des sortilèges non-verbaux et bout d'un temps interminable montrant une protection accrue de ce qui semblait être un lieu de vie, la serrure de la porte s'ouvrit enfin.

Il ne l'invita pas à entrer directement, juste laissant cette lourde porte délabrée ouverte à sa suite, demandant implicitement de s'y engouffrer.

Avec toute la réticence du monde, Hermione finit par accepter non sans avoir jeté un coup d'œil aux alentours.

Lorsqu'elle pénétra les lieux, le parquet grinça atrocement fort.

Sans curiosité, elle déchiffra la situation.

Elle était dans une maisonnette en bien mauvais état de conservation.

Il y avait des installations électriques.

La première pièce était un salon miteux avec des meubles anciens, des meubles qui lui rappelaient pourtant des souvenirs heureux de tous les déjeuners dominicaux chez ses grand-parents maternels.

Un sofa en cuir délavé, arraché en certains points trônait au milieu devant une table basse branlante recouverte d'un napperon en dentelle jaunie. Sur le mur face à ce canapé, il y avait une trace plus claire dans la tapisserie, quelque chose qui aurait vaguement la forme d'un vieux poste de télé, tapisserie, aussi passablement jaunie.

Et cette odeur de tabac froid qui brûlait le nez à peine l'entrée passée.

Son ravisseur n'était pas ici, elle l'entendait fouiller, monter des escaliers, faire un boucan infernal.

Sa tête tournait, sentant l'envie de se fondre dans ce sofa interdit. Tant qu'elle n'aurait pas le fin mot de l'histoire, il était hors de question qu'elle s'effondre, qu'elle baisse sa garde.

Elle devina qu'il était à l'étage, mesurant la distance de sa voix, l'entendant hurler, avoir une conversation des plus passionnée avec un interlocuteur mystérieux dont elle ne perçut quasiment rien.

Lorsqu'il redescendit, de très longues minutes ensuite, Hermione était adossée à un mur, prête à tomber dans les pommes.

Elle le fixa, entre méfiance et attente, ne sachant quelle attitude adopter.

Et là, il fit tomber le capuchon.

La sorcière blêmit.

La terre était bien basse.

Ce fut comme si tout le poids du monde tombait une fois encore sur ses frêles épaules, comme si elle allait s'écrouler de chagrin, de colère.

-" Vous !" Grogna-t-elle les dents dénudées.

Il ne fit pas un geste.

Elle s'avança, d'une rage incommensurable et plantée devant lui, elle commença chercher à lui asséner une flopée de coups qu'il encaissa.

Elle n'avait plus que la force d'un oisillon.

-" Tout ça, c'est votre faute !" Hurla-t-elle dans un sanglot épique.

Il ne dit rien et attendit.

Attendit.

Attendit qu'elle se calme.

Du moins au final, elle s'écroula de fatigue contre le parquet rongé par les termites.

À genoux, elle pleurait toutes les larmes de son pauvre corps décharné, secouée par d'impressionnants spasmes.

Au bout d'un long moment, elle releva son menton avec dédain et osa planter son regard dans le sien, inexpressif.

-" Qu'allez-vous faire de moi à présent ?" Osa-t-elle avec toute l'amertume et la souffrance qu'elle ne pouvait cacher.

-" Cela ne dépend que de vous, vous êtes libre de faire ce que bon vous semble, je ne vous retiendrai pas. Par contre si vous décidez maintenant de quitter les lieux, il faut prendre en mesure tous les changements qui sont en train de s'opérer... Ici, vous êtes en sécurité si j'ose dire." Raconta-t-il avec une voix factuelle et menaçante.

-" Vous pensez que je vais vous croire ? Après ce que vous avez fait à Dum..."

Il la coupa.

-" Rien ne vous force à me croire !" Beugla-t-il.

-" Je préfère retourner au Square Grimmaurd !"

Elle tenta de se lever, mais trébucha sur ses chevilles. Même si son corps était maigre, elle n'avait plus la force de bouger, même si la volonté demeurait inoxidée.

-" À l'heure actuelle, l'Ordre est vaincu ou disséminé. Regardez la vérité en face Miss Granger... Seuls les plus lâches survivent."

Les cils d'Hermione se chargèrent de nouvelles larmes et alors elle tenta de formuler quelque chose malgré la douleur de cette boule qui grossissait dans sa gorge.

-" Allez... Vous faire... Foutre."

-" Comme je l'ai dit, la porte est ouverte... À vous de voir. Vu votre état, je doute que vous alliez bien loin. Soit vous vous ferez rafler dans un futur très proche, soit on vous ramassera par les secours sociaux qui penseront que vous êtes une camée paumée et vous irez tout droit dans un centre pour sans-abris, soit vous tomberez raide morte sur le trottoir en face et croyez-moi, je m'en laverai les mains sans aucun remords. C'est comme vous voulez."

Elle grimaça de douleur autant interne qu'externe.

-" Salopard."

-" M'insulter ne vous mènera à rien... En attendant, si vous daigniez rester, il faut vous soigner."

D'un geste, il désigna le sofa de son index.

Elle cligna des yeux successivement entre le fauteuil, qui même vétuste avait l'air d'un confort qu'elle avait oublié, et lui, planté devant elle, la toisant de toute sa hauteur.

Essayant de rester cohérente, elle voulait s'en aller.

Mais elle savait qu'elle ne pouvait pas.

Ses jambes ne la traîneraient pas bien loin et il avait raison, elle ne passerait pas la nuit.

Peut-être qu'il avait raison. Ici elle avait au moins un toit et qui le soupçonnerait, lui, de garder une sang-de-bourbe dans sa propre maison ?

Elle tenta de se lever, vainement.

Il se baissa à sa rencontre et avec parcimonie, il la souleva juste pour la faire tenir debout.

-" Alors ? Dîtes-moi vite que je sache si je dois m'attendre à retrouver votre cadavre demain matin près de ma porte..." S'impatienta-t-il.

-" Je ne vous ferais pas ce plaisir." Dit-elle en détournant le regard et fixant les deux mains accrochées sous ses bras.

-" Alors on va vous soigner."