Le vingtième siècle est celui de tous les malheurs : deux guerres mondiales s'y sont succédées, sans oublier la Grande Dépression, la prohibition, tant et plus de crises sociales qui ont changé en partie notre monde. Ce siècle n'a pas vu que des choses horribles et graves, bien entendu. Le vingtième siècle m'a vu tomber amoureuse pour la première fois, devenir mère puis une habile chirurgienne, moi qui n'avais été qu'une infirmière anglaise durant la Seconde guerre mondiale.

Mais il m'a séparé de mon second amant, le père de ma fille, celui que j'ai le plus aimé et qui n'a aimé que moi. Et dire qu'il a fallu que cet idiot de Jamie Fraser me pousse à revenir ici, tout ça pour protéger notre enfant de la fureur de la guerre ! Il m'a renvoyé dans les bras d'un autre homme qui n'aime de moi que le souvenir qu'il a gardé !

Moi, Claire Randall ou Fraser, cela dépend de l'époque, ait voyagé dans le temps. Peut-être que préciser ce fait est nécessaire afin que l'on puisse comprendre mes malheurs quoique, encore faudrait-il que quelqu'un trouve ce manuscrit et que cette personne prenne la peine de lire ces quelques lignes. Quoi qu'il en soit, il faut me croire, tout ce que je dis est vrai. Ma vie a tellement été jalonnée de mensonges ou d'omissions que je préfère pouvoir au moins en un endroit révéler l'entière vérité.

Mon histoire est très complexe, mais retenez simplement qu'au vingtième siècle j'ai épousé Frank Randall et Jamie Fraser au dix-huitième. Je me rends compte de tout l'absurdité de cette phrase en la relisant ! et pourtant, il ne s'agit que de la triste réalité.

Quand j'écris ces mots, nous sommes en 1968 et je m'apprête à quitter la ville écossaise d'Inverness, là où tout a commencé, là où j'ai un jour voyagé jusqu'en 1743, où j'étais afin d'assister à l'enterrement de quelqu'un qui m'avait beaucoup aidé dans le temps. J'ai passé les vingt dernières années à me morfondre dans les bras de Frank, dans ceux d'un homme que je n'aimais plus, du moins plus comme avant.

Mon cher bel highlander… Jamie… Il avait, semblait-il, pris tout la place dans mon cœur, le divisant entre notre fille et lui-même. Qu'il est horrible de vivre une vie où l'on est séparé de son plus grand amour… Au moins me reste-il ma chère Briana, surtout depuis la mort de Frank.

Depuis ces vingt dernières années je n'ai jamais cessé de penser à ce grand roux, et bien évidemment je n'ai pu m'empêcher de me demander s'il avait retrouvé quelqu'un, s'il se remémorait parfois son souvenir.

Dans tous les cas, cela ne changera jamais rien pour moi, il est le sang de mon sang, la chair de ma chair. Nous nous appartenons l'un à l'autre, et ces deux siècles nous séparant ne veulent absolument rien dire pour moi, si ce n'est que jamais je n'aurais dû le laisser.

Je t'aime plus que tout Jamie.