Note: Bienvenue sur une mini-fiction qui comportera 3 chapitres. Un énorme merci à Lyssa7 pour son travail de bêta! C'est la toute première fois que j'écris du point de vue d'Harry donc je vous remercie de votre compréhension. Ce travail me tient à cœur puisque je travaille sur une très longue fic depuis un peu plus de trois ans, elle n'est pas prête de sortir, cela dit, je pense que c'est une bonne mise en bouche. Bonne lecture!
Harry se tenait là, le visage couvert de poussière, le cœur lourd et les mains teintées de sang. La dépouille, dans un état de saleté similaire, arborait un visage en paix. Jamais il n'avait vu l'homme si paisible, il soupçonnait d'ailleurs que personne ne l'eut jamais vu aussi serein.
Harry avait tenu à le ramener de la Cabane Hurlante à Poudlard lui-même, sans aide. Il ne savait lui-même pas comment il se sentait à son propos. Il ne l'aimait pas, pas plus que son professeur de Potions ne l'avait apprécié mais, à la vue de tout ce que Severus Rogue avait mis en œuvre pour lui, Harry pouvait et devait – ou plutôt voulait – faire quelque chose en retour.
Même s'il avait dans la bouche un goût de ''pas assez'', le ramener au château avait été l'évidence même. Il lui avait semblé que si leurs places avaient été inversées, il aurait voulu être ramené chez lui, à Poudlard, dans sa dernière maison, sans doute la seule véritable maison qu'il n'ait jamais vraiment eu.
Cependant, il manquait quelque chose. Un objet vital, capital pour un sorcier.
« Kreattur…
Il ne fallut pas longtemps à l'elfe pour apparaître en s'inclinant légèrement.
- Je n'ai pas réussi à trouver sa baguette… commença-t-il. Je ne connais pas grand-chose aux funérailles sorcières, mais je sais qu'un sorcier doit reposer avec sa baguette…
Devant le regard globuleux de l'elfe qui ne le quittait pas des yeux et hochait de la tête, il se sentait aussi idiot que gêné au fur et à mesure qu'il s'exprimait. Ou peut-être était-ce autre chose. Il ne saurait dire…
Il avait conscience de ses lacunes conséquentes en culture sorcière, surtout sur les aspects les plus traditionnels, mais jamais il ne s'était senti aussi sot qu'en cet instant, pas même lors de son premier cours de Potions.
Il apprenait lentementmais il apprenait malgré tout. Il devait cependant avouer qu'il se serait bien passé d'acquérir des connaissances dans le domaine des obsèques magiques.
Il n'y en avait pas eu pour Sirius et Andromeda tiendrait à s'occuper de celles de Tonks et Remus.
A cette pensée, la culpabilité et la tristesse le traversèrent de nouveau. Il passa nerveusement une main dans ses cheveux et demanda, mal à l'aise :
- Peux-tu retrouver la baguette du Professeur Rogue ? Je ne sais pas où elle peut être mais elle doit forcément être quelque part sur le domaine. »
Kreattur acquiesça d'un signede tête sec et se volatilisa.
Et Harry demeura devant le corps sans plus oser y toucher. A la place, il ressassa toutes les interactions qu'il avait euavec l'homme, et tenta de les analyser sous unnouvel angle – celui de la vérité - qu'il détenait à présent.
Il ne saurait dire au bout de combien de temps,une main se posa sur son épaule. Il n'avait pas besoin de se retourner pour savoir à qui elle appartenait. Ils demeurèrent là, silencieux, devant la dépouille.
« Professeur McGonagall… commença-t-il, brisant le silence. Est-ce que… hésita-t-il, peinant à trouver ses mots. Pensez-vous que tout aurait été différent, entre lui et moi, si j'avais été autrement ?
- J'avoue ne pas voir où vous voulez en venir, Potter.
Le sentiment de gêne, non, plutôt de honte à l'idée d'autant se livrer vint le frapper d'autant plus violemment.
- Je veux dire : si j'avais été une fille, si j'avais eu des cheveux roux, si j'avais été plus studieux, si je ne m'étais pas attiré autant d'ennuis, ou si encore je n'avais pas été joué au Quidditch… Si…
Harry avait besoin de savoir. Le principal concerné ne pourrait jamais plus lui répondre. Le portrait du Professeur Dumbledore resterait sans nul doute énigmatique. Harry voulait une réponse. Harry avait besoin d'une réponse. L'atroce interrogation qui lui martelait le ventre - depuis son périple pour ramener le corps – sortitenfin de sa bouche :
- Si j'avais semblé être davantage le fils de Lily plutôt que celui de James… Pensez-vous qu'il m'aurait détesté de la même manière qu'il m'a haï tout ce temps ?
L'enseignante soupira, comme si elle ne savait pas par quel bout prendre le problème. Ils étaient donc sur le même balai.
- Potter, avec autant de si, les Canons de Chudley remporteraient tous les matchs de la Coupe de la Ligue…
Ron n'aimerait pas entendre l'ironie du propos, il en était sûr. Mais lui ne pouvait pas s'empêcher d'essayer une esquisse de sourire sarcastique. Il n'y parvint pas.
- Je ne pense pas qu'il vous haïssait, repris la vieille femme alors qu'Harry se tourna de surprise vers elle. La haine, il l'a ressentie envers votre père et ses amis. Si j'en juge les souvenirs que vous avez demandé à Miss Granger de me montrer : cette haine - outre son désir de reconnaissance - l'a consumé et poussé à passer une ligne. Une frontière lui ayant fait perdre son être le plus cher, souffla-t-elle comme gênée. Je ne pense pas qu'il se soit jamais pardonné de l'avoir franchi.
Plus personne ne parla durant plusieurs minutes. Un silence teinté d'inconfort s'était installé, ou peut-être était-ce une question de pudeur. Toujours était-il qu'Harry se sentait mal à l'aise.
- Nous jouions souvent aux échecs sorciers ensemble, se souvînt-elle. Ce n'était pas une chose dont il raffolait enfant, mais il s'en est découvert un certain attrait à sa prise de poste… ou peut-être était-ce uniquement par esprit de compétition. Nous aimions organiser des tournois amicaux avec Albus et Filius.
L'image du professeur Rogue attablé en pleine partie avec sa directrice de maison, le professeur Dumbledore ou même le professeur Flitwick ne le surprit pas outre mesure. Il avait toujours pensé que l'homme en noir devait apprécier les jeux de plateau qui – complexes - nécessitaient cette maîtrise de soi-même qu'il prônait tant. Il pouvait aussi aisément se représenter les remarques acerbes que devait asséner le plus jeune du quatuor à ses adversaires Il voyait presque le professeur Dumbledore ne pas s'en familiariser, le froncement de sourcils de l'Animagus, ou bien les petits couinements amusés de l'enseignant en sortilèges.
- Nous faisions une partie tous les lundis après le déjeuner, du moins avant cette année où je lui ai condamné ma porte, confessa-t-elle la voix enrouée. Il était fin tacticien, apprenait de ses erreurs – surtout celles qui le menaient à sa perte - et veillait à ne jamais les reproduire.
Harry devait sembler bien égaré puisqu'elle s'interrompit, compatissante. Derrière ses lunettes, son regard brillait, affable. Elle l'observait de la même manière qu'elle le faisait durant ses cours dans les moments où il était complètement perdu ne comprenant rien aux explications délivrées. Harry se surprit à penser qu'elle lui avait manqué, contrairement aux devoirs qu'elle donnait à faire à tour de bras.
- Je ne pense pas qu'il vous haïssait… statua-t-elle convaincue. Vous étiez tout ce qu'il lui restait d'elle, après tout.
Il enleva ses lunettes et se massa l'arête du nez. Il se remémora instinctivement la dernière demande de l'homme… croiser ses yeux. Les yeux de sa mère.
A y réfléchir, le professeur Rogue ne se détournait-il pas uniquement de sa vue par dégoût ou rancœur pour ses similitudes physiques avec son père, mais plutôt davantage par sentiment d'échec et culpabilité par rapport à sa mère ? Il devait faire face à un regard qu'il avait tant aimé, et condamné. Peut-être que la simple vue d'Harry poussait le professeur Rogue dans ses retranchements et le mettait mal à l'aise, son attitude désagréable traduisant plus de l'inconfort que de la haine.
- Je regrette de ne pas avoir su, lâcha-t-il en remettant ses lunettes.
Pétunia ne parlait jamais de sa mère. Remus et Sirius n'avait quasiment eu que son père à la bouche. Etonnement la seule personne qui lui ait jamais révélé des choses dont il ne se doutait pas - qui donnait de la consistance à l'inconnue qu'avait été pour lui Lily Potter - était le professeur Slughorn. Pourtant, Harry aurait tellement souhaité avoir quelqu'un avec qui en parler davantage, quelqu'un pour qui Lily avait vraiment compté, quelqu'un qui la connaissait personnellement et à travers qui il aurait pu apprendreà la connaître lui aussi.
- Il aurait pu être tout ce qu'il me restait d'elle, lui-aussi. Je ne dis pas qu'on se serait apprécié au point d'aller boire ensemble des Bièraubeurres aux Trois Balais, se défendit-il, mais on aurait au moins pu partager ça. »
Sans savoir pourquoi, il se demanda si le professeur Rogue avait aimé la Bièraubeurre. A y penser, il ne parvenait pas à se l'imaginer avalant une telle boisson. Harry doutait fortement qu'il avait eu un penchant pour l'alcool, de part ce qu'il avait accidentellement entrevu de son enfance avec Tobias Rogue. Buvait-il du thé ? Le prenait-il plutôt avec du sucre, du lait ou bien les deux ? Et pour le reste de sa vie ? Que faisait-il de son temps libre ? Avait-il eu des passe-temps ? La matière de Défense contre les Forces du Mal lui tenait à cœur, alors pourquoi être devenu Maître des Potions ? Harry se surprit à se poser toutes ces questions stupides – et tant d'autres encore -mais ne pouvait les réprimer elles défilaient dans sa tête.
Jusqu'à la session d'Occlumencie où il avait entrevu des bribes de son passé, Harry ne se l'était pas vraiment représentécomme quelqu'un d'humain - doté de sentiments ou devant répondre à des besoins primaires -, mais plutôt comme un couperet de rigueur bien au-delà des préoccupations des simples mortels. Après cet incident, gêné, il avait tenté d'oublier cette impression à la mort du professeur Dumbledore il avait voulu enterrer ce souvenir car il était bien plus simple de mépriser et haïr pour avancer. Et à présent, cela lui revenait en pleine tête comme un boomerang.
Il se sentitétrangement bien plus adulte et fatigué que lorsqu'il avait fait face à son destin dans la forêt, ou bien pendant son duel face à Jedusor. Ou même durant les moments de déchirement où il avait traversé la Grande Salle, parcouru l'infirmerie passant devant des corps qui furent peu de temps avant encore - des amis pour certains, des connaissances pour d'autres – pleins de vie.
Son regard retomba inexorablement sur le cadavre
« Comment ça va se passer, maintenant ? Pour lui, je veux dire, demanda Harry au bout d'un très long moment.
Les Weasley étaient rentrés au Terrier, ramenant avec eux le corps de Fred Kingsley avait fait de même pour Remus et Tonks chez Andromeda.
D'après ce qu'il avait compris, les funérailles sorcières étaient toujours organisées le plus rapidement possible. Hermione avait expliqué que cela remontait à longtemps, que l'on brûlait les corps ou jetait la malédiction sur les tombes. Quand il avait demandé pourquoi, elle lui avait répondu que quiconque osait profaner les sépultures finissait maudit, que cela avait été instauré par peur que quelqu'un veuille transformer les défunts en Inferis.
Mais il n'y avait plus aucune raison pour que qui que ce soit veuille le faire… Alors était-ce juste par tradition, ou bien parce que la Guerre venait de s'achever et que l'on tenait à y mettre un point final aussi vite que possible pour pouvoir commencer à rebâtir ?
- On ne peut dignement pas le laisser ainsi, décréta-t-elle en désignant de la main le sang et la crasse qui ornaient la dépouille. De là où il se trouveil doit certainement déplorer l'état de sa tenue, ajouta-t-elle - avec nostalgie et amusement - sur le ton de la confidence.
Elle était dans le vrai. Bien que l'homme fût d'apparence négligé avec ses cheveux gras et sa dentition gâtée, il avait toujours mis un point d'orgue à avoir une tenue correcte. D'après la rumeur qui courait : chaque Serpentard se faisait mettre à l'amende si leurs uniformes, robes de sorciers ou même tenues civiles n'étaient pas ''convenables'' ou manifestaient trop d'extravagance. Luna aurait eu beaucoup de problèmes si elle y avait été élève, conclut ironiquement Harry.
- Je vais demander à Poppy de procéder à sa toilette mortuaire pendant que j'irai récupérer des vêtements propres dans ses quartiers. Traditionnellement, il y a ensuite la veillée, expliqua-t-elle.
- Une veillée ? demanda-t-il, incrédule.
- Oui, enfin sauf dispositions contraires. Le professeur Dumbledore avait souhaité se soustraire à cette coutume, favorisant des obsèques plus officielles. Mais si rien ne l'indique : la veillée est organisée selon les usages.
Sa dernière réponse suscitait en Harry le même sentiment d'idiotie qu'il avait ressenti auparavant. Devant son incompréhension manifeste, elle expliqua :
- Il convient que la famille du défunt veille sur lui jusqu'au dernier rituel funéraire, fusse la crémation ou mise en terre.
Jusqu'ici Harry suivait, chez les moldus le corps était présenté – si tant est qu'il soit en état pour - à la famille avant que les obsèques ne commencent. Il hocha la tête, invitant le professeur McGonagall à poursuivre.
- On place une bougie de deuil entre les mains du premier proche arrivé. La flamme s'allume seule par la force du chagrin, du manque et du regret qu'engendre la perte. En général, les proches se relaient pour veiller le défunt… la bougie passant d'intimes à intimes. C'est la puissance de leurs sentiments pour la personne qui entretient la flamme jusqu'à ce qu'elle se consume. Si elle se consume.
Harry lui jeta un regard interloqué.
- Ce n'est pas parce que les funérailles sont achevées que la flamme s'essouffle, Potter. La bougie ne s'éteint que lorsque les gens sont prêts à dire « au revoir ». Ce moment peut arriver tardivement – si ce n'est jamais – pour certaines personnes, confia-t-elle. Je connais quelqu'un dont une bougie de deuil brûle encore, alors que les funérailles de ses proches datent de presque 26 ans.
Harry s'interrogea furtivement : qui pouvait être cette personne ? Puis se ravisa devant l'étrangeté de la situation… Même s'il avait toujours apprécié son professeur de métamorphose et qu'il soupçonnait qu'elle aussi s'était attachée à lui : il était étrange d'entrer dans des versants privés de sa vie. Il se demanda ensuite si ses parents avaient eu le droit à de tels obsèques. Mais cette pensée en amena à une autre, qu'il exprima la bouche sèche :
- Est-ce qu'il avait encore de la famille ?
Le professeur McGonagall sembla réfléchir.
Harry aussi se demandait… l'homme avait bien eu des parents, cependant les souvenirs remontaient à loin. Etaient-ils seulement encore en vie ? Vu son caractère, Harry doutait qu'il ait eu des amis, il était plutôt le genre de personne à s'enfermer dans sa solitude et son amertume. Cela entraîna une nouvelle interrogation à Harry : qui viendrait le veiller ? Si seulement quelqu'un venait à le veiller, souligna son esprit avec pragmatisme.
Hermione l'avait prévenu que même si certains connaissaient la vérité et tentaient de la faire accepter : Severus Rogue demeurerait - dans les mémoires collectives - le Mangemort ayant assassiné Albus Dumbledore. Harry craint soudain l'idée que quelqu'un puisse vouloir saccager sa tombe. En un frisson, il se remémora comment Jedusor avait pillé le tombeau du professeur Dumbledore et se promit de faire en sorte que rien de la sorte n'arrive jamais à celui du professeur Rogue.
- Je ne sais pas pour son père, avec qui – je crois - il n'entretenait pas de bons rapports. Sa mère est décédée en 1983, il me semble. Il était très discret à propos de sa vie privée.
Il sembla presque grotesque à Harry qu'il eut pu en avoir une. Ne serait-ce que par l'omniprésence du fantôme de sa mère et à la culpabilité qu'il éprouvait pour elle. Cela avait dû être un fardeau trop lourd dans sa vie pour lui permettre d'aller de l'avant. Sans compter qu'Harry s'était ajouté à cette charge en arrivant à Poudlard, se dit-il en songeant à la ferveur avec laquelle le professeur Rogue l'avait protégé pour honorer la mémoire de Lily et tenter d'expier ses fautes. Il avait aussi exigé du professeur Dumbledore que personne ne le sache. Il était donc évident que le professeur Rogue n'avait personne avec qui partager ce secret, en dehors du vieux directeur.
- Personne ne va le veiller, alors ? Insista-t-il.
Ilavait pu entendre lui-même la note d'inquiétude qui avait flotté dans sa voix. Le professeur McGonagall avait le regard lointain, songeuse.
- Horace souhaitera peut-être venir : le professeur Rogue a fait partie de son petit club, fût un temps. Poppy risque d'avoir beaucoup de travail, mais peut-être fera-t-elle un saut pour la sympathie qu'elle avait pour lui quand il était enfant. Peut-être que Filius, une fois au courant des véritables motivations de Severus, voudra assister à la veillée.
Harry ne la quittait pas des yeux avec persistance. Il ne savait pas qu'elles avaient été les relations du professeur Rogue avec les personnes citées mais cela semblait plus tenir de connivence professionnelle que d'un réel intérêt, affect.
- A titre personnel : je serai là, affirma-t-elle comme si elle avait lu dans ses pensées.
Harry, comme soulagé, eut un soupir, puis hocha positivement la tête avant d'ajouter sur le même ton :
- Moi aussi. »
Note: J'espère que cela vous a plu. On va basculer vers mon projet à partir du prochain chapitre :)
